Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1901-06-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 juin 1901 01 juin 1901
Description : 1901/06/01 (N266). 1901/06/01 (N266).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263465c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/04/2019
6' Année — S° 260-
CINQ CENTIMES LE
Samedi 1 er Juin 1901.
l X
Réveil
Organe du Parti Républicain Démocraiitiue
PRIX DES ABONNEMENTS
Le Havre et la Seine-Inférieure par an 3 fr.
Départements » 4 fr.
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
15, H TJ E GASIMIR-PÉRIER, 15
Secrétaire de la Rédaction Alfred HENRI
L’Imprimeur-Gérant F. le roy
Prix des Insertions :
Annonces 25 centimes la ligne
Réclamés 50 »
On traite à forfait
ÉPITRE
AUX
TREMBLIiVES
S’il est un principe qui jusqu’à ce
jour était resté incontesté dans tout
le parti républicain, c’est celui qui
consiste à proclamer que la libre
discussion est nécessaire au progrès
politique et social. L’échange des
idées, l’exposé des théories, même
les plus violentes, la controverse,
tout cela était considéré pour la
civilisation moderne comme l’équi
valent de ce que la circulation est
pour le corps humain. L’émission
libre des idées semblait aussi indis
pensable à notre société que le sang
l’est aux organes.
Le Conseil municipal du Havre,
dans sa dernière séance, a été sur
le point de changer tout cela.
Il s’en est fallu de bien peu qu’on
ne prît une décision qui, nous n’hé
sitons pas à le dire, eût été tout
Simplement déshonorante pour notre
ville. Chose étrange, cette décision
était suggérée par ceux qui, investis
de l’honneur de diriger notre ville
et appelés à faire entendre la voix
d’une raison calme et maîtresse d’elle-
même, ne voient maintenant dans
l’exercice du pouvoir municipal que
le moyen d’accélérer les mesures
réactionnaires.
Il s’agissait du Cercle Franklin.
Depuis des années, cet établisse
ment a été considéré dans notre
ville comme un terrain neutre.
Toutes les doctrines ont pu, en
pleine liberté, s’y manifester. De
Sébastien Faure à Frédéric Passy,
une foule de systèmes politiques,
sociaux, humanitaires y ont affirmé
la supériorité morale de leurs solu
tions.
A ceux qui craignent le choc des
idées et qui considèrent la discussion
libre comme un procédé diabolique,
cela peut sembler dangereux. Mais
nous osons dire qu’il n’est pas un
républicain vraiment digne de ce
nom qui puisse songer un instant à
considérer comme un mal ces débats
ouverts sans cesse sur toutes les
questions qui, surtout depuis 1789,
passionnent l’humanité anxieuse de
ses devoirs.et jalouse de ses droits.
L’Administration municipale a
tenté de changer tout cela. Dans la
Commission spéciale à laquelle le
Conseil municipal avait renvoyé
l’examen deTaffectation à faire des
locaux Franklin, M. le Maire s’est
efforcé de faire prévaloir cette idée
que la grande salle devait être uni
quement consacrée aux fêtes ayant
un caractère artistique ou sportif,
et qu’on devait la refuser impitoya
blement à toute manifestation ou
conférence de nature politique ou
religieuse. On a osé aller jusque-là.
Si ceux qui, depuis trop longtemps,
suggèrent à M. Marais des mesures
réactionnaires sans précédent dans
notre ville depuis l’Empire, se figu
rent qu’ils sont de taille à faire recu
ler l’Idée, ils se trompent. Ils pa
raissent, certes, avoir beaucoup à
apprendre, et, avant d’administrer,
ils feraient bien d’aller compléter
leurs études historiques, lesquelles
semblent avoir été quelque peu
écourtées. Ils sauront, puisqu’ils pa
raissent l’ignorer, que la compres
sion des idées, la suppression de la
libre discussion, sont des procédés
qui vont contre le but poursuivi, et
que rien n’est plus sûr pour provo
quer les révoltes.
Les vrais révolutionnaires, ce
sont eux, et le fait qu’ils sont incon
scients ne suffit pas pour les absou
dre.
