Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1900-09-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 septembre 1900 01 septembre 1900
Description : 1900/09/01 (N227). 1900/09/01 (N227).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k32634268
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/05/2019
5 e Année — N* 227.
CINQ CENTIMES LE NUMERO
Samedi I er Septembre 1909.
Organe du Parti Républicain Démocratique
PRIX DES ABONNEMENTS
Le Havre et la Seine-Inférieure par an 3 fr.
Départements » 4 fr.
1
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
i
1
15,
RUE GASIMIR.-PÉRIER,
1 5
==
m
I
Secrétaire de la Rédaction.*.. Alfred Henri
L’Imprimeur-Gérant E. LE ROY
1
1
Prix des Insertions :
Annonces.
Réclames..
25 centimes la ligne
50 »
On traite à forfait
CASSE-COU!
Je ne sais si vous avez eu connais
sance de l’appel énergique adressé aux
travailleurs de Roubaix par M. Eu
gène Motte, leur député. Il vaut la
peine d’être lu et médité ; le voici :
Travailleurs, on m’accuse d’avoir
créé la misère et de la développer. La
réponse est facile. En 1899, nous
avons occupé à Roubaix six cents
ouvriers de plus que l’année précé
dente. Le chômage est dû à ceux qui
fomentent la haine, la lutte des clas
ses, qui suscitent les grèves sans rai
son, pour la seule agitation.
J’ai toujours et partout demandé
l’union des ouvriers et des patrons,
réclamé la réconciliation ; et des éner-
gumènes se sont dressés devant nous,
poussant aux conflits et aux pires
extrémités. Ce sont eux qui sont res
ponsables de la défiance des capitaux
et de la langueur des affaires. Com
ment voulez-vous que dos industriels
construisent de nouvelles usines alors
que les meneurs collectivistes décla
rent à tout propos que ces usines leur
seront enlevées et socialisées. L’es
prit révolutionnaire propagé dans le
pays entier engendre le chômage et la
misère. Qui sème le vent récolte la
tempête !
« Travailleurs roubaisiens, l’indus
trie et le commerce ne peuvent vivre
que dans une atmosphère de confiance
et d’union. »
Il serait à souhaiter que tous ceux
qui détiennent, à un titre quelcon
que, un mandat du suffrage univer
sel suivissent cet exemple, car la
situation est grave et met en péril
l’avenir des ouvriers français.
Vous savez à quelles extrémités dé
plorables les grévistes se sont portés
au Havre, à Marseille, à Bordeaux
€t dans bien d’autres villes. La liberté
sacrée du travail, proclamée à la tri
bune de la Chambre par M. Waldeck-
Rousseau, a été foulée aux pieds.
C’est par la violence que les manifes
tants ont contraint de se joindre à
eux leurs camarades qui ne voulaient
pas laisser leurs outils. Il y a là un
abus inadmissible. Le droit de tra
vailler est au moins égal à celui de
ne rien faire. Le nier, c’est nier la
liberté elle-même.
Mais les grévistes dont nous par
lons ont vraiment fait trop bon mar
ché de leurs devoirs de citoyens. Nous
ne parlons pas de l’alternative bru
tale dans laquelle ils ont placé leurs
employeurs, en cessant tout-à-coup le
travail sans pourparlers préalables;
nous parlons des conséquences de leur
irréductible décision.
Alors que l’on comptait les heures
pour l’envoi de renforts en Chine,
que le moindre retard pouvait avoir
de funestes suites, les grévistes refu
saient d’embarquer et les transports
devaient attendre pour lever l’ancre
que l’on pût leur fournir un person
nel de l’Etat. Il n’y a pas à se le dis
simuler, cela est grave, très grave.
Jusqu’à présent, en France, les con
sidérations patriotiques avaient primé
toutes les autres. N’en serait-il plus
de même aujourd’hui? Dans ce cas,
notre pauvre pays serait bien malade.
