Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1894-02-10
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 10 février 1894 10 février 1894
Description : 1894/02/10 (N131). 1894/02/10 (N131).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263330t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/04/2019
4• innée — N° 131 — Samedi 10 Février 1894.
CINQ CENTIMES LE NUMÉRO
4 e Année — 22 Pluviôse An 102 — N° 131.
rnix des
Le Havre....
Départements.
UN an six MOIS
3 fr. 2 fr.
4 fr. 2 50
ADMIMSTMTIOX & REDACTION
15, RUE CASIKIR-PÉRIEE, 15
LE RÊVÉ IL DÛ HAVRE paraît tous les Samedis
PRIX DES INSERTIONS :
Annonces. 25 cent, la ligne
Réclames. . 50 cent. la ligne
On traite à Forfait
LA MORT
DE
VAILLANT
On sait ce que nous pensons de l’Ànarchie
en général et. dix cas de Vaillant èn particulier.
Nous n’avons jamais hésité à blâmer une pro
pagande qui ne sait même pas choisir ses
victimes et qtii frappe au hasard. Pour nous,
comme pour tout le parti socialiste, le respect
de la vie humaine ne doit pas comporter
d’exception, et nous ne pouvons admettre,
dans tous les cas, qu’un individu trouve dans
le seul témoignage de sa propre conscience,
un motif suffisant pour tuer son semblable.
Nous ajoutions, ici même, que le cas de
Vaillant avait ceci de particulièrement regret
table, qu’il avait fourni un prétexte tout
naturel au ministère Casimir-Périer pour
entrer dans la voie de la pire réaction. Le
point de vue politique de la question venait
donc corroborer le point de vue humanitaire.
Ces réserves faites, nous rendons à cet
homme, qui était certainement un convaincu,
et qui a 'p'&y c wa uÇÂiVC/ «à Is» ï/OiuVvrijO, Va
due même à un adversaire.
Nous ne trouvons pour notre part rien de
plus rép.ugnant que l’attitude de ces journa
listes de la presse gouvernementale qui ont
réclamé pendant plusieurs jours la tête de
Vaillant et qui; aujourd’hui eiicore, passent
leurs loisirs à lécher le couteau de la guillo
tine. 11 n’y a rien de plus féroces que ces
modérés quand ils tremblent pour leur peau,
voire même pour l’assiette au beurre. En cas
de guerre civile, voilà des gens qui se prépa
rent de jolies représailles !
En réclamant comme Salorné la tête de
« l’ennemi des lois », ils s’attendaient sans
doute à un moment de faiblesse de la part du
condamné. Calcul assez simple. Car qui’donc,
parmi les plus courageux, est a l’abri d’une
défaillance devant la mort, devant ce genre
de mort surtout qui ; ne porte pas en elle-
même, comme celle au champ de bataille,
cette ivresse qui endort la crainte ?
Il s’est trouvé qu» les prévisions des trico
teurs de l’opportunisme ne se sont pas réa
lisées. Vaillant a marché à la mort comme un
brave, en lançant à la société actuelle, con
damnée par lui, une dernière injure, un
suprême défi.
Qu’on trouve oiseuse cette apostrophe,
inutile cet appel à la vengeance, c’est pos
sible. Mais, pour quiconque connaît l’Histoire,
jl est impossible de ne pas rattacher cette
mort, au moins au point de vue de l’attitude,
à celle de ces martyrs chrétiens, parfois bien
peu intéressants en vérité, qui provoquent
encore l’admiration des croyants.
Cette comparaison est si naturelle qu’eîlo
s’impose aux esprits les plus modérés, à des
poètes que leurs tendances éloignent de toute
exagération:
Ecoutez François Coppée, celui-là même
qui, sous la coupole de l’Institut, a annoncé
lfe triomphe prochaili du socialisme.
