Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1899-07-08
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 08 juillet 1899 08 juillet 1899
Description : 1899/07/08 (N167). 1899/07/08 (N167).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263366f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/04/2019
4 e Année—H» 167.
CINQ CENTIMES LE NUMERO
Samedi 8 Juillet 1899.
Organe du Parti Républicain Démocratique
PRIX DES ABONNEMENTS
Le Havre et la Seine-Inférieure ..... .par an 3 fr.
Départements... » 4 fr.
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
15, RUE GASXMIR-PÉRIER, 15
Secrétaire de la Rédaction.... f. thoikjheret
L’Imprimeur-Gérant F. LE ROY
Prix des Insertions :
Annonces 25 centimes la ligne
Réclames... 50 ,
On traite à forfait
La liberté de
l’Enseignement
En se prononçant en faveur de la
liberté de l’enseignement, les Com
missions de la Chambre et du Sénat
ont montré, une fois de plus, l’in
fluence néfaste qu’exercent, dans les
milieux politiques, les membres des
diverses congrégations religieuses. Il
nefaut point nous étonner outre me
sure de la puissance de ces moines,
de ces jésuites qui, semblables au plus
terrible des fléaux, s’infiltrent dans
toutes les classes de la société pour
les diviser et les corrompre : on prend
contre la peste les mesures les plus
sérieuses, on ne fait rien pour enrayer
les progrès de ce mal affreux qui len
tement ronge la France et les pays
voisins.
N’est-il pas inadmissible, sous un
régime franchement républicain, de
tolérer comme éducateurs de nos fils
et de nos filles, ces êtres immondes qui
n’apportent parmi nous que la perver
sité et la débauche ? N’est-ce pas une
honte, ajprès bientôt trente années de
luttes et de travail, d’être obligés de
conserver dans notre pays ceux-là
qui, sans scrupules, le compromettent
et le conduisent certainement à sa
ruine? Pour permettre à un homme
ou à une femme d’enseigner à la jeu
nesse, l’Etat leur demande, non seu
lement une instruction solide, mais
encore une moralité irréprochable ;
on peut dire, sans crainte, qu’on s’en
toure de toutes les précautions dési
rables. En est-il de même pour l’ensei
gnement libre? Je ne le suppose point
puisqu’il suffit de recouvrir d’une dé
froque la plus noire des âmes pour
avoir le droit de diriger la conscience
et les études de nos enfants.
Les exemples des choses scanda
leuses qui se passent fréquemment
dans les établissements religieux abon
dent de toutes parts et, malgré tout,
une Commission, composée en majo
rité d’hommes se disant républicains
et présidée par M. Ribot, ose se pro
noncer pour la liberté de l’enseigne
ment; elle ne craint point de jeter en
pâture à cette meute infecte d’ensou-
tanés, ce que nous avons de plus cher
au monde, l’espoir de nous-mêmes et
de la France : nos fils et nos filles.
On vient, comme excuse, nous lan
cer à la face, que les écoles congréga
nistes regorgent d’enfants ; c’est, dit-
on, le meilleur plaidoyer qu’on puisse
faire en faveur de la liberté de l’en
seignement. Raisonnement absurde !
Notez-le bien, les neuf dixièmes des
enfants qui fréquentent les établisse
ments d’enseignement libre y sont
envoyés par leurs parents, non pas
par conviction, mais bien à cause des
difficultés de l’existence qui les obli
gent à plaire aux uns et aux autres ;
il faut vivre, et combien de gens, pour
conserver la bouchée de pain, sacri
fient leurs opinions religieuses. J’ai
connu personnellement de gros négo
ciants qui, pour ne point perdre leur
clientèle, se voyaient dans l’obligation
d’envoyer leurs enfants chez les jé
suites.
Pour arriver à une situation, dans
une certaine Compagnie de chemins
de fer (la Compagnie d’Oiléans), les
employés ne sont-ils pas contraints de
faire donner aux leurs une éducation
religieuse ?
Supprimez les établissements d’en
seignement libre et la majeure partie
du bon peuple de France poussera un
soupir de soulagement : on abolira
ainsi une espèce d’esclavage, la servi
tude cléricale.