Le Conseil municipal, d’ailleurs,
le leur a bien montré en refusant de
souscrire à de pareilles conditions
et en renvoyant la question à la
Commission spéciale pour nouvel
examen. Si deux ou trois membres
du Conseil, à la suite de troubles
qu’on n’a voulu ni prévenir, ni ré
primer, ont les entrailles tenaillées
parla peur, ce n r est pas une raison
pour que le mal dont ils souffrent se
communique à leurs collègues.
Pour notre part, nous supplions
le Conseil municipal de réprouver
l’emploi de pareils moyens et de
décider que l’immeuble Franklin,
s’il est désaffecté en partie, restera,
cependant, pour les diverses sociétés
qui y recevaient l’hospitalité et pour
les conférenciers qu’on y allait
écouter, sans distinction d’opinions,
un asile inviolable.
Sans doute, la musique et la gym
nastique sont intéressantes, et nous
ne trouvons pas mauvais qu’on les
accueille avec faveur dans un im
meuble communal. Mais elles ne
peuvent suffire, à elles seules, pour
former l’homme, et il y aune qualité
d’activité intellectuelle à laquelle
elles ne peuvent suppléer.
Le Conseil municipal n’écoutera
donc pas les conseils des timorés.-Il
saura les engager à se guérir
promptement de leurs transes et de
leurs vapeurs, qui n’ont que trop
duré, et à montrer dans l’exercice du
pouvoir temporaire qui leur a été
confié, un peu plus d’énergie et de
virilité. Il saura enfin les forcer à ne
pas rompre brutalement, après
trente ans de république, avec un
régime de tolérance réciproque et
de liberté.
VERUS
M. Louis Lemaire, délégué du mi
nistre des colonies, est venu recevoir
à l’arrivée du navire.
Aux paroles de bienvenue pronon
cées par le délégué du ministre, l’ex-
reine a répondu par des paroles de re
merciements pour le gouvernement
dont la bonté et la sollicitude lui ont
permis d’entreprendre ce voyage.
M. Ranaivo, qui est sur le point de
terminer à Paris ses études de doc
torat en médecine, et qui restera ainsi
que M. Lemaire attaché à la personne
de la Reine pendant son séjour en
France, servait d’interprète.
La réception n’a eu aucun caractère
officiel. Seul, M. Boucard, chef du
service colonial à Marseille, est venu
saluer la Reine. Une centaine de cu
rieux se trouvaient au débarcadère.
Aucune manifestation ne s’est pro
duite.
En quittant le navire, au bras de
M. Lemaire, Ranavalo est montée en
landau avec sa tante et sa nièce et s’est
dirigée vers l’hôtel des Colonies où des
appartements avaient été retenus.
La Reine portait une toilette fort
simple, chapeau en paille noire et
grand manteau de voyage.
Le séjour de Ranavalo en France
sera de deux mois : un mois à Paris et
un mois à Arcachon, dont la station
lui a été recommandée pour sa santé.
Ranavalo partira demain matin
pour Paris par le rapide de 9 heures.
' La Reine
On écrit de Marseille, le' 29 mai
Ranavalo, l’ex^reiriedeMadagascar,
eit arrivée cette après-midi à 1 h. 45
par 1 è Général-Charizy, de la Compa
gnie transatlantique. Elle était ac
compagnée de Ramazîndrazaoa sa
tante, de la petite princesse Marie-
Louise sa nièce, de Mme Delpeux, sa
dame de compagnie et d’une femme
de ebftwKre. r.■„.* L....'£*^1 j
L’OEUVRE DU MINISTÈRE
Lundi dernier, M. Millerand, vive
ment acclamé par la population ou
vrière de Nouzon, a prononcé, au
cours du banquet qui a eu lieu le soir,
un discours des plus applaudis.
Le Congrès socialiste de Lyon, agi
tant à nouveau la « question Mille
rand », il nous parait intéressant de
reproduire une partie du discours du
ministre du Commerce, dans lequel
M. Millerand résume l’œuvre accom
plie en deux ans par le ministère de
Défense républicaine.
Voici le résumé :
Respectueux des limites où la Consti
tution a borné le pouvoir ministériel, mais
convaincu que j’eusse manqué à mon de
voir en n’usant pas de rùon droit, j’ai pris
l’initiative d’un certain nombre de dé
crets, dont je lie cherche ni à exalter ni à
rabaisser l’importance : sur les conditions
du travail, devenu, dans la majorité de ses
membres, l’émanation directe des ouvriers
et des patrons ; sur les conseils du travail
enfin, appelés à fournir au ministre du
Commerce des avis précieux et autorisés.
