Titre : L'Universel : l'Évangile c'est la liberté ! / direction H. Huchet
Auteur : Mouvement pacifique chrétien de langue française. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1924-04-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32885496v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 avril 1924 01 avril 1924
Description : 1924/04/01-1924/04/30. 1924/04/01-1924/04/30.
Description : Collection numérique : Fonds régional :... Collection numérique : Fonds régional : Haute-Normandie
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4565280x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-45090
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/09/2017
26* ANNÉE
MENSUEL
AVRIL 1924
jjüL
XSM.
Fondé en 1898, supprimé par la censure militaire pendant la Guerre mondiale
Mouvement Pacifique Chrétien
« l’internationale de l’amour »
Directeur-Fondateur : Henri HUCHET.
RÉDACTION :
D r M. DUMESNIL, Rédacteur en chef.
ERMENONVILLE, GRILLOT DE GIVRY, Colonel CONVERSET, Frédéric BONHOMME,
Mmes H. DU MESNIL-H UC HET, Claire GÉNIAUX,
Général PERGIN, Louis GUÉTANT, Joël THÉZARD,
M. J. ELLIOTT, Mme MARFURT-TORFS, Hermann KUTTER
Les articles ri engagent que leurs auteurs
Abonnement :
Un an 5 francs.
Le numéro O fr. 25
ADMINISTRATION :
Chèques postaux :
Dr DUMESNIL
PARIS IV 217.31
Souscriptions :
Membre adhérent 5 francs.
Membre actif 1 O francs.
Membre militant...... 20 francs.
COURBEVOIE (Seine)
Sur la Falsification du Catéchisme
Dans ma brochure sur la Complicité du
Clergé , (i) j’ai dénoncé aussi explicitement que
possible (car on ne peut pas tout dire), le sacrilège
et l’abomination que fut la falsification du caté
chisme, sur ce point spécial que le cinquième
commandement de Dieu, qui défend de tuer,
avait été ajusté au meurtre en vue d'une grande
guerre jugée inévitable, -générale et imminente.
Mes recffierches m’ont amené à croire que
l’inspirateur et l’essentiel protagoniste de cette
déformation scandaleuse, était le recteur de
l’Institut catholique, membre de l’Académie
Française, Mgr. Baudrillart, et je l’ai mis en
cause à diff érentes reprises, tant dans mon opus
cule que dans d’autres articles, espérant l’amener
ou à la réfutation ou à l’aveu. Mgr. Baudrillart a
jusqu’ici gardé un silence complet.
Récemment il est survenu ceci : M. l’abbé Désers,
curé de Saint-Vincent de Paul, à Paris, dans une
lettre publiée dans la Croix du 24 janvier, a re
connu ceci : « Ce qui est vrai c’est que j’ai
coopéré à la nouvelle édition de ce caté
chisme, mais c’est l’autorité de l’Eglise repré
sentée par l’airchevêque de Paris, qui publie
et autorise le catéchisme. »
Ne nous attardons pas à scruter l’inconsistance
ou l'embarras de ce style. J’ai tout de suite cru
comprendre que l’intervention de M. l’abbé
Désers n’avait pour but que de nous dissimuler
le véritable responsable, et j’écrivais dans le n° 10
de Vers la Vérité :
« Pour nous,... nous n’admettons pas cette
substitution de responsabilité. M. Désers dit lui-
même que « c’est l’archevêque qui publie et auto
rise le Catéchisme ». La vérité, c’est que pour le
remaniement projeté en vue d’adapter à la guerre
le commandement de Dieu qui la défend, il a
fallu toute une consultation, une sorte de Concile
diocésain, dont le chanoine Désers n’a été que
l’un des auditeurs. Que ce Concile ait été plus ou
moins présidé par Amette, c’est vraisemblable.
Mais tout le monde sait et comprend que si
M. Désers a été le porte-plume de cette consulta
tion à but si nettement déterminé, on n’a pu, de
toute évidence, s’y passer de la présence du chef
effectif de l’enseignement religieux, du Custode
de l’orthodoxie, du Recteur de l’Institut catho
lique, c’est-à-dire de Mgr. Baudrillart. Tout le
monde sait et comprend que le véritable inspira
teur de cette scandaleuse déformation du com
mandement de Dieu dans le sens utile à la guerre
de Poincaré, ne peut être que son collègue
d’Académie — d’ailleurs le dit Poincaré ne le
chargeait-il pas encore d’une « mission » de pro
pagande, à nos frais, l’année dernière en Argen
tine?
Mais puisque le compère académique de guerre
se réfugie obstinément dans le plus hermétique
des silences, force nous est de nous contenter,
pour le moment, du comparse bénévole qu’il
dévoue à prendre la parole en son lieu et place.
Habemus confitentem reum. Contentons-nous de
ce premier. Le jour, qui sans doute est plus proche
qu’il ne croit, où Mgr. Baudrillart sera amené à
s’expliquer, c’est bien autre chose que nous
aurons à dire.
La lettre de M. l’abbé Désers est assez longue
et elle s’égaille en de falotes digressions ; on com
prend que XŒuvre , à qui elle était adressée, ne
l’ait pas insérée; je n’en retiendrai ici que les par
ties purement argumentatives — si toutefois il
m’est pas téméraire de les qualifier ainsi.