Il faut donc espérer que la Cham
bre, plus soucieuse des intérêts du
peuple que ces messieurs de la Com
mission, ne permettra pas plus long
temps aux membres des congrégations
d’enseigner à la jeunesse. C’est une
œuvre utile à accomplir; souhaitons
sincèrement qu’il se trouve au Parle
ment assez d’hommes de cœur pour le
comprendre.
Félix Thommeret.
AGRÉABLES VACANCES
Il ne nous semble pas que le départ
des Chambres ait causé quelques re
grets. Il y a bien les boulangistes qui,
ayant, comme on le sait, l’horreur de
la dictature, se sont montrés fort alar
més de laisser M. Waldeck-Rousseau
exercer un pouvoir omnipotent; il y
a aussi les bonapartistes qui, très atta
chés, comme on le sait également, aux
institutions parlementaires, se révol
tent de Faudace très grande de M. le
président du conseil de n'avoir pas
prolongé une session si fertile en ba
tailles violentes et en manifestations
stériles. Mais, en général, on n’est
pas fâché que les députés, qui n’ont
pas donné une très haute idée de leur
fixité d’opinions, soient partis pour se
reposer de la fatigue d’avoir voté le
budget de l’année dernière.
Nous aurons d’ailleurs d'autres su
jets de réjouissance; c’est d’abord
d’assister à l’incommensurable ingé
nuité de M. Quesnay de Beaurepaire,
roulé par d’agréables fumistes qui le
poussent à affirmer la culpabilité de
Dreyfus par la promesse de documents
illusoires; c’est ensuite d’entendre des
bonapartistes, jadis partisans fervents
d’une presse bâillonnée, s’insurger
contre toutes les mesures tendant à
restreindre cette liberté; c’est enfin de
suivre les contradictions des grands
défenseur, di l’armée, qui ne peuvent
supporter l’idée d’un Dreyfus resté
cocardier, tout imbu de l’esprit mili
taire et du respect de ses chefs.
Si la Chambre manque un peu aux
amateurs d’émotions, les sujets de sur
prise ne leur feront pas défaut.
C’est ainsi qu’ils apprendront que
les antirevisionnistes croient à la
culpabilité du capitaine Dreyfus sim
plement parce que des ministres de la
guerre Font affirmée ; la révélation
des faux, les aveux d’Esterhazy, les
accusations contre du Paty de Clam,
la publication des documents de l’en
quête, l’arrêt de la Cour de cassation
ne les ont pas éclairés ; ils se décla
rent incapables de se faire une opi
nion avec les pièces qu’ils ont eues
sous les yeux. Ils ont un syllabus : la
parole des ministres de la guerre,
même quand l’un de ces ministres a
appuyé sa foi dans la culpabilité sur
un faux qu’il a laissé afficher.
On ne s’ennuiera pas, pendant ces
vacances, car il nous reste l'admira
tion de Coppée pour Déroulède et la
monumentale candeur de Quesnay de
Beaurepaire.
DÉROULÈDE RÉVISIONNISTE
Le punch offert à Saint-Cloud au
pavillon Bleu, à MM. Dérouléde et
Marcel Habert par les divers témoins
qui ont déposé au cours de leur procès
a été précédé d’un banquet au cours
duquel JV)M. F. Coppée, Déroulède,
Marcel Habert,*J. Lemaître, Forain,
Andrieux, Georges Tbiébaut ont pris
la parole.
M. Déroulède a dit qu’il continue
rait plus que jamais à dénoncer le
péril que court la France (?) Il cher
chera autant qu’il le pourra à renver
ser « cette République qui déshonore
son pays et non la République elle-
même. »
Déclare qu’il a pleine confiance dans
l’équité des juges du conseil de guerre
de Rennes, c’est pourquoi ses amis et
lui n’ont pas voulu s’opposer au dé
barquement de Dreyfus.
Pour lui, Dreyfus est coupable, né
anmoins, si les juges du conseil de guerre
proclament son innocence, il s’inclinera
et croira mais dans ce cas, il ne sau
rait y avoir de châtiment assez sé
rieux pour les cinq ministres de la
guerre qui ont successivement af
firmé la culpabilité du condamné.
