Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1899-11-11
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 11 novembre 1899 11 novembre 1899
Description : 1899/11/11 (N185). 1899/11/11 (N185).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263384c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 05/05/2019
t Année—NM 85.
Samedi li Novembre 1899.
Jtf'//
CINQ CENTIMES LE NUMERO
Organe du Parti Républicain Démocraxi^ue
PRIX DES ABONNEMENTS
Le Havre et la Seine-Inférieure par an 3 fr.
Départements » 4 fr.
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
15, RUE GASIMIR-PÉRIER, 15
Secrétaire de la Rédaction F. ihoaihemt
L’Imprimeur-Gérant F. LE ROY
Prix des Insertions :
Annonces 25 centimes la ligne
Réclames 50 »
On traite à. forfait
Demandez le Réveil
l>u Havre clans tous les»
kiosques et chez lesmar
chands dè journaux le
samedi matin.
Protection et
Libre-Echange
MM. Louis Brindeau et Rispal
s’intéressent au libre-échange. C’est,
du moins, ce que nous pourrions
conclure de leur présence à la der
nière conférence organisée par la
Chambre de commerce sur ce sujet
d’économie politique. Il est vrai de
dire qu’ils sont restés muets comme
deux carpes sur leurs sièges et., sur
leurs doctrines. Cela n’a pas empê
ché le Petit Havre d’emboucher les
trompettes de la renommée en fa
veur de ses deux candidats préfec
toraux. Qu’aurait-ce donc été s’ils
avaient parlé ? Nos députés se sont
contentés d’assister à la conférence
avec l’onction des grands prêtres de
Boudha, comme s’ils eussent contri
bué à quelque cérémonie chinoise,
pensant que leur attitude de sphinx
révélerait un symbole aux yeux des
spectateurs émerveillés'. Ces pieuses
pratiques électorales doivent nous
suffire.
Eh bien non! nous protestons
contre elles parce qu’elles constituent
une hypocrisie. L’énigme des sphinx
n’est pas difficile à déchiffrer et le
peuple s’appelle quelquefois Œdipe.
Comment admettre, en effet, que
MM. Louis Brindeau et Rispal, les
auteurs des droits protectionnistes
sur le permanganate de potasse
soient libre-échangistes. Esclaves de
leur dieu Méline, ils sont bien obligés
à Goderville ou ailleurs de demander
l’augmentation des tarifs douaniers
par réclame électorale ; la masse des
paysans que l’on aveugle en faisant
miroiter devant leurs orbites deux
pièces de cent sous, alors qu’on leur
en prend trois par derrière ; les pro
priétaires agraires dont on flatte la
cupidité, auxquels on promet la sur
vente des blés, des pommes, des
porcs, etc., sans compter le secret
espoir de louer plus cher ses terres,
tout cela, c’est de guerre coutumière
sinon de bonne guerre.
Mais on ne dit pas tout. On ne dit
pas pourquoi l’on est protectionniste
à Graville dont les intérêts sont
identiques à ceux du Havre. Qui le
saura jamais ? Pourra-t-on expliquer
le motif pour lequel on a, à peu près
pour seul bagage jusqu’ici, extirpé
au Parlement une loi spéciale pour
Tunique industrie que Ton allait
créer sur le rivage où vint échouer
Ste-Honorine. O bienheureux per
manganate de potasse, ainsi que
tous les saints on te calomnie. On te
prétend réserver tes faveurs, non
point à tous, équitablement, mais à
quelques élus qui toucheront, sans
vergogne, d’aimables dividendes.
Et le protectionnisme a de ces coups
d’audace, qu’il entend avant tout
assurer le bien-être de ses protago
nistes. Nous dira-t-on, en thèse gé
nérale, qui profite des droits sur les
blés? Est-ce le consommateur qui
paie son pain plus cher et se voit
obligé de nourrir toute une armée
de douaniers, de paperassiers qui,
plus utilement, pourraient travailler
à la production au heu de mettre des
bâtons dans les hélices des navires ?
