Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1894-01-27
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 27 janvier 1894 27 janvier 1894
Description : 1894/01/27 (N129). 1894/01/27 (N129).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263328r
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/04/2019
4* innée — N° 129 — Samedi 27 Janvier 1894.
CINQ CENTIMES LE NUMERO
ORGANE RÉPUBLICAIN
vm DES ABOIEMENTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre. 3 fr. 2 fr.
Départements . 4 fr. 2 50
’' i ' 83
SP
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15, RUE CASIMIR-PÉRIER, 15
LE RÉVEIL DU HAVRE paraît tous les Samedis
PRIX DES INSERTIONS :
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
bd
BS»
Samedi dernier, la Chambre a été appelée
à statuer sur la prise en considération de la
proposition de loi relative au canal maritime
de Paris à Rouen.
Ce projet, dont la réalisation permettrait à
tous les navires remontant à Rouen et à 94 0/0
de ceux qui arrivent au Havre de parvenir
à Paris, est, comme chacun peut s’en rendre
compte, le ruine de notre port.
Noms sommes,du reste, en mesure d’assurer
que ce canal amenant, par une voie directe
et facile, jusqu’au cœur de la France, les
vins d Espagne, les charbons Anglais, les blés
étrangers, sans transbordement et, par suite,
avec une diminution de fret pouvant parfois
arriver à compenser l’augmentation des tarifs
douaniers, conduirait à un désastre irrémé
diable nos mines, notre agriculture déjà si
compromise, nos lignes de chemins de fer et
les finances de l’Etat qui, lié par la garantie
d’intérêt, devrait chaque année combler leur
déficit.
Si encore un intérêt national majeur mili
tait en faveur de la prompte exécution de ce
projet, nous aurions applaudi les premiers à
sa prise en considération, mais les promoteurs
mêmes du canal basent seulement leur pré
tendue utilité publique sur le développement
considérable que prendrait par la suite l’ex
portation des plâtres et pierres à bâtir qui
composent le sol et sous-sol des environs de
Paris; or, tabler sur de pareilles bases nous
paraît fort aléatoire.
Nous nous trouvons alors en présence d’une
conception d’esthétique pure, faite simplement
pour flatter F amour-propre des Parisiens
d’abord, de la Nation ensuite ; eh bien, nous
ne croyons pas que ces résultats soient suffi
sants pour bouleverser la vie économique de
nos grands ports de la Manche et pouj* rompre
l’équilibre du Trésor, eu annihilant la majeure
partie de nos productions intérieures.
Pour toutes ces raisons, nous nous atten
dions, samedi, à voir M„ Siegfried, le député
de la l rc circonscription — circonscription
essentiellement maritime,efc, par suite, la plus
intéressée au renvoi du projet —-, monter à la
tribune pour défendre les intérêts de nos com
merçants et de nos ouvriers, pour lesquels le
vote de cette loi serait un malheur irrépara
ble et la misère à bref délai.
Déjà, pendant la dernière législature, lors
qu’on avait discuté à la Chambre le projet des
travaux du port, nous avions été très étonnés
de voir ce projet défendu par... le député de
Rouen.
Le 20 janvier, les électeurs du Havre'qui
ont envoyé au Parlement M. Siegfried pour y
défendre leurs intérêts, les ont vus représentés
par... M. Le Gavrian !
J'espère que les Havrais, qui croyaient
encore au zèle de leur représentant et à son
entier dévouement à notre cité, seront suffi
samment édifiés par ce dernier fait, et sauront
maintenant à quoi s’en tenir sur les actes et
la valeur de leur mandataire.
Ce n’est pas que M. Le Gavrian ait mal
défendu les intérêts du Havre, bien au con
traire ; mais notre port a été défendu par un
étranger, et M. Siegfried était présent à la
séance.
C’est avec une part d’émotion — mais une
certaine rage au cœur, je dois l’avouer — que
nous avons entendu M. Le Gavrian s’écrier :
« Le projet qui vous est soumis a pour but
bien déclaré de faire remonter de Rouen à
Paris tous les navires qui vont actuellement
du Havre à Rouen, c’est-à-dire 94/100 du
nombre de ceux qui entrent au Havre. Il tend
donc à substituer aux ports du Havre et de
Rouen le futur port de Paris, enlevant aux
deux premiers la plus grande partie de leurs
ressources et de leur raison d’être
« Aujourd’hui, les navires anglais arrivant
au Havre payent 1 fr. 20 par tonne et sont
obligés de subir un transbordement, de cette
façon, il reste quelque profit à nos armateurs
du Havre..... »
A ce moment, M. F. Faure, complétant la
ph rase de l’orateur, crie : « Et aux ouvriers. »
11 ne se foule pas non plus M. Faure, dans
la défense des intérêts du Havre.