Toutes ces mesures ont été dictées par le
même souci d’où est né le projet de loi
qu’avec M. le président du Conseil, j’ai
déposé sur les syndicats : celui de faire
chaque jour apprécier davantage par les
travailleurs les bienfaits qu’ils sont ap
pelés à retirer de l’association profession
nelle, comme de prévenir par une organi
sation à la fois forte et souple, des éxplo-
sionsTmprévües si redoutables à tous les
intérêts. C’est aux mêmes préoccupations
que nous avons obéi, en déposant'lè pro
jet de loi sur le règlement amiable des dif
férends du travail, qui est améndablef,
nous n’en doutons pas, mais qui est néces
saire, les événements dé cès derniers inois
ner l’ont que trop prouvé.
Par ces projets, par ces décrets, nous
attestons hautement à quel point nous
comptons sur la raison, sur la sagessé des
ouvriers auxquelles nous nous fions. Cer
tes, il ne nous échappe pas que l’organisa
tion, dont nous traçons ainsi les grandes
lignes, réclame des travailleurs qui sont
appelés à la faire jouer une connaissance
de plus en plus exacte de leur devoir
comme de leurs droits. Nous ne sommes,
pour notre part, disposés à méconnaîtae
ni les uns ni les autres.
La société ne saurait équitablement at
tendre des plus malheureux et des plus
intéressants de ses membres cette maîtrise
de soi, ce calme, cet acte de foi dans l’a
mélioration progressive et pacifique de
leur sort qu’elle leur demartde, si elle né
leur assurait le minimum de garanties
matérielles et de sécurité moralé au-des
sous duquel la misère ne permet pas à la
conscience de s’éveiller. C’est en nous ins
pirant de ce haut devoir social, dont la
Révolution française a, dans ses déclara
tions et dans ses lois, si souvent inscrit
l’affirmation catégorique, que nous avons
présenté la loi du 30 mars 1900, qui assure
à la population ouvrière un peu plus de
loisirs en ramenant, dès avril prochain
pour les femmes, les enfants et l’immense
majorité des hommes, la journée de tra
vail à dix heures et demie, et déux ans
plus tard à dix heures.
C’est parce que nous tenons la solida
rité sociale non pour une vaine forihule
mais pour une obligation sacrée, que daiis
quelques jours, d’accord avec la commis
sion de la Chambra, nous réclamerons, en
toute confiance, le vote d’une loi sur les
retraites ouvrières, telle que celle dont,
pour notre humiliation, un empire voisin
depuis douze ans déjà, réalisé l’appli
cation.
Et tandis que la Chambre mène à bien,
j’en suis sûr, cette grande œuvre démo
cratique, à côté d’elle, le Sénat remplira
une tâche différente, mais non moins ur
gente de progrès républicain et de préser
vation nationale, en ratifiant le vote du
projet sur les associations, vote dû à la
résolution, à la discipline de la majorité
républicaine, et aussi, — la reconnais
sance de notre parti l’a déjà proclamé, —
à l’admirable éloquence et à la patiente
énergie de M. Waldeck-Rousseau.
