Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1894-04-14
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 14 avril 1894 14 avril 1894
Description : 1894/04/14 (N140). 1894/04/14 (N140).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263339j
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/04/2019
4 8 Âasée — N° 140 — Samedi 14 Avril 1804.
CINQ CENTIMES LE NUMERO
4 e Année — 25 Henninal An 102 — S° 140.
Réveil du Havre
ORGANE RÉPUBLICAIN
paix DES ÀBOramTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre 3 fr. 2 fr.
Départements 4 fr. 2 50
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15. RUE CASIMIR-PÉRIRR, 15
LE RÉVEIL DU HAVRE paraît tous les Samedis
PRIX DES IXSERTÎOXS:
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames. 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
DE MARINE
LE RECRUTEMENT
DES
OFFICIERS DE MARINE
Tout récemment le Ministre de lu marine
a fait une constatation pénible : les candidats
à l’école navale se font de plus en plus rares.
En 1888, ils étaient 488 ; en 1893, on en
comptait 357 seulement ; tout porte à croire
que cette année ils seront encore moins nom
breux.
On a pensé, au Ministère, que c'étaient les
nouvelles méthodes d’examens universitaires
qui détournaient les jeunes gens du concours
d’admission au Borda . En effet, quand à dix-
huit ans — limite d’âge, max ira a — un collé
gien ou lycéen échoue, s’il veut se présenter
à une autre école il se trouve dans l'obliga
tion de passer son baccalauréat. Or, en ce qui
concerne la partie littéraire du moins, les
candidats à l'école navale sont très insuffi
samment préparés, d’où un assez grand re
tard dans ses np.ijLvelles études. Le Ministre a
supposé, avec juste raison que ce retard suffi
sait à éloigner de la carrière les jeunes gens
qui n’ont pas une très forte vocation. D’ac
cord avec son collègue de la guerre, il a déci
dé que, désormais, Y admissibilité au Borda
tiendrait lieu du diplôme de bachelier pour
les concours de l’Ecole Polytechnique et de
l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr.
C’est là, certainement, un grand avantage;
mais nous ne croyons pas qu’il suffise à re
peupler l’Ecole Navale.
La défaveur croissante qui s’attache à la
carrière maritime tient à bien d’autres causes.
A de très rares exceptions près, le jeune
officier de marine a un avenir très limité.
L’avancement est d’une lenteur déplorable, et
s’accorde, presque toujours, à la faveur ; la
part faite au mérite est si petite qu’il n’y a
pas lieu d’en tenir compte.
Tandis que les officiers de l’armée de terre,
sortis de St-Cyr ou de l’Ecole Polytechnique,
sont certains, môme médiocres, de devenir co
lonels, les marins, une fois arrivés lieutenants
de vaisseau — c’est-à-dire au grade équiva
lant à peu près à celui de capitaine d’infan
terie, de cavalerie ou d’artillerie, à votre
choix — n’ont plus rien à espérer s’ils n’ont
la chance d’être choisis par quelque amiral
comme officier d'ordonnance ou aide-de-camp.
Ces choix étant généralement dictés par des
'raisons qui n’ont rién de commun avec le mé
rite personnel, le pauvre lieutenant de vais
seau n’a plus que dix-sept ou dix-huit ans à
attendre pour obtenir le grade supériteiir.
Pendant ce temps, le découragement ouïes
les infirmités arrivent.
De là les nombreuses démissions qui se
produisent chaque année en progression ascen
dante.
N’ayant ni grades, ni honneur, en perspec
tive, nombre d’officiers, déçus, désillusionnés
dans leurs rêves d’avenir, s’empressent d’a
bandonner une carrière ingrate : ils vont
offrir leurs services au commerce et troquent
leurs maigres appointements contre les émo
luments magnifiques que leur accordent les
grandes compagnies de navigation.