Après avoir lu, dans plusieurs journaux, les
détails sur l’exécution de Vaillant, écrit-il, je suis
demeuré tout pensif. Je me le suis imaginé, bom
bant sa poitrine sous les cordes, marchant d’un
pas ferme, bandant sa volonté, concentrant toute
son énergie, et, les yeux levéfc vers le couteau,
jetant enfin à la société son cri de malédiction ;
ét, malgré moi, un autre spectacle a surgi brus
quement dans mon esprit. J’ai vu un groupe
d’hommes et de femmes se pressant les uns contre
les autres, au milieu de l’arène oblongue du cirque,
sous les milliers de regards de la foule, tandis
que, de tous les gradins de l’immense amphi
théâtre, montait cette clameur formidable : Ad
ïeones! et que, là-bas, les bellüaires ouvraient la
èage des bêtes féroces.
Et le doux poète conclut ainsi, à l’adres
se de M. Carnot.
Sois content, Joseph de Maistre! Le bourreau
est toujours le premier dans l’Etat, et l’édifice
social n’a pour base que les quatre dalles de
l’ééhafaud !
Tout cela doit donner à réfléchir à ceux
qu’anime un idéal supérieur à celui de la
bourgeoisie actuelle.
Car à qui ferez-vous croire, ô M. Carnot,
prince de notre République, qu’il suffit de
èeuper des têtes pour arrêter le flot montant
des mécontentements et des misères?
Et né voyez-vous pas que déjà des mains
pieuses vont planter sur la tombe de Vaillant
des palmes que vous chercheriez en vain sur
les mausolées des pan amis tes ?
Et ne comprenez-vous pL^ qu’il sera éter
nellement vrai ce vers de Victor Hugo ~ ces
pOCtcS) SCÎit ,
Frères, bonheur en bas, sinon malheur en haut !
VERUS.
SEMAINE F0L1TIQÜ
FRANCE
v Le discours de Lyon. — Le Cavaignac
‘moderne, petit-fils du sinistre Cavaignac des jour
nées de Juin 48 vient de faire à Lyon, un discours
que ses propres amis traitent de èubversif.
Ainsi que le dit fort spirituellement Henri
Brissac, de la Petite République, il est difficile de
prévoir si.l’austère Cavaignac s’én tiendra à l’im
pôt progressif, et s’il n’adoptera pas successive
ment toutes les conséquences de cette première
concession faite à l’esprit du siècle.
D’ailleurs, comme le fait remarquer le même
écrivain, le néo-rêvolutionnaire de Lyon pourrait
trouver dans son auteur favori, 1 J.-B. Say, cent
autres citations qui, débitées soit en un banquet,
soit à la tribune, produiraient sur la masse oppor
tuniste un effet des plus désastreux.
Le voyez-vous proclamer quelque jour la loi
d’airain ?
« ...Il est difficile que le prix du travail du
simple manouvrier s’élève ou s’abaisse longtemps
au-dessus ou au-dessous (car le dépérissement s’en
suit) du taux nécessaire pour maintenir la classe
au nombre dont on a besoin... Le revenu du
simple manouvrier ne s’élève jamais au-dessus de
ce qu’il faut pour entretenir sa famille. »
Quel potin, parmi tous les opportunistes !
Cavaignac pourrait encore citer des passages de
haut goût dans le genre de celui-ci :
« Dans les pays que nous nommons florissants,
il y a à peine un riche sur cent mille habitants ;
et il n’y a pas une personne sur mille qui jouisse
d’une honnête aisance. >
Pour le coup, le Palais Bourbon croulerait sous
un tonnerre d’imprécations.
A vrai dire, nous craignons fort que Cavaignac
ne s’arrête trop tôt en si belle voie, et nous pen
sons que toutes ses déclarations n’ont au fond
que le sens d’une plaisanterie à la béarnaise :
« La Présidence vaut bien une concession
socialiste!*
La nouvelle collision anglo-française. —
Il y a eu, paraît-il, de nouveaux coups de fusil
entre les troupes de police des deux nations limi-
throphes de là frontière Nord de Sierra-Leone.