Tels sont quelques-uns des traits par où
se caractérise l’œuvre du ministère de dé
fense et d’action républicaines. Oh a es
sayé de la défigurer ; on n’y a pas réussi :
le pays a vite reconnu dans les hommes
qui étaient au pouvoir des républicains
de bonne foi et de bonne volonté : il a sa
luè avec satisfaction en ce ministère un
gouvernement digne de ce nom, parce
qu’il a un programme, une volonté et un
but, Il ne lui a pas plus marchandé sa
confiance que la majorité républicaine ne
lui a ménagé son appui. Le pays a com
pris : il a approuvé la conception simple
et forte d’un homme d’Ètat qui, en appe
lant à fi honneur de collaborer aveè lui des
représentants de toutes lès fractions, sans
exception, du parti républicain, a mar
qué par là même avec éclat, sa décision
que toutes les aspirations légitimes de la
démocratie fussent'au poùvoir représen
tées et servies
Nous avons suscité d’ardentes colères,
soulevé des hostilités passionnées ; elles
ne nous ont ni surpris ni troublés. Il ne
faut ni rechercher les ennemis ni les
craindre, mais faire son devoir et marcher
son chemin. Fidèles à une vieille formule
qui n’a pas cessé d’être juste, nous'gou
vernons pour le pàys, avec le programme
d’un parti : ce parti, c’est le parti répu-
jfilieaipjF._ * *•
Ses rangs ne .sont 1 fermés à personne,
mais il se refuse à quémander à ses ad
versaires‘des complaisances, qui se paiént
par des trahisons. N’ayant rien à attendre 1
de nous q(ue la justice, ces adversaires ve
nus de tous les points de l’horizon, ont
formé une coalition qui s’excite à la bataille
sans réussir môme à se faire illusion à soi-
même sur le résùfiât, ,l ''’iniolû ,
De cette coalition sans nom et sâns’â'vé-
nir, dont le syndic et le banquier est au
jourd’hui, comme hier, comme toujours
la Congrégation, le parti républicain n’à
rien à craindre.
Le secret de la victoire tient pour lui
en deux mots : l’union et l’action.
JUSTI CE HUM AINE
Il y a quelques semaines, dans une
lettre à M. Louis Barthou, M. Je pré
sident Magnaud définissait ainsi le
rôle du juge :
« J estime que le juge n’est pas fait
pour appliquer la loi d’une façon mé
canique, comme un écolier copiant
des modèles d’écritures... La première
qualité d’un juge, à mon sens, est
d. être un homme, et un homme de son
temps, qui, loin d’être le dévot d’un
formalisme traditionnel, s’efforce de
ne rien ignorer du monde divers qui
l’entoure, de discerner la variété des
sentiments qui régnent à chaque de
gré de 1 echelle sociale et d’en faire
délibérément état dans ses décisions...
Le désir de rendre 1 & justice juridique
doit-il prévaloir sur celui de rendre
la justice équitable, conforme au droit
naturel , ainsi qu’à Vesprit et aux idées
d’amélioration sociale de son temps ? »
Certes, si nous nous placions au
point de vue absolu, nous ne saurions
trop applaudir au langage de lhono-
rable président du tribunal de Châ
teau-Thierry. Quoi de plus beau, en
effet, que le rôle du magistrat ainsi
compris ! S’élevant au-dessus des
fausses conventions et des traditions
desuetes, il juge selon la morale éter
nelle, dédaignant les textes figés du
Code pour n’écouter que la voix de sa
conscience.
Il est libre. Il connaît, sans y par
ticiper, les querelles de la politique
et les rivalités sociales. Trônant dans
une sérénité que rien ne trouble, il
échappe à nos passions, il ne partage
pas nos faiblesses et se penche vers
les âmes avec l’attention recueillie du
confesseur. Et lorsqu’il prononce sa
sentence, aucune considération exté
rieure ne saurait Finfluencer.
Car il n est point la seulement pour
juger, cet homme a qui la Républi
que a confié un pouvoir formidable.
Il n’est point là seulement pour châ
tier ou absoudre. Il est la, aussi pour
moraliser, pour améliorer la société
à laquelle, du haut de sou siège
entouré d’un appareil d’un autre âge*
il parle avec une autorité quasi-sou
veraine.
Quel rôle immense et troublant que
celui du juge! Pour être vraiment
jüste, il faut qu’il arrive à pénétrer
ce qui se passe au plus secret de l’âme
de ce prévenu, le plus souvent dé
moralise, menteur par crainte, qui se
trouve devant lui. Le ipoment est dé
cisif, 1 avenir moral d’un homme est
entre ses mains. Du mot qui va être
prononce,^ souvent dépend une vie
tout entière. Ce mot peut relever
1 homme et le rendre à l'honneur —
ou rejeter le misérable qu’il ccmdamne
aans A éternelle nuit des réprouves*
lUssi faut-il que le juge ait Pâme
bonue et pitoyable. Il ne doit point
voir dans le loqueteux ramassé sur la
route, un être d’une catégorie sociale
particulière, fatalement destiné à pas
ser d une maison d’arrêt' dans l’autre
mais un pauvre diable, qui n’a point
choisi sa vie, etj qu’une circonstance
suffirait souvent à réintégrer dans
des conditions plus normales. Tel à
qui une première faute infligera
honte cruelle de l’audience publique^
CINQ CENTIMES LE
Samedi 1 er Juin 1901.
l X
Réveil
Organe du Parti Républicain Démocraiitiue
PRIX DES ABONNEMENTS
Le Havre et la Seine-Inférieure par an 3 fr.