Quand bien même ces désertions en
masse n’auraient pour effet que de priver
notre marine de guerre de ses meilleurs offi
ciers, elles seraient déjà fort regrettables ;
mais, par raccroc, elles ont un inconvénient
très sérieux. En accaparant le commande
ment des grands paquebots, les lieutenants
de vaisseau, retraités ou démissionnaires, font
une redoutable concurrence aux capitaines de
la marine marchande qui se voient ainsi
privés de presque tous les commandements
et, par suite, de tout avenir. De ce côté là
aussi on commence à éprouver quelque lassi
tude, et le recrutement devient de plus en
plus difficile. 11 y a donc un double péril à
conjurer : l’abandon de marine de guerre et
celui de la marine marchande.
Le ministre de la marine a cependant
sous la main un moyen de retenir dans les
cadres les lieutenants de vaisseau, c’est d’a
bréger de moitié le temps nécessaire pour
l’obtention du grade supérieur.
Entre le grade de lieutenant de vaisseau,
équivalant à celui de capitaine, et celui de
capitaine de frégate qui correspond au lieu
tenant-colonel, il y a une lacune : le chef de
bataillon ou d’escadrons de notre armée de
terre manque. Pourquoi ne rétablirait-on pas
ie gracie de capitaine de corvette qui existait
autrefois et qu’on a supprimé on n’a jamais
su pour quelles raisons ?
Mais, dira-t-on, cette mesure va encore
grever le budget et augmenter les charges des
contribuables. ’ T:
Quelques centaines de mille francs suffi
raient ; et, même si on voulait, cette réforme
ne coûterait rien : Messieurs les ingénieurs
de la marine n’auraient qu’à nous fabriquer
des chaudières et des bâtiments qu’on ne soit
pas obligé de recommencer aussitôt terminés
et nous aurions encore du boni.
Pierre MÉRITEL.
LE CIVET BElCCBÂTIQUE
Nous devons sincèrement prendre en commi
sération les pauvres d’esprit qui, depuis Jes temps
les plus reculés jusqu’à nos jours, se sont imaginé
que, pour faire un civet, il fallait un lièvre.
Cette profonde erreur croule sous l’évidence.
Si la vulgaire cuisine de nos_grand’mères n’é
tait pas suffisante pour nous convaincre de nos
profanes ignorances, le doux gouvernement qui
jouit de nous tout aussi bien que l’Empire (avec
l’hypocrisie en plus), se chargerait de nous démon
trer par C. P. Anzin + Eaynal -p Spulier et C e
que, pour faire un civet il faut... quoi?... —
Tout simplement des cives.
Vous savez, de ces bonnes grosses, grasses et
longues cives, les petites sœurs du poireau, — ô
Méline ! — qui prennent de la place et se fusion
nent tout doucettement avec les oignops et autres
ingrédients en mirifique mijotation pour le plus
grand délect du palais et de l’estomac.
Quant à la bidoche, c’est un accessoire absolu
ment négligeable ; inutile de .vous décarcasser
pour le lièvre, le lapin, voire même le chat tradi
tionnel des restaurants à 22 sous
Rappelez-vous cette formule simple :
Civet = Cives
Ainsi, vous pourrez fourrer dans votre fricot
toutes les punaises en gestation qui s’écrasent
dans les antichambres ministérielles et autres
mauvais lieux, l’œil de verre de feu Gambetta,
les lunettes de non moins feu môssieu Thiers, la
pudeur de Bérenger conjointement et solidaire
ment avec la férocité du nommé Combe qui vice-
préside le Sénat, 3 ou 4 kilogrammes de Boule-de-
juif, la ferblanterie maçonnique de l’austère Bris-
son, ex-président de la commission d’enquête de
Panama, ajoutez-y un des souliers de l’auverpin
Dupuy, avec les 2,000 fr. par mois servis à la
Cocarde , etc., etc..., saupoudrez-moi çà de bonne
poudre aux yeux parlementaire et servez chaud...
Pourvu qu’il y ait des cives, vous aurez le civet
démocratique, et si vous ne vous en léchez pas les
lèvres encore quinze jours après, tas de socialistes,
c’est que vous serez rudement difficiles !