Est-ce l’ouvrier des champs, qui ne
touche pas un centime de plus et qui
paie plus cher toutes les denrées
alimentaires, sans une journée de
travail en supplément, les bénéfices
passant ailleurs ? Est-ce l’ouvrier
des villes, qui voit la besogne dimi
nuer telle que la rémunération de
la main-d’œuvre, cependant que tout
ce dont il a besoin augmente de prix.
Ah ! travailleurs, vous ne vous sou
ciez pas des droits que vous payez
indirectement à l’Etat, chaque fois
que vous mangez un morceau de
pain avec dessus, simplement, un
peu de graisse et de sel. Quand vous
brûlez du pétrole, que vous flam
bez une bougie, que vous craquez
une allumette, que vous buvez un
verre de petite boisson, etc. Je ne
parle pas des entraves apportées au
commerce et à l’industrie. Nous
avons, il est vrai, l’admission tem
poraire. Ah! parlons-en, pour le
gros spéculateur qui achète du blé
étranger et exporte le blé français
en son heu et place après avoir lar
gement bénéficié. Heureux si, en
core, il a fait profiter le travail
national du salaire de la mouture.
Voilà le protectionnisme bien en
tendu. Il ne favorise que le gros
spéculateur dont il arrondit la for
tune au détriment de tous les tra
vailleurs. Encore qu’il soit un agent
de fraude des plus actifs. Je n’en
prendrai pour exemple que la sub
stitution presque générale au Havre
de l’huile de coton au saindoux. Vous
Tachetez 45 ou 50 c. le 1/2 kil. et
Ton vous livre de la graisse qui con
tient 70 à 80 0/0 d’huile de coton,
étant donné que le saindoux pur
paie 20 fr. par 100 kil. de droits de
douane et que l’huile de coton n’ac
quitte que 6 fr. Et remarquez bien
que, quelque compliqués que soient
les tarifs, ils présenteront toujours
et d’autant plus de fissures par les
quelles passera la falsification.
Pourquoi la France vivrait-elle
reserrée, recroquevillée sur elle-
même, au heu de jouir de l’existence
large que donne le commerce avec
tous les peuples, avec tous les terri
toires ? L’homme mieux nourri, dont
les privations n’ont affaibli ni le
corps ni l’esprit, est plus apte à
lutter contre la concurrence exté
rieure. Son génie, au contact des
autres civilisations, est plus fécond
et plus vaste, La guerre, dont le
mobile économique est un fréquent
moteur, devient rare. Et, dites-moi,
si une bonne récolte s’est produite,
en Amérique, par exemple, pourquoi
n’en aurais-je pas ma part en payant
moins cher telle ou telle denrée ?
Economiquement, avec le libre-
échange, le monde entier nous ap
partient. Si nous ne produisons pas
tel article, nous en produirons da
vantage d’autres et mieux rétribués.
Pourquoi passerai-je mes jours et
mes nuits à cultiver à la pelle sur
un coin de terrain, quelques ca
rottes, si, forgeron, je puis fabri
quer et vendre à mon voisin, à un
prix relativement élevé, une ma
chine quelconque qui lui permettra
d’exploiter, à meilleur marché, de
vastes champs d’où il tirera (sans
jeu de mots) des chargements com
plet des légumes primitivement dé
signés, dont il me cédera une partie,
pour mes besoins, à un prix infé
rieur.
Pourquoi, entre ces deux hommes,
l’Etat ne met-il pas sa barrière de
douane comme il en plaçait autre
fois entre les provinces par les
droits de circulation ? Car, ce qui
est vrai entre deux hommes, l’est
aussi entre les nations. Chacun pro
duisant selon ses facultés, au mieux
des intérêts du monde entier. Voilà
ce me semble, la bonne maxime.
Nous y reviendrons. Quant à MM.