Départements » 4 fr.
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
15, H TJ E GASIMIR-PÉRIER, 15
Secrétaire de la Rédaction Alfred HENRI
L’Imprimeur-Gérant F. le roy
Prix des Insertions :
Annonces 25 centimes la ligne
Réclamés 50 »
On traite à forfait
ÉPITRE
AUX
TREMBLIiVES
S’il est un principe qui jusqu’à ce
jour était resté incontesté dans tout
le parti républicain, c’est celui qui
consiste à proclamer que la libre
discussion est nécessaire au progrès
politique et social. L’échange des
idées, l’exposé des théories, même
les plus violentes, la controverse,
tout cela était considéré pour la
civilisation moderne comme l’équi
valent de ce que la circulation est
pour le corps humain. L’émission
libre des idées semblait aussi indis
pensable à notre société que le sang
l’est aux organes.
Le Conseil municipal du Havre,
dans sa dernière séance, a été sur
le point de changer tout cela.
Il s’en est fallu de bien peu qu’on
ne prît une décision qui, nous n’hé
sitons pas à le dire, eût été tout
Simplement déshonorante pour notre
ville. Chose étrange, cette décision
était suggérée par ceux qui, investis
de l’honneur de diriger notre ville
et appelés à faire entendre la voix
d’une raison calme et maîtresse d’elle-
même, ne voient maintenant dans
l’exercice du pouvoir municipal que
le moyen d’accélérer les mesures
réactionnaires.
Il s’agissait du Cercle Franklin.
Depuis des années, cet établisse
ment a été considéré dans notre
ville comme un terrain neutre.
Toutes les doctrines ont pu, en
pleine liberté, s’y manifester. De
Sébastien Faure à Frédéric Passy,
une foule de systèmes politiques,
sociaux, humanitaires y ont affirmé
la supériorité morale de leurs solu
tions.
A ceux qui craignent le choc des
idées et qui considèrent la discussion
libre comme un procédé diabolique,
cela peut sembler dangereux. Mais
nous osons dire qu’il n’est pas un
républicain vraiment digne de ce
nom qui puisse songer un instant à
considérer comme un mal ces débats
ouverts sans cesse sur toutes les
questions qui, surtout depuis 1789,
passionnent l’humanité anxieuse de
ses devoirs.et jalouse de ses droits.
L’Administration municipale a
tenté de changer tout cela. Dans la
Commission spéciale à laquelle le
Conseil municipal avait renvoyé
l’examen deTaffectation à faire des
locaux Franklin, M. le Maire s’est
efforcé de faire prévaloir cette idée
que la grande salle devait être uni
quement consacrée aux fêtes ayant
un caractère artistique ou sportif,
et qu’on devait la refuser impitoya
blement à toute manifestation ou
conférence de nature politique ou
religieuse. On a osé aller jusque-là.
Si ceux qui, depuis trop longtemps,
suggèrent à M. Marais des mesures
réactionnaires sans précédent dans
notre ville depuis l’Empire, se figu
rent qu’ils sont de taille à faire recu
ler l’Idée, ils se trompent. Ils pa
raissent, certes, avoir beaucoup à
apprendre, et, avant d’administrer,
ils feraient bien d’aller compléter
leurs études historiques, lesquelles
semblent avoir été quelque peu
écourtées. Ils sauront, puisqu’ils pa
raissent l’ignorer, que la compres
sion des idées, la suppression de la
libre discussion, sont des procédés
qui vont contre le but poursuivi, et
que rien n’est plus sûr pour provo
quer les révoltes.
Les vrais révolutionnaires, ce
sont eux, et le fait qu’ils sont incon
scients ne suffit pas pour les absou
dre.
Le Conseil municipal, d’ailleurs,
le leur a bien montré en refusant de
souscrire à de pareilles conditions
et en renvoyant la question à la
Commission spéciale pour nouvel
examen. Si deux ou trois membres
du Conseil, à la suite de troubles
qu’on n’a voulu ni prévenir, ni ré
primer, ont les entrailles tenaillées
parla peur, ce n r est pas une raison
pour que le mal dont ils souffrent se
communique à leurs collègues.