Fit tout d’abord, rappelons l’objet de l’incrimi
nation. Dieu le Père a promulgué en son Déca
logue du Sinaï : Tu ne tueras'pas. C’est clair,
concis, catégorique, impératif et formel.
Le distique français :
Homicide point ne seras
De fait, ni volontairement,
s’il avait ôté de la force au commandement, du
moins ne l’avait pas altéré en son essence. Or, le
catéchisme du diocèse de Paris, édité par Amette
sous Poincaré, et que j’ai dénoncé dans ma bro
chure, comporte ce changement essentiel :
Homicide point ne seras
Sans droit, ni volontairement.
(Et je passe ici les commentaires qui accom
pagnent et aggravent cette audacieuse déforma
tion.)
Quelle explication en donne celui qui s’en
■avoue le rédacteur? M. l’abbé Désers dit ceci :
«... Il faut se rappeler que nos Catéchismes
sont des résumés. Ils appellent des explica
tions et, de ce qu’on a ajouté deux mots au
texte biblique pour le commenter, ce n’est
pas cela le « falsifier ».
(1) On la trouve à V Universel. Envoi fco contre x fr. en
timbres. On trouve également la Guerre Infernale (5.50 fco) et
les Robinsons delà Paix (4 fr. 50 fco) du même auteur.
J Comment ! De l’interdiction divine et sans
équivoque possible de tuer, on fait uneobligation
; de tuer selon l’arbîtraire des forbans de la poli-
| tique, seuls juges de ce fameux « droit » effronté-
! ment insinué dans le texte, et cela n’est pas une
j falsification du commandement ? ! L’escobarderie
1 est un peu forte d’appeler cela « commenter » !
Toute l’argumentation — si je puis dire — de
I notre auteur, consiste ensuiteà établir une confu-
j sion entre l’attaque individuelle et les guerres
| organisées entre les peuples. Une dizaine de pa
ragraphes sont consacrés à ce thème, qui sont
autant d’outrages à la raison, à la science et à
l’histoire. Par exemple :
« Le droit de défense personnelle nous au
torise à défendre notre vie jusqu’à tuer celui
qui veut nous tuer. Notre vie a autant de
valeur que la sienne : pourquoi nous attaque-
t-il ? »
On ne peut penser plus bassement, ni faire dé"
vier davantage une question grave entre toutes.
Mais suivons un moment le curé Désers sur le
terrain de l’attaque individuelle nocturne, qui lui
sert de critère, bien qu’elle n’ait aucune espèce
de rapports avec le heurt des peuples entiers jetés
les uns contre les autres par le jeu scélérat des
diplomaties secrètes. Même dans ce cas, la mo
rale de Celui qui a dit de sa bouche éternelle :
« Et si l’on veut prendre ta tunique, donne encore
le manteau avec », n’autorise nullement à tuer le
malheureux déchu qui généralement n’en veut
qu’à notre bourse. S’il y avait moins de parasites
sociaux nantis, moins de soudards vivant aux
crochets du peuple, moins de bénisseurs des
grands massacres chauffant douillettement leurs
inutiles génitoires au coin du feu, il y aurait
moins de « malandrins » guettant sous la bise
aigre les quelques espèces monétaires qui leur
permettront de se remplir le ventre !
Mais généralisons, car certainement M. le Curé
a voulu donner à penser que le cas était identique
appliqué aux nations : étant bien entendu que
c’est nous et nos dirigeants qui sommes le pai
sible bourgeois qui doit se défendre contre le
« malandrin » qui veut nous tuer, et qui est tou
jours l’autre. Pourquoi aussi nous attaque t-il ?...
Comme c’est simple ! Mais cette simplification
affectée montre un pharisaïsme égocentriste et
unilatéral assez choquant. Le dernier des ma
nœuvres sait très bien que ce n’est pas ainsi que
se préparent et s’exécutent les grands égorge
ments collectifs de peuples.
M. Désers se doute-t-il que des prêtres, aussi
aveugles que lui, ont dit la même chose que lui
de l’autre côté, mais en sens contraire ? Sait-il
surtout que les hommes en général qui com
posent les peuples, ne veulent ni les uns ni les
autres aller tuer ou se faire tuer, mais que c’est
l’infernale organisation, bénie par les prêtres
chauvins de chaque côté, qui les y contraint?
« Si les diplomates et les hommes d’Etat ne s’en
mêlaient point, les peuples resteraient bien tran
quilles chacun chez soi », a dit l’amiral Ré-
veillère. C’est l’évidence même. Mais que des
hommes soient obligés d’aller tuer d’antres
hommes, cela sous peine de mort, voilà une jolie
société chrétienne, vraiment, et vous pouvez la
défendre !
M. Désers sait-il qu’il alimente le millénaire et
sanglant malentendu au même titre que son con
frère d’en face — tous deux servant leurs
pauvres maîtres d’ici-bas, qui sont divisés, au lieu
de servir leur Maître d’en-haut, qui est Un? Et
comprend-il que des millions d’innocents payent
de morts atroces cette trahison de la Loi par
ceux qui, devant être pacificateurs, se font exci
tateurs ??
M. Désers demande ailleurs si l’on « trouve
rait acceptable qu’une armée française, ran
gée à la frontière, restât au port d’armes,
mitraillée jusqu’au dernier homme, et cela
pour éviter de tuer ? »
On a honte de relever de telles sottises. Ce que
les pacifistes (qui seront appelés Enfants de Dieu.
