Titre : L'Universel : l'Évangile c'est la liberté ! / direction H. Huchet
Auteur : Mouvement pacifique chrétien de langue française. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1904-04-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32885496v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 avril 1904 01 avril 1904
Description : 1904/04/01 (N12)-1904/04/30. 1904/04/01 (N12)-1904/04/30.
Description : Collection numérique : Fonds régional :... Collection numérique : Fonds régional : Haute-Normandie
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4565384x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-45090
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2017
à
la
Gu erre
Guerre
6 e Année. — N° 12.
MENSUEL
Oincj Centimes le Numéro
rganc du Mouvement Pacifique Chrétien
de Gangue Française
“ PAIX SUR LA TERRE !
ABONNEMENTS
France 1 Fr.
Union Postale... 2 —
RÉDACTION
DlItlKIIOY :
. ADMINISTRATION
TI. H u c h e t
Paul ALLÉGRET
Yves Le liait
M_me JJ JJxxch.et
AU HAVRE
M me Yves Le Hait
PROPAGANDE
Des abonnements OratnilS
seront servis à tous ceux
qui en feront la demande.
Pour tout ce qui concerne la RÉDACTION et l’ADMlNlSTRATION, s’adresser au Bureau de l’UNIVERSEL, 19, Place de l’Hôtel-de-Ville. — LE HAVRE
IP Congrès National de la Paix
NIMES, 7, 8, 9 et 10 Avril 1904
Extrait de l’Ordre du Jour
ACTUALITÉS
1. Rapport sur la politique extérieure de la France pendant
l’année écoulée (M. Charles Seignobos).
2. Communication de la Délégation permanente sur l’attitude
du Parti pacifique dans la question d’Alsace-Lorraine.
QUESTIONS LÉGISLATIVES ET JURIDIQUES
;j. Voeu relatif au scrupule do conscience do certains conscrits
(M. P. Allégret.)
4. L’entente internationale concernant la limitation des char
ges militaires (M. G. A. Hubbard).
5. L’allégement des charges militaires en France (M. Mkssimy).
6. Les sanctions civiles de l’arbitrage (M. Jacques Dumas).
7.. Proposition d’une formule définitive à adopter pour les
traités d arbitrage permanents de l’avenir (M. Micrignhac).
8. Uniforme commun à adopter pour les membres de la
Croix-Rouge des divers Etats (M. Duménil).
ORGANISATION ET PROPAGANDE PACIFIQUE
9. Rapport de la Délégation permanente dos Sociétés fran
çaises de la Paix (M. Spai.ikowski).
10. Organisation définitive de la Délégation permanente ;
Projet de Fédération (M. E. Arnaud).
11. Nomination des Membres de la Délégation.
12. L’action électorale du Parti do la Paix (M. Emile Arnaud).
13. L’action syndicaliste peut-elle contribuer à l'organisation
de la Paix internationale ? (M. L. Niel).
14. Livres d’histoire et livres de lectures pacifiques (M.Th.
Ruyssen).
Id. Chants nationaux et chansons pacifiques (M. Lucien
Le Foyer).
16. Projet de cartes géographiques (M. Lucien Le Foyer).
17. Organisation du service des projections lumineuses en
France (M. J. Phudhommeaux),
Frères Inférieurs
Il s’agitdes jaunes etdes noirs, et c’est—bizarre
aventure! — un de nos plus distingués et émi
nents collègues en pacifisme, M. Ch. Richet,
qui les proclame nos frères inférieurs. Le délit
a été commis dans un article paru en tète du
dernier numéro de la Revue, et qui fera — il le
mérite — quelque bruit dans le monde intellec
tuel. En voici le passage essentiel :
L’infériorité de la race jaune n’est pas seulement
prouvée par les faits de l’histoire, elle est encore
démontrée par la science.
L’espèce humaine constitue une espèce bien déli
mitée.... Nulle incertitude possible sur la limite de
l'homme et de l’animal. Cependant aux confins des
deux espèces, il se dessine comme une vague ap
parence de parenté. Les dimensions de l’angle facial,
le volume du cerveau, la structure de quelques mus
cles, l’anatomie en un mot, dont les enseignements
sont formels, établit bien ce rapprochement entre les
hommes de race noire et les singes. La ressemblance
est moindre pour les jaunes, je le sais. Pourtant ils ont
quelques caractères anatomiques qui les font ressem
bler aux singes, plus que les hommes blancs.