Comme toujours, les premières dépêches nous
sont venues par voie anglaise. Ceci est un nouveau
triomphe pour notre administration.
Il est fort probable que nous ne sommes ici qu’au
début d’uue série de rencontres analogues qui iront
toujours s’aggravant. L’organisation capitaliste
des métropoles exige, pour assurer leurs débouchés,
une concurrence coloniale effrénée, concurrence
qui s’exerce à tort ou â travers, saris tenir compte
ni de la politique musulmane, ni des compétitions
inséparables d’un partage fictif et fort vague dU
territoire africain.
La pacification et la mise en rapport rapides du
centre-Afrique ne seront possibles que par une
entente européenne. Tout au contraire, l’envahis
sement par Etat, la concurrence de comptoir à
comptoir ne peuvent amener qu’une lutte stérile
non seulement contre les sémites et les noirs, mais
encore entre les compétiteurs eux-mêmes.
Les révélations de Cornélius Herz. —
Encore une anecdote plaisante à joindre à l'His
toire du chantage pendant la troisième Répu
blique. Voici les faits :
Interviewé par un reporter du Figaro, Cornélius
déclare un beau jour qu’il va faire de nouvelles et
abracadabrantes révélations sur le Panama.
L’effroi s’empare aussitôt de nos gouvernants qui,
dans roecurence, tremblent non seulement pour
leurs amis, mais peut-être tout autant pour eux-
mêmes. En conséquence, on négocie avec le raffi-
neur d’Outre-Manche, et l’on obtiènt, à des condi
tions onéreuses— ô combien — son silence.
Survient à Bournémouth un reporter de TE clair,
aussitôt le langage du sympathique Herz se tran
sformé du tout au tout, à l’entendre il n’a jamais
menacé personne, et ne demande qu’à vivre en
paix dans sa retraite.
Qui osera nier désormais l’utilité des fonds
secrets?/
-«m*-
LAMARTINE ET LES LOIS DE RÉPRESSION
Vers le milieu de 1851, alors que la République
avachie, se laissait comme maintenant déshonorer
par une bande d’aventuriers et de coupeurs de
bourses, Lamartine, dont Clovis Hugues l’autre
jour, évoqua le souvenir à la tribune des Cham
bres, écrivait ceci :
« Ah ! si la République devait aboutir à cette
parodie du bonapartisme, nous tous, morts ou vi
vants, qui avons vécu, pensé, senti, agi, parlé,
combattu, souffert, versé notre âme ou notre sang
en France, depuis 1789 pour la cause de l’esprit
humain, de nos libertés, dé nos vérités, du peuple,
cachons-nous ! prosternons-nous dans notre
honte.
| « Confessons que nous sommes des têtes sans
Idées, des cœurs sans courage, des combattants
sans cause, des martyrs sans religion, ou plutôt
couchons-nous pour mourir une seconde fois, dé
sespérés, sur la poussière de tant de révolutions
:sans but et sans fruit pour les peuples, et rejetons
les gouttes de notre sueur et de notre sang au ciel,
en dérision de notre misère et en reproche de sa
moquerie ».
Lamartine avait raison... en 1851. Hélas ! il a
raison encore en 1894. N’avons-nous donc gravi
quelques échelons du progrès, que pour piquer
tête plus profondément dans la vase du servilisme
politique ?
Pelletai et les Etudiants socialistes
M. Camille Pelletan faisait, dimanche dernier
une conférence à la Sorbonne. Son discours, très
républicain, a mis en révolution tous les pontifes
de l’Université. Les vieux chatte-mittes ont décidé
en conséquence, de ne plus ouvrir les portes de
leur établissement aux orateurs indépendants.
Défense de dire autre chose que des niaiseries
dans ce milieu sacro-saint où la vérité détonne!
C’est une imprudence impardonnable, parce temps
d’explosion.