Brindeau et Rispal, laissons-les li-
bre-échangistes au Havre, et pro
tectionnistes à Godervile, Buglise,
Graville ou Rouelles. Puissions-nous
n’en avoir d’autres souvenirs amers
que ceux d’une farce électorale, jouée
à froid, ainsi qu’il sied à de bons
comédiens, soutenus gravement par
Le Petit Havre !
Alf. HENRI.
LA SEMAINE
Le Procès de la Haute-Cour
Le procès pendant devant la Haute-
Cour ne semble pas émouvoir beau
coup l’opinion ; et on constaterait
plus volontiers une certaine indiffé
rence, qu’on pourrait interpréter
comme du dédain. Il est évident que
les inculpés manquent de prestige ;
mais un parti ne peut donner que ce
qu’il a, et le parti royaliste n’est pas
très riche en hommes; il ne paraît
pas non plus s’intéresser au sort de
ceux qui ont essayé d’agiter le pays
et qui ont fait preuve, d’ailleurs, de
quelque ingénuité ; car ce prétendant
et ses acolytes manquent d’allure; ils
ont la conduite et la tenue de gamins ;
leur correspondance est celle d’éco
liers qui voudraient faire une niche
à leur maître. Et si le gouvernement
n’a pas voulu prendre ce complot au
tragique, il ne pouvaif tolérer, cepen
dant, des tentatives qui tombaient
sous le coup de la loi.
S’il s’était montré faible, s’il n’avait
pas arrêté dès le début ces coupables
manœuvres, il aurait vu s’étendre une
agitation qui, grâce à l’impunité,
menaçait de devenir périlleuse.
Si l’opinion accueille sans passion
ce complot, si elle suit avec calme les
débats du procès, c’est parce qu’elle
a été rassurée par la vigilance du gou
vernement, c'est parce qu’elle s’est
reudu compte immédiatement qu’on
couperait court à tout essai de rébel
lion ; c’est parce qu’elle a compris
qu’elle était protégée contre les me
naces et les violences des factieux.
Et cette sérénité est une leçon pour
les fauteurs de désordre, qui peuvent
s’apercevoir qu’ils n’ont pas d’in
fluence sur l’opinion, que leurs beaux
gestes et leurs dramatiques attitudes
ne parvienent pas à entraîner les
foules, et que le jour où la rue est le
théâtre de leurs démonstrations, il y
a un gouvernement prêt à défendre
son autorité et l’autorité de la Consti
tution doni il a la garde.
*
* *
Entrevue du Tsar et de l’empereur
Guillaume à Potsdam
Les journaux anglais, allemands et
toute la presse européenne se préoc
cupent de l’entrevue du tsar et de
l’empereur Guillaume, entrevue sen
sationnelle par le moment et les
circonstances où elle se produit. Ou
s’accorde généralement à faire cette
hypothèse que le sujet principal des
conversations entre les deux souve
rains a été le conflit anglo-boer. On
va même jusqu’à croire à la possibilité,
à la probabilité d’une initiative qui
conduirait à une médiation ou, du
moins, à une tentative de médiation.
Les journaux anglais semblent dire
que rien ne pourrait contraindre
l’Angleterre à abandonner l’exécution
de son plan et à se résigner à sa
défaite.
Mais si l’Europe intervenait en
bloc, elle serait bien obligée de céder.
Malheureusement, l'Angleterre peut
être tranquille, tout se passera en
bavardages stériles.
*
* *
La guerre au Transvaal
Il devient de plus en plus difficile
de démêler la vérité dans les nouvelles
que communique le War Office. Elles
sont toutes bâties suivant un plan
très net : cacher au public ce qui se
passe exactement dans le Natal, point
où le conflit a été très aggravé et où
les Anglais ont éprouvé les revers les
plus marqués, les plus sensibles.
Toutes les dépêches sont censurées
d’une façon systématique. Une dépêche
du commandant des forces anglaises
à Eastcourt, transmise par le général
Sir Red^fers Buller, commandant en
chef du corps expéditionnaire dans le
Sud-Africain, a été soumise elle-
même à la censure, ce qui fait qu’on
ne sait que penser et de ce qui se passe
et de l'autorité de celui qui Ta adressée
et du rôle que jouent les censeurs.