Qu’on s’en réjouisse ou qu’on s’en attriste, il importe
peu : c’est un fait; un fait certain devant lequel il faut
s’incliner toute réserve faite, d’ailleurs, quant aux
conclusions. Il n’y a qu’à visiter un musée d’anatomie
comparée pour en avoir la preuve, 'foutes les alléga
tions philanthropiques ne vaudront pas la pesée d’un
encéphale, le cubage d’un crâne, la mesure d’un angle
facial. Entre le singe et l’homme de race blanche, il y
a de plus grandes diflérences qu’entre le singe et
1 homme d’autres races humaines. Voilà ce que la
science a solidement prouvé.
Ainsi vous paraîtra évident que non seulement les
deux races, blanche et jaune, sont différentes, mais
encore que la supériorité de la race blanche est dé
montrée par la science comme par l’histoire, comme
par l’assentiment unanime, tacite ou avoué de tons les
blancs, voire des jaunes eux-mêmes et des nègres. Ces
hommes sont des hommes comme nous; ils sont nos
frères, cela est certain, mais nos frères inférieurs et
cela n’est pas moins certain
Le directeur de la Revue , M. Jean Pinot, ré
pond à son collaborateur ; il commence par
montrer la gravité du problème posé ;
L’éminent physiologiste m’ayant fait l’honneur de
m’adresser son travail sous forme de lettre, je m’em
presse de lui répondre.
Cette réponse lui est due, en outre, non seulement en
raison de la gravité extrême du sujet qu’il a bien
voulu soulever, mais aussi par suite de la position
spéciale qu’occupe M. Ch. Richet : président de la
Société d’ « Arbitrage entre Nations ». le brillant
savant passe à juste titre pour un des soutiens les
plus énergiques de la cause de la paix et de la frater
nité internationale. Or, si la religion de M. Richet
paraît lléchir devant le vieux problème de la gradation
des races, quelle sera alors l’attitude des autres esprits
qui n’ont ni sa hauteur de vue, ni la générosité pro
verbiale de ses sentiments ?
M. Finot examine ensuite la nature des diffé
rences physiologiques, intellectuelles et morales
qui séparent les races, combattant par les argu
ments qui lui viennent au hasard de la plume,
l’article de foi quasi-scientifique qui a jusqu’ici
parqué l’humanité en deux camps opposés : les
êtres privilégiés, et ceux qui doivent être les
victimes des premiers.
*
~~ * *
Il est juste d’ajouter que la conclusion de M.
Richet n’est pas que nous devions exploiter nos
frères inférieurs; bien au contraire, il veut que
nous fassions éclater notre supériorité par une
moralité plus haute : « Rien n’est plus méprisa
ble que de faire abus de la force, écrit-il ; et le
fait d’appartenir à une race supérieure ne cons
titue aucun droit à l’iniquité. »
Fort bien, mais qu’on y prenne garde : on
sait ce qu’a produit en pratique la théorie à
laquelle M. Richet apporte l’appui de son nom.
Toutes les barbaries et toutes les cruautés, tous
les vols et tous les mensonges qui excitent son
mépris et son indignation, ne se sont-ils pas
abrités derrière le préjugé des « races infé
rieures » ? J’ai entendu, cet hiver, dans la ville
que j’habite, deux conférences prononcées de
vant un nombreux public par des explorateurs
ou chefs de mission, dont je m’abstiendrai
d’écrire les noms : ils s’étaient promenés quel
que part en Afrique — ici encore, à quoi bon
préciser? — et racontaient leurs impressions. Le
premier, projetant sur la toile un type d’indigène
affreusement laid, au masque abruti par le vice
et l’alcool, dans une posture où l’ignoble le dis
putait au ridicule, accompagnait cette exhibition
grotesque de ces mots : « Voici un exemplaire
des habitants du pays ; je ne vous en montrerai
pas d’autres, ils sont tous pareils. Ces gens-là
ne marchent qu’à coups de matraque, et, quand
les missionnaires les «civilisent», comme ils
disent, ils les rendent simplement plus vicieux
et plus hypocrites. » L’autre racontait longue
ment une scène de cannibalisme. Je lui laisse
la parole : « Quand je sortis du camp et que
j’arrivai au milieu du poste, je ne trouvai plus
que la moitié de l’homme, le reste avait servi de
rôti. Je sentis qu’en conscience je devais faire
aux soupeurs quelques observations philanthro
piques. Ils me considéraient avec étonnement.