Des cives, vous dis-je, tout est là ! — Et nous
en avons qui figurent, ma foi, très bien dans le
rata gouvernemental : Carnot, Casimir, Floquet,
Raynal, Reinach, Yves Guyot et tutti quanti, des
vrais démoc-socs, ceux-là. Ils n’ont pas oublié
d’écrire au haut des affiches officielles les mots
République française, mais allez un peu au fond
du plat.et vous retrouverez toute la ratatouille
impériale ou orléaniste.
Et c’est là le civet républicain démocratique
que l’on nous sert, en attendant la poule au pot
que le descendant d’Henri IV ne manquera pas
de venir nous servir en personne : d'Uri les che
mins sont ouverts. P. H-
LA GUERRE SAINTE
Le même jour, à la même heure, Dubost, tenan
cier de justice, et Combes, vice-président du
Sénat, ont prêché la guerre sainte contre le socia
lisme.
Ecoutons le premier : « Ce n’est ni le lieu, ni
le moment d’examiner les doctrines de ceux qui
CîEünti qào tiw nj ûitùitets c'a ît: lit ne, ca pai) les ue
transformer les sociétés et de procurer le bonheur
idéal à tous les individus, sans distinction ni
d’intelligence, ni de moralité, ni de travail. »
Les socialistes n’ont jamais promis le bonheur
idéal, parce que, plus sincères et mieux au cou
rant de leur langue française que le ministre de
Injustice, ils savent que le propre de l’idéal est
de ne se réaliser jamais comme l’indique le mot.
Mais ils estiment que le bonheur matériel —
sans lequel on ne peut connaître le bonheur moral
— accaparé par quelques-uns au détriment des
autres, doit être le partage de tous, puisqu’il est
produit par tous.
Le bonheur actuel de Dubost lui vient des
rédacteurs de la Marseillaise, auxquels il em
prunta sa célébrité de journaliste républicain,
pendant leur séjour dans les prisons impériales.
Le reproches qu’il adresse aux socialistes de ne
point distinguer les individus suivant leur intel
ligence, leur moralité et leur travail, pourrait
surtout s’adresser à la présente République.
Le second orateur s’appelle Combes. Re
trouve que nous avons encore trop de liberté, et il
se déclare prêt à en sacrifier quelques-unes pour
permettre au gouvernement de barrer la route au
socialisme. En finissant, il a versé des pleurs sur
la rente que l’on veut frapper d’un impôt.
Voilà le Combes de la pitié, où je ne m’y
connais pas. Quant à barrer la route aux socia
listes, cela nous paraît, de la part de ce décati
sénatorial, le Combes de la prétention.
CHANTAGES POLICIERS
Sous ce titre, on lit dans II Intransigeant :
« Le successeur de Lozé vient d’avoir une idée
géniale, comme toutes ses idées. Il a fait passer,
hier, un ordre de service instituant le chantage
policier.
« Ce chantage existait bien déjà, mais il n’était
pas consacré par la signature du préfet.
« Désormais, quand une personne aura manqué
de respect à un agent, elle sera mandée à la
préfecture de police et on lui fournira, si c’est la
première fois qu’elle commet ce crime, le moyen
de ne pas passer en police correctionnelle.
« Ce moyen est des plus simples. On remettra
à la personne délinquante l’adresse du policier
qu’elle aura offusqué, et si elle consent à aller lui
faire des excuses à domicile , le rapport sera jeté
au panier.
« Plusieurs officiers de paix nous ont commenté
en peu de mots cet ordre lépinier.
« Tous sont d’avis qu’il incite ouvertement les
agents au chantage.
« Quand ce sera une femme, si elle est jolie et si
l’agent est célibataire, il ne manquera pas d’exi
ger des excuses très complètes. Si, au contraire,
c’est une vieille femme ou un homme, l’agent se
contentera d’argent.