C’est dire que la dépêche du com
mandant à Eastcourt est aussi sus
pecte que les autres
On s’est battu sous Ladysmith, les
assiégés n’ont pu rompre le cercle
d’investissement ; ceci est l’essentiel.
Les troupes du Transvaal, de l’Etat
libre.d’Orange ont débordé des fron
tières et entrent partout sur les pos
sessions anglaises ; les Boers occupent
de bonnes positions où ils peuvent
attendre le choc des renforts britan
niques, quand ils seront arrivés. Voici
ce qui est indéniable et ce qui est
essentiel, puisque les Boers ont le
droit pour eux, ce qui leur leur a
valu les sympathies du monde entier.
M. LEYGOES ET LES ÉTUDIANTS
Avant son départ de Toulouse où il
était allé présider le Congrès de la
Ligue de VEnseignement , le ministre
de l’Instruction publique a présidé à
l’inauguration du Cercle des Etu
diants.
Du discours plein de jeunesse et de
bonne humeur prononcé par M. Ley-
gues, cette phrase est à retenir :
Nous organisons la démocratie.
M. Leygues a voulu faire allusion
au projet de loi relatif aux conditions
de scolarité que le lendemain il devait
exposer au Conseil des ministres.
D’après ce projet de loi tout can
didat à une fonction publique devra
être muni d’un certificat d’études,
constatant qu’il a terminé ses études
dans les établissements de l’Etat.
Pour les fonctions publiques n’exi
geant que l’enseignement primaire, le
candidat devra avoir passé les deux
dernières années dans un établisse
ment de l’Etat; pour les fonctions
pour lesquelles l’enseignement secon
daire est exigé, cette durée sera de
trois années, étant toujours entendu
que ce sont les dernières années d’étu
des qui doivent être passées dans un
établissement d’Etat.
On ne saurait contester l’utilité de
ce projet qui vient à son heure. Il est
regrettable, toutefois, qu j le ministre
n’ait pas jugé à propos d étendre à
quatre ou cinq années le stage de
scolarité.
Les deux ou trois années exigées
dans le projet ministérielle paraissent
en effet insuffisantes pour arracher
l’élève à l’influence pernicieuse des
jésuites, qui, pendant ces deux der
nières années, continueront, avec
1 aide des familles, à le maintenir
sous leur dépendance. Et cela avec
d autant plus de facilité que, lorsque
l’élève rentrera dans un établissement
de l’Etat pour y accomplir son stage
— c’est-à-dire vers 15 ou 16 ans —
son cerveau sera déjà formé, façonné,
plié à la discipline des jésuites.
Mais heureusement, hâtons-nous de
le dire, le projet n’est pas définitif ;
des remaniements y seront apportés
qui en feront un projet plus efficace
que celui actuel et plus conforme aux
besoins de la démocratie, à l’organi
sation de laquelle le ministère tra
vaille, comme Ta déclaré M. Leygues.
ENCORE L’ABBÉ DUGÂRDIN
Les journaux de Paris continuent à
s’occuper de la fameuse lettre de
Vabbé Dugardin au Réveil du Havre .
Décidément, ce petit curé de cam
pagne ne va point tarder à acquérir
une popularité très grande, qui lui
permettra, par la suite, d’obtenir de
sa Sainteté , une place d'évêque in-par-
tibus.
La Vérité revient après la Croix sur
la singulière épître de l’abbé Dugar
din. Elle trouve que le vénérable
prêtre a donné au Réveil une leçon
dont il se souviendra longtemps. « La
petite feuille de Province, a perdu-là,
s’exprime-t-elle, une belle occasion,
de se taire. »
Et l’abbé Dugardin donc, lui ré
pond spirituellement le journal les
Droits de l’Homme..
