Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1900-05-26
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 26 mai 1900 26 mai 1900
Description : 1900/05/26 (N213). 1900/05/26 (N213).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k32634127
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/05/2019
5“ Année — N° 213.
CINQ CENTIMES LE NUMERO
Y 3* \
Av
N
O
Samedi Î6 Bai 1900.
Organe du Parti Républicain' Démocratique
PRIX DES ABONNEMENTS
Le Havre et la Seine-Inférieure par an 3 fr.
Départements » 4 fr.
i
ADMINISTRATION ET
RÉDACTION
l
3
§§
15, RUE CASIMIR
-PÉRIER,
1 5
M
Secrétaire de la Rédaction. ...
F. THOUERET
1
L’Imprimeur-Gérant
F. ILE ROY
=5
Prix des Insertions :
Annonces 25 centimes la ligne
Réclames 50 »
On traite à forfait
L’ARMISTICE
L’affaire Dreyfus est véritable-!
ment une machine de guerre dont
les réactionnaires croient pouvoir
toujours tirer parti. Halte-là l Après
s’en être servis aux élections muni
cipales à propos du récent discours
de M. Reinach à Digne, ils veulent
la ressusciter sous un faux jour en
invoquant des histoires de portières,
des combinaisons policières restées
dans les nébuleuses et tout un atti
rail sombre de machinations our
dies. Cela rappelle la dame voilée ;
Du Paty de Clam, l’instructeur à la
lanterne et aux lunettes bleues;
l’archiviste Gribelin et sa fausse
barbe ; les conciliabules des vespa
siennes. Assez de ce machiavélis
me ! Nous voyons trop clair dans le
jeu des nationalistes. Nous ne vou
lons plus être irrités ni abusés par
leur mise en scène tragique tramée
dans les cloîtres des assomptionnis-
tes.
Il faut parler net de part et d’au
tre ; si nos adversaires n’osent le
faire, nous ne craindrons pas de
montrer le dessous des cartes, ni de
dévoiler leurs secrètes espérances,
ni de divulguer leurs intimes in
quiétudes. Car s’ils exhument sans
cesse l’affaire pour les besoins de
leur cause, ils se gardent bien de la
montrer en pleine lumière; c’est
par des à-côtés qu’ils procèdent, en
l’enveloppant d’ombre et de mystère.
M. Reinach a été inopportun dans
son discours à la veille des élections,
il a été vrai quant au fond. L’affaire
Dreyfus n’est pas terminée ; quan
tité de procès restent en suspens
auxquels il faudra bien, bon gié,
mal gré, donner une solution ou
alors proclamer la faillitte de la
société, menteuse en ses promesses
de mieux être.. Et alors, je ne vois
pas pourquoi, s’il n’a aucun profit à
la vie en commun, l’homme ne re
prendrait la vie isolee et naturelle
où la force brutale le dispute au
droit et à l’équité pour l’assouvisse
ment des besoins ainsi que des pas
sions. La société ne saurait exister
sans le respect absolu des conven
tions qui forment nos lois, nos tra
ditions, nos mœurs, et constituent
le pacte d’association humaine. C’est
un édifice qui s’écroule quand on
ébranle ses bases.
La préoccupation constante des
nationalistes, qui leur fait mêler à
tout propos l’éternelle affaire là
qu’elle n’a rien à voir, comme aux
élections municipales, puisqu’elle est
d’ordre essentiellement judiciaire ;
cette préoccupation constante, dis-je,
trahit leur crainte,. Ils disaient au
Havre et ailleurs, ’ aux différents
candidats qui se présentaient aux
suffrages : « promettez-nous d’enter
rer l’afiaire », cette querelle que per
sonne, dans le parti républicain, ne
songeait à porter devant le corps
électoral, en cette circonstance, par
un respect profond du principe de la
séparation des pouvoirs. Mais les
anti-dreyfusards se gardaient bien
d’engager un débat sérieux d’où
aurait pu jaillir une lueur de sagesse
et de raison. A la vérité, ils ont peur
que Ton n’aille au fond des choses,
que Ton n’établisse les responsabilités
et l’infamie de leur complicité maté
rielle ou morale.