« M. Lépine a probablement voulu augmenter les
petits bénéfices de ses assommeurs à la veille du
1 er mai.
« Gare aux jolies femmes, quand les agents
seront amoureux, et aux autres, quand ils auront
besoin d’argent. »
LE DROIT A L’EX ISTENCE
Le Réveil, dans son dernier numéro, publie une
question au moins singulière, faite par un de ses
correspondants, à notre ami Chesquière, du Réveil
du Nord, actuellement absent de Paris et que,
dans l'occurence, nous allons remplacer.
Avec beaucoup de mots soulignés on nous de
mande « d'expliquer clairement et suffisamment
ce qu'est le Droit à l’existence, » et « comment on
établit et sanctionne ce Droit là ? »
Présentée dans ces conditions, la question ne
laisse pas d’êtie insidieuse, car, d'une part, elle ne
peut émaner d’un illettré qui eut puisé dans ses
propres tendances instinctives la compréhension
du droit dont il s’agit, et, d’autre part, une intel
ligence tant soit peu versée en Biologie, eut aisé
ment résolu le problème, à moins, toutefois, d’em
ployer ses connaissances à tendre un piège.
Cette dernière hypothèse semble la plus plausi-
JÙ?, fl i? ?2ppss?rqsëiïCii$ sojô îs assez naïf pour
proclamer le Droit à l’existence au nom de l’hu
manité, de la morale et autres conceptions aussi
vagues, notre questionneur ne manquerait point
de nous demander ce que nous faisons alors de
cette vieille lutte pour l’existence établie par nos
maîtres ès doctrines évolutives.
« Comment; s’écrierait notre triomphant con-
« tradicteur, comment pouvez-vous concilier vos
« principes pseudo-humanitaires avec l’inélucta-
« ble loi de la concurrence vitale, qui, vraie dans
« la série animale, doit aussi bien s’appliquer à
« l’homme et légitimer dès lors toutes les oppres-
« sions, toutes les misères, tous les crimes so
ciaux ! »
Et là dessus on entendrait les applaudissements
de la galerie.
Heureusement, nous n’avons point l’habitude,
tant carabins q«e sorbonnards, de laisser une vie*
toire aussi facile à des apprentis philosophes.
Aussi exposerons-nous, d'une manière aussi suc
cincte que possible, quelles sont, en Biologie, les
origines du Droit à l'existence.
Tout d%.bord, il est évident que dans chaque
circonstance où, en dehors de tout groupement
systématique, des organismes sont en présence,
leurs relations sont régies par la seule loi de la
concurrence vitale, dont l’aboutissant fatal est
toujours, d’une manière médiate ou directe, la
suppression d’un certain nombre d’individus au
profit des autres.
Menacés dans leur existence, les organismes
réagissent, suivant quatre modes principaux ,
dont le développement est subordonné à l’opposi
tion successive des organes nécessaires.
Ces modes (nous ne citons que les principaux),
sont :
1° La résistance organique passive ;
2° La lutte offensive et défensive ;
3° Les modifications de la nutrition, dontlaréduc-
tion de la ration d’entretien des Insectes n’est
qu’un cas particulier ;
4° Le groupement sociétaire, seul mode qui,
pour le moment, nous intéresse, et que l’on peut
définir : une tendance de la matière vivante à
augmenter, par conjugaison cellulaire, formation
de colonies animales ou groupement des organis
mes, ses moyens d’action sur le milieu, c’est-à-
dire, dans le cas particulier dont il s’agit ici, ses
chances de résistance aux cellules, organismes,
ou sociétés animales ambiantes.
Or, cette tendance se développe dans la série
animale d’une manière continue.
Chez les Protozoaires, elle est représentée par la
conjugaison temporaire ou permanente qui,
Balfour l’a démontré, est dans son origine essen
tiellement distincte de tout processus de reproduc
tion, et n’a qu’un but initial : augmenter l’énergie
vitale des individus coalescents.