En tous les cas, j’attends toujours la
réponse du fougueux vicaire de Con-
flans. Il est vrai qu’elle doit venir de
Rome et que la distance est si grande !
F. T.
Samedi li Novembre 1899.
Jtf'//
CINQ CENTIMES LE NUMERO
Organe du Parti Républicain Démocraxi^ue
PRIX DES ABONNEMENTS
Le Havre et la Seine-Inférieure par an 3 fr.
Départements » 4 fr.
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
15, RUE GASIMIR-PÉRIER, 15
Secrétaire de la Rédaction F. ihoaihemt
L’Imprimeur-Gérant F. LE ROY
Prix des Insertions :
Annonces 25 centimes la ligne
Réclames 50 »
On traite à. forfait
Demandez le Réveil
l>u Havre clans tous les»
kiosques et chez lesmar
chands dè journaux le
samedi matin.
Protection et
Libre-Echange
MM. Louis Brindeau et Rispal
s’intéressent au libre-échange. C’est,
du moins, ce que nous pourrions
conclure de leur présence à la der
nière conférence organisée par la
Chambre de commerce sur ce sujet
d’économie politique. Il est vrai de
dire qu’ils sont restés muets comme
deux carpes sur leurs sièges et., sur
leurs doctrines. Cela n’a pas empê
ché le Petit Havre d’emboucher les
trompettes de la renommée en fa
veur de ses deux candidats préfec
toraux. Qu’aurait-ce donc été s’ils
avaient parlé ? Nos députés se sont
contentés d’assister à la conférence
avec l’onction des grands prêtres de
Boudha, comme s’ils eussent contri
bué à quelque cérémonie chinoise,
pensant que leur attitude de sphinx
révélerait un symbole aux yeux des
spectateurs émerveillés'. Ces pieuses
pratiques électorales doivent nous
suffire.
Eh bien non! nous protestons
contre elles parce qu’elles constituent
une hypocrisie. L’énigme des sphinx
n’est pas difficile à déchiffrer et le
peuple s’appelle quelquefois Œdipe.
Comment admettre, en effet, que
MM. Louis Brindeau et Rispal, les
auteurs des droits protectionnistes
sur le permanganate de potasse
soient libre-échangistes. Esclaves de
leur dieu Méline, ils sont bien obligés
à Goderville ou ailleurs de demander
l’augmentation des tarifs douaniers
par réclame électorale ; la masse des
paysans que l’on aveugle en faisant
miroiter devant leurs orbites deux
pièces de cent sous, alors qu’on leur
en prend trois par derrière ; les pro
priétaires agraires dont on flatte la
cupidité, auxquels on promet la sur
vente des blés, des pommes, des
porcs, etc., sans compter le secret
espoir de louer plus cher ses terres,
tout cela, c’est de guerre coutumière
sinon de bonne guerre.
Mais on ne dit pas tout. On ne dit
pas pourquoi l’on est protectionniste
à Graville dont les intérêts sont
identiques à ceux du Havre. Qui le
saura jamais ? Pourra-t-on expliquer
le motif pour lequel on a, à peu près
pour seul bagage jusqu’ici, extirpé
au Parlement une loi spéciale pour
Tunique industrie que Ton allait
créer sur le rivage où vint échouer
Ste-Honorine. O bienheureux per
manganate de potasse, ainsi que
tous les saints on te calomnie. On te
prétend réserver tes faveurs, non
point à tous, équitablement, mais à
quelques élus qui toucheront, sans
vergogne, d’aimables dividendes.
Et le protectionnisme a de ces coups
d’audace, qu’il entend avant tout
assurer le bien-être de ses protago
nistes. Nous dira-t-on, en thèse gé
nérale, qui profite des droits sur les
blés? Est-ce le consommateur qui
paie son pain plus cher et se voit
obligé de nourrir toute une armée
de douaniers, de paperassiers qui,
plus utilement, pourraient travailler
à la production au heu de mettre des
bâtons dans les hélices des navires ?