Le moment n’est pas venu de
compulser les dossiers, d’en faire
surgir la clarté, la logique évidente,
la honte des coupables. Nous avons
trop l’amour du pays, le souci du bon
renom de la France, la conscience
du noble but poursuivi par l’Exposi
tion, pour mêler des discussions,
mêmes utiles, aux assises du travail,
parmi les peuples étrangers accou
rant de toutes parts.
Mais un jour viendra où la raison
populaire aura besoin d’être vengée;
la justice demandera des comptes.
Oh ! alors, ce jour-là, les anti
dreyfusards auront disparu au moins
de nom.
* Cependant, par des moyens dé
tournés, la République est attaquée
par toutes les forces de la réaction
coalisées. 11 importe que le parti
républicain, un instant surpris à
Paris et dans quelques autres villes,
se ressaisisse.
Il importe de réaliser ce qui est
conciliable avec l’heure présente.
On prête au gouvernement l’in
tention de faire revenir de Nice et
de déposer au Panthéon les cendres
de Gambetta, au 14 Juillet pro
chain. Quelle meilleure occasion
pour les vrais républicains de se
donner la main. Le nom du grand
tribun à lui seul est un symbole
d’union et de magnanimité ; sa vie,
ses discours, ses actes, l’élévation
de son caractère sont un enseigne
ment pour la génération actuelle ;
près de son cœur les citoyens
doivent venir prendre des inspira
tions et chercher des conseils ; il a
donné la formule vraie de la Répu
blique.
L’âme de la France se retrempera
là dans une source salutaire.
Si cette fête se produit, il faut
qu’au Havre on s’apprête à la fêter
dignement. C’est une obligation.
Nous sommes persuadés' qu’elle n’y
faillirait pas, le cas échéant.
Alf. HENRI.
LA VICTOIRE DU GOUVERNEMENT
Un député du Tarn, à peu près in
connu, M. Gouzy, a rendu hier au
gouvernement le service de l’inter
peller sur sa politique générale, et,
dès les premiers mots de son discours,
l’interpellateur a mis les mélinistes
et les nationalistes au pied du muret
en demeure de dire nettement ce qu’ils
ont à reprocher à M. Waldeck-Rous-
scau et à ses collègues.
Après un intermède comique offert
à la Chambre par M. Paul de Cassa-
gnac, le président du conseil a immé
diatement fait tête à l’opposition na
tionaliste et cléricale; il a constaté
d’abord que la politique républicaine
du gouvernement actuel a reçu l’ap
probation du pays ; les élections légis
latives de Castelnaudary, deFoix,de
la Tour du Pin, de Vesoul et même
de Poitiers en sont la preuve, ainsi
que la presque unanimité des élec
tions municipales en province.
Ces votes sont un réconfort pour le
ministère ainsi qu’un encouragement
à continuer son œuvre démocratique ;
M. Waldeck-Rousseau Ta compris,
c’est pourpuoi il demandera à la
; Chambre de voter les projets sur les
associations, sur l’enseignement et
contre l’accroissement de la main
morte.
On comprend que ces déclarations
catégoriques ont exaspéré l’opposition.
Les nationalistes avoués ou honteux
ont tenté par tous les moyens de met
tre le Gouvernement en minorité.
MM. Ernest Roche, Ribot, Krantz se
sont fait les interprètes des rancunes
et des ambitions toujours en éveil;
mais en vain.
L’ordre du jour de M. Gouzy approu-
van t les déclarations du gouvernement
et affirmant la résolution de poursuivre
la politique de réformes républicaines
et de défensede l’Etat laïque^ a été voté
par une cinquantaine de voix de ma
jorité, et l’article additionnel expri
mant la volonté de ne pas laisser
rouvrir l’Affaire Dreyfus a été adopté
presque a l’unanimité des voix, car il
a paru à tout le monde n’être qu’une
clause de style.