CAVAIGNAC ET «LE PETIT HAVRE »
Dans un de ces articles de tête, dus en majeure
partie, plus au ciseau savant qu’à la plume impar
tiale de M. Coudurier et qui fait de la feuille ha-
vraise une sorte de petit Temps mis à la portée
des intelligences capitalistes de notre bonne ville,
on a pu lire à la fin d’un compte rendu sommaire
du discours de Cavaignac à Lyon, les quelques
lignes suivantes :
« Il est à souhaiter que M. Burdeau nous ap
porte la fin de cette grande querelle et qu’il se
conforme à la nécessité de repousser toute idée,
tout projet d’imposition dont la perception exige
rait la violation de l’asile sacré que chaque citoyen
a le droit de trouver dans sa maison lorsqu’il
n’est prévenu d’aucun crime. »
Ainsi donc, c’est inutilement que depuis près
d’un demi-siècle, la réforme de l’impôt sur le re
venu est demandée au Parlement, c’est inutile*
ment que nous le voyons appliqué depuis de lon
gues années avec succès par tant de nations eu
ropéennes, comme ce projet déplait à tous les
barons de la haute finance, qu’ils s’appellent Pé-
rier, Râynal ou Siegfried, car il restreindrait d’une
façon minime leurs colossaux bénéfices, ils se re
fusent à l’admettre.
Ils s’y refusent, déclare l’organe cher au député
du Havre, parce qu’il est nécessaire de repousser
toute idée, tout objet d’imposition dont la percep
tion exigerait la violation de l’asile sacré que
chaque citoyen a le droit de trouver dans sa mai
son lorsqu’il n’est prévenu d’aucun crime.
Les voilà bien ces fougueux défenseurs de Ta
liberté et de l’inviolabité de la demeure, qui crient
bien haut dès qu’on menace d’approcher d’un peu
près, des tas d’or dont ils ont spolié le peuple,
mais qui applaudissent aux perquisitions faites
chaque jour chez les socialistes, à cette ouverture
journalière des correspondances, à cette lecture de
lettres confiées à la poste et qui échouent à la
tribune.
Qu’a done fait d’inquisitorial l’impôt progressif
que toute la meute des gouvernementaux se met
à japper aussitôt que la question vient à être de
nouveau posée ? Rien, absolument rien ! mais cet
impôt établi personne ne pourra y échapper et
sa répartition s’adressera au superflu, non au né
cessaire : c’est ce que les austères républicains,
les hommes intègres genre Siegfried et leurs aco
lytes du Havre et Petit Havre ne veulent jamais
admettre.
Nous le regrettons pour eux, car l’impôt pro
gressif sera établi et peut-être même plus tôt qu’on
ne le pense, au grand désespoir des honnêtes bour
geois du Petit Temps Havrais.
E. S.
AU PAYS DE COCAGNE
Dés enquêtes récentes ont été faites dans les
ateliers de confection à Montmartre.
Eh bien, savez-vous ce qu’a gagné une femme
qui, bien au courant, marchant bon train, a ra
battu et doublé six paires de manches de veste ?
Elle se trouve à la tête d’un bénéfice de cinq
sous , soit environ deux sous, deux sous et demi
au maximum par heure de travail.
Un pardessus à rabattre est coté deux sous. S’il
faut le border, c’est trois sous de plus.
Un veston à border et à rabattre rapporte quatre
sous.
Et tout est à l’avenant.
Une ouvrière en confection pour hommes, qui
travaillerait toute l’année, sauf un jour par se
maine, arriverait donc à se faire un budget de
300 à 350 francs. Cela, bien entendu, en se levant
matin, se couchant tard et ne mettant pas la mais
au ménage.
La Conversion
DE
6UGUSSE
En ces jours de fête où chacun sent le besoin de
se travestir, la Cloche n’a pas échappé au pen
chant commun, et gaiement elle r’est devenue
socialiste.