Pour notre part, nous supplions
le Conseil municipal de réprouver
l’emploi de pareils moyens et de
décider que l’immeuble Franklin,
s’il est désaffecté en partie, restera,
cependant, pour les diverses sociétés
qui y recevaient l’hospitalité et pour
les conférenciers qu’on y allait
écouter, sans distinction d’opinions,
un asile inviolable.
Sans doute, la musique et la gym
nastique sont intéressantes, et nous
ne trouvons pas mauvais qu’on les
accueille avec faveur dans un im
meuble communal. Mais elles ne
peuvent suffire, à elles seules, pour
former l’homme, et il y aune qualité
d’activité intellectuelle à laquelle
elles ne peuvent suppléer.
Le Conseil municipal n’écoutera
donc pas les conseils des timorés.-Il
saura les engager à se guérir
promptement de leurs transes et de
leurs vapeurs, qui n’ont que trop
duré, et à montrer dans l’exercice du
pouvoir temporaire qui leur a été
confié, un peu plus d’énergie et de
virilité. Il saura enfin les forcer à ne
pas rompre brutalement, après
trente ans de république, avec un
régime de tolérance réciproque et
de liberté.
VERUS
M. Louis Lemaire, délégué du mi
nistre des colonies, est venu recevoir
à l’arrivée du navire.
Aux paroles de bienvenue pronon
cées par le délégué du ministre, l’ex-
reine a répondu par des paroles de re
merciements pour le gouvernement
dont la bonté et la sollicitude lui ont
permis d’entreprendre ce voyage.
M. Ranaivo, qui est sur le point de
terminer à Paris ses études de doc
torat en médecine, et qui restera ainsi
que M. Lemaire attaché à la personne
de la Reine pendant son séjour en
France, servait d’interprète.
La réception n’a eu aucun caractère
officiel. Seul, M. Boucard, chef du
service colonial à Marseille, est venu
saluer la Reine. Une centaine de cu
rieux se trouvaient au débarcadère.
Aucune manifestation ne s’est pro
duite.
En quittant le navire, au bras de
M. Lemaire, Ranavalo est montée en
landau avec sa tante et sa nièce et s’est
dirigée vers l’hôtel des Colonies où des
appartements avaient été retenus.
La Reine portait une toilette fort
simple, chapeau en paille noire et
grand manteau de voyage.
Le séjour de Ranavalo en France
sera de deux mois : un mois à Paris et
un mois à Arcachon, dont la station
lui a été recommandée pour sa santé.
Ranavalo partira demain matin
pour Paris par le rapide de 9 heures.
' La Reine
On écrit de Marseille, le' 29 mai
Ranavalo, l’ex^reiriedeMadagascar,
eit arrivée cette après-midi à 1 h. 45
par 1 è Général-Charizy, de la Compa
gnie transatlantique. Elle était ac
compagnée de Ramazîndrazaoa sa
tante, de la petite princesse Marie-
Louise sa nièce, de Mme Delpeux, sa
dame de compagnie et d’une femme
de ebftwKre. r.■„.* L....'£*^1 j
L’OEUVRE DU MINISTÈRE
Lundi dernier, M. Millerand, vive
ment acclamé par la population ou
vrière de Nouzon, a prononcé, au
cours du banquet qui a eu lieu le soir,
un discours des plus applaudis.
Le Congrès socialiste de Lyon, agi
tant à nouveau la « question Mille
rand », il nous parait intéressant de
reproduire une partie du discours du
ministre du Commerce, dans lequel
M. Millerand résume l’œuvre accom
plie en deux ans par le ministère de
Défense républicaine.
Voici le résumé :
Respectueux des limites où la Consti
tution a borné le pouvoir ministériel, mais
convaincu que j’eusse manqué à mon de
voir en n’usant pas de rùon droit, j’ai pris
l’initiative d’un certain nombre de dé
crets, dont je lie cherche ni à exalter ni à
rabaisser l’importance : sur les conditions
du travail, devenu, dans la majorité de ses
membres, l’émanation directe des ouvriers
et des patrons ; sur les conseils du travail
enfin, appelés à fournir au ministre du
Commerce des avis précieux et autorisés.