Nous en sommes très satisfait, non
pas seulement parce que la Chambre
a fait l’économie d’une crise qui eût
probablement été néfaste pourl Expo-
ii ion, mais encore et surtout parce
que la politique de défense républi
caine et de. réformes démocratiques a
été acclamée dans cette séance.
La Chambre peut maintenant se
mettre à l’œuvre sans crainte d’être
interrompue au milieu de sa tâche.
Quelle en profite pour parler moins
et agir davantage.
UNE DÉFECTION
La dernière séance de la Chambre
aura eu ce bon effet de fixer sur la
solidité des convictions de certains
députés. Quelques-uns qui, jusqu’a
lors, avaient toujours voté avec le
gouvernement, se sont abstenus dans
1 ordre du jour de confiance. On a
remarqué leur nouvelle attitude sans
en être trop surpris.
Mais, ce qui a causé un véritable
étonnement, c’est le sensible revire
ment d’opinion manifesté par M.
Puech, qui, pour la première fois et
avec crânerie, a voté contre le minis
tère.
A quoi peut-on attribuer une si
absolue modification de sentiments ?
Non pas, certes, à la ligne de con
duite observée par le cabinet. Elle a
été invariable. C’est donc M. Puech
qui a tourné.
Ce qui l’y aura décidé, c’est, sans
doute, le résultat des élections muni
cipales. i
M. Puech représente à la Chambre
le troisième arrondissement de Paris,
où viennent d’être élus deux nationa
listes de marque : MM. Dausset et
Dubuc.
Or, les ambitions du secrétaire gé
néral de la Ligue de la Patrie fran
çaise sont, probablement, connues de
' M. Puech comme de tout le monde.
Il n’ignore pas que M. Dausset est,
d’ores et déjà, résolu à lui disputer,
en 1902, son siège législatif.
Et M. Puech veut pouvoir dire
alors à son concurrent :
— Nationaliste, je le suis autant
que vousl
Cela le mettrait, pense-t-il, en
bonne posture devant la majorité des
électeurs, en admettant que, d’ici là,
la tourmente césarienne ne se soit pas
dissipée.
Il ne sera jamais, pour ceux qu’il
entend flatter, un personnage aussi
considérable que le second de M. Jules
Lemaître, et, par contre, il perdra la
confiance des républicains, car ceux-
ci n’oublieront pas que, dans une
période de crise grave, M. Puech au
rait fait défection au parti de la dé
fense républicaine.
Dès aujourd’hui son vote, qui s’est
confondu avec ceux de MM. Maurice
Binder, Georges Berry, DenysCochin,
Girou, Alphonse Humbert, Millevoye,
Ernest Roche et Lerolle, le classe
dans la coalition formée par ces bona
partistes, royalistes, boulangistes,
plébiscitaires et cléricaux. M. H.
——«aS®*—
L’AMNISTIE
Le garde des sceaux vient d’adres
ser à M. Clamageran, sénateur, pré
sident de la commission de l’amnistie,
la lettre suivante :
Monsieur le Président,
'Je viens vous prier instamment de con
voquer la commission de l’amnistie pour
vendredi prochain, afin de me permettre
de lui demander une communication
urgente au nom du gouvernement.
Je désire lui demander d’étudier à part
le projet du gouvernement sur l’extinc
tion de certaines actions, et de bien vou
loir faire déposer le rapport à l’une des
plus prochaines séances du Sénat.
Agréez, etc.
ON EM PARLERA ENCORE
Pendant la première partie de la
séance de mardi, la Chambre fut re
lativement calme ; mais à partir de
cinq heures ce furent des huées, des
clameurs, un tumulte effroyable. Pour
changer ainsi la Chgmbre en une réu
nion d’énergumènes, il avait suffi
qu’on parlât de l’affaire Dreyfus. Et
qui en avait parlé? Deux nationalistes
MM. Castelin et Alphonse Humbert,
et un antirevisionniste, M. Chapuis.