Jusqu’aux sentiments de la plus
élémentaire humanité qui se sont
trouvés en défaut pendant ces mau
vais jours.
A Marseille, le 17 août, une bar
que était en perdition dans la rade.
On demandait un remorqueur pour
lui porter secours. Croiriez-vous qu’il
a fallu « de longs et difficiles pour
parlers » avec le comité de la grève
pour que les chauffeurs et mécaniciens
puissent prêter à ce sauvetage leur
concours nécessaire? Ne faut-il pas
vraiment qu’il y ait des circonstances
où tout ce qu’il y a de bon en nous
s’atrophie sous l’empire d’une passion
obsédante ?
Nous rappelons ces faits encore
moins pour les condamner que pour
montrer l’obligation qui s’impose aux
ouvriers, braves gens dignes de toute
notre sollicitude, de se retenir sur la
pente où ils glissent par un dange
reux entrainement. Tout est à crain
dre quand on arrive aux excès que
nous venons de signaler. Ils n’auront
pas été nuisibles s’ils appellent un
peu de réflexion et il est impossible
qu’il eu soit autrement.
Tout à l’heure, nous disions que le
devoir de ceux qui tiennent un man
dat du peuple était de mettre leur
influence au service d’une cause bien
digne de les retenir, puisque l’avenir
même du pays y est attaché. Beau
coup l’ont compris et, dans nombre
de Conseils généraux, de sages paro
les ont été prononcées.
Dans l’Eure, notamment, un séna
teur, s’est exprimé ainsi :
« A cet égard, la difficulté, dit-il,
est de s’entendre sur les moyens à
prendre pour arriver à améliorer le
sort de l’ouvrier. Il faut que l'on sache
bien que nous ne voulons pas attein
dre ce but par la lutte des classes.
« Respectueux du droit de grève,
nous voulons qu’on assure avec la
dernière énergie la liberté du tra
vail ».
Eu Saône-et-Loire, le président a
été plus précis encore :
« Depuis de longs mois, le départe
ment de Saône-et-Loire est profondé
ment troublé. Les conflits, entre ou
vriers et patrons, que nous pouvions
croire apaisés après les grèves de l'an
née dernière, se renouvellent chaque
jour plus nombreux et plus inquié
tants, et la surexcitation des esprits
chaque jour croissante peut faire
craindre de redoutables éventualités.
« La prospérité de notre région in
dustrielle a reçu une sérieuse atteinte.
Nous ne voulons pas rechercher les
responsabilités, car notre rôle n’est
pas d’exciter les passions déjà trop
vives. Nous devons au contraire cher
cher à rétablir entre les ouvriers et les
patrons l’harmonie et l’union, si né
cessaire pour le bien de tous, pour
l’amélioration du salaire comme pour
le succès et le développement de l’in
dustrie.
« Nous avons le droit de proclamer
que la guerre qui se poursuit sans
merci entre le capital et le travail ne
saurait se prolonger plus longtemps
sans danger pour les intérêts essen
tiels du pays. Nous avons le devoir
de répéter qu’elle est de nature à atti
rer l’attention immédiate, vigilante
et soutenue du gouvernement et des
pouvoirs publics.
« Quand le mal devient profond, les
remèdes prompts et énergiques s’im
posent, il faut garantir à tous la
liberté du travail et régler pacifique
ment les différends qui menacent de
conduire la population laborieuse aux
résolutions les plus extrêmes et les
plus violentes. »
Yoilà des conseils que les travail
leurs ne sauraient trop méditer. Mieux
que les excitations haineuses, ils leur
indiquent leur devoir et la voie du
salut.
Il ne s’agit pas ici de discuter si
leurs revendications sont légitimes
ou non. Autant de cas particuliers,
autant de solutions à examiner. Il
faut d’ailleurs être sur place pour
entrer dans ces détails, et encore n’ar
rive-t-on pas toujours à s’éclairer.