S. Mat. V, ÿ) trouveraient surtout acceptable, ce
serait qu’il n’y eût pas de frontières du tout, ce
qui dispenserait, d’un côté comme de l’autre, d’y
ranger des armées qui, de nos jours, sont com
posées, de force, par d’innombrables gars, les
quels préféreraient de beaucoup rester chez eux!
A la réalisation de cet objectif intelligent et fra
ternel devraient, il me semble, travailler tous
ceux qui se disent catholiques, puisque catho
lique veut dire universel.
Il n'y a pas de frontières dans la nature. Les
frontières sont des divisions artificielles créées
entre les hommes par la mégalomanie ou les pas
sions de leurs dirigeants. La preuve, c’est qu’elles
sont arbitraires et variables et qu’on peut les
supprimer, comme on a fait naguère entre pro
vinces françaises ou italiennes jadis ennemies.
| Mais s’il n’y a pas de frontières dans la loi de
nature, il y en a encore bien moins dans la loi
que la terminologie chrétienne nomme le
Royaume de Dieu. A ce sujet, permettez, Mon
sieur, que je référencie quelque peu mon asser
tion :
— « Nous sommes tous parents, tous frères,
tous fils d’un même père. ( Saint-Basile, Hom.
in. aliq. Script, loc).
— « Dieu a fait sortir tous les hommes d’un
seul pour qu’ils ne soient pas unis seulement par
j la ressemblance, mais encore par la parenté. »
(S. Jean. Chrysostome, Hom. XXII.
— « La fraternité doit s’étendre à ceux qu’on
traite habituellement d’étrangers. » [S. Jérôme,
In Isaiam.)
— « Nous ne connaissons qu’une république,
une pour tous, c’est le monde. » ( Tertullien ,
Patr. I, 46 5 ).
— « Nous sommes frères par droit de nature et
méritons d’autant mieux ce titre que nous n’avons
qu’un Dieu, notre père commun. » ( Tertullien ,
A polo g. XXXIX).
— « Vous n’êtes tous qu’un en Jésus Christ. »
( St-Paul, Gâtâtes, III, 28).
Références auxquelles on peut ajouter ici les
paroles du pape Benoît XV, chef hiérarchique de
M. le Curé :
— « C’est un sang de frères qu’on répand sur
la terre.» {Appel aux Belligérants, 3 o juillet iyi 5 ).
Paroles promulguées pendant la Tuerie, à la
quelle le dit Désers a contribué en dénaturant
l’ordre de son Dieu qui l’interdisait.
Pauvre Monsieur ! Que nous voilà loin de
votre caverneux « Pourquoi nous attaque-t-il? »
Et ce n’est pas tout encore. La référence su
prême, c’est la divine. Vous dites encore dans
votre lettre à Y Œuvre, que « les paroles de
Notre Seigneur recommandant à Saint-Pierre
de ne pas frapper de l’épée ses agresseurs,
est un conseil et non pas un précepte. » La
subtilité est touchante, venant d’un sacerdote qui
a traité comme on sait l’ordre le plus péremptoire
de son Dieu. Mais voici d’autres paroles de Notre
Seigneur : « Mon commandement est que vous
vous aimiez les uns les autres ». Voudriez-vous
dire si c’est là un précepte, un conseil, une
simple suggestion, ou enfin si le Christ a parlé
pour ne rien dire?... Et si votre habileté fuyante
vous incitait à quelque nouveau distinguo,
comme de prétendre qu’il ne s’agit là que de
s’aimer dans les limites d’une même frontière,
nous rappellerions que Lui-Même a dit encore :
« Vous avez entendu qu’il a été dit : Tu aimeras
ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais moi,
je vous dis : Aimez vos ennemis... Et si vous sa
luez vos frères seulement, que faites-vous d’extra
ordinaire ?... Etc. »
Voyez-vous, Monsieur Désers, il y a un
homme, qui fut presque notre contemporain,
bien qu’il n’ait pas vu les horreurs que vous avez
justifiées ; un prêtre qui fut lui aussi de l’Acadé
mie Française, et qui avait autant d’esprit, de
science et de vertu que Baudrillart, Amette et
vous-même réunis ensemble, cet homme, ce
prêtre a dit ceci :
« De tous les commandements de Dieu, le plus
grave, le plus évident, le plus nécessaire, le plus
oublié, le plus publiquement violé, le plus glo
rieusement foulé aux pieds est celui-ci : « Tu ne
tueras pas ». Il est absurde, il est abominable
que les hommes s’égorgent entre eux, il faut
donc que cela finisse. » ( PèreGratry, La Morale
et l’Histoire).
Eh bien, Monsieur Désers, vous vous êtes
avoué le contraire de cet homme, de ce prêtre,
de ce chrétien-là !
*
* *
Je veux supposer maintenant n’avoir rien réfuté
du tout de la lettre de M. le Curé de St-Vincent-
de-Paul, publiée par la Croix. Je demande seule
ment au lecteur de se représenter le tableau sui
vant.