Est-ce l’ouvrier des champs, qui ne
touche pas un centime de plus et qui
paie plus cher toutes les denrées
alimentaires, sans une journée de
travail en supplément, les bénéfices
passant ailleurs ? Est-ce l’ouvrier
des villes, qui voit la besogne dimi
nuer telle que la rémunération de
la main-d’œuvre, cependant que tout
ce dont il a besoin augmente de prix.
Ah ! travailleurs, vous ne vous sou
ciez pas des droits que vous payez
indirectement à l’Etat, chaque fois
que vous mangez un morceau de
pain avec dessus, simplement, un
peu de graisse et de sel. Quand vous
brûlez du pétrole, que vous flam
bez une bougie, que vous craquez
une allumette, que vous buvez un
verre de petite boisson, etc. Je ne
parle pas des entraves apportées au
commerce et à l’industrie. Nous
avons, il est vrai, l’admission tem
poraire. Ah! parlons-en, pour le
gros spéculateur qui achète du blé
étranger et exporte le blé français
en son heu et place après avoir lar
gement bénéficié. Heureux si, en
core, il a fait profiter le travail
national du salaire de la mouture.
Voilà le protectionnisme bien en
tendu. Il ne favorise que le gros
spéculateur dont il arrondit la for
tune au détriment de tous les tra
vailleurs. Encore qu’il soit un agent
de fraude des plus actifs. Je n’en
prendrai pour exemple que la sub
stitution presque générale au Havre
de l’huile de coton au saindoux. Vous
Tachetez 45 ou 50 c. le 1/2 kil. et
Ton vous livre de la graisse qui con
tient 70 à 80 0/0 d’huile de coton,
étant donné que le saindoux pur
paie 20 fr. par 100 kil. de droits de
douane et que l’huile de coton n’ac
quitte que 6 fr. Et remarquez bien
que, quelque compliqués que soient
les tarifs, ils présenteront toujours
et d’autant plus de fissures par les
quelles passera la falsification.
Pourquoi la France vivrait-elle
reserrée, recroquevillée sur elle-
même, au heu de jouir de l’existence
large que donne le commerce avec
tous les peuples, avec tous les terri
toires ? L’homme mieux nourri, dont
les privations n’ont affaibli ni le
corps ni l’esprit, est plus apte à
lutter contre la concurrence exté
rieure. Son génie, au contact des
autres civilisations, est plus fécond
et plus vaste, La guerre, dont le
mobile économique est un fréquent
moteur, devient rare. Et, dites-moi,
si une bonne récolte s’est produite,
en Amérique, par exemple, pourquoi
n’en aurais-je pas ma part en payant
moins cher telle ou telle denrée ?
Economiquement, avec le libre-
échange, le monde entier nous ap
partient. Si nous ne produisons pas
tel article, nous en produirons da
vantage d’autres et mieux rétribués.
Pourquoi passerai-je mes jours et
mes nuits à cultiver à la pelle sur
un coin de terrain, quelques ca
rottes, si, forgeron, je puis fabri
quer et vendre à mon voisin, à un
prix relativement élevé, une ma
chine quelconque qui lui permettra
d’exploiter, à meilleur marché, de
vastes champs d’où il tirera (sans
jeu de mots) des chargements com
plet des légumes primitivement dé
signés, dont il me cédera une partie,
pour mes besoins, à un prix infé
rieur.
Pourquoi, entre ces deux hommes,
l’Etat ne met-il pas sa barrière de
douane comme il en plaçait autre
fois entre les provinces par les
droits de circulation ? Car, ce qui
est vrai entre deux hommes, l’est
aussi entre les nations. Chacun pro
duisant selon ses facultés, au mieux
des intérêts du monde entier. Voilà
ce me semble, la bonne maxime.
Nous y reviendrons. Quant à MM.
Brindeau et Rispal, laissons-les li-
bre-échangistes au Havre, et pro
tectionnistes à Godervile, Buglise,
Graville ou Rouelles. Puissions-nous
n’en avoir d’autres souvenirs amers
que ceux d’une farce électorale, jouée
à froid, ainsi qu’il sied à de bons
comédiens, soutenus gravement par
Le Petit Havre !