■
]VÆ. MÉLIISTE
M. Méline a prononcé à l'bôtel Con
tinental, un grand discours politique
à un banquet organisé par un certain
nombre de ses amis. Il eut été plus
naturel qu’il n’attendît pas le départ
des Chambres pour donner cette con
sultation, et qu’il profitât de l’inter
pellation de M. Ernest Roche, pour
formuler ses critiques.
C’est une fâcheuse habitude de
quelques-uns de nos hommes d’Etat
de se dérober, de fuir la controverse,
d’émettre leurs idées à la cantonade,
dans un milieu de camarades, où ils
n’ont pas la crainte de rencontrer des
contradicteurs, et de ne saisir l’occa
sion de s’expliquer que lorsque leurs
développements oratoires n’ont plus
guere qu’une valeur académique.
M. Méline a donc pu parler devant
un auditoire soigneusement trié : on
n’avait pas admis les journalistes, et
les députés qui avaient joué un rôle
actif en travaillant, dans les couloirs
on dans l’hémicycle, contre le cabinet,
entouraient l’ancien président duCon-
seil.
Nous le disons avec tristesse, ce
n’est pas le discours que nous atten
dions d’un homme qui avait servi tou
jours avec vaillance le parti républi
cain. Nous espérions rencontrer un
langage dépouillé de toute amertume
et de toute rancune, et 011 nous a ap
porté un discours de combat, où per
cent un fâcheux état d’esprit rétro
grade et une déception presque incon
solable.
M. Méline a été cruel pour le ré
gime parlementaire, et tout en répu
diant les doctrines plébiscitaires, il a
eu de regrettables indulgences pour
les nationalistes, s’élevant avec une
vigueur peu démocratique contre l’ini
tiative parlementaire, les interpella
tions, les empiètements de la Cham
bre et ne trouvant aucun remède à
certains abus regrettables qu’une ré
forme du règlement, pour éviter une
révision de la Constitution.
Il a célébré les beautés du minis
tère dont il était le chef et flétri le
ministère actuel, qui ne lui a pas paru
donner des satisfactions suffisantes
aux ralliés.
Il est et il reste un opposant impé
nitent ; lui qui se plaint de certaines
excommunications, il n’a pas hésité à
condamner ceux qui avaient soutenu
M. Waldeck-Rousseau dans sa tâche,
insinuant avec une perfidie qu’envie
raient M. Quesnay, M. Coppée, M.
Déroulède, que le cabinet s’était ins
titué non pas pour terminer l’Affaire,
mais pour l’aggraver en pesant sur la
solution par des mesures préliminaires
contre les coupables.
Lui qui a dit qu’il n’y avait pas
d’affaire Dreyfus, qui a été une des
causes principales de la terrible
épreuve que nous traversons, par
aveuglement ou par faiblesse, il a
cherché à déconsidérer à l’avance
l’œuvre patriotique, l’œuvre de dé
fense républicaine à laquelle s’est
cansacré M. Waldeck-Roûsseau. Ce
n’est ni très habile, ni surtout très
républicain..
■».. .
Q. DE BEAUREPAIRE MYSTIFIÉ
Karl, le mystificateur désormais
célèbre, qui a si aisément « roulé »
l’ancien président de chambre à la
Cour de cassation, s’est fait connaître
à un de nos confrères.
C’est un honnête et joyeux bohème
du quartier Latin.
Le jour, il fignole des aquarelles
pour les bric-à-brac du quartier, et,
le soir, il chante les basses dans un
théâtre d’opérette. Un type de Mürger
égaré en cette fin de siècle, regardant
de très haut les nécessités matérielles
de la vie, vivant au jour le jour de
fumisteries et d’eau fraîche. Au total,
un drôle de type et à coup sûr un type
drôle. Karl est un dreyfusard de la
première heure. Aussi déteste-t-il
Quesnay :
— C’est moins sa canaillerie que sa
bêtise qui m’offusque, a-t-il déclaré. Et
puis, il est trop vilain. Dieu ! ce qu’il est
laid, l’animal ! Dans le cabinet où il m'a
reçu, la première chose qui m’a frappé,
c’est le buste du personnage, installé sur
une cheminée. Ce buste, d’une ressem
blance effroyable, est ignoble. Eh bien !