11 y a trois mil six cents ans que l’Eternel
donna sur le Sinaï le Décalogue à Moïse, et il y a
près de deux-mille ans que l’Eglise chrétienne
est bâtie sur ce roc, sans que jamais aucun Pro
phète, aucun Père ni aucun Docteur ait osé y
porter une main sacrilège. Or, en 1914, l’arche
vêque de Paris, qui justement venait d’accorder
une bénédiction nuptiale clandestine, et d’ailleurs
irrégulière, à Poincaré, réunit son Conseil pour
le convier à modifier une tradition qui ne lais
sait pas d’inquiéter le chef du pouvoir en ses pro
jets. Et aujourd’hui voici que le curé de l’une
des paroisses de Paris se révèle comme ayant été
l’un de ces conseillers complaisants, et même le
secrétaire rédacteur, et que son déconcertant aveu
équivaut à peu près à ceci : Oui, il est bien vrai
que j’ai modifié de fond en comble le cinquième
commandement qui défend de tuer, puisqu’il
permet maintenant de tuer selon le droit defini
par ceux-là mêmes qui mènent en guerre ; mais
si vous le voulez bien, nous appellerons cela
un commentaire. Bossuet, qui rédigea le caté
chisme des temps modernes, n’avait pas songé à
Rétrospective
Nous sommes heureux de pouvoir mettre
sous les yeux de nos lecteurs, les lignes sui
vantes, extraites de la noble et courageuse
lettre (encore inédite) que notre collaborateur
et ami, Louis Guétant, vice-président de la
section lyonnaise de la ligue des Droits de
l’Homme, écrivit en novembre igi4 à Mon
sieur Ferdinand Buisson. Il faudrait pouvoir
publier entièrement cet appel émouvant à
l’action conciliatrice immédiate ; pour des
raisons typographiques cela nous est impos
sible, mais les extraits ci-dessous suffiront à
démontrer combien était prophétique la vi
sion de notre ami,
Monsieur et Cher Président,
Un peu tardivement je lis dans le Progrès de
Lyon un résumé de votre manifeste
Me permettrez-vous de vous dire qu’à mon
sens, le devoir de la Ligue des Droits de
l’Homme, c’est de limiter, d’arrêter, si possible,
l’exécrable conflit qui ruine l’Europe et sème
deuil, misère, désespoir dans d’innombrables
foyers ? Pour cela un rappel aux principes de
notre Ligue, une parole de haute vérité et d’im
partiale justice pourrait peut-être suffire.
Il y a danger, à cette heure, de prononcer cette
parole. Raison majeure pour qu’elle soit dite !
Quiconque peut faire entendre au monde un
mot d’apaisement, de conciliation, et ne le pro
nonce pas, est en quelque sorte responsable de la
continuation de l’œuvre de souffrance et de mort
et le sang criminellement versé, ce sang qui fait
pleurer tant d’épouses, tant de mères, lui re
tombe sur la tête.
La politique qui nous a menés au conflit ac
tuel (les rapports de M. Cambon publiés dans
notre Livre jaune l’attestent) c’est la politique co
loniale. Cette politique d’insatiable ambition de
conquête toujours en marche qui n’a laissé sub
sister la liberté d’aucun peuple faible à notre
portée ; cette politique au rebours de la justice
et du droit que nos regrettés maîtres et amis :
Jaurès et Francis de Pressensé,’ avaient si bien
qualifiés de politique à la fois imbécile et scélé
rate.
Pour le gros public maintenu dans l’ignorance
par une presse asservie, dépourvue de tout scru
pule de vérité, il serait bon de mettre les points
sur les i, de montrer (ne voulant pas remonter
plus haut) comment de l’expédition française
pour la conquête du Maroc (1) sortit l’expédi
tion italienne pour la conquête de la Tripoli-
taine, laquelle suscita la guerre turco-balkanique
qui détermina le conflit austro-serbe, cause im
médiate, directe, de la guerre actuelle. Nous ne
sommes donc pas aussi indemnes, pas autant
sans reproche qu’il a plu à Monsieur Poincaré
de le proclamer. Le premier anneau de cette
chaîne de malheurs et d’iniquité fut l’expédition
pour la conquête du Maroc faite en violation du
droit et des traités.
Certes dans le conflit actuel, l’Autriche et l’Al
lemagne ont de torts plus que leur part : — l’Ul
timatum autrichien à la Serbie était inacceptable
et son court délai, sa mise en demeure brutale
devait déclancher la guerre (2).
Mais il convient de dire que la Serbie, enflée
de ses succès dans les deux guerres nalkaniques
et se sentant soutenue par la puissante Russie a
fait tout le nécessaire pour amorcer un conflit.
Aucune grande puissance, ni la France, ni
l’Angleterre, ni la Russie n’aurait supporté les
provocations d’un petit état comme celles aux
quelles se livra la Serbie vis-à-vis de l’Autriche
et il ne faut pas exiger des autres plus de patience
(1) Conquête faite en violation du droit et des traités et
qui eut ceci de particulier qu’elle s’est accomplie sans décla
ration de guerre au peuple ni au gouvernement marocain !
(2) A la date de cette lettre, novembre 1914, nous n’avions
pas les aveux de Paléologue qui établissent qu’avant la re
mise de l’ultimatum autrichien, la guerre était décidée dans le
cénacle de St-Pétersbourg. auquel Poincaré était venu ap
porter l’appui de son verbe et de ses gestes.
■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■
■hbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbb
cela ! Eh bien, ce que ni Bossuet, ni Thomas
d’Aquin, ni Jérôme, ni Augustin, ni Fénélon, ni
l’éblouissantepléïade épiscopale du grand siècle,
ni Raynal, ni de Bonald, ni de Maistre, ni Mon-
talembert, ni Lacordaire n’ont osé faire, moi
Désers, je l’ai fait, Poincaré régnante. Et allez
donc !... »
Alors nous demandons simplement au lecteur
ce qu’il pense de l’audace ou de l’inconscience de
ce pasteur-là.