Toutes ces mesures ont été dictées par le
même souci d’où est né le projet de loi
qu’avec M. le président du Conseil, j’ai
déposé sur les syndicats : celui de faire
chaque jour apprécier davantage par les
travailleurs les bienfaits qu’ils sont ap
pelés à retirer de l’association profession
nelle, comme de prévenir par une organi
sation à la fois forte et souple, des éxplo-
sionsTmprévües si redoutables à tous les
intérêts. C’est aux mêmes préoccupations
que nous avons obéi, en déposant'lè pro
jet de loi sur le règlement amiable des dif
férends du travail, qui est améndablef,
nous n’en doutons pas, mais qui est néces
saire, les événements dé cès derniers inois
ner l’ont que trop prouvé.
Par ces projets, par ces décrets, nous
attestons hautement à quel point nous
comptons sur la raison, sur la sagessé des
ouvriers auxquelles nous nous fions. Cer
tes, il ne nous échappe pas que l’organisa
tion, dont nous traçons ainsi les grandes
lignes, réclame des travailleurs qui sont
appelés à la faire jouer une connaissance
de plus en plus exacte de leur devoir
comme de leurs droits. Nous ne sommes,
pour notre part, disposés à méconnaîtae
ni les uns ni les autres.
La société ne saurait équitablement at
tendre des plus malheureux et des plus
intéressants de ses membres cette maîtrise
de soi, ce calme, cet acte de foi dans l’a
mélioration progressive et pacifique de
leur sort qu’elle leur demartde, si elle né
leur assurait le minimum de garanties
matérielles et de sécurité moralé au-des
sous duquel la misère ne permet pas à la
conscience de s’éveiller. C’est en nous ins
pirant de ce haut devoir social, dont la
Révolution française a, dans ses déclara
tions et dans ses lois, si souvent inscrit
l’affirmation catégorique, que nous avons
présenté la loi du 30 mars 1900, qui assure
à la population ouvrière un peu plus de
loisirs en ramenant, dès avril prochain
pour les femmes, les enfants et l’immense
majorité des hommes, la journée de tra
vail à dix heures et demie, et déux ans
plus tard à dix heures.
C’est parce que nous tenons la solida
rité sociale non pour une vaine forihule
mais pour une obligation sacrée, que daiis
quelques jours, d’accord avec la commis
sion de la Chambra, nous réclamerons, en
toute confiance, le vote d’une loi sur les
retraites ouvrières, telle que celle dont,
pour notre humiliation, un empire voisin
depuis douze ans déjà, réalisé l’appli
cation.
Et tandis que la Chambre mène à bien,
j’en suis sûr, cette grande œuvre démo
cratique, à côté d’elle, le Sénat remplira
une tâche différente, mais non moins ur
gente de progrès républicain et de préser
vation nationale, en ratifiant le vote du
projet sur les associations, vote dû à la
résolution, à la discipline de la majorité
républicaine, et aussi, — la reconnais
sance de notre parti l’a déjà proclamé, —
à l’admirable éloquence et à la patiente
énergie de M. Waldeck-Rousseau.
Tels sont quelques-uns des traits par où
se caractérise l’œuvre du ministère de dé
fense et d’action républicaines. Oh a es
sayé de la défigurer ; on n’y a pas réussi :
le pays a vite reconnu dans les hommes
qui étaient au pouvoir des républicains
de bonne foi et de bonne volonté : il a sa
luè avec satisfaction en ce ministère un
gouvernement digne de ce nom, parce
qu’il a un programme, une volonté et un
but, Il ne lui a pas plus marchandé sa
confiance que la majorité républicaine ne
lui a ménagé son appui. Le pays a com
pris : il a approuvé la conception simple
et forte d’un homme d’Ètat qui, en appe
lant à fi honneur de collaborer aveè lui des
représentants de toutes lès fractions, sans
exception, du parti républicain, a mar
qué par là même avec éclat, sa décision
que toutes les aspirations légitimes de la
démocratie fussent'au poùvoir représen
tées et servies
Nous avons suscité d’ardentes colères,
soulevé des hostilités passionnées ; elles
ne nous ont ni surpris ni troublés. Il ne
faut ni rechercher les ennemis ni les
craindre, mais faire son devoir et marcher
son chemin. Fidèles à une vieille formule
qui n’a pas cessé d’être juste, nous'gou
vernons pour le pàys, avec le programme
d’un parti : ce parti, c’est le parti répu-
jfilieaipjF._ * *•
Ses rangs ne .sont 1 fermés à personne,
mais il se refuse à quémander à ses ad
versaires‘des complaisances, qui se paiént
par des trahisons. N’ayant rien à attendre 1
de nous q(ue la justice, ces adversaires ve
nus de tous les points de l’horizon, ont
formé une coalition qui s’excite à la bataille
sans réussir môme à se faire illusion à soi-
même sur le résùfiât, ,l ''’iniolû ,
De cette coalition sans nom et sâns’â'vé-
nir, dont le syndic et le banquier est au
jourd’hui, comme hier, comme toujours
la Congrégation, le parti républicain n’à
rien à craindre.