Alf. HENRI.
LA SEMAINE
Le Procès de la Haute-Cour
Le procès pendant devant la Haute-
Cour ne semble pas émouvoir beau
coup l’opinion ; et on constaterait
plus volontiers une certaine indiffé
rence, qu’on pourrait interpréter
comme du dédain. Il est évident que
les inculpés manquent de prestige ;
mais un parti ne peut donner que ce
qu’il a, et le parti royaliste n’est pas
très riche en hommes; il ne paraît
pas non plus s’intéresser au sort de
ceux qui ont essayé d’agiter le pays
et qui ont fait preuve, d’ailleurs, de
quelque ingénuité ; car ce prétendant
et ses acolytes manquent d’allure; ils
ont la conduite et la tenue de gamins ;
leur correspondance est celle d’éco
liers qui voudraient faire une niche
à leur maître. Et si le gouvernement
n’a pas voulu prendre ce complot au
tragique, il ne pouvaif tolérer, cepen
dant, des tentatives qui tombaient
sous le coup de la loi.
S’il s’était montré faible, s’il n’avait
pas arrêté dès le début ces coupables
manœuvres, il aurait vu s’étendre une
agitation qui, grâce à l’impunité,
menaçait de devenir périlleuse.
Si l’opinion accueille sans passion
ce complot, si elle suit avec calme les
débats du procès, c’est parce qu’elle
a été rassurée par la vigilance du gou
vernement, c'est parce qu’elle s’est
reudu compte immédiatement qu’on
couperait court à tout essai de rébel
lion ; c’est parce qu’elle a compris
qu’elle était protégée contre les me
naces et les violences des factieux.
Et cette sérénité est une leçon pour
les fauteurs de désordre, qui peuvent
s’apercevoir qu’ils n’ont pas d’in
fluence sur l’opinion, que leurs beaux
gestes et leurs dramatiques attitudes
ne parvienent pas à entraîner les
foules, et que le jour où la rue est le
théâtre de leurs démonstrations, il y
a un gouvernement prêt à défendre
son autorité et l’autorité de la Consti
tution doni il a la garde.
*
* *
Entrevue du Tsar et de l’empereur
Guillaume à Potsdam
Les journaux anglais, allemands et
toute la presse européenne se préoc
cupent de l’entrevue du tsar et de
l’empereur Guillaume, entrevue sen
sationnelle par le moment et les
circonstances où elle se produit. Ou
s’accorde généralement à faire cette
hypothèse que le sujet principal des
conversations entre les deux souve
rains a été le conflit anglo-boer. On
va même jusqu’à croire à la possibilité,
à la probabilité d’une initiative qui
conduirait à une médiation ou, du
moins, à une tentative de médiation.
Les journaux anglais semblent dire
que rien ne pourrait contraindre
l’Angleterre à abandonner l’exécution
de son plan et à se résigner à sa
défaite.
Mais si l’Europe intervenait en
bloc, elle serait bien obligée de céder.
Malheureusement, l'Angleterre peut
être tranquille, tout se passera en
bavardages stériles.
*
* *
La guerre au Transvaal
Il devient de plus en plus difficile
de démêler la vérité dans les nouvelles
que communique le War Office. Elles
sont toutes bâties suivant un plan
très net : cacher au public ce qui se
passe exactement dans le Natal, point
où le conflit a été très aggravé et où
les Anglais ont éprouvé les revers les
plus marqués, les plus sensibles.
Toutes les dépêches sont censurées
d’une façon systématique. Une dépêche
du commandant des forces anglaises
à Eastcourt, transmise par le général
Sir Red^fers Buller, commandant en
chef du corps expéditionnaire dans le
Sud-Africain, a été soumise elle-
même à la censure, ce qui fait qu’on
ne sait que penser et de ce qui se passe
et de l'autorité de celui qui Ta adressée
et du rôle que jouent les censeurs.