Plus tard, la colonie animale apparaît, c’est-à-
dire qu’un certain nombre de cellules se juxtapo
sent, associant leurs facultés de préhension, d’as»
I
CINQ CENTIMES LE NUMERO
4 e Année — 25 Henninal An 102 — S° 140.
Réveil du Havre
ORGANE RÉPUBLICAIN
paix DES ÀBOramTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre 3 fr. 2 fr.
Départements 4 fr. 2 50
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15. RUE CASIMIR-PÉRIRR, 15
LE RÉVEIL DU HAVRE paraît tous les Samedis
PRIX DES IXSERTÎOXS:
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames. 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
DE MARINE
LE RECRUTEMENT
DES
OFFICIERS DE MARINE
Tout récemment le Ministre de lu marine
a fait une constatation pénible : les candidats
à l’école navale se font de plus en plus rares.
En 1888, ils étaient 488 ; en 1893, on en
comptait 357 seulement ; tout porte à croire
que cette année ils seront encore moins nom
breux.
On a pensé, au Ministère, que c'étaient les
nouvelles méthodes d’examens universitaires
qui détournaient les jeunes gens du concours
d’admission au Borda . En effet, quand à dix-
huit ans — limite d’âge, max ira a — un collé
gien ou lycéen échoue, s’il veut se présenter
à une autre école il se trouve dans l'obliga
tion de passer son baccalauréat. Or, en ce qui
concerne la partie littéraire du moins, les
candidats à l'école navale sont très insuffi
samment préparés, d’où un assez grand re
tard dans ses np.ijLvelles études. Le Ministre a
supposé, avec juste raison que ce retard suffi
sait à éloigner de la carrière les jeunes gens
qui n’ont pas une très forte vocation. D’ac
cord avec son collègue de la guerre, il a déci
dé que, désormais, Y admissibilité au Borda
tiendrait lieu du diplôme de bachelier pour
les concours de l’Ecole Polytechnique et de
l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr.
C’est là, certainement, un grand avantage;
mais nous ne croyons pas qu’il suffise à re
peupler l’Ecole Navale.
La défaveur croissante qui s’attache à la
carrière maritime tient à bien d’autres causes.
A de très rares exceptions près, le jeune
officier de marine a un avenir très limité.
L’avancement est d’une lenteur déplorable, et
s’accorde, presque toujours, à la faveur ; la
part faite au mérite est si petite qu’il n’y a
pas lieu d’en tenir compte.
Tandis que les officiers de l’armée de terre,
sortis de St-Cyr ou de l’Ecole Polytechnique,
sont certains, môme médiocres, de devenir co
lonels, les marins, une fois arrivés lieutenants
de vaisseau — c’est-à-dire au grade équiva
lant à peu près à celui de capitaine d’infan
terie, de cavalerie ou d’artillerie, à votre
choix — n’ont plus rien à espérer s’ils n’ont
la chance d’être choisis par quelque amiral
comme officier d'ordonnance ou aide-de-camp.
Ces choix étant généralement dictés par des
'raisons qui n’ont rién de commun avec le mé
rite personnel, le pauvre lieutenant de vais
seau n’a plus que dix-sept ou dix-huit ans à
attendre pour obtenir le grade supériteiir.
Pendant ce temps, le découragement ouïes
les infirmités arrivent.
De là les nombreuses démissions qui se
produisent chaque année en progression ascen
dante.
N’ayant ni grades, ni honneur, en perspec
tive, nombre d’officiers, déçus, désillusionnés
dans leurs rêves d’avenir, s’empressent d’a
bandonner une carrière ingrate : ils vont
offrir leurs services au commerce et troquent
leurs maigres appointements contre les émo
luments magnifiques que leur accordent les
grandes compagnies de navigation.