Le secret de la victoire tient pour lui
en deux mots : l’union et l’action.
JUSTI CE HUM AINE
Il y a quelques semaines, dans une
lettre à M. Louis Barthou, M. Je pré
sident Magnaud définissait ainsi le
rôle du juge :
« J estime que le juge n’est pas fait
pour appliquer la loi d’une façon mé
canique, comme un écolier copiant
des modèles d’écritures... La première
qualité d’un juge, à mon sens, est
d. être un homme, et un homme de son
temps, qui, loin d’être le dévot d’un
formalisme traditionnel, s’efforce de
ne rien ignorer du monde divers qui
l’entoure, de discerner la variété des
sentiments qui régnent à chaque de
gré de 1 echelle sociale et d’en faire
délibérément état dans ses décisions...
Le désir de rendre 1 & justice juridique
doit-il prévaloir sur celui de rendre
la justice équitable, conforme au droit
naturel , ainsi qu’à Vesprit et aux idées
d’amélioration sociale de son temps ? »
Certes, si nous nous placions au
point de vue absolu, nous ne saurions
trop applaudir au langage de lhono-
rable président du tribunal de Châ
teau-Thierry. Quoi de plus beau, en
effet, que le rôle du magistrat ainsi
compris ! S’élevant au-dessus des
fausses conventions et des traditions
desuetes, il juge selon la morale éter
nelle, dédaignant les textes figés du
Code pour n’écouter que la voix de sa
conscience.
Il est libre. Il connaît, sans y par
ticiper, les querelles de la politique
et les rivalités sociales. Trônant dans
une sérénité que rien ne trouble, il
échappe à nos passions, il ne partage
pas nos faiblesses et se penche vers
les âmes avec l’attention recueillie du
confesseur. Et lorsqu’il prononce sa
sentence, aucune considération exté
rieure ne saurait Finfluencer.
Car il n est point la seulement pour
juger, cet homme a qui la Républi
que a confié un pouvoir formidable.
Il n’est point là seulement pour châ
tier ou absoudre. Il est la, aussi pour
moraliser, pour améliorer la société
à laquelle, du haut de sou siège
entouré d’un appareil d’un autre âge*
il parle avec une autorité quasi-sou
veraine.
Quel rôle immense et troublant que
celui du juge! Pour être vraiment
jüste, il faut qu’il arrive à pénétrer
ce qui se passe au plus secret de l’âme
de ce prévenu, le plus souvent dé
moralise, menteur par crainte, qui se
trouve devant lui. Le ipoment est dé
cisif, 1 avenir moral d’un homme est
entre ses mains. Du mot qui va être
prononce,^ souvent dépend une vie
tout entière. Ce mot peut relever
1 homme et le rendre à l'honneur —
ou rejeter le misérable qu’il ccmdamne
aans A éternelle nuit des réprouves*
lUssi faut-il que le juge ait Pâme
bonue et pitoyable. Il ne doit point
voir dans le loqueteux ramassé sur la
route, un être d’une catégorie sociale
particulière, fatalement destiné à pas
ser d une maison d’arrêt' dans l’autre
mais un pauvre diable, qui n’a point
choisi sa vie, etj qu’une circonstance
suffirait souvent à réintégrer dans
des conditions plus normales. Tel à
qui une première faute infligera
honte cruelle de l’audience publique^
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