L’ « homme à. la bannîère » n’a pas osé se faire
lui-piême l’artisan d’une pareille volte-face. Sa*
CINQ CENTIMES LE NUMÉRO
4 e Année — 22 Pluviôse An 102 — N° 131.
rnix des
Le Havre....
Départements.
UN an six MOIS
3 fr. 2 fr.
4 fr. 2 50
ADMIMSTMTIOX & REDACTION
15, RUE CASIKIR-PÉRIEE, 15
LE RÊVÉ IL DÛ HAVRE paraît tous les Samedis
PRIX DES INSERTIONS :
Annonces. 25 cent, la ligne
Réclames. . 50 cent. la ligne
On traite à Forfait
LA MORT
DE
VAILLANT
On sait ce que nous pensons de l’Ànarchie
en général et. dix cas de Vaillant èn particulier.
Nous n’avons jamais hésité à blâmer une pro
pagande qui ne sait même pas choisir ses
victimes et qtii frappe au hasard. Pour nous,
comme pour tout le parti socialiste, le respect
de la vie humaine ne doit pas comporter
d’exception, et nous ne pouvons admettre,
dans tous les cas, qu’un individu trouve dans
le seul témoignage de sa propre conscience,
un motif suffisant pour tuer son semblable.
Nous ajoutions, ici même, que le cas de
Vaillant avait ceci de particulièrement regret
table, qu’il avait fourni un prétexte tout
naturel au ministère Casimir-Périer pour
entrer dans la voie de la pire réaction. Le
point de vue politique de la question venait
donc corroborer le point de vue humanitaire.
Ces réserves faites, nous rendons à cet
homme, qui était certainement un convaincu,
et qui a 'p'&y c wa uÇÂiVC/ «à Is» ï/OiuVvrijO, Va
due même à un adversaire.
Nous ne trouvons pour notre part rien de
plus rép.ugnant que l’attitude de ces journa
listes de la presse gouvernementale qui ont
réclamé pendant plusieurs jours la tête de
Vaillant et qui; aujourd’hui eiicore, passent
leurs loisirs à lécher le couteau de la guillo
tine. 11 n’y a rien de plus féroces que ces
modérés quand ils tremblent pour leur peau,
voire même pour l’assiette au beurre. En cas
de guerre civile, voilà des gens qui se prépa
rent de jolies représailles !
En réclamant comme Salorné la tête de
« l’ennemi des lois », ils s’attendaient sans
doute à un moment de faiblesse de la part du
condamné. Calcul assez simple. Car qui’donc,
parmi les plus courageux, est a l’abri d’une
défaillance devant la mort, devant ce genre
de mort surtout qui ; ne porte pas en elle-
même, comme celle au champ de bataille,
cette ivresse qui endort la crainte ?
Il s’est trouvé qu» les prévisions des trico
teurs de l’opportunisme ne se sont pas réa
lisées. Vaillant a marché à la mort comme un
brave, en lançant à la société actuelle, con
damnée par lui, une dernière injure, un
suprême défi.
Qu’on trouve oiseuse cette apostrophe,
inutile cet appel à la vengeance, c’est pos
sible. Mais, pour quiconque connaît l’Histoire,
jl est impossible de ne pas rattacher cette
mort, au moins au point de vue de l’attitude,
à celle de ces martyrs chrétiens, parfois bien
peu intéressants en vérité, qui provoquent
encore l’admiration des croyants.
Cette comparaison est si naturelle qu’eîlo
s’impose aux esprits les plus modérés, à des
poètes que leurs tendances éloignent de toute
exagération:
Ecoutez François Coppée, celui-là même
qui, sous la coupole de l’Institut, a annoncé
lfe triomphe prochaili du socialisme.