Quelques instants après, à une
énorme majorité, la Chambre votait
un ordre du jour de M. Chapuis « in
vitant le gouvernement à prendre
toutes les mesures pour empêcher la
reprise de l’affaire Dreyfus». La
Chambre exprimait nettement sa vo
lonté de voir l’apaisement se faire.
Mais si les nationalistes n’avaient
pas l’affaire Dreyfus, à qui pour
raient-ils adresser leurs injures et
leurs diffametions ? comment garde-
jaient-ils leur clientèle ?
Aussi, pendant toute la période
des élections municipales, leurs jour
naux ont-ils été remplis de cette af
faire ; leurs candidats en avaient fait
leur tremplin électoral. Eux seuls en
parlaient.
Et ils ont continué après les élec
tions, et ils vont continuer encore.
Un de leurs journaux a raconté
une histoire où se mêlent policiers,
espions et maîtres chanteurs. M.
Alphonse Humbert Ta portée à la tri
bune, descendant au rôle d’un Mille
voye.
Le président du conseil d’abord, le
ministre de la guerre ensuite lui ont
infligé démentis sur démentis. M.
Waldeck-Rousseau a déclaré qu’il ne
pouvait pas « laisser passer sans une
dénégation absolue, formelle et indi
gnée », les accusations de M. Alphonse
Humbert ; il a qualifié d’actes de
chantage les démarches faites par la
personne dont YEclair a accueilli les
renseignements.
Ces déclarations précises, sans équi
voque, du président du conseil et du
général de Galliffet, ont été applau
dies par la grande majorité de la
Chambre.
Cela devrait suffire ; mais non : les
nationalistes veulent recommencer dès
lundi.
M. de Castellane déposera sa de
mande d’interpellation sur l’affaire
Dreyfus, et MM. Alphonse Humbert
et Krantz demanderont à la Chambre
de procéder à une enquête sur les pré
tendues révélations de VEclair.
Ni le gouvernement, ni la majorité
de la Chambre ne se prêteront à ces
fantaisies. Il sera fait justice Je ces
agitateurs qui ne vivent que de scan
dales et de diffamations. Les députés
doivent se mettre résolument au tra
vail : la besogne ne manque pas.
Us diront lundi aux nationalistes :
« Nous en avons assez : laissez-nous
travailler. »
Les élections au Conseil général de
la Seine
Les élections au Conseil général de
la Seine n’apportent pas de modifica
tion bien sensible dans la nuance po
litique des élus.
Sur 21 sièges à pourvoir, 4 conseil
lers sortants ne se représentaient pas.
Les 17 autres se répartissaient en :
7 nationalistes;
il dreyfusards ministériels.
Le premier tour de scrutin adonné
seize résultats définitifs ; il y a cinq
ballottages.
Les seize élus sont :
9 nationalistes, dont 6 conseillers
sortants et 3 nouveaux.
7 républicains ministériels, tous
sortants.
2 conseillers républicains sortants
sont définitivement battus.
En résumé, à ce premier tour de
scrutin, les nationalistes gagnent 3
sièges.
Les Résultats des Élections Municipales
Le ministre de l’intérieur est en
possession des résultats complets des
élections municipales dans 82 dépar
tements, y compris la Seine.
Ces résultats font ressortir les chif-J
fres suivants pour 33,842 communes,
y compris Paris :
Municipalités républicaines. 24,832
» réactionnaires. 8,519
» socialistes.... 153
» douteuses.... 438
A la suite de la balance faite des
communes perdues, les républicains
gagnent 1,004 municipalités.