Nous envisageons donc le cas où
les ouvriers ont raison sur toute la
ligne et nous disons d’abord que les
questions de patriotisme et d’huma
nité doivent toujours passer au pre
mier plan ; — nous disons ensuite
que certaines mœurs, certaines habi
tudes, sur lesquelles nous n’avons
pas besoin d’insister, sont aussi in
compatibles avec les principes répu
blicains qu’avec la bonne marche de
l’industrie qui est leur gagne-pain.
Qu’ils y songent. Sans prétendre
restreindre leurs droits ni excuser
aucun abus, nous pouvons leur don
ner ce conseil.
Il fut un temps où l’ouvrier avait
l’orgueil de la maison à laquelle il
appartenait, où il travaillait avec
émulation à sa prospérité, où il l’ai
mait et la défendait au besoin. Groupé
autour du patron, le personnel for
mait une cohorte vaillante et solide,
qu’unissait un lien de mutuelle con
fiance et de mutuelle affection. Ces
maisons étaient en général prospères,
le patron réussissait, les ouvriers
étaient heureux de leur sort, ils fai
saient vivre honorablement leur fa
mille et devenaient souvent patrons
à leur tour.
Bien que ce temps soit encore rap
proché, il serait peut-être vain de
souhaiter d^y revenir. Du moins, est-
il permis quand même d’estimer que
l’état actuel des rapports entre pa
trons et ouvriers est trop souvent
déplorable, nuisible autant aux uns
qu’aux autres et de faire des vœux
sincères pour que, en dehors de toute
considération politique, ces rapports
s’améliorent, réalisant l’accord entre
des intérêts que tous les sophismes
des agitateurs de profession n'empê
cheront pas d’être solidaires.
Et il ne faut pas se lasser de crier :
« Casse-cou ! » aux ouvriers qui se
raient tentés de suivre ces excitations
mauvaises.
François DEPASSE.
[Reproduction interdite).
TRANSVAAL ET CHINE
Convoitises Anglaises
La guerre du Transvaal se poursuit
sans amener le résultat définitif que
tout le monde prévoyait : les Boers
résistent avec une énergie qui ne se
dément pas. Bien commandés par les
généraux Botha et Dewet, ils font
avec succès la guerre de guérillas et
donnent du fil à retordre au vieux
lord Roberts, non moins qu’à son sa
vant chef d’état-major, lord Kitche-
ner, qui les poursuit en personne.
L’issue de la lutte n’est pourtant pas
douteuse; mais du moins les paysans
de Prétoria auront-ils honoré par
leurs exploits une cause juste en elle-
même et qui méritait mieux que l’ad
miration impassible de l’Europe. A-t
on remarqué, à propos du Transvaal,
que ce pays, représenté comme réfrac
taire à la civilisation, vient d’obtenir
pour ses écoles un des grands prix de
l’Exposition : preuve nouvelle qu’il a
été odieusement calomnié par les
Anglais !
En Chine, ces mêmes Anglais se
montrent aussi égoïstes, aussi dépour
vus de sens moral que dans les autres
parties du monde. Le péril commun
des nations européennes n’a pas pu
triompher de ces sentiments, peu res
pectables en soi, qui ont, paraît-il,
fondé la grandeur britannique. Non
seulement l’Angleterre a retardé la
marche sur Pékin, pour empêcher un
triomphe trop complet des Russes,
mais elle s'est dérobée à la coopéra
tion qu’elle avait promise, ou, du
moins, elle n’a envoyé qu’un contin
gent hors de proportion avec ses forces
réelles. En revanche, sa flotte croise
aux bouches du Yang-tsé, et le cabi
net de St-James s’apprête à profiter
du trouble de l’Europe pour faire
main basse sur tout ce qui est à sa
convenance. C’est le cas ou jamais
pour les Etats européens d’en finir
avec ces convoitises et cette voracité qui
devient un vrai péril. Sans quoi, on
ne sait ce qui pourrait advenir. Il
faut civiliser la Chine et non la jar-
tager; ce n’est pas seulement la mo
rale, c’est l’intérêt bien entendu qui
le commande : un démembrement
donnerait peut-être le signal d’une
gierre européenne, car les intérêts
des puissances ne tarderaient pas à
être en conflit.