Après avoir lu, dans plusieurs journaux, les
détails sur l’exécution de Vaillant, écrit-il, je suis
demeuré tout pensif. Je me le suis imaginé, bom
bant sa poitrine sous les cordes, marchant d’un
pas ferme, bandant sa volonté, concentrant toute
son énergie, et, les yeux levéfc vers le couteau,
jetant enfin à la société son cri de malédiction ;
ét, malgré moi, un autre spectacle a surgi brus
quement dans mon esprit. J’ai vu un groupe
d’hommes et de femmes se pressant les uns contre
les autres, au milieu de l’arène oblongue du cirque,
sous les milliers de regards de la foule, tandis
que, de tous les gradins de l’immense amphi
théâtre, montait cette clameur formidable : Ad
ïeones! et que, là-bas, les bellüaires ouvraient la
èage des bêtes féroces.
Et le doux poète conclut ainsi, à l’adres
se de M. Carnot.
Sois content, Joseph de Maistre! Le bourreau
est toujours le premier dans l’Etat, et l’édifice
social n’a pour base que les quatre dalles de
l’ééhafaud !
Tout cela doit donner à réfléchir à ceux
qu’anime un idéal supérieur à celui de la
bourgeoisie actuelle.
Car à qui ferez-vous croire, ô M. Carnot,
prince de notre République, qu’il suffit de
èeuper des têtes pour arrêter le flot montant
des mécontentements et des misères?
Et né voyez-vous pas que déjà des mains
pieuses vont planter sur la tombe de Vaillant
des palmes que vous chercheriez en vain sur
les mausolées des pan amis tes ?
Et ne comprenez-vous pL^ qu’il sera éter
nellement vrai ce vers de Victor Hugo ~ ces
pOCtcS) SCÎit ,
Frères, bonheur en bas, sinon malheur en haut !
VERUS.
SEMAINE F0L1TIQÜ
FRANCE
v Le discours de Lyon. — Le Cavaignac
‘moderne, petit-fils du sinistre Cavaignac des jour
nées de Juin 48 vient de faire à Lyon, un discours
que ses propres amis traitent de èubversif.
Ainsi que le dit fort spirituellement Henri
Brissac, de la Petite République, il est difficile de
prévoir si.l’austère Cavaignac s’én tiendra à l’im
pôt progressif, et s’il n’adoptera pas successive
ment toutes les conséquences de cette première
concession faite à l’esprit du siècle.
D’ailleurs, comme le fait remarquer le même
écrivain, le néo-rêvolutionnaire de Lyon pourrait
trouver dans son auteur favori, 1 J.-B. Say, cent
autres citations qui, débitées soit en un banquet,
soit à la tribune, produiraient sur la masse oppor
tuniste un effet des plus désastreux.
Le voyez-vous proclamer quelque jour la loi
d’airain ?
« ...Il est difficile que le prix du travail du
simple manouvrier s’élève ou s’abaisse longtemps
au-dessus ou au-dessous (car le dépérissement s’en
suit) du taux nécessaire pour maintenir la classe
au nombre dont on a besoin... Le revenu du
simple manouvrier ne s’élève jamais au-dessus de
ce qu’il faut pour entretenir sa famille. »
Quel potin, parmi tous les opportunistes !
Cavaignac pourrait encore citer des passages de
haut goût dans le genre de celui-ci :
« Dans les pays que nous nommons florissants,
il y a à peine un riche sur cent mille habitants ;
et il n’y a pas une personne sur mille qui jouisse
d’une honnête aisance. >
Pour le coup, le Palais Bourbon croulerait sous
un tonnerre d’imprécations.
A vrai dire, nous craignons fort que Cavaignac
ne s’arrête trop tôt en si belle voie, et nous pen
sons que toutes ses déclarations n’ont au fond
que le sens d’une plaisanterie à la béarnaise :
« La Présidence vaut bien une concession
socialiste!*
La nouvelle collision anglo-française. —
Il y a eu, paraît-il, de nouveaux coups de fusil
entre les troupes de police des deux nations limi-
throphes de là frontière Nord de Sierra-Leone.