Le calcul des suffrages obtenus par
les divers partis en prenant le chiffre
de voix obtenu par le candidat le plus
favorisé donne les chiffres suivants :
Républicains... 4,713,467 voix
Réactionnaires. 2,174,823 »
Notionalistes... 172,430 »
CINQ CENTIMES LE NUMERO
Y 3* \
Av
N
O
Samedi Î6 Bai 1900.
Organe du Parti Républicain' Démocratique
PRIX DES ABONNEMENTS
Le Havre et la Seine-Inférieure par an 3 fr.
Départements » 4 fr.
i
ADMINISTRATION ET
RÉDACTION
l
3
§§
15, RUE CASIMIR
-PÉRIER,
1 5
M
Secrétaire de la Rédaction. ...
F. THOUERET
1
L’Imprimeur-Gérant
F. ILE ROY
=5
Prix des Insertions :
Annonces 25 centimes la ligne
Réclames 50 »
On traite à forfait
L’ARMISTICE
L’affaire Dreyfus est véritable-!
ment une machine de guerre dont
les réactionnaires croient pouvoir
toujours tirer parti. Halte-là l Après
s’en être servis aux élections muni
cipales à propos du récent discours
de M. Reinach à Digne, ils veulent
la ressusciter sous un faux jour en
invoquant des histoires de portières,
des combinaisons policières restées
dans les nébuleuses et tout un atti
rail sombre de machinations our
dies. Cela rappelle la dame voilée ;
Du Paty de Clam, l’instructeur à la
lanterne et aux lunettes bleues;
l’archiviste Gribelin et sa fausse
barbe ; les conciliabules des vespa
siennes. Assez de ce machiavélis
me ! Nous voyons trop clair dans le
jeu des nationalistes. Nous ne vou
lons plus être irrités ni abusés par
leur mise en scène tragique tramée
dans les cloîtres des assomptionnis-
tes.
Il faut parler net de part et d’au
tre ; si nos adversaires n’osent le
faire, nous ne craindrons pas de
montrer le dessous des cartes, ni de
dévoiler leurs secrètes espérances,
ni de divulguer leurs intimes in
quiétudes. Car s’ils exhument sans
cesse l’affaire pour les besoins de
leur cause, ils se gardent bien de la
montrer en pleine lumière; c’est
par des à-côtés qu’ils procèdent, en
l’enveloppant d’ombre et de mystère.
M. Reinach a été inopportun dans
son discours à la veille des élections,
il a été vrai quant au fond. L’affaire
Dreyfus n’est pas terminée ; quan
tité de procès restent en suspens
auxquels il faudra bien, bon gié,
mal gré, donner une solution ou
alors proclamer la faillitte de la
société, menteuse en ses promesses
de mieux être.. Et alors, je ne vois
pas pourquoi, s’il n’a aucun profit à
la vie en commun, l’homme ne re
prendrait la vie isolee et naturelle
où la force brutale le dispute au
droit et à l’équité pour l’assouvisse
ment des besoins ainsi que des pas
sions. La société ne saurait exister
sans le respect absolu des conven
tions qui forment nos lois, nos tra
ditions, nos mœurs, et constituent
le pacte d’association humaine. C’est
un édifice qui s’écroule quand on
ébranle ses bases.
La préoccupation constante des
nationalistes, qui leur fait mêler à
tout propos l’éternelle affaire là
qu’elle n’a rien à voir, comme aux
élections municipales, puisqu’elle est
d’ordre essentiellement judiciaire ;
cette préoccupation constante, dis-je,
trahit leur crainte,. Ils disaient au
Havre et ailleurs, ’ aux différents
candidats qui se présentaient aux
suffrages : « promettez-nous d’enter
rer l’afiaire », cette querelle que per
sonne, dans le parti républicain, ne
songeait à porter devant le corps
électoral, en cette circonstance, par
un respect profond du principe de la
séparation des pouvoirs. Mais les
anti-dreyfusards se gardaient bien
d’engager un débat sérieux d’où
aurait pu jaillir une lueur de sagesse
et de raison. A la vérité, ils ont peur
que Ton n’aille au fond des choses,
que Ton n’établisse les responsabilités
et l’infamie de leur complicité maté
rielle ou morale.