« Quand une proposition, continue alors
l’orateur., se présente avec ces caractères d’être
absolument nuisible aux intérêts généraux de
la production et de la main-d'œuvre française;
d’être défavorable pour les droits acquis et
pour les situations géographiques du Havre
et de Rouen, on ne la renvoie pas à une com
mission d’études, on la repousse purement et
simplement. »
Au nom des électeurs Havrais, nous adres
sons nos félicitations à M. Le Gavrian pour
son excellente défense des intérêts de notre
port.
Al >rès ce discours, M. Mesureur, le rap
porteur de la commission d’initiative parle
mentaire, ne se tint pas pour battu. 11 prit
vivement la parole pour soutenir les conclu
sions de la commission.
Les déclarations qu’il apporta à la tribune :
« La commission estimequ’il est assez impor
tant v le projet) et intéressant au point de vue
national comme au point de vi m parisien, pour
mériter l’étude d’une commission parlemen
taire. La commission d'initiative vous de
mande d’étudier complètement cette proposi
tion de loi et de ne pas la repousser par une
sorte de question préalable qui serait indigne
de la Chambre et de Vimportance de la propo
sition qui lui est soumise. »
Les très bien » qui éclatèrent sur de nom
breux bancs pendant qu’il parlait; enfin la
demande de clôture formulée par plusieurs de
leurs collègues, auraient dû donner l’éveil aux
députés du Havre et les engager à prendre la
parole pour éclairer de nouveau la Chambre
sur la situation désastreuse que créerait pour
notre port, pour notre commerce général et
pour notre agriculture, l’exécution d’un pareil
projet.
Rien n’y fit.
Ce n’est qu’après que le président du Con
seil eut mis aux voix la clôture et que cette
dernière eût été votée, que M. F. Faure,
comprenant enfin toute la faute qu’il avait
commise et les conséquences terribles qu’elle
pourrait avoir dans l’avenir, se résigna à
monter à la tribune.
Efc c’est alors que nous entendîmes cette
déclaration phénoménale dans la bouche d’un
représentant du Havre : « Je ne puis combattre
la prise en considération puisque la discussion
est close , mais si elle est votée, il reste entendu
que la question est entière et qu’on ne tirera
de votre vote aucun préjugé favorable au
projet. »
Décidément, M. Félix Faure a, non seule
ment la taille, mais encore les qualités d’un
bon carabinier... d’Offenback !
Vous pourriez peut-être croire que le repré
sentant de la 2 e circonscription est oppose en
principe au projet? Non pas. Il demande le
rejet du renvoi parce que « Nous ne trouvons,
devant nous, qu’une société d’études qui paraît
rechercher la déclaration d’utilité publique
pour constituer une société financière....
Et il continue en déclarant : « Nous consi
dérons ce projet comme irréalisable ; nous
estimons qu’aucune société sérieuse ne se pré
sente devant vous. >*
Ce qui revient à déclarer que si une société
financière sérieuse se présente un jour devant
la Chambre, M. Faure considérera le projet
comme réalisable, et le Parlement, n’ayant
plus cette fois devant lui une société qui
recherche une déclaration d’utilité publique
pour arriver à réunir des fonds, puisque les
fonds sont réunis, devra immédiatement voter
cette déclaration d’utilité publique qui sera
la ruine de notre port.
Voilà tout ce que M. Félix Faure a pu
trouver pour la défense de nos intérêts ! Vous
avouerez que ce n’est pas brillant, car nous
savons que d’ici peu, maintenant que le projet
est renvoyé à une commission, une société
financière, — étrangère il est vrai, — sera
constituée.
La déclaration de M. Faure nous a d’autant
plus étonnés, que M. Le Gavrian avait apporté
ces renseignements à la tribune au début de la
discussion, efc montré que les seuls intérêts
lésés par le rejet définitif du projet étaient
ceux des financiers étrangers qui avaient lancé
l’affaire.
M. F. Faure devrait au moins écouter ses
collègues ?