Quesnay est plus ignoble encore. Je vous
avoue que la vue de cette paire de singes
— l’un en plâtre, l’autre en chair —
dissipa mes derniers scrupules, et je
résolus aussitôt de me payer leur tête à
fond.
La comédie fut du reste supérieu-
ment jouée, Karl estime qu’il fut
supérieur au grand Coquelin lui-
même.
— Dès que je surprenais une hésitation
dans l’œil de Quesnay, dit-il, je me levais
et je me mettais à arpenter le salon à
grands pas. Puis, subitement, je me
plantais devant lui, et plantant mes yeux
dans ses yeux, je m’écriais : « Regardez-
moi bien, Monsieur de Beaurepaire, et
n'oubliez jamais ce que je vous dis :
Je suis l’homme que vous attendez. »
Il m’écoutait effaré et, sur la cheminée,
le buste semblait reproduire la même
grimace d’ahurissement. C’était crevant !
et j’avais une peine incroyable à ne pas
lui éclater de rire au nez.
Karl a raconté aussi la promenade
dans le bois de Meudon. La journée
commencée gaiement semblait mal
finir. L’ami Jules se discutait vio
lemment avec la dame voilée, quand
les gardes vinrent les avertir qu’on
venait de découvrir un pendu dans
les environs.
— Nous nous précipitâmes pour voir
le pendu. Or, savez-vous ce que nous
découvrîmes ? C’est que le macchabée
ressemblait trait pour trait à Quesnay
lui-même. Oui, Monsieur ! ce gredin
trouvait moyen de nous poursuivre jus
que-là pour troubler nos innocents ébats.
Quelle canaille !
Karl, tout à coup, se frappa le
front, et d’un ton tragique :
— Je suis un crétin, un idiot ! J’aurais
dû pousser la blague jusqu’au bout. J’au«
rais dû le faire marcher jusqu’à Rennes.
Je le connais ; il n’aurait pas marché, il
aurait couru. Le voyez-vous devant le
conseil de guerre, attendant les papiers
que j’apportais dans les semelles de mes
souliers ! C’est alors que l’on se serait
tirebouchonné !...
Le désespoir de Karl fut de courte
durée : C’est égal, fit-il dans un der
nier éclat de rire. Elle est bougre
ment bonne !... »
♦
LE CAS DU SOLDAT HERPE
Un colonel aux arrêts
Nos lecteurs se souviennent que la
Ligue des droits de l’homme s’était
intéressée au cas de ce malheureux
soldat, en cellule depuis près d’un
mois, à la suite de la démarche men
songère d’un prêtre.
Une enquête faite par le général de
division a démontré que l’abbé Leroy
avait calomnié Herpe. L’innocence du
soldat a été reconnue.
Le colonel Muiron, qui avait ac
cueilli trop légèrement la dénonciation
du prêtre, a été mis par le général aux
arrêts de rigueur. Le caporal cassé a
été remis dans son grade. Quant au
soldat Herpe, qui était, par suite de
ces faits, menacé d’être envoyé aux
compagnies de discipline, il l’échappe
belle, comme l’on voit.
L’abbé Leroy aura, nous l’espérons
bien, à répondre de ses calomnies de
vant la justice, et son exemple appren
dra aux colonels, qui paraissent l’igno
rer, que parole de prêtre n’est point
parole d’évangile.
LA RESPONSABILITÉ
DES INSTITUTEURS
Le Sénat, puis la Chambre, en fin
presque de séance et de session, vien
nent d’accorder satisfaction aux ins
tituteurs sur qui l’article 1384 du
Code civil pesait comme chape de
de plomb, en cas d’accidents surve
nus à leurs élèves.
Le Sénat, qui avait tergiversé, qui
avait usé d’atermoiements, a fini, sur
les vires instances du ministre de
l’instruction publique, par voter l’ad
dition suivante à l’article 1384 :
«... Toutefois, la responsabilité
civile de l’Etat est substituée à celle
des membres de l’enseignement pu
blic. »
L’article 2 (amendement Demôle),
CINQ CENTIMES LE NUMERO
Samedi 8 Juillet 1899.