Le moment n’est pas venu de
compulser les dossiers, d’en faire
surgir la clarté, la logique évidente,
la honte des coupables. Nous avons
trop l’amour du pays, le souci du bon
renom de la France, la conscience
du noble but poursuivi par l’Exposi
tion, pour mêler des discussions,
mêmes utiles, aux assises du travail,
parmi les peuples étrangers accou
rant de toutes parts.
Mais un jour viendra où la raison
populaire aura besoin d’être vengée;
la justice demandera des comptes.
Oh ! alors, ce jour-là, les anti
dreyfusards auront disparu au moins
de nom.
* Cependant, par des moyens dé
tournés, la République est attaquée
par toutes les forces de la réaction
coalisées. 11 importe que le parti
républicain, un instant surpris à
Paris et dans quelques autres villes,
se ressaisisse.
Il importe de réaliser ce qui est
conciliable avec l’heure présente.
On prête au gouvernement l’in
tention de faire revenir de Nice et
de déposer au Panthéon les cendres
de Gambetta, au 14 Juillet pro
chain. Quelle meilleure occasion
pour les vrais républicains de se
donner la main. Le nom du grand
tribun à lui seul est un symbole
d’union et de magnanimité ; sa vie,
ses discours, ses actes, l’élévation
de son caractère sont un enseigne
ment pour la génération actuelle ;
près de son cœur les citoyens
doivent venir prendre des inspira
tions et chercher des conseils ; il a
donné la formule vraie de la Répu
blique.
L’âme de la France se retrempera
là dans une source salutaire.
Si cette fête se produit, il faut
qu’au Havre on s’apprête à la fêter
dignement. C’est une obligation.
Nous sommes persuadés' qu’elle n’y
faillirait pas, le cas échéant.
Alf. HENRI.
LA VICTOIRE DU GOUVERNEMENT
Un député du Tarn, à peu près in
connu, M. Gouzy, a rendu hier au
gouvernement le service de l’inter
peller sur sa politique générale, et,
dès les premiers mots de son discours,
l’interpellateur a mis les mélinistes
et les nationalistes au pied du muret
en demeure de dire nettement ce qu’ils
ont à reprocher à M. Waldeck-Rous-
scau et à ses collègues.
Après un intermède comique offert
à la Chambre par M. Paul de Cassa-
gnac, le président du conseil a immé
diatement fait tête à l’opposition na
tionaliste et cléricale; il a constaté
d’abord que la politique républicaine
du gouvernement actuel a reçu l’ap
probation du pays ; les élections légis
latives de Castelnaudary, deFoix,de
la Tour du Pin, de Vesoul et même
de Poitiers en sont la preuve, ainsi
que la presque unanimité des élec
tions municipales en province.
Ces votes sont un réconfort pour le
ministère ainsi qu’un encouragement
à continuer son œuvre démocratique ;
M. Waldeck-Rousseau Ta compris,
c’est pourpuoi il demandera à la
; Chambre de voter les projets sur les
associations, sur l’enseignement et
contre l’accroissement de la main
morte.
On comprend que ces déclarations
catégoriques ont exaspéré l’opposition.
Les nationalistes avoués ou honteux
ont tenté par tous les moyens de met
tre le Gouvernement en minorité.
MM. Ernest Roche, Ribot, Krantz se
sont fait les interprètes des rancunes
et des ambitions toujours en éveil;
mais en vain.
L’ordre du jour de M. Gouzy approu-
van t les déclarations du gouvernement
et affirmant la résolution de poursuivre
la politique de réformes républicaines
et de défensede l’Etat laïque^ a été voté
par une cinquantaine de voix de ma
jorité, et l’article additionnel expri
mant la volonté de ne pas laisser
rouvrir l’Affaire Dreyfus a été adopté
presque a l’unanimité des voix, car il
a paru à tout le monde n’être qu’une
clause de style.