Milord.
o
Les nombreuses grèves qui ont lieu
actuellement en France appellent l’at
tention sur une proposition de loi dont
est saisie la Commission du travail de
la Chambre des députés et qui est
relative au « louage de services ».
Cette proposition a pour auteur M.
Paul Beauregard, député du 16 e ar
rondissement de Paris qui, dans son
exposé des motifs, exprime cette opi
nion que « la plupart des procès entre
« employeurs et salariés proviennent
cc d’un manque de clarté dans la fixa-
« tion du contrat ». Et cette absence
de clarté n’est pas seulement une des
causes les plus fréquentes des contes
tations portées devant les prud’hom
mes, mais encore des discordes qui
aboutissent aux grèves.
M. Paul Beauregard estime que le
jour où l’on aurait trouvé une formule
de contrat de louage, énumérant de
façon concise, mais nette, les droits
et devoirs réciproques de l’employeur
et de l’employé, les procès comme les
grèves ne cesseraient pas, ce n’est pas
dans l’humaine nature que l’accord
soit parfait ; mais, ou bien ils seraient
moins nombreux, ou bien leur solu
tion serait autrement aisée et les dé
cisions à intervenir plus facilement
respectées.
Evidemment, une semblable pro
position mérite un examen sérieux,
par la Commission du travail, car elle
a pour but d’essayer d’éviter d’abord
les conflits ; puis, s’ils se sont pro
duits, de les résoudre à l’amiable
avant qu’ils aient eu le temps d’en
gendrer, pour les ouvriers, la misère,
pour l’industrie, l’embarras et parfois
la ruine.
C’ert dans ce but qu’a été établie
la loi de 1892. Les statistiques an
nuelles démontrent qu’elle est loin
d’avoir réalisé les espérances qu’on
avait fondées sur elle. M. Beauregard
critique le rôle attribué au juge de
.paix comme conciliateur, puis il ne
veut pas que les intéressés discutent
ensemble leurs prétentions. Il désire
rait que la conciliation et l’arbitrage
fussent organisés d’autre façon qu’ils
le sont actuellement.
Les conseils des prud’hommes lui
paraissent pouvoir être employés ; ils
inspireraient plus de confiance, parce
qu’ils seraient évidemment plus com
pétents. Mais c’est surtout le moyen
efficace d’élucider le grave problème
des rapports entre le capital et le tra
vail que M. Beauregard demande
qu’on recherche, et ce moyen est,
d’après lui, le contrat de louage de
services précis et sans ambages.
T. H.
LES GRÈVES BU HAVRE
L’état de grève prend, au Havre,
un caractère politique. Ce n’est plus,
en effet, l’amélioration progressive de
leur condiiion sociale que demandent
les ouvriers grévistes, mais c’est un
saut brusque dans l’inconnu qu’ils
entreprennent; c’est une situation
quasi-révolutionnaire qu’ils engen
drent par la généralisation des con
flits et par l’étendue de leurs reven
dications.
Je ne veux rien prendre au tragique
et je désire me garder de toute exagé
ration de part et d’autre. Je cherche
à rester dans un juste milieu de rai
son, compatible avec les aspirations
légitimes des travailleurs, aussi bien
qu’avec la situation économique du
pays, en concurrence constante avec
les autres villes ainsi qu’avec les au
tres nations, et je pense que ce u’est
pas par un mouvement révolution
naire que l’on doive obtenir un mieux-
être durable.
Du reste, on ne fait pas do révolu
tion économique, l’effort immédiat et
considérable nécessaire pour cela reste
au-dessus des forces humaines ; l’on
ne saurait compter que sur l’évolu
tion graduelle du progrès, ayant l’or
dre à la base et la justice comme
guide, pour donner à tous les déshé
rités de la forture, satisfaction réelle
à leurs desiderata.