Organe du Parti Républicain Démocratique
PRIX DES ABONNEMENTS
Le Havre et la Seine-Inférieure ..... .par an 3 fr.
Départements... » 4 fr.
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
15, RUE GASXMIR-PÉRIER, 15
Secrétaire de la Rédaction.... f. thoikjheret
L’Imprimeur-Gérant F. LE ROY
Prix des Insertions :
Annonces 25 centimes la ligne
Réclames... 50 ,
On traite à forfait
La liberté de
l’Enseignement
En se prononçant en faveur de la
liberté de l’enseignement, les Com
missions de la Chambre et du Sénat
ont montré, une fois de plus, l’in
fluence néfaste qu’exercent, dans les
milieux politiques, les membres des
diverses congrégations religieuses. Il
nefaut point nous étonner outre me
sure de la puissance de ces moines,
de ces jésuites qui, semblables au plus
terrible des fléaux, s’infiltrent dans
toutes les classes de la société pour
les diviser et les corrompre : on prend
contre la peste les mesures les plus
sérieuses, on ne fait rien pour enrayer
les progrès de ce mal affreux qui len
tement ronge la France et les pays
voisins.
N’est-il pas inadmissible, sous un
régime franchement républicain, de
tolérer comme éducateurs de nos fils
et de nos filles, ces êtres immondes qui
n’apportent parmi nous que la perver
sité et la débauche ? N’est-ce pas une
honte, ajprès bientôt trente années de
luttes et de travail, d’être obligés de
conserver dans notre pays ceux-là
qui, sans scrupules, le compromettent
et le conduisent certainement à sa
ruine? Pour permettre à un homme
ou à une femme d’enseigner à la jeu
nesse, l’Etat leur demande, non seu
lement une instruction solide, mais
encore une moralité irréprochable ;
on peut dire, sans crainte, qu’on s’en
toure de toutes les précautions dési
rables. En est-il de même pour l’ensei
gnement libre? Je ne le suppose point
puisqu’il suffit de recouvrir d’une dé
froque la plus noire des âmes pour
avoir le droit de diriger la conscience
et les études de nos enfants.
Les exemples des choses scanda
leuses qui se passent fréquemment
dans les établissements religieux abon
dent de toutes parts et, malgré tout,
une Commission, composée en majo
rité d’hommes se disant républicains
et présidée par M. Ribot, ose se pro
noncer pour la liberté de l’enseigne
ment; elle ne craint point de jeter en
pâture à cette meute infecte d’ensou-
tanés, ce que nous avons de plus cher
au monde, l’espoir de nous-mêmes et
de la France : nos fils et nos filles.
On vient, comme excuse, nous lan
cer à la face, que les écoles congréga
nistes regorgent d’enfants ; c’est, dit-
on, le meilleur plaidoyer qu’on puisse
faire en faveur de la liberté de l’en
seignement. Raisonnement absurde !
Notez-le bien, les neuf dixièmes des
enfants qui fréquentent les établisse
ments d’enseignement libre y sont
envoyés par leurs parents, non pas
par conviction, mais bien à cause des
difficultés de l’existence qui les obli
gent à plaire aux uns et aux autres ;
il faut vivre, et combien de gens, pour
conserver la bouchée de pain, sacri
fient leurs opinions religieuses. J’ai
connu personnellement de gros négo
ciants qui, pour ne point perdre leur
clientèle, se voyaient dans l’obligation
d’envoyer leurs enfants chez les jé
suites.
Pour arriver à une situation, dans
une certaine Compagnie de chemins
de fer (la Compagnie d’Oiléans), les
employés ne sont-ils pas contraints de
faire donner aux leurs une éducation
religieuse ?
Supprimez les établissements d’en
seignement libre et la majeure partie
du bon peuple de France poussera un
soupir de soulagement : on abolira
ainsi une espèce d’esclavage, la servi
tude cléricale.