ERMENONVILLE.
MENSUEL
AVRIL 1924
jjüL
XSM.
Fondé en 1898, supprimé par la censure militaire pendant la Guerre mondiale
Mouvement Pacifique Chrétien
« l’internationale de l’amour »
Directeur-Fondateur : Henri HUCHET.
RÉDACTION :
D r M. DUMESNIL, Rédacteur en chef.
ERMENONVILLE, GRILLOT DE GIVRY, Colonel CONVERSET, Frédéric BONHOMME,
Mmes H. DU MESNIL-H UC HET, Claire GÉNIAUX,
Général PERGIN, Louis GUÉTANT, Joël THÉZARD,
M. J. ELLIOTT, Mme MARFURT-TORFS, Hermann KUTTER
Les articles ri engagent que leurs auteurs
Abonnement :
Un an 5 francs.
Le numéro O fr. 25
ADMINISTRATION :
Chèques postaux :
Dr DUMESNIL
PARIS IV 217.31
Souscriptions :
Membre adhérent 5 francs.
Membre actif 1 O francs.
Membre militant...... 20 francs.
COURBEVOIE (Seine)
Sur la Falsification du Catéchisme
Dans ma brochure sur la Complicité du
Clergé , (i) j’ai dénoncé aussi explicitement que
possible (car on ne peut pas tout dire), le sacrilège
et l’abomination que fut la falsification du caté
chisme, sur ce point spécial que le cinquième
commandement de Dieu, qui défend de tuer,
avait été ajusté au meurtre en vue d'une grande
guerre jugée inévitable, -générale et imminente.
Mes recffierches m’ont amené à croire que
l’inspirateur et l’essentiel protagoniste de cette
déformation scandaleuse, était le recteur de
l’Institut catholique, membre de l’Académie
Française, Mgr. Baudrillart, et je l’ai mis en
cause à diff érentes reprises, tant dans mon opus
cule que dans d’autres articles, espérant l’amener
ou à la réfutation ou à l’aveu. Mgr. Baudrillart a
jusqu’ici gardé un silence complet.
Récemment il est survenu ceci : M. l’abbé Désers,
curé de Saint-Vincent de Paul, à Paris, dans une
lettre publiée dans la Croix du 24 janvier, a re
connu ceci : « Ce qui est vrai c’est que j’ai
coopéré à la nouvelle édition de ce caté
chisme, mais c’est l’autorité de l’Eglise repré
sentée par l’airchevêque de Paris, qui publie
et autorise le catéchisme. »
Ne nous attardons pas à scruter l’inconsistance
ou l'embarras de ce style. J’ai tout de suite cru
comprendre que l’intervention de M. l’abbé
Désers n’avait pour but que de nous dissimuler
le véritable responsable, et j’écrivais dans le n° 10
de Vers la Vérité :
« Pour nous,... nous n’admettons pas cette
substitution de responsabilité. M. Désers dit lui-
même que « c’est l’archevêque qui publie et auto
rise le Catéchisme ». La vérité, c’est que pour le
remaniement projeté en vue d’adapter à la guerre
le commandement de Dieu qui la défend, il a
fallu toute une consultation, une sorte de Concile
diocésain, dont le chanoine Désers n’a été que
l’un des auditeurs. Que ce Concile ait été plus ou
moins présidé par Amette, c’est vraisemblable.
Mais tout le monde sait et comprend que si
M. Désers a été le porte-plume de cette consulta
tion à but si nettement déterminé, on n’a pu, de
toute évidence, s’y passer de la présence du chef
effectif de l’enseignement religieux, du Custode
de l’orthodoxie, du Recteur de l’Institut catho
lique, c’est-à-dire de Mgr. Baudrillart. Tout le
monde sait et comprend que le véritable inspira
teur de cette scandaleuse déformation du com
mandement de Dieu dans le sens utile à la guerre
de Poincaré, ne peut être que son collègue
d’Académie — d’ailleurs le dit Poincaré ne le
chargeait-il pas encore d’une « mission » de pro
pagande, à nos frais, l’année dernière en Argen
tine?
Mais puisque le compère académique de guerre
se réfugie obstinément dans le plus hermétique
des silences, force nous est de nous contenter,
pour le moment, du comparse bénévole qu’il
dévoue à prendre la parole en son lieu et place.
Habemus confitentem reum. Contentons-nous de
ce premier. Le jour, qui sans doute est plus proche
qu’il ne croit, où Mgr. Baudrillart sera amené à
s’expliquer, c’est bien autre chose que nous
aurons à dire.
La lettre de M. l’abbé Désers est assez longue
et elle s’égaille en de falotes digressions ; on com
prend que XŒuvre , à qui elle était adressée, ne
l’ait pas insérée; je n’en retiendrai ici que les par
ties purement argumentatives — si toutefois il
m’est pas téméraire de les qualifier ainsi.
Fit tout d’abord, rappelons l’objet de l’incrimi
nation. Dieu le Père a promulgué en son Déca
logue du Sinaï : Tu ne tueras'pas. C’est clair,
concis, catégorique, impératif et formel.