C’est dire que la dépêche du com
mandant à Eastcourt est aussi sus
pecte que les autres
On s’est battu sous Ladysmith, les
assiégés n’ont pu rompre le cercle
d’investissement ; ceci est l’essentiel.
Les troupes du Transvaal, de l’Etat
libre.d’Orange ont débordé des fron
tières et entrent partout sur les pos
sessions anglaises ; les Boers occupent
de bonnes positions où ils peuvent
attendre le choc des renforts britan
niques, quand ils seront arrivés. Voici
ce qui est indéniable et ce qui est
essentiel, puisque les Boers ont le
droit pour eux, ce qui leur leur a
valu les sympathies du monde entier.
M. LEYGOES ET LES ÉTUDIANTS
Avant son départ de Toulouse où il
était allé présider le Congrès de la
Ligue de VEnseignement , le ministre
de l’Instruction publique a présidé à
l’inauguration du Cercle des Etu
diants.
Du discours plein de jeunesse et de
bonne humeur prononcé par M. Ley-
gues, cette phrase est à retenir :
Nous organisons la démocratie.
M. Leygues a voulu faire allusion
au projet de loi relatif aux conditions
de scolarité que le lendemain il devait
exposer au Conseil des ministres.
D’après ce projet de loi tout can
didat à une fonction publique devra
être muni d’un certificat d’études,
constatant qu’il a terminé ses études
dans les établissements de l’Etat.
Pour les fonctions publiques n’exi
geant que l’enseignement primaire, le
candidat devra avoir passé les deux
dernières années dans un établisse
ment de l’Etat; pour les fonctions
pour lesquelles l’enseignement secon
daire est exigé, cette durée sera de
trois années, étant toujours entendu
que ce sont les dernières années d’étu
des qui doivent être passées dans un
établissement d’Etat.
On ne saurait contester l’utilité de
ce projet qui vient à son heure. Il est
regrettable, toutefois, qu j le ministre
n’ait pas jugé à propos d étendre à
quatre ou cinq années le stage de
scolarité.
Les deux ou trois années exigées
dans le projet ministérielle paraissent
en effet insuffisantes pour arracher
l’élève à l’influence pernicieuse des
jésuites, qui, pendant ces deux der
nières années, continueront, avec
1 aide des familles, à le maintenir
sous leur dépendance. Et cela avec
d autant plus de facilité que, lorsque
l’élève rentrera dans un établissement
de l’Etat pour y accomplir son stage
— c’est-à-dire vers 15 ou 16 ans —
son cerveau sera déjà formé, façonné,
plié à la discipline des jésuites.
Mais heureusement, hâtons-nous de
le dire, le projet n’est pas définitif ;
des remaniements y seront apportés
qui en feront un projet plus efficace
que celui actuel et plus conforme aux
besoins de la démocratie, à l’organi
sation de laquelle le ministère tra
vaille, comme Ta déclaré M. Leygues.
ENCORE L’ABBÉ DUGÂRDIN
Les journaux de Paris continuent à
s’occuper de la fameuse lettre de
Vabbé Dugardin au Réveil du Havre .
Décidément, ce petit curé de cam
pagne ne va point tarder à acquérir
une popularité très grande, qui lui
permettra, par la suite, d’obtenir de
sa Sainteté , une place d'évêque in-par-
tibus.
La Vérité revient après la Croix sur
la singulière épître de l’abbé Dugar
din. Elle trouve que le vénérable
prêtre a donné au Réveil une leçon
dont il se souviendra longtemps. « La
petite feuille de Province, a perdu-là,
s’exprime-t-elle, une belle occasion,
de se taire. »
Et l’abbé Dugardin donc, lui ré
pond spirituellement le journal les
Droits de l’Homme..
En tous les cas, j’attends toujours la
réponse du fougueux vicaire de Con-
flans. Il est vrai qu’elle doit venir de
Rome et que la distance est si grande !
F. T.
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