Il faut donc espérer que la Cham
bre, plus soucieuse des intérêts du
peuple que ces messieurs de la Com
mission, ne permettra pas plus long
temps aux membres des congrégations
d’enseigner à la jeunesse. C’est une
œuvre utile à accomplir; souhaitons
sincèrement qu’il se trouve au Parle
ment assez d’hommes de cœur pour le
comprendre.
Félix Thommeret.
AGRÉABLES VACANCES
Il ne nous semble pas que le départ
des Chambres ait causé quelques re
grets. Il y a bien les boulangistes qui,
ayant, comme on le sait, l’horreur de
la dictature, se sont montrés fort alar
més de laisser M. Waldeck-Rousseau
exercer un pouvoir omnipotent; il y
a aussi les bonapartistes qui, très atta
chés, comme on le sait également, aux
institutions parlementaires, se révol
tent de Faudace très grande de M. le
président du conseil de n'avoir pas
prolongé une session si fertile en ba
tailles violentes et en manifestations
stériles. Mais, en général, on n’est
pas fâché que les députés, qui n’ont
pas donné une très haute idée de leur
fixité d’opinions, soient partis pour se
reposer de la fatigue d’avoir voté le
budget de l’année dernière.
Nous aurons d’ailleurs d'autres su
jets de réjouissance; c’est d’abord
d’assister à l’incommensurable ingé
nuité de M. Quesnay de Beaurepaire,
roulé par d’agréables fumistes qui le
poussent à affirmer la culpabilité de
Dreyfus par la promesse de documents
illusoires; c’est ensuite d’entendre des
bonapartistes, jadis partisans fervents
d’une presse bâillonnée, s’insurger
contre toutes les mesures tendant à
restreindre cette liberté; c’est enfin de
suivre les contradictions des grands
défenseur, di l’armée, qui ne peuvent
supporter l’idée d’un Dreyfus resté
cocardier, tout imbu de l’esprit mili
taire et du respect de ses chefs.
Si la Chambre manque un peu aux
amateurs d’émotions, les sujets de sur
prise ne leur feront pas défaut.
C’est ainsi qu’ils apprendront que
les antirevisionnistes croient à la
culpabilité du capitaine Dreyfus sim
plement parce que des ministres de la
guerre Font affirmée ; la révélation
des faux, les aveux d’Esterhazy, les
accusations contre du Paty de Clam,
la publication des documents de l’en
quête, l’arrêt de la Cour de cassation
ne les ont pas éclairés ; ils se décla
rent incapables de se faire une opi
nion avec les pièces qu’ils ont eues
sous les yeux. Ils ont un syllabus : la
parole des ministres de la guerre,
même quand l’un de ces ministres a
appuyé sa foi dans la culpabilité sur
un faux qu’il a laissé afficher.
On ne s’ennuiera pas, pendant ces
vacances, car il nous reste l'admira
tion de Coppée pour Déroulède et la
monumentale candeur de Quesnay de
Beaurepaire.
DÉROULÈDE RÉVISIONNISTE
Le punch offert à Saint-Cloud au
pavillon Bleu, à MM. Dérouléde et
Marcel Habert par les divers témoins
qui ont déposé au cours de leur procès
a été précédé d’un banquet au cours
duquel JV)M. F. Coppée, Déroulède,
Marcel Habert,*J. Lemaître, Forain,
Andrieux, Georges Tbiébaut ont pris
la parole.
M. Déroulède a dit qu’il continue
rait plus que jamais à dénoncer le
péril que court la France (?) Il cher
chera autant qu’il le pourra à renver
ser « cette République qui déshonore
son pays et non la République elle-
même. »
Déclare qu’il a pleine confiance dans
l’équité des juges du conseil de guerre
de Rennes, c’est pourquoi ses amis et
lui n’ont pas voulu s’opposer au dé
barquement de Dreyfus.
Pour lui, Dreyfus est coupable, né
anmoins, si les juges du conseil de guerre
proclament son innocence, il s’inclinera
et croira mais dans ce cas, il ne sau
rait y avoir de châtiment assez sé
rieux pour les cinq ministres de la
guerre qui ont successivement af
firmé la culpabilité du condamné.