Quand bien même ces désertions en
masse n’auraient pour effet que de priver
notre marine de guerre de ses meilleurs offi
ciers, elles seraient déjà fort regrettables ;
mais, par raccroc, elles ont un inconvénient
très sérieux. En accaparant le commande
ment des grands paquebots, les lieutenants
de vaisseau, retraités ou démissionnaires, font
une redoutable concurrence aux capitaines de
la marine marchande qui se voient ainsi
privés de presque tous les commandements
et, par suite, de tout avenir. De ce côté là
aussi on commence à éprouver quelque lassi
tude, et le recrutement devient de plus en
plus difficile. 11 y a donc un double péril à
conjurer : l’abandon de marine de guerre et
celui de la marine marchande.
Le ministre de la marine a cependant
sous la main un moyen de retenir dans les
cadres les lieutenants de vaisseau, c’est d’a
bréger de moitié le temps nécessaire pour
l’obtention du grade supérieur.
Entre le grade de lieutenant de vaisseau,
équivalant à celui de capitaine, et celui de
capitaine de frégate qui correspond au lieu
tenant-colonel, il y a une lacune : le chef de
bataillon ou d’escadrons de notre armée de
terre manque. Pourquoi ne rétablirait-on pas
ie gracie de capitaine de corvette qui existait
autrefois et qu’on a supprimé on n’a jamais
su pour quelles raisons ?
Mais, dira-t-on, cette mesure va encore
grever le budget et augmenter les charges des
contribuables. ’ T:
Quelques centaines de mille francs suffi
raient ; et, même si on voulait, cette réforme
ne coûterait rien : Messieurs les ingénieurs
de la marine n’auraient qu’à nous fabriquer
des chaudières et des bâtiments qu’on ne soit
pas obligé de recommencer aussitôt terminés
et nous aurions encore du boni.
Pierre MÉRITEL.
LE CIVET BElCCBÂTIQUE
Nous devons sincèrement prendre en commi
sération les pauvres d’esprit qui, depuis Jes temps
les plus reculés jusqu’à nos jours, se sont imaginé
que, pour faire un civet, il fallait un lièvre.
Cette profonde erreur croule sous l’évidence.
Si la vulgaire cuisine de nos_grand’mères n’é
tait pas suffisante pour nous convaincre de nos
profanes ignorances, le doux gouvernement qui
jouit de nous tout aussi bien que l’Empire (avec
l’hypocrisie en plus), se chargerait de nous démon
trer par C. P. Anzin + Eaynal -p Spulier et C e
que, pour faire un civet il faut... quoi?... —
Tout simplement des cives.
Vous savez, de ces bonnes grosses, grasses et
longues cives, les petites sœurs du poireau, — ô
Méline ! — qui prennent de la place et se fusion
nent tout doucettement avec les oignops et autres
ingrédients en mirifique mijotation pour le plus
grand délect du palais et de l’estomac.
Quant à la bidoche, c’est un accessoire absolu
ment négligeable ; inutile de .vous décarcasser
pour le lièvre, le lapin, voire même le chat tradi
tionnel des restaurants à 22 sous
Rappelez-vous cette formule simple :
Civet = Cives
Ainsi, vous pourrez fourrer dans votre fricot
toutes les punaises en gestation qui s’écrasent
dans les antichambres ministérielles et autres
mauvais lieux, l’œil de verre de feu Gambetta,
les lunettes de non moins feu môssieu Thiers, la
pudeur de Bérenger conjointement et solidaire
ment avec la férocité du nommé Combe qui vice-
préside le Sénat, 3 ou 4 kilogrammes de Boule-de-
juif, la ferblanterie maçonnique de l’austère Bris-
son, ex-président de la commission d’enquête de
Panama, ajoutez-y un des souliers de l’auverpin
Dupuy, avec les 2,000 fr. par mois servis à la
Cocarde , etc., etc..., saupoudrez-moi çà de bonne
poudre aux yeux parlementaire et servez chaud...
Pourvu qu’il y ait des cives, vous aurez le civet
démocratique, et si vous ne vous en léchez pas les
lèvres encore quinze jours après, tas de socialistes,
c’est que vous serez rudement difficiles !