— Fn as-tu mangé, toi ? me demandèrent-ils. Et
puis, nous ne l’avons pas tué, il était mort. Alors,
pourquoi veux-tu que la viande se perde? —
Après tout, à leur point de vue, ils n’avaient
peut-être pas tort. »
Et voici quelque chose qui est peut-être plus
révoltant encore : vous croyez peut-être que les
7 ou 8oo frères supérieurs qui entendaient ces
récits témoignèrent par quelques discrets mur
mures de leur désapprobation ? Vous n’y êtes
pas ! Ce furent les beaux moments de la soirée ;
ces gentilles pclitcs « choses vues » les enchan
tèrent positivement, et ils le prouvèrent par
d’enthousiastes applaudissements. Ceci se pas
sait au Havre, en l’an de grâce iqo/j. C’est ainsi
que des hommes imbus de l’idée que les noirs
et les jaunes ne font pas partie au fond de la
même humanité qu’eux, manifestent en pratique
leur désir fraternel de justice à l’égard des frères
inférieurs. Ah ! comme je comprends les mis
sionnaires qui, à côté de l’amour chrétien, à
côté de l’obéissance à la volonté du Christ qui
veut que tous les hommes aient part au même
relèvement, donnent leur vie pour que les frères
inférieurs de là-bas connaissent d’autres échan
tillons des frères supérieurs d’ici que les mar
chands d’alcool, les civilisateurs à coups de
fusil, où les explorateurs cyniques dont j’ai
parlé plus haut. Ils vont les yeux fixés vers
cette vision qui est celle de l’Eglise : « La race
blanche lavant les pieds de la race noire, comme
le Fils de Dieu lavait les pieds des hommes. » (i)
C’est pourquoi je m’associe aux conclusions
de M. Finot : « Si nous étions affranchis des pré
jugés de race et de couleur, nous comprendrions
facilement que l’humanité tend partout à une
sorte d’identité du milieu ambiant. » Et je
crois qu’une des questions sur lesquelles
nous aurons à agiter l’opinion publique,
une question qui est de notre ressort, qui
s’est présentée et qui se présentera encore et
sous de multiples formes à l’étude de nos Con
grès pacifiques, est précisément celle de la fra
ternité universelle étendue à nos rapports avec
nos frères inférieurs. Paul Allégret.
1) Vers la Justice, p. 132
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Gu erre
Guerre
6 e Année. — N° 12.
MENSUEL
Oincj Centimes le Numéro
rganc du Mouvement Pacifique Chrétien
de Gangue Française
“ PAIX SUR LA TERRE !
ABONNEMENTS
France 1 Fr.
Union Postale... 2 —
RÉDACTION
DlItlKIIOY :
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TI. H u c h e t
Paul ALLÉGRET
Yves Le liait
M_me JJ JJxxch.et
AU HAVRE
M me Yves Le Hait
PROPAGANDE
Des abonnements OratnilS
seront servis à tous ceux
qui en feront la demande.
Pour tout ce qui concerne la RÉDACTION et l’ADMlNlSTRATION, s’adresser au Bureau de l’UNIVERSEL, 19, Place de l’Hôtel-de-Ville. — LE HAVRE
IP Congrès National de la Paix
NIMES, 7, 8, 9 et 10 Avril 1904
Extrait de l’Ordre du Jour
ACTUALITÉS
1. Rapport sur la politique extérieure de la France pendant
l’année écoulée (M. Charles Seignobos).
2. Communication de la Délégation permanente sur l’attitude
du Parti pacifique dans la question d’Alsace-Lorraine.
QUESTIONS LÉGISLATIVES ET JURIDIQUES
;j. Voeu relatif au scrupule do conscience do certains conscrits
(M. P. Allégret.)
4. L’entente internationale concernant la limitation des char
ges militaires (M. G. A. Hubbard).