Le distique français :
Homicide point ne seras
De fait, ni volontairement,
s’il avait ôté de la force au commandement, du
moins ne l’avait pas altéré en son essence. Or, le
catéchisme du diocèse de Paris, édité par Amette
sous Poincaré, et que j’ai dénoncé dans ma bro
chure, comporte ce changement essentiel :
Homicide point ne seras
Sans droit, ni volontairement.
(Et je passe ici les commentaires qui accom
pagnent et aggravent cette audacieuse déforma
tion.)
Quelle explication en donne celui qui s’en
■avoue le rédacteur? M. l’abbé Désers dit ceci :
«... Il faut se rappeler que nos Catéchismes
sont des résumés. Ils appellent des explica
tions et, de ce qu’on a ajouté deux mots au
texte biblique pour le commenter, ce n’est
pas cela le « falsifier ».
(1) On la trouve à V Universel. Envoi fco contre x fr. en
timbres. On trouve également la Guerre Infernale (5.50 fco) et
les Robinsons delà Paix (4 fr. 50 fco) du même auteur.
J Comment ! De l’interdiction divine et sans
équivoque possible de tuer, on fait uneobligation
; de tuer selon l’arbîtraire des forbans de la poli-
| tique, seuls juges de ce fameux « droit » effronté-
! ment insinué dans le texte, et cela n’est pas une
j falsification du commandement ? ! L’escobarderie
1 est un peu forte d’appeler cela « commenter » !
Toute l’argumentation — si je puis dire — de
I notre auteur, consiste ensuiteà établir une confu-
j sion entre l’attaque individuelle et les guerres
| organisées entre les peuples. Une dizaine de pa
ragraphes sont consacrés à ce thème, qui sont
autant d’outrages à la raison, à la science et à
l’histoire. Par exemple :
« Le droit de défense personnelle nous au
torise à défendre notre vie jusqu’à tuer celui
qui veut nous tuer. Notre vie a autant de
valeur que la sienne : pourquoi nous attaque-
t-il ? »
On ne peut penser plus bassement, ni faire dé"
vier davantage une question grave entre toutes.
Mais suivons un moment le curé Désers sur le
terrain de l’attaque individuelle nocturne, qui lui
sert de critère, bien qu’elle n’ait aucune espèce
de rapports avec le heurt des peuples entiers jetés
les uns contre les autres par le jeu scélérat des
diplomaties secrètes. Même dans ce cas, la mo
rale de Celui qui a dit de sa bouche éternelle :
« Et si l’on veut prendre ta tunique, donne encore
le manteau avec », n’autorise nullement à tuer le
malheureux déchu qui généralement n’en veut
qu’à notre bourse. S’il y avait moins de parasites
sociaux nantis, moins de soudards vivant aux
crochets du peuple, moins de bénisseurs des
grands massacres chauffant douillettement leurs
inutiles génitoires au coin du feu, il y aurait
moins de « malandrins » guettant sous la bise
aigre les quelques espèces monétaires qui leur
permettront de se remplir le ventre !
Mais généralisons, car certainement M. le Curé
a voulu donner à penser que le cas était identique
appliqué aux nations : étant bien entendu que
c’est nous et nos dirigeants qui sommes le pai
sible bourgeois qui doit se défendre contre le
« malandrin » qui veut nous tuer, et qui est tou
jours l’autre. Pourquoi aussi nous attaque t-il ?...
Comme c’est simple ! Mais cette simplification
affectée montre un pharisaïsme égocentriste et
unilatéral assez choquant. Le dernier des ma
nœuvres sait très bien que ce n’est pas ainsi que
se préparent et s’exécutent les grands égorge
ments collectifs de peuples.
M. Désers se doute-t-il que des prêtres, aussi
aveugles que lui, ont dit la même chose que lui
de l’autre côté, mais en sens contraire ? Sait-il
surtout que les hommes en général qui com
posent les peuples, ne veulent ni les uns ni les
autres aller tuer ou se faire tuer, mais que c’est
l’infernale organisation, bénie par les prêtres
chauvins de chaque côté, qui les y contraint?
« Si les diplomates et les hommes d’Etat ne s’en
mêlaient point, les peuples resteraient bien tran
quilles chacun chez soi », a dit l’amiral Ré-
veillère. C’est l’évidence même. Mais que des
hommes soient obligés d’aller tuer d’antres
hommes, cela sous peine de mort, voilà une jolie
société chrétienne, vraiment, et vous pouvez la
défendre !
M. Désers sait-il qu’il alimente le millénaire et
sanglant malentendu au même titre que son con
frère d’en face — tous deux servant leurs
pauvres maîtres d’ici-bas, qui sont divisés, au lieu
de servir leur Maître d’en-haut, qui est Un? Et
comprend-il que des millions d’innocents payent
de morts atroces cette trahison de la Loi par
ceux qui, devant être pacificateurs, se font exci
tateurs ??
M. Désers demande ailleurs si l’on « trouve
rait acceptable qu’une armée française, ran
gée à la frontière, restât au port d’armes,
mitraillée jusqu’au dernier homme, et cela
pour éviter de tuer ? »
On a honte de relever de telles sottises. Ce que
les pacifistes (qui seront appelés Enfants de Dieu.
S. Mat. V, ÿ) trouveraient surtout acceptable, ce
serait qu’il n’y eût pas de frontières du tout, ce
qui dispenserait, d’un côté comme de l’autre, d’y
ranger des armées qui, de nos jours, sont com
posées, de force, par d’innombrables gars, les
quels préféreraient de beaucoup rester chez eux!