La grève est une force brutale à la-
CINQ CENTIMES LE NUMERO
Samedi I er Septembre 1909.
Organe du Parti Républicain Démocratique
PRIX DES ABONNEMENTS
Le Havre et la Seine-Inférieure par an 3 fr.
Départements » 4 fr.
1
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
i
1
15,
RUE GASIMIR.-PÉRIER,
1 5
==
m
I
Secrétaire de la Rédaction.*.. Alfred Henri
L’Imprimeur-Gérant E. LE ROY
1
1
Prix des Insertions :
Annonces.
Réclames..
25 centimes la ligne
50 »
On traite à forfait
CASSE-COU!
Je ne sais si vous avez eu connais
sance de l’appel énergique adressé aux
travailleurs de Roubaix par M. Eu
gène Motte, leur député. Il vaut la
peine d’être lu et médité ; le voici :
Travailleurs, on m’accuse d’avoir
créé la misère et de la développer. La
réponse est facile. En 1899, nous
avons occupé à Roubaix six cents
ouvriers de plus que l’année précé
dente. Le chômage est dû à ceux qui
fomentent la haine, la lutte des clas
ses, qui suscitent les grèves sans rai
son, pour la seule agitation.
J’ai toujours et partout demandé
l’union des ouvriers et des patrons,
réclamé la réconciliation ; et des éner-
gumènes se sont dressés devant nous,
poussant aux conflits et aux pires
extrémités. Ce sont eux qui sont res
ponsables de la défiance des capitaux
et de la langueur des affaires. Com
ment voulez-vous que dos industriels
construisent de nouvelles usines alors
que les meneurs collectivistes décla
rent à tout propos que ces usines leur
seront enlevées et socialisées. L’es
prit révolutionnaire propagé dans le
pays entier engendre le chômage et la
misère. Qui sème le vent récolte la
tempête !
« Travailleurs roubaisiens, l’indus
trie et le commerce ne peuvent vivre
que dans une atmosphère de confiance
et d’union. »
Il serait à souhaiter que tous ceux
qui détiennent, à un titre quelcon
que, un mandat du suffrage univer
sel suivissent cet exemple, car la
situation est grave et met en péril
l’avenir des ouvriers français.
Vous savez à quelles extrémités dé
plorables les grévistes se sont portés
au Havre, à Marseille, à Bordeaux
€t dans bien d’autres villes. La liberté
sacrée du travail, proclamée à la tri
bune de la Chambre par M. Waldeck-
Rousseau, a été foulée aux pieds.
C’est par la violence que les manifes
tants ont contraint de se joindre à
eux leurs camarades qui ne voulaient
pas laisser leurs outils. Il y a là un
abus inadmissible. Le droit de tra
vailler est au moins égal à celui de
ne rien faire. Le nier, c’est nier la
liberté elle-même.
Mais les grévistes dont nous par
lons ont vraiment fait trop bon mar
ché de leurs devoirs de citoyens. Nous
ne parlons pas de l’alternative bru
tale dans laquelle ils ont placé leurs
employeurs, en cessant tout-à-coup le
travail sans pourparlers préalables;
nous parlons des conséquences de leur
irréductible décision.
Alors que l’on comptait les heures
pour l’envoi de renforts en Chine,
que le moindre retard pouvait avoir
de funestes suites, les grévistes refu
saient d’embarquer et les transports
devaient attendre pour lever l’ancre
que l’on pût leur fournir un person
nel de l’Etat. Il n’y a pas à se le dis
simuler, cela est grave, très grave.
Jusqu’à présent, en France, les con
sidérations patriotiques avaient primé
toutes les autres. N’en serait-il plus
de même aujourd’hui? Dans ce cas,
notre pauvre pays serait bien malade.
Jusqu’aux sentiments de la plus
élémentaire humanité qui se sont
trouvés en défaut pendant ces mau
vais jours.