5. L’allégement des charges militaires en France (M. Mkssimy).
6. Les sanctions civiles de l’arbitrage (M. Jacques Dumas).
7.. Proposition d’une formule définitive à adopter pour les
traités d arbitrage permanents de l’avenir (M. Micrignhac).
8. Uniforme commun à adopter pour les membres de la
Croix-Rouge des divers Etats (M. Duménil).
ORGANISATION ET PROPAGANDE PACIFIQUE
9. Rapport de la Délégation permanente dos Sociétés fran
çaises de la Paix (M. Spai.ikowski).
10. Organisation définitive de la Délégation permanente ;
Projet de Fédération (M. E. Arnaud).
11. Nomination des Membres de la Délégation.
12. L’action électorale du Parti do la Paix (M. Emile Arnaud).
13. L’action syndicaliste peut-elle contribuer à l'organisation
de la Paix internationale ? (M. L. Niel).
14. Livres d’histoire et livres de lectures pacifiques (M.Th.
Ruyssen).
Id. Chants nationaux et chansons pacifiques (M. Lucien
Le Foyer).
16. Projet de cartes géographiques (M. Lucien Le Foyer).
17. Organisation du service des projections lumineuses en
France (M. J. Phudhommeaux),
Frères Inférieurs
Il s’agitdes jaunes etdes noirs, et c’est—bizarre
aventure! — un de nos plus distingués et émi
nents collègues en pacifisme, M. Ch. Richet,
qui les proclame nos frères inférieurs. Le délit
a été commis dans un article paru en tète du
dernier numéro de la Revue, et qui fera — il le
mérite — quelque bruit dans le monde intellec
tuel. En voici le passage essentiel :
L’infériorité de la race jaune n’est pas seulement
prouvée par les faits de l’histoire, elle est encore
démontrée par la science.
L’espèce humaine constitue une espèce bien déli
mitée.... Nulle incertitude possible sur la limite de
l'homme et de l’animal. Cependant aux confins des
deux espèces, il se dessine comme une vague ap
parence de parenté. Les dimensions de l’angle facial,
le volume du cerveau, la structure de quelques mus
cles, l’anatomie en un mot, dont les enseignements
sont formels, établit bien ce rapprochement entre les
hommes de race noire et les singes. La ressemblance
est moindre pour les jaunes, je le sais. Pourtant ils ont
quelques caractères anatomiques qui les font ressem
bler aux singes, plus que les hommes blancs.
Qu’on s’en réjouisse ou qu’on s’en attriste, il importe
peu : c’est un fait; un fait certain devant lequel il faut
s’incliner toute réserve faite, d’ailleurs, quant aux
conclusions. Il n’y a qu’à visiter un musée d’anatomie
comparée pour en avoir la preuve, 'foutes les alléga
tions philanthropiques ne vaudront pas la pesée d’un
encéphale, le cubage d’un crâne, la mesure d’un angle
facial. Entre le singe et l’homme de race blanche, il y
a de plus grandes diflérences qu’entre le singe et
1 homme d’autres races humaines. Voilà ce que la
science a solidement prouvé.
Ainsi vous paraîtra évident que non seulement les
deux races, blanche et jaune, sont différentes, mais
encore que la supériorité de la race blanche est dé
montrée par la science comme par l’histoire, comme
par l’assentiment unanime, tacite ou avoué de tons les
blancs, voire des jaunes eux-mêmes et des nègres. Ces
hommes sont des hommes comme nous; ils sont nos
frères, cela est certain, mais nos frères inférieurs et
cela n’est pas moins certain
Le directeur de la Revue , M. Jean Pinot, ré
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montrer la gravité du problème posé ;
L’éminent physiologiste m’ayant fait l’honneur de
m’adresser son travail sous forme de lettre, je m’em
presse de lui répondre.
Cette réponse lui est due, en outre, non seulement en
raison de la gravité extrême du sujet qu’il a bien
voulu soulever, mais aussi par suite de la position
spéciale qu’occupe M. Ch. Richet : président de la
Société d’ « Arbitrage entre Nations ». le brillant
savant passe à juste titre pour un des soutiens les
plus énergiques de la cause de la paix et de la frater
nité internationale. Or, si la religion de M. Richet
paraît lléchir devant le vieux problème de la gradation
des races, quelle sera alors l’attitude des autres esprits
qui n’ont ni sa hauteur de vue, ni la générosité pro
verbiale de ses sentiments ?