Des cives, vous dis-je, tout est là ! — Et nous
en avons qui figurent, ma foi, très bien dans le
rata gouvernemental : Carnot, Casimir, Floquet,
Raynal, Reinach, Yves Guyot et tutti quanti, des
vrais démoc-socs, ceux-là. Ils n’ont pas oublié
d’écrire au haut des affiches officielles les mots
République française, mais allez un peu au fond
du plat.et vous retrouverez toute la ratatouille
impériale ou orléaniste.
Et c’est là le civet républicain démocratique
que l’on nous sert, en attendant la poule au pot
que le descendant d’Henri IV ne manquera pas
de venir nous servir en personne : d'Uri les che
mins sont ouverts. P. H-
LA GUERRE SAINTE
Le même jour, à la même heure, Dubost, tenan
cier de justice, et Combes, vice-président du
Sénat, ont prêché la guerre sainte contre le socia
lisme.
Ecoutons le premier : « Ce n’est ni le lieu, ni
le moment d’examiner les doctrines de ceux qui
CîEünti qào tiw nj ûitùitets c'a ît: lit ne, ca pai) les ue
transformer les sociétés et de procurer le bonheur
idéal à tous les individus, sans distinction ni
d’intelligence, ni de moralité, ni de travail. »
Les socialistes n’ont jamais promis le bonheur
idéal, parce que, plus sincères et mieux au cou
rant de leur langue française que le ministre de
Injustice, ils savent que le propre de l’idéal est
de ne se réaliser jamais comme l’indique le mot.
Mais ils estiment que le bonheur matériel —
sans lequel on ne peut connaître le bonheur moral
— accaparé par quelques-uns au détriment des
autres, doit être le partage de tous, puisqu’il est
produit par tous.
Le bonheur actuel de Dubost lui vient des
rédacteurs de la Marseillaise, auxquels il em
prunta sa célébrité de journaliste républicain,
pendant leur séjour dans les prisons impériales.
Le reproches qu’il adresse aux socialistes de ne
point distinguer les individus suivant leur intel
ligence, leur moralité et leur travail, pourrait
surtout s’adresser à la présente République.
Le second orateur s’appelle Combes. Re
trouve que nous avons encore trop de liberté, et il
se déclare prêt à en sacrifier quelques-unes pour
permettre au gouvernement de barrer la route au
socialisme. En finissant, il a versé des pleurs sur
la rente que l’on veut frapper d’un impôt.
Voilà le Combes de la pitié, où je ne m’y
connais pas. Quant à barrer la route aux socia
listes, cela nous paraît, de la part de ce décati
sénatorial, le Combes de la prétention.
CHANTAGES POLICIERS
Sous ce titre, on lit dans II Intransigeant :
« Le successeur de Lozé vient d’avoir une idée
géniale, comme toutes ses idées. Il a fait passer,
hier, un ordre de service instituant le chantage
policier.
« Ce chantage existait bien déjà, mais il n’était
pas consacré par la signature du préfet.
« Désormais, quand une personne aura manqué
de respect à un agent, elle sera mandée à la
préfecture de police et on lui fournira, si c’est la
première fois qu’elle commet ce crime, le moyen
de ne pas passer en police correctionnelle.
« Ce moyen est des plus simples. On remettra
à la personne délinquante l’adresse du policier
qu’elle aura offusqué, et si elle consent à aller lui
faire des excuses à domicile , le rapport sera jeté
au panier.
« Plusieurs officiers de paix nous ont commenté
en peu de mots cet ordre lépinier.
« Tous sont d’avis qu’il incite ouvertement les
agents au chantage.
« Quand ce sera une femme, si elle est jolie et si
l’agent est célibataire, il ne manquera pas d’exi
ger des excuses très complètes. Si, au contraire,
c’est une vieille femme ou un homme, l’agent se
contentera d’argent.
« M. Lépine a probablement voulu augmenter les
petits bénéfices de ses assommeurs à la veille du
1 er mai.