A Marseille, le 17 août, une bar
que était en perdition dans la rade.
On demandait un remorqueur pour
lui porter secours. Croiriez-vous qu’il
a fallu « de longs et difficiles pour
parlers » avec le comité de la grève
pour que les chauffeurs et mécaniciens
puissent prêter à ce sauvetage leur
concours nécessaire? Ne faut-il pas
vraiment qu’il y ait des circonstances
où tout ce qu’il y a de bon en nous
s’atrophie sous l’empire d’une passion
obsédante ?
Nous rappelons ces faits encore
moins pour les condamner que pour
montrer l’obligation qui s’impose aux
ouvriers, braves gens dignes de toute
notre sollicitude, de se retenir sur la
pente où ils glissent par un dange
reux entrainement. Tout est à crain
dre quand on arrive aux excès que
nous venons de signaler. Ils n’auront
pas été nuisibles s’ils appellent un
peu de réflexion et il est impossible
qu’il eu soit autrement.
Tout à l’heure, nous disions que le
devoir de ceux qui tiennent un man
dat du peuple était de mettre leur
influence au service d’une cause bien
digne de les retenir, puisque l’avenir
même du pays y est attaché. Beau
coup l’ont compris et, dans nombre
de Conseils généraux, de sages paro
les ont été prononcées.
Dans l’Eure, notamment, un séna
teur, s’est exprimé ainsi :
« A cet égard, la difficulté, dit-il,
est de s’entendre sur les moyens à
prendre pour arriver à améliorer le
sort de l’ouvrier. Il faut que l'on sache
bien que nous ne voulons pas attein
dre ce but par la lutte des classes.
« Respectueux du droit de grève,
nous voulons qu’on assure avec la
dernière énergie la liberté du tra
vail ».
Eu Saône-et-Loire, le président a
été plus précis encore :
« Depuis de longs mois, le départe
ment de Saône-et-Loire est profondé
ment troublé. Les conflits, entre ou
vriers et patrons, que nous pouvions
croire apaisés après les grèves de l'an
née dernière, se renouvellent chaque
jour plus nombreux et plus inquié
tants, et la surexcitation des esprits
chaque jour croissante peut faire
craindre de redoutables éventualités.
« La prospérité de notre région in
dustrielle a reçu une sérieuse atteinte.
Nous ne voulons pas rechercher les
responsabilités, car notre rôle n’est
pas d’exciter les passions déjà trop
vives. Nous devons au contraire cher
cher à rétablir entre les ouvriers et les
patrons l’harmonie et l’union, si né
cessaire pour le bien de tous, pour
l’amélioration du salaire comme pour
le succès et le développement de l’in
dustrie.
« Nous avons le droit de proclamer
que la guerre qui se poursuit sans
merci entre le capital et le travail ne
saurait se prolonger plus longtemps
sans danger pour les intérêts essen
tiels du pays. Nous avons le devoir
de répéter qu’elle est de nature à atti
rer l’attention immédiate, vigilante
et soutenue du gouvernement et des
pouvoirs publics.
« Quand le mal devient profond, les
remèdes prompts et énergiques s’im
posent, il faut garantir à tous la
liberté du travail et régler pacifique
ment les différends qui menacent de
conduire la population laborieuse aux
résolutions les plus extrêmes et les
plus violentes. »
Yoilà des conseils que les travail
leurs ne sauraient trop méditer. Mieux
que les excitations haineuses, ils leur
indiquent leur devoir et la voie du
salut.
Il ne s’agit pas ici de discuter si
leurs revendications sont légitimes
ou non. Autant de cas particuliers,
autant de solutions à examiner. Il
faut d’ailleurs être sur place pour
entrer dans ces détails, et encore n’ar
rive-t-on pas toujours à s’éclairer.