■
]VÆ. MÉLIISTE
M. Méline a prononcé à l'bôtel Con
tinental, un grand discours politique
à un banquet organisé par un certain
nombre de ses amis. Il eut été plus
naturel qu’il n’attendît pas le départ
des Chambres pour donner cette con
sultation, et qu’il profitât de l’inter
pellation de M. Ernest Roche, pour
formuler ses critiques.
C’est une fâcheuse habitude de
quelques-uns de nos hommes d’Etat
de se dérober, de fuir la controverse,
d’émettre leurs idées à la cantonade,
dans un milieu de camarades, où ils
n’ont pas la crainte de rencontrer des
contradicteurs, et de ne saisir l’occa
sion de s’expliquer que lorsque leurs
développements oratoires n’ont plus
guere qu’une valeur académique.
M. Méline a donc pu parler devant
un auditoire soigneusement trié : on
n’avait pas admis les journalistes, et
les députés qui avaient joué un rôle
actif en travaillant, dans les couloirs
on dans l’hémicycle, contre le cabinet,
entouraient l’ancien président duCon-
seil.
Nous le disons avec tristesse, ce
n’est pas le discours que nous atten
dions d’un homme qui avait servi tou
jours avec vaillance le parti républi
cain. Nous espérions rencontrer un
langage dépouillé de toute amertume
et de toute rancune, et 011 nous a ap
porté un discours de combat, où per
cent un fâcheux état d’esprit rétro
grade et une déception presque incon
solable.
M. Méline a été cruel pour le ré
gime parlementaire, et tout en répu
diant les doctrines plébiscitaires, il a
eu de regrettables indulgences pour
les nationalistes, s’élevant avec une
vigueur peu démocratique contre l’ini
tiative parlementaire, les interpella
tions, les empiètements de la Cham
bre et ne trouvant aucun remède à
certains abus regrettables qu’une ré
forme du règlement, pour éviter une
révision de la Constitution.
Il a célébré les beautés du minis
tère dont il était le chef et flétri le
ministère actuel, qui ne lui a pas paru
donner des satisfactions suffisantes
aux ralliés.
Il est et il reste un opposant impé
nitent ; lui qui se plaint de certaines
excommunications, il n’a pas hésité à
condamner ceux qui avaient soutenu
M. Waldeck-Rousseau dans sa tâche,
insinuant avec une perfidie qu’envie
raient M. Quesnay, M. Coppée, M.
Déroulède, que le cabinet s’était ins
titué non pas pour terminer l’Affaire,
mais pour l’aggraver en pesant sur la
solution par des mesures préliminaires
contre les coupables.
Lui qui a dit qu’il n’y avait pas
d’affaire Dreyfus, qui a été une des
causes principales de la terrible
épreuve que nous traversons, par
aveuglement ou par faiblesse, il a
cherché à déconsidérer à l’avance
l’œuvre patriotique, l’œuvre de dé
fense républicaine à laquelle s’est
cansacré M. Waldeck-Roûsseau. Ce
n’est ni très habile, ni surtout très
républicain..
■».. .
Q. DE BEAUREPAIRE MYSTIFIÉ
Karl, le mystificateur désormais
célèbre, qui a si aisément « roulé »
l’ancien président de chambre à la
Cour de cassation, s’est fait connaître
à un de nos confrères.
C’est un honnête et joyeux bohème
du quartier Latin.
Le jour, il fignole des aquarelles
pour les bric-à-brac du quartier, et,
le soir, il chante les basses dans un
théâtre d’opérette. Un type de Mürger
égaré en cette fin de siècle, regardant
de très haut les nécessités matérielles
de la vie, vivant au jour le jour de
fumisteries et d’eau fraîche. Au total,
un drôle de type et à coup sûr un type
drôle. Karl est un dreyfusard de la
première heure. Aussi déteste-t-il
Quesnay :
— C’est moins sa canaillerie que sa
bêtise qui m’offusque, a-t-il déclaré. Et
puis, il est trop vilain. Dieu ! ce qu’il est
laid, l’animal ! Dans le cabinet où il m'a
reçu, la première chose qui m’a frappé,
c’est le buste du personnage, installé sur
une cheminée. Ce buste, d’une ressem
blance effroyable, est ignoble. Eh bien !