A la réalisation de cet objectif intelligent et fra
ternel devraient, il me semble, travailler tous
ceux qui se disent catholiques, puisque catho
lique veut dire universel.
Il n'y a pas de frontières dans la nature. Les
frontières sont des divisions artificielles créées
entre les hommes par la mégalomanie ou les pas
sions de leurs dirigeants. La preuve, c’est qu’elles
sont arbitraires et variables et qu’on peut les
supprimer, comme on a fait naguère entre pro
vinces françaises ou italiennes jadis ennemies.
| Mais s’il n’y a pas de frontières dans la loi de
nature, il y en a encore bien moins dans la loi
que la terminologie chrétienne nomme le
Royaume de Dieu. A ce sujet, permettez, Mon
sieur, que je référencie quelque peu mon asser
tion :
— « Nous sommes tous parents, tous frères,
tous fils d’un même père. ( Saint-Basile, Hom.
in. aliq. Script, loc).
— « Dieu a fait sortir tous les hommes d’un
seul pour qu’ils ne soient pas unis seulement par
j la ressemblance, mais encore par la parenté. »
(S. Jean. Chrysostome, Hom. XXII.
— « La fraternité doit s’étendre à ceux qu’on
traite habituellement d’étrangers. » [S. Jérôme,
In Isaiam.)
— « Nous ne connaissons qu’une république,
une pour tous, c’est le monde. » ( Tertullien ,
Patr. I, 46 5 ).
— « Nous sommes frères par droit de nature et
méritons d’autant mieux ce titre que nous n’avons
qu’un Dieu, notre père commun. » ( Tertullien ,
A polo g. XXXIX).
— « Vous n’êtes tous qu’un en Jésus Christ. »
( St-Paul, Gâtâtes, III, 28).
Références auxquelles on peut ajouter ici les
paroles du pape Benoît XV, chef hiérarchique de
M. le Curé :
— « C’est un sang de frères qu’on répand sur
la terre.» {Appel aux Belligérants, 3 o juillet iyi 5 ).
Paroles promulguées pendant la Tuerie, à la
quelle le dit Désers a contribué en dénaturant
l’ordre de son Dieu qui l’interdisait.
Pauvre Monsieur ! Que nous voilà loin de
votre caverneux « Pourquoi nous attaque-t-il? »
Et ce n’est pas tout encore. La référence su
prême, c’est la divine. Vous dites encore dans
votre lettre à Y Œuvre, que « les paroles de
Notre Seigneur recommandant à Saint-Pierre
de ne pas frapper de l’épée ses agresseurs,
est un conseil et non pas un précepte. » La
subtilité est touchante, venant d’un sacerdote qui
a traité comme on sait l’ordre le plus péremptoire
de son Dieu. Mais voici d’autres paroles de Notre
Seigneur : « Mon commandement est que vous
vous aimiez les uns les autres ». Voudriez-vous
dire si c’est là un précepte, un conseil, une
simple suggestion, ou enfin si le Christ a parlé
pour ne rien dire?... Et si votre habileté fuyante
vous incitait à quelque nouveau distinguo,
comme de prétendre qu’il ne s’agit là que de
s’aimer dans les limites d’une même frontière,
nous rappellerions que Lui-Même a dit encore :
« Vous avez entendu qu’il a été dit : Tu aimeras
ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais moi,
je vous dis : Aimez vos ennemis... Et si vous sa
luez vos frères seulement, que faites-vous d’extra
ordinaire ?... Etc. »
Voyez-vous, Monsieur Désers, il y a un
homme, qui fut presque notre contemporain,
bien qu’il n’ait pas vu les horreurs que vous avez
justifiées ; un prêtre qui fut lui aussi de l’Acadé
mie Française, et qui avait autant d’esprit, de
science et de vertu que Baudrillart, Amette et
vous-même réunis ensemble, cet homme, ce
prêtre a dit ceci :
« De tous les commandements de Dieu, le plus
grave, le plus évident, le plus nécessaire, le plus
oublié, le plus publiquement violé, le plus glo
rieusement foulé aux pieds est celui-ci : « Tu ne
tueras pas ». Il est absurde, il est abominable
que les hommes s’égorgent entre eux, il faut
donc que cela finisse. » ( PèreGratry, La Morale
et l’Histoire).
Eh bien, Monsieur Désers, vous vous êtes
avoué le contraire de cet homme, de ce prêtre,
de ce chrétien-là !
*
* *
Je veux supposer maintenant n’avoir rien réfuté
du tout de la lettre de M. le Curé de St-Vincent-
de-Paul, publiée par la Croix. Je demande seule
ment au lecteur de se représenter le tableau sui
vant.