M. Siegfried, lui, plus modeste parce que
plus..., a continué dans cette séance, comme
par le passé, à se taire. C’est certainement,
en y réfléchissant bien, ce qu’il a de mieux
à faire ! ' ■ / ..
11 s’est contenté de voter avec M. Faure
contre la prise en considération.
Malheureusement, malgré les deux voix
..réunies des députes du Havre, cette dernière
a été votée par la Chambre, et plus tard, il y
a de grandes chances pour que le projet, le soit
également.
Peut-être si M. Siegfried au lieu de déposer
sa voix dans l’urne, l’avait fait entendre
du haut de la tribune, aurait-il déplacé la
majorité.
Yo\ïo me ûmfz. qu’il est impossible que M.
Siegfried arrive à convaincre quelqu’un.
«Je vous l’accorde.
Cependant, comme chaque fois qu’il parle
la Chambre se vide, peut-être qu’au moment
du vote, ses collègues sortis pour ne pas
entendre son désagréable organe, se tenant
encore dans les couloirs, le nombre des vo
tants étant aussi moins considérable, la prise
en considération n’aurait-elle pas obtenu la
majorité.
En tous cas, c’était à essayer et M. Jules
Siegfried ne l’a même pas fait.
Nous sommes donc conduits, comme son
maître Dupuy, à l’enfermer dans le dilemme
suivant :
Ou M. J. Siegfried est totalement incapable
de prendre la parole pour défendre nos inté
rêts efc alors, nous nous demandons pourquoi
on l’envoie à la Chambre — mieux vaudrait
lui substituer un soliveau.
Ou M. J. Siegfried peut parler à la tribune
avec succès, et dans ce cas, ne Payant pas
fait le 20 janvier, il a trahi les intérêts de
notre cité. Des gens blessants pourraient lui
dire qu’il est par suite « un mandataire
infidèle », mais cette phrase l’a trop froissé
au mois d’août pour que nous ayons la cruauté
de la lui répéter.
Nous lui conseillerons seulement de sortir
du dilemme ci-dessus et de ne pas prendre
trop souvent pour modèle M. F. Faure qui,
quoique élu avec dix mille voix arrive parfois
bon dernier lorsqu’il s’agit de représenter ses
électeurs !
VINDIX.
♦
Le RÉVEIL publiera, Samedi prochain,
un article de Jules GUESDE, député de
Roubaix.
ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
Seine-Inférieure
Scrutin du 21 Janvier 189k
3 e Circonscription du Havre
MM. Delaunay, républicain 8,195 voix ELU
Piérard, conservateur.... 8,163
\ Finistère
3* Circonscription de Morlaix
MM. de Mun, rallié 8,026 voix ELU
Caille, républicain 5,750
Il s’agissait de remplacer M. de Kermenguy,
député réactionnaire décédé, qui avait été élu en
1893 par 8,239 voix contre 4,615 accordées à M.
Caille, républicain.
LES AVEUX D’UN ADVERSAIRE
Beaucoup de nos confrères se lamentent à l’envi
de la prépondérance prise dans la nouvelle Chambre
par l’élément socialiste au détriment de l’élément
radical.
Cette constatation très flatteuse pour nous, ins
pire dans le Matin, à M. Ranc, les réflexions sui
vantes, qui valent d’être reproduites :
« J’avais cru que l’Union socialiste ne tiendrait
pas, que î'acéord .entre les collectivistes efc les
autres ne durerait pas. Je m’éiais trompé. Excep
tion faite de M. Goblet, qui se détache peu à peu
et qui bientôt sera un solitaire à la Chambre, les
socialistes forment un groupe compact, sachant ce
qu’il veut et où il va, donnant d'ensemble, très tac*
ticien sous ses violences appareutes d’attitude,
supérieurement dirigé.
« En face d’eux, poussière. Pas d'organisation,
pas de direction, pas d’action commune, l’ordre
dispersé. Chacun tire de son' côté, au gré de sa
fantaisie ou de l’impression du moment. »
Très aimable pour les socialistes M. Ranc !
Toutefois, qu’il nous permette de lui signaler une
cause de plus à cette vitalité dont il nous fait
honneur. Cette cause, c’est que seul au Parlement
le parti “socialiste a un programme, le vieux pro
gramme démocratique <-t républicain, qui fut jadis
celui de M. Ranc lui-même, et qu’il a renié depuis,
à Limitation de tant d’autres.
L. D.
SIEGFRIED COMMISSAIRE !
MM