Nous en sommes très satisfait, non
pas seulement parce que la Chambre
a fait l’économie d’une crise qui eût
probablement été néfaste pourl Expo-
ii ion, mais encore et surtout parce
que la politique de défense républi
caine et de. réformes démocratiques a
été acclamée dans cette séance.
La Chambre peut maintenant se
mettre à l’œuvre sans crainte d’être
interrompue au milieu de sa tâche.
Quelle en profite pour parler moins
et agir davantage.
UNE DÉFECTION
La dernière séance de la Chambre
aura eu ce bon effet de fixer sur la
solidité des convictions de certains
députés. Quelques-uns qui, jusqu’a
lors, avaient toujours voté avec le
gouvernement, se sont abstenus dans
1 ordre du jour de confiance. On a
remarqué leur nouvelle attitude sans
en être trop surpris.
Mais, ce qui a causé un véritable
étonnement, c’est le sensible revire
ment d’opinion manifesté par M.
Puech, qui, pour la première fois et
avec crânerie, a voté contre le minis
tère.
A quoi peut-on attribuer une si
absolue modification de sentiments ?
Non pas, certes, à la ligne de con
duite observée par le cabinet. Elle a
été invariable. C’est donc M. Puech
qui a tourné.
Ce qui l’y aura décidé, c’est, sans
doute, le résultat des élections muni
cipales. i
M. Puech représente à la Chambre
le troisième arrondissement de Paris,
où viennent d’être élus deux nationa
listes de marque : MM. Dausset et
Dubuc.
Or, les ambitions du secrétaire gé
néral de la Ligue de la Patrie fran
çaise sont, probablement, connues de
' M. Puech comme de tout le monde.
Il n’ignore pas que M. Dausset est,
d’ores et déjà, résolu à lui disputer,
en 1902, son siège législatif.
Et M. Puech veut pouvoir dire
alors à son concurrent :
— Nationaliste, je le suis autant
que vousl
Cela le mettrait, pense-t-il, en
bonne posture devant la majorité des
électeurs, en admettant que, d’ici là,
la tourmente césarienne ne se soit pas
dissipée.
Il ne sera jamais, pour ceux qu’il
entend flatter, un personnage aussi
considérable que le second de M. Jules
Lemaître, et, par contre, il perdra la
confiance des républicains, car ceux-
ci n’oublieront pas que, dans une
période de crise grave, M. Puech au
rait fait défection au parti de la dé
fense républicaine.
Dès aujourd’hui son vote, qui s’est
confondu avec ceux de MM. Maurice
Binder, Georges Berry, DenysCochin,
Girou, Alphonse Humbert, Millevoye,
Ernest Roche et Lerolle, le classe
dans la coalition formée par ces bona
partistes, royalistes, boulangistes,
plébiscitaires et cléricaux. M. H.
——«aS®*—
L’AMNISTIE
Le garde des sceaux vient d’adres
ser à M. Clamageran, sénateur, pré
sident de la commission de l’amnistie,
la lettre suivante :
Monsieur le Président,
'Je viens vous prier instamment de con
voquer la commission de l’amnistie pour
vendredi prochain, afin de me permettre
de lui demander une communication
urgente au nom du gouvernement.
Je désire lui demander d’étudier à part
le projet du gouvernement sur l’extinc
tion de certaines actions, et de bien vou
loir faire déposer le rapport à l’une des
plus prochaines séances du Sénat.
Agréez, etc.
ON EM PARLERA ENCORE
Pendant la première partie de la
séance de mardi, la Chambre fut re
lativement calme ; mais à partir de
cinq heures ce furent des huées, des
clameurs, un tumulte effroyable. Pour
changer ainsi la Chgmbre en une réu
nion d’énergumènes, il avait suffi
qu’on parlât de l’affaire Dreyfus. Et
qui en avait parlé? Deux nationalistes
MM. Castelin et Alphonse Humbert,
et un antirevisionniste, M. Chapuis.