Comme toujours, les premières dépêches nous
sont venues par voie anglaise. Ceci est un nouveau
triomphe pour notre administration.
Il est fort probable que nous ne sommes ici qu’au
début d’uue série de rencontres analogues qui iront
toujours s’aggravant. L’organisation capitaliste
des métropoles exige, pour assurer leurs débouchés,
une concurrence coloniale effrénée, concurrence
qui s’exerce à tort ou â travers, saris tenir compte
ni de la politique musulmane, ni des compétitions
inséparables d’un partage fictif et fort vague dU
territoire africain.
La pacification et la mise en rapport rapides du
centre-Afrique ne seront possibles que par une
entente européenne. Tout au contraire, l’envahis
sement par Etat, la concurrence de comptoir à
comptoir ne peuvent amener qu’une lutte stérile
non seulement contre les sémites et les noirs, mais
encore entre les compétiteurs eux-mêmes.
Les révélations de Cornélius Herz. —
Encore une anecdote plaisante à joindre à l'His
toire du chantage pendant la troisième Répu
blique. Voici les faits :
Interviewé par un reporter du Figaro, Cornélius
déclare un beau jour qu’il va faire de nouvelles et
abracadabrantes révélations sur le Panama.
L’effroi s’empare aussitôt de nos gouvernants qui,
dans roecurence, tremblent non seulement pour
leurs amis, mais peut-être tout autant pour eux-
mêmes. En conséquence, on négocie avec le raffi-
neur d’Outre-Manche, et l’on obtiènt, à des condi
tions onéreuses— ô combien — son silence.
Survient à Bournémouth un reporter de TE clair,
aussitôt le langage du sympathique Herz se tran
sformé du tout au tout, à l’entendre il n’a jamais
menacé personne, et ne demande qu’à vivre en
paix dans sa retraite.
Qui osera nier désormais l’utilité des fonds
secrets?/
-«m*-
LAMARTINE ET LES LOIS DE RÉPRESSION
Vers le milieu de 1851, alors que la République
avachie, se laissait comme maintenant déshonorer
par une bande d’aventuriers et de coupeurs de
bourses, Lamartine, dont Clovis Hugues l’autre
jour, évoqua le souvenir à la tribune des Cham
bres, écrivait ceci :
« Ah ! si la République devait aboutir à cette
parodie du bonapartisme, nous tous, morts ou vi
vants, qui avons vécu, pensé, senti, agi, parlé,
combattu, souffert, versé notre âme ou notre sang
en France, depuis 1789 pour la cause de l’esprit
humain, de nos libertés, dé nos vérités, du peuple,
cachons-nous ! prosternons-nous dans notre
honte.
| « Confessons que nous sommes des têtes sans
Idées, des cœurs sans courage, des combattants
sans cause, des martyrs sans religion, ou plutôt
couchons-nous pour mourir une seconde fois, dé
sespérés, sur la poussière de tant de révolutions
:sans but et sans fruit pour les peuples, et rejetons
les gouttes de notre sueur et de notre sang au ciel,
en dérision de notre misère et en reproche de sa
moquerie ».
Lamartine avait raison... en 1851. Hélas ! il a
raison encore en 1894. N’avons-nous donc gravi
quelques échelons du progrès, que pour piquer
tête plus profondément dans la vase du servilisme
politique ?
Pelletai et les Etudiants socialistes
M. Camille Pelletan faisait, dimanche dernier
une conférence à la Sorbonne. Son discours, très
républicain, a mis en révolution tous les pontifes
de l’Université. Les vieux chatte-mittes ont décidé
en conséquence, de ne plus ouvrir les portes de
leur établissement aux orateurs indépendants.
Défense de dire autre chose que des niaiseries
dans ce milieu sacro-saint où la vérité détonne!
C’est une imprudence impardonnable, parce temps
d’explosion.