« Gare aux jolies femmes, quand les agents
seront amoureux, et aux autres, quand ils auront
besoin d’argent. »
LE DROIT A L’EX ISTENCE
Le Réveil, dans son dernier numéro, publie une
question au moins singulière, faite par un de ses
correspondants, à notre ami Chesquière, du Réveil
du Nord, actuellement absent de Paris et que,
dans l'occurence, nous allons remplacer.
Avec beaucoup de mots soulignés on nous de
mande « d'expliquer clairement et suffisamment
ce qu'est le Droit à l’existence, » et « comment on
établit et sanctionne ce Droit là ? »
Présentée dans ces conditions, la question ne
laisse pas d’êtie insidieuse, car, d'une part, elle ne
peut émaner d’un illettré qui eut puisé dans ses
propres tendances instinctives la compréhension
du droit dont il s’agit, et, d’autre part, une intel
ligence tant soit peu versée en Biologie, eut aisé
ment résolu le problème, à moins, toutefois, d’em
ployer ses connaissances à tendre un piège.
Cette dernière hypothèse semble la plus plausi-
JÙ?, fl i? ?2ppss?rqsëiïCii$ sojô îs assez naïf pour
proclamer le Droit à l’existence au nom de l’hu
manité, de la morale et autres conceptions aussi
vagues, notre questionneur ne manquerait point
de nous demander ce que nous faisons alors de
cette vieille lutte pour l’existence établie par nos
maîtres ès doctrines évolutives.
« Comment; s’écrierait notre triomphant con-
« tradicteur, comment pouvez-vous concilier vos
« principes pseudo-humanitaires avec l’inélucta-
« ble loi de la concurrence vitale, qui, vraie dans
« la série animale, doit aussi bien s’appliquer à
« l’homme et légitimer dès lors toutes les oppres-
« sions, toutes les misères, tous les crimes so
ciaux ! »
Et là dessus on entendrait les applaudissements
de la galerie.
Heureusement, nous n’avons point l’habitude,
tant carabins q«e sorbonnards, de laisser une vie*
toire aussi facile à des apprentis philosophes.
Aussi exposerons-nous, d'une manière aussi suc
cincte que possible, quelles sont, en Biologie, les
origines du Droit à l'existence.
Tout d%.bord, il est évident que dans chaque
circonstance où, en dehors de tout groupement
systématique, des organismes sont en présence,
leurs relations sont régies par la seule loi de la
concurrence vitale, dont l’aboutissant fatal est
toujours, d’une manière médiate ou directe, la
suppression d’un certain nombre d’individus au
profit des autres.
Menacés dans leur existence, les organismes
réagissent, suivant quatre modes principaux ,
dont le développement est subordonné à l’opposi
tion successive des organes nécessaires.
Ces modes (nous ne citons que les principaux),
sont :
1° La résistance organique passive ;
2° La lutte offensive et défensive ;
3° Les modifications de la nutrition, dontlaréduc-
tion de la ration d’entretien des Insectes n’est
qu’un cas particulier ;
4° Le groupement sociétaire, seul mode qui,
pour le moment, nous intéresse, et que l’on peut
définir : une tendance de la matière vivante à
augmenter, par conjugaison cellulaire, formation
de colonies animales ou groupement des organis
mes, ses moyens d’action sur le milieu, c’est-à-
dire, dans le cas particulier dont il s’agit ici, ses
chances de résistance aux cellules, organismes,
ou sociétés animales ambiantes.
Or, cette tendance se développe dans la série
animale d’une manière continue.
Chez les Protozoaires, elle est représentée par la
conjugaison temporaire ou permanente qui,
Balfour l’a démontré, est dans son origine essen
tiellement distincte de tout processus de reproduc
tion, et n’a qu’un but initial : augmenter l’énergie
vitale des individus coalescents.
Plus tard, la colonie animale apparaît, c’est-à-
dire qu’un certain nombre de cellules se juxtapo
sent, associant leurs facultés de préhension, d’as»
I
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