Quesnay est plus ignoble encore. Je vous
avoue que la vue de cette paire de singes
— l’un en plâtre, l’autre en chair —
dissipa mes derniers scrupules, et je
résolus aussitôt de me payer leur tête à
fond.
La comédie fut du reste supérieu-
ment jouée, Karl estime qu’il fut
supérieur au grand Coquelin lui-
même.
— Dès que je surprenais une hésitation
dans l’œil de Quesnay, dit-il, je me levais
et je me mettais à arpenter le salon à
grands pas. Puis, subitement, je me
plantais devant lui, et plantant mes yeux
dans ses yeux, je m’écriais : « Regardez-
moi bien, Monsieur de Beaurepaire, et
n'oubliez jamais ce que je vous dis :
Je suis l’homme que vous attendez. »
Il m’écoutait effaré et, sur la cheminée,
le buste semblait reproduire la même
grimace d’ahurissement. C’était crevant !
et j’avais une peine incroyable à ne pas
lui éclater de rire au nez.
Karl a raconté aussi la promenade
dans le bois de Meudon. La journée
commencée gaiement semblait mal
finir. L’ami Jules se discutait vio
lemment avec la dame voilée, quand
les gardes vinrent les avertir qu’on
venait de découvrir un pendu dans
les environs.
— Nous nous précipitâmes pour voir
le pendu. Or, savez-vous ce que nous
découvrîmes ? C’est que le macchabée
ressemblait trait pour trait à Quesnay
lui-même. Oui, Monsieur ! ce gredin
trouvait moyen de nous poursuivre jus
que-là pour troubler nos innocents ébats.
Quelle canaille !
Karl, tout à coup, se frappa le
front, et d’un ton tragique :
— Je suis un crétin, un idiot ! J’aurais
dû pousser la blague jusqu’au bout. J’au«
rais dû le faire marcher jusqu’à Rennes.
Je le connais ; il n’aurait pas marché, il
aurait couru. Le voyez-vous devant le
conseil de guerre, attendant les papiers
que j’apportais dans les semelles de mes
souliers ! C’est alors que l’on se serait
tirebouchonné !...
Le désespoir de Karl fut de courte
durée : C’est égal, fit-il dans un der
nier éclat de rire. Elle est bougre
ment bonne !... »
♦
LE CAS DU SOLDAT HERPE
Un colonel aux arrêts
Nos lecteurs se souviennent que la
Ligue des droits de l’homme s’était
intéressée au cas de ce malheureux
soldat, en cellule depuis près d’un
mois, à la suite de la démarche men
songère d’un prêtre.
Une enquête faite par le général de
division a démontré que l’abbé Leroy
avait calomnié Herpe. L’innocence du
soldat a été reconnue.
Le colonel Muiron, qui avait ac
cueilli trop légèrement la dénonciation
du prêtre, a été mis par le général aux
arrêts de rigueur. Le caporal cassé a
été remis dans son grade. Quant au
soldat Herpe, qui était, par suite de
ces faits, menacé d’être envoyé aux
compagnies de discipline, il l’échappe
belle, comme l’on voit.
L’abbé Leroy aura, nous l’espérons
bien, à répondre de ses calomnies de
vant la justice, et son exemple appren
dra aux colonels, qui paraissent l’igno
rer, que parole de prêtre n’est point
parole d’évangile.
LA RESPONSABILITÉ
DES INSTITUTEURS
Le Sénat, puis la Chambre, en fin
presque de séance et de session, vien
nent d’accorder satisfaction aux ins
tituteurs sur qui l’article 1384 du
Code civil pesait comme chape de
de plomb, en cas d’accidents surve
nus à leurs élèves.
Le Sénat, qui avait tergiversé, qui
avait usé d’atermoiements, a fini, sur
les vires instances du ministre de
l’instruction publique, par voter l’ad
dition suivante à l’article 1384 :
«... Toutefois, la responsabilité
civile de l’Etat est substituée à celle
des membres de l’enseignement pu
blic. »
L’article 2 (amendement Demôle),
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