11 y a trois mil six cents ans que l’Eternel
donna sur le Sinaï le Décalogue à Moïse, et il y a
près de deux-mille ans que l’Eglise chrétienne
est bâtie sur ce roc, sans que jamais aucun Pro
phète, aucun Père ni aucun Docteur ait osé y
porter une main sacrilège. Or, en 1914, l’arche
vêque de Paris, qui justement venait d’accorder
une bénédiction nuptiale clandestine, et d’ailleurs
irrégulière, à Poincaré, réunit son Conseil pour
le convier à modifier une tradition qui ne lais
sait pas d’inquiéter le chef du pouvoir en ses pro
jets. Et aujourd’hui voici que le curé de l’une
des paroisses de Paris se révèle comme ayant été
l’un de ces conseillers complaisants, et même le
secrétaire rédacteur, et que son déconcertant aveu
équivaut à peu près à ceci : Oui, il est bien vrai
que j’ai modifié de fond en comble le cinquième
commandement qui défend de tuer, puisqu’il
permet maintenant de tuer selon le droit defini
par ceux-là mêmes qui mènent en guerre ; mais
si vous le voulez bien, nous appellerons cela
un commentaire. Bossuet, qui rédigea le caté
chisme des temps modernes, n’avait pas songé à
Rétrospective
Nous sommes heureux de pouvoir mettre
sous les yeux de nos lecteurs, les lignes sui
vantes, extraites de la noble et courageuse
lettre (encore inédite) que notre collaborateur
et ami, Louis Guétant, vice-président de la
section lyonnaise de la ligue des Droits de
l’Homme, écrivit en novembre igi4 à Mon
sieur Ferdinand Buisson. Il faudrait pouvoir
publier entièrement cet appel émouvant à
l’action conciliatrice immédiate ; pour des
raisons typographiques cela nous est impos
sible, mais les extraits ci-dessous suffiront à
démontrer combien était prophétique la vi
sion de notre ami,
Monsieur et Cher Président,
Un peu tardivement je lis dans le Progrès de
Lyon un résumé de votre manifeste
Me permettrez-vous de vous dire qu’à mon
sens, le devoir de la Ligue des Droits de
l’Homme, c’est de limiter, d’arrêter, si possible,
l’exécrable conflit qui ruine l’Europe et sème
deuil, misère, désespoir dans d’innombrables
foyers ? Pour cela un rappel aux principes de
notre Ligue, une parole de haute vérité et d’im
partiale justice pourrait peut-être suffire.
Il y a danger, à cette heure, de prononcer cette
parole. Raison majeure pour qu’elle soit dite !
Quiconque peut faire entendre au monde un
mot d’apaisement, de conciliation, et ne le pro
nonce pas, est en quelque sorte responsable de la
continuation de l’œuvre de souffrance et de mort
et le sang criminellement versé, ce sang qui fait
pleurer tant d’épouses, tant de mères, lui re
tombe sur la tête.
La politique qui nous a menés au conflit ac
tuel (les rapports de M. Cambon publiés dans
notre Livre jaune l’attestent) c’est la politique co
loniale. Cette politique d’insatiable ambition de
conquête toujours en marche qui n’a laissé sub
sister la liberté d’aucun peuple faible à notre
portée ; cette politique au rebours de la justice
et du droit que nos regrettés maîtres et amis :
Jaurès et Francis de Pressensé,’ avaient si bien
qualifiés de politique à la fois imbécile et scélé
rate.
Pour le gros public maintenu dans l’ignorance
par une presse asservie, dépourvue de tout scru
pule de vérité, il serait bon de mettre les points
sur les i, de montrer (ne voulant pas remonter
plus haut) comment de l’expédition française
pour la conquête du Maroc (1) sortit l’expédi
tion italienne pour la conquête de la Tripoli-
taine, laquelle suscita la guerre turco-balkanique
qui détermina le conflit austro-serbe, cause im
médiate, directe, de la guerre actuelle. Nous ne
sommes donc pas aussi indemnes, pas autant
sans reproche qu’il a plu à Monsieur Poincaré
de le proclamer. Le premier anneau de cette
chaîne de malheurs et d’iniquité fut l’expédition
pour la conquête du Maroc faite en violation du
droit et des traités.
Certes dans le conflit actuel, l’Autriche et l’Al
lemagne ont de torts plus que leur part : — l’Ul
timatum autrichien à la Serbie était inacceptable
et son court délai, sa mise en demeure brutale
devait déclancher la guerre (2).
Mais il convient de dire que la Serbie, enflée
de ses succès dans les deux guerres nalkaniques
et se sentant soutenue par la puissante Russie a
fait tout le nécessaire pour amorcer un conflit.
Aucune grande puissance, ni la France, ni
l’Angleterre, ni la Russie n’aurait supporté les
provocations d’un petit état comme celles aux
quelles se livra la Serbie vis-à-vis de l’Autriche
et il ne faut pas exiger des autres plus de patience
(1) Conquête faite en violation du droit et des traités et
qui eut ceci de particulier qu’elle s’est accomplie sans décla
ration de guerre au peuple ni au gouvernement marocain !
(2) A la date de cette lettre, novembre 1914, nous n’avions
pas les aveux de Paléologue qui établissent qu’avant la re
mise de l’ultimatum autrichien, la guerre était décidée dans le
cénacle de St-Pétersbourg. auquel Poincaré était venu ap
porter l’appui de son verbe et de ses gestes.
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■hbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbbb
cela ! Eh bien, ce que ni Bossuet, ni Thomas
d’Aquin, ni Jérôme, ni Augustin, ni Fénélon, ni
l’éblouissantepléïade épiscopale du grand siècle,
ni Raynal, ni de Bonald, ni de Maistre, ni Mon-
talembert, ni Lacordaire n’ont osé faire, moi
Désers, je l’ai fait, Poincaré régnante. Et allez
donc !... »
Alors nous demandons simplement au lecteur
ce qu’il pense de l’audace ou de l’inconscience de
ce pasteur-là.
ERMENONVILLE.
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