M. Finot examine ensuite la nature des diffé
rences physiologiques, intellectuelles et morales
qui séparent les races, combattant par les argu
ments qui lui viennent au hasard de la plume,
l’article de foi quasi-scientifique qui a jusqu’ici
parqué l’humanité en deux camps opposés : les
êtres privilégiés, et ceux qui doivent être les
victimes des premiers.
*
~~ * *
Il est juste d’ajouter que la conclusion de M.
Richet n’est pas que nous devions exploiter nos
frères inférieurs; bien au contraire, il veut que
nous fassions éclater notre supériorité par une
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ble que de faire abus de la force, écrit-il ; et le
fait d’appartenir à une race supérieure ne cons
titue aucun droit à l’iniquité. »
Fort bien, mais qu’on y prenne garde : on
sait ce qu’a produit en pratique la théorie à
laquelle M. Richet apporte l’appui de son nom.
Toutes les barbaries et toutes les cruautés, tous
les vols et tous les mensonges qui excitent son
mépris et son indignation, ne se sont-ils pas
abrités derrière le préjugé des « races infé
rieures » ? J’ai entendu, cet hiver, dans la ville
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vant un nombreux public par des explorateurs
ou chefs de mission, dont je m’abstiendrai
d’écrire les noms : ils s’étaient promenés quel
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affreusement laid, au masque abruti par le vice
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grotesque de ces mots : « Voici un exemplaire
des habitants du pays ; je ne vous en montrerai
pas d’autres, ils sont tous pareils. Ces gens-là
ne marchent qu’à coups de matraque, et, quand
les missionnaires les «civilisent», comme ils
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et plus hypocrites. » L’autre racontait longue
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la parole : « Quand je sortis du camp et que
j’arrivai au milieu du poste, je ne trouvai plus
que la moitié de l’homme, le reste avait servi de
rôti. Je sentis qu’en conscience je devais faire
aux soupeurs quelques observations philanthro
piques. Ils me considéraient avec étonnement.
— Fn as-tu mangé, toi ? me demandèrent-ils. Et
puis, nous ne l’avons pas tué, il était mort. Alors,
pourquoi veux-tu que la viande se perde? —
Après tout, à leur point de vue, ils n’avaient
peut-être pas tort. »
Et voici quelque chose qui est peut-être plus
révoltant encore : vous croyez peut-être que les
7 ou 8oo frères supérieurs qui entendaient ces
récits témoignèrent par quelques discrets mur
mures de leur désapprobation ? Vous n’y êtes
pas ! Ce furent les beaux moments de la soirée ;
ces gentilles pclitcs « choses vues » les enchan
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d’enthousiastes applaudissements. Ceci se pas
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que des hommes imbus de l’idée que les noirs
et les jaunes ne font pas partie au fond de la
même humanité qu’eux, manifestent en pratique
leur désir fraternel de justice à l’égard des frères
inférieurs. Ah ! comme je comprends les mis
sionnaires qui, à côté de l’amour chrétien, à
côté de l’obéissance à la volonté du Christ qui
veut que tous les hommes aient part au même
relèvement, donnent leur vie pour que les frères
inférieurs de là-bas connaissent d’autres échan
tillons des frères supérieurs d’ici que les mar
chands d’alcool, les civilisateurs à coups de
fusil, où les explorateurs cyniques dont j’ai
parlé plus haut. Ils vont les yeux fixés vers
cette vision qui est celle de l’Eglise : « La race
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le Fils de Dieu lavait les pieds des hommes. » (i)
C’est pourquoi je m’associe aux conclusions
de M. Finot : « Si nous étions affranchis des pré
jugés de race et de couleur, nous comprendrions
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sorte d’identité du milieu ambiant. » Et je
crois qu’une des questions sur lesquelles
nous aurons à agiter l’opinion publique,
une question qui est de notre ressort, qui
s’est présentée et qui se présentera encore et
sous de multiples formes à l’étude de nos Con
grès pacifiques, est précisément celle de la fra
ternité universelle étendue à nos rapports avec
nos frères inférieurs. Paul Allégret.
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