Nous envisageons donc le cas où
les ouvriers ont raison sur toute la
ligne et nous disons d’abord que les
questions de patriotisme et d’huma
nité doivent toujours passer au pre
mier plan ; — nous disons ensuite
que certaines mœurs, certaines habi
tudes, sur lesquelles nous n’avons
pas besoin d’insister, sont aussi in
compatibles avec les principes répu
blicains qu’avec la bonne marche de
l’industrie qui est leur gagne-pain.
Qu’ils y songent. Sans prétendre
restreindre leurs droits ni excuser
aucun abus, nous pouvons leur don
ner ce conseil.
Il fut un temps où l’ouvrier avait
l’orgueil de la maison à laquelle il
appartenait, où il travaillait avec
émulation à sa prospérité, où il l’ai
mait et la défendait au besoin. Groupé
autour du patron, le personnel for
mait une cohorte vaillante et solide,
qu’unissait un lien de mutuelle con
fiance et de mutuelle affection. Ces
maisons étaient en général prospères,
le patron réussissait, les ouvriers
étaient heureux de leur sort, ils fai
saient vivre honorablement leur fa
mille et devenaient souvent patrons
à leur tour.
Bien que ce temps soit encore rap
proché, il serait peut-être vain de
souhaiter d^y revenir. Du moins, est-
il permis quand même d’estimer que
l’état actuel des rapports entre pa
trons et ouvriers est trop souvent
déplorable, nuisible autant aux uns
qu’aux autres et de faire des vœux
sincères pour que, en dehors de toute
considération politique, ces rapports
s’améliorent, réalisant l’accord entre
des intérêts que tous les sophismes
des agitateurs de profession n'empê
cheront pas d’être solidaires.
Et il ne faut pas se lasser de crier :
« Casse-cou ! » aux ouvriers qui se
raient tentés de suivre ces excitations
mauvaises.
François DEPASSE.
[Reproduction interdite).
TRANSVAAL ET CHINE
Convoitises Anglaises
La guerre du Transvaal se poursuit
sans amener le résultat définitif que
tout le monde prévoyait : les Boers
résistent avec une énergie qui ne se
dément pas. Bien commandés par les
généraux Botha et Dewet, ils font
avec succès la guerre de guérillas et
donnent du fil à retordre au vieux
lord Roberts, non moins qu’à son sa
vant chef d’état-major, lord Kitche-
ner, qui les poursuit en personne.
L’issue de la lutte n’est pourtant pas
douteuse; mais du moins les paysans
de Prétoria auront-ils honoré par
leurs exploits une cause juste en elle-
même et qui méritait mieux que l’ad
miration impassible de l’Europe. A-t
on remarqué, à propos du Transvaal,
que ce pays, représenté comme réfrac
taire à la civilisation, vient d’obtenir
pour ses écoles un des grands prix de
l’Exposition : preuve nouvelle qu’il a
été odieusement calomnié par les
Anglais !
En Chine, ces mêmes Anglais se
montrent aussi égoïstes, aussi dépour
vus de sens moral que dans les autres
parties du monde. Le péril commun
des nations européennes n’a pas pu
triompher de ces sentiments, peu res
pectables en soi, qui ont, paraît-il,
fondé la grandeur britannique. Non
seulement l’Angleterre a retardé la
marche sur Pékin, pour empêcher un
triomphe trop complet des Russes,
mais elle s'est dérobée à la coopéra
tion qu’elle avait promise, ou, du
moins, elle n’a envoyé qu’un contin
gent hors de proportion avec ses forces
réelles. En revanche, sa flotte croise
aux bouches du Yang-tsé, et le cabi
net de St-James s’apprête à profiter
du trouble de l’Europe pour faire
main basse sur tout ce qui est à sa
convenance. C’est le cas ou jamais
pour les Etats européens d’en finir
avec ces convoitises et cette voracité qui
devient un vrai péril. Sans quoi, on
ne sait ce qui pourrait advenir. Il
faut civiliser la Chine et non la jar-
tager; ce n’est pas seulement la mo
rale, c’est l’intérêt bien entendu qui
le commande : un démembrement
donnerait peut-être le signal d’une
gierre européenne, car les intérêts
des puissances ne tarderaient pas à
être en conflit.