CAVAIGNAC ET «LE PETIT HAVRE »
Dans un de ces articles de tête, dus en majeure
partie, plus au ciseau savant qu’à la plume impar
tiale de M. Coudurier et qui fait de la feuille ha-
vraise une sorte de petit Temps mis à la portée
des intelligences capitalistes de notre bonne ville,
on a pu lire à la fin d’un compte rendu sommaire
du discours de Cavaignac à Lyon, les quelques
lignes suivantes :
« Il est à souhaiter que M. Burdeau nous ap
porte la fin de cette grande querelle et qu’il se
conforme à la nécessité de repousser toute idée,
tout projet d’imposition dont la perception exige
rait la violation de l’asile sacré que chaque citoyen
a le droit de trouver dans sa maison lorsqu’il
n’est prévenu d’aucun crime. »
Ainsi donc, c’est inutilement que depuis près
d’un demi-siècle, la réforme de l’impôt sur le re
venu est demandée au Parlement, c’est inutile*
ment que nous le voyons appliqué depuis de lon
gues années avec succès par tant de nations eu
ropéennes, comme ce projet déplait à tous les
barons de la haute finance, qu’ils s’appellent Pé-
rier, Râynal ou Siegfried, car il restreindrait d’une
façon minime leurs colossaux bénéfices, ils se re
fusent à l’admettre.
Ils s’y refusent, déclare l’organe cher au député
du Havre, parce qu’il est nécessaire de repousser
toute idée, tout objet d’imposition dont la percep
tion exigerait la violation de l’asile sacré que
chaque citoyen a le droit de trouver dans sa mai
son lorsqu’il n’est prévenu d’aucun crime.
Les voilà bien ces fougueux défenseurs de Ta
liberté et de l’inviolabité de la demeure, qui crient
bien haut dès qu’on menace d’approcher d’un peu
près, des tas d’or dont ils ont spolié le peuple,
mais qui applaudissent aux perquisitions faites
chaque jour chez les socialistes, à cette ouverture
journalière des correspondances, à cette lecture de
lettres confiées à la poste et qui échouent à la
tribune.
Qu’a done fait d’inquisitorial l’impôt progressif
que toute la meute des gouvernementaux se met
à japper aussitôt que la question vient à être de
nouveau posée ? Rien, absolument rien ! mais cet
impôt établi personne ne pourra y échapper et
sa répartition s’adressera au superflu, non au né
cessaire : c’est ce que les austères républicains,
les hommes intègres genre Siegfried et leurs aco
lytes du Havre et Petit Havre ne veulent jamais
admettre.
Nous le regrettons pour eux, car l’impôt pro
gressif sera établi et peut-être même plus tôt qu’on
ne le pense, au grand désespoir des honnêtes bour
geois du Petit Temps Havrais.
E. S.
AU PAYS DE COCAGNE
Dés enquêtes récentes ont été faites dans les
ateliers de confection à Montmartre.
Eh bien, savez-vous ce qu’a gagné une femme
qui, bien au courant, marchant bon train, a ra
battu et doublé six paires de manches de veste ?
Elle se trouve à la tête d’un bénéfice de cinq
sous , soit environ deux sous, deux sous et demi
au maximum par heure de travail.
Un pardessus à rabattre est coté deux sous. S’il
faut le border, c’est trois sous de plus.
Un veston à border et à rabattre rapporte quatre
sous.
Et tout est à l’avenant.
Une ouvrière en confection pour hommes, qui
travaillerait toute l’année, sauf un jour par se
maine, arriverait donc à se faire un budget de
300 à 350 francs. Cela, bien entendu, en se levant
matin, se couchant tard et ne mettant pas la mais
au ménage.
La Conversion
DE
6UGUSSE
En ces jours de fête où chacun sent le besoin de
se travestir, la Cloche n’a pas échappé au pen
chant commun, et gaiement elle r’est devenue
socialiste.
L’ « homme à. la bannîère » n’a pas osé se faire
lui-piême l’artisan d’une pareille volte-face. Sa*
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