Quelques instants après, à une
énorme majorité, la Chambre votait
un ordre du jour de M. Chapuis « in
vitant le gouvernement à prendre
toutes les mesures pour empêcher la
reprise de l’affaire Dreyfus». La
Chambre exprimait nettement sa vo
lonté de voir l’apaisement se faire.
Mais si les nationalistes n’avaient
pas l’affaire Dreyfus, à qui pour
raient-ils adresser leurs injures et
leurs diffametions ? comment garde-
jaient-ils leur clientèle ?
Aussi, pendant toute la période
des élections municipales, leurs jour
naux ont-ils été remplis de cette af
faire ; leurs candidats en avaient fait
leur tremplin électoral. Eux seuls en
parlaient.
Et ils ont continué après les élec
tions, et ils vont continuer encore.
Un de leurs journaux a raconté
une histoire où se mêlent policiers,
espions et maîtres chanteurs. M.
Alphonse Humbert Ta portée à la tri
bune, descendant au rôle d’un Mille
voye.
Le président du conseil d’abord, le
ministre de la guerre ensuite lui ont
infligé démentis sur démentis. M.
Waldeck-Rousseau a déclaré qu’il ne
pouvait pas « laisser passer sans une
dénégation absolue, formelle et indi
gnée », les accusations de M. Alphonse
Humbert ; il a qualifié d’actes de
chantage les démarches faites par la
personne dont YEclair a accueilli les
renseignements.
Ces déclarations précises, sans équi
voque, du président du conseil et du
général de Galliffet, ont été applau
dies par la grande majorité de la
Chambre.
Cela devrait suffire ; mais non : les
nationalistes veulent recommencer dès
lundi.
M. de Castellane déposera sa de
mande d’interpellation sur l’affaire
Dreyfus, et MM. Alphonse Humbert
et Krantz demanderont à la Chambre
de procéder à une enquête sur les pré
tendues révélations de VEclair.
Ni le gouvernement, ni la majorité
de la Chambre ne se prêteront à ces
fantaisies. Il sera fait justice Je ces
agitateurs qui ne vivent que de scan
dales et de diffamations. Les députés
doivent se mettre résolument au tra
vail : la besogne ne manque pas.
Us diront lundi aux nationalistes :
« Nous en avons assez : laissez-nous
travailler. »
Les élections au Conseil général de
la Seine
Les élections au Conseil général de
la Seine n’apportent pas de modifica
tion bien sensible dans la nuance po
litique des élus.
Sur 21 sièges à pourvoir, 4 conseil
lers sortants ne se représentaient pas.
Les 17 autres se répartissaient en :
7 nationalistes;
il dreyfusards ministériels.
Le premier tour de scrutin adonné
seize résultats définitifs ; il y a cinq
ballottages.
Les seize élus sont :
9 nationalistes, dont 6 conseillers
sortants et 3 nouveaux.
7 républicains ministériels, tous
sortants.
2 conseillers républicains sortants
sont définitivement battus.
En résumé, à ce premier tour de
scrutin, les nationalistes gagnent 3
sièges.
Les Résultats des Élections Municipales
Le ministre de l’intérieur est en
possession des résultats complets des
élections municipales dans 82 dépar
tements, y compris la Seine.
Ces résultats font ressortir les chif-J
fres suivants pour 33,842 communes,
y compris Paris :
Municipalités républicaines. 24,832
» réactionnaires. 8,519
» socialistes.... 153
» douteuses.... 438
A la suite de la balance faite des
communes perdues, les républicains
gagnent 1,004 municipalités.
Le calcul des suffrages obtenus par
les divers partis en prenant le chiffre
de voix obtenu par le candidat le plus
favorisé donne les chiffres suivants :
Républicains... 4,713,467 voix
Réactionnaires. 2,174,823 »
Notionalistes... 172,430 »
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