Milord.
o
Les nombreuses grèves qui ont lieu
actuellement en France appellent l’at
tention sur une proposition de loi dont
est saisie la Commission du travail de
la Chambre des députés et qui est
relative au « louage de services ».
Cette proposition a pour auteur M.
Paul Beauregard, député du 16 e ar
rondissement de Paris qui, dans son
exposé des motifs, exprime cette opi
nion que « la plupart des procès entre
« employeurs et salariés proviennent
cc d’un manque de clarté dans la fixa-
« tion du contrat ». Et cette absence
de clarté n’est pas seulement une des
causes les plus fréquentes des contes
tations portées devant les prud’hom
mes, mais encore des discordes qui
aboutissent aux grèves.
M. Paul Beauregard estime que le
jour où l’on aurait trouvé une formule
de contrat de louage, énumérant de
façon concise, mais nette, les droits
et devoirs réciproques de l’employeur
et de l’employé, les procès comme les
grèves ne cesseraient pas, ce n’est pas
dans l’humaine nature que l’accord
soit parfait ; mais, ou bien ils seraient
moins nombreux, ou bien leur solu
tion serait autrement aisée et les dé
cisions à intervenir plus facilement
respectées.
Evidemment, une semblable pro
position mérite un examen sérieux,
par la Commission du travail, car elle
a pour but d’essayer d’éviter d’abord
les conflits ; puis, s’ils se sont pro
duits, de les résoudre à l’amiable
avant qu’ils aient eu le temps d’en
gendrer, pour les ouvriers, la misère,
pour l’industrie, l’embarras et parfois
la ruine.
C’ert dans ce but qu’a été établie
la loi de 1892. Les statistiques an
nuelles démontrent qu’elle est loin
d’avoir réalisé les espérances qu’on
avait fondées sur elle. M. Beauregard
critique le rôle attribué au juge de
.paix comme conciliateur, puis il ne
veut pas que les intéressés discutent
ensemble leurs prétentions. Il désire
rait que la conciliation et l’arbitrage
fussent organisés d’autre façon qu’ils
le sont actuellement.
Les conseils des prud’hommes lui
paraissent pouvoir être employés ; ils
inspireraient plus de confiance, parce
qu’ils seraient évidemment plus com
pétents. Mais c’est surtout le moyen
efficace d’élucider le grave problème
des rapports entre le capital et le tra
vail que M. Beauregard demande
qu’on recherche, et ce moyen est,
d’après lui, le contrat de louage de
services précis et sans ambages.
T. H.
LES GRÈVES BU HAVRE
L’état de grève prend, au Havre,
un caractère politique. Ce n’est plus,
en effet, l’amélioration progressive de
leur condiiion sociale que demandent
les ouvriers grévistes, mais c’est un
saut brusque dans l’inconnu qu’ils
entreprennent; c’est une situation
quasi-révolutionnaire qu’ils engen
drent par la généralisation des con
flits et par l’étendue de leurs reven
dications.
Je ne veux rien prendre au tragique
et je désire me garder de toute exagé
ration de part et d’autre. Je cherche
à rester dans un juste milieu de rai
son, compatible avec les aspirations
légitimes des travailleurs, aussi bien
qu’avec la situation économique du
pays, en concurrence constante avec
les autres villes ainsi qu’avec les au
tres nations, et je pense que ce u’est
pas par un mouvement révolution
naire que l’on doive obtenir un mieux-
être durable.
Du reste, on ne fait pas do révolu
tion économique, l’effort immédiat et
considérable nécessaire pour cela reste
au-dessus des forces humaines ; l’on
ne saurait compter que sur l’évolu
tion graduelle du progrès, ayant l’or
dre à la base et la justice comme
guide, pour donner à tous les déshé
rités de la forture, satisfaction réelle
à leurs desiderata.
La grève est une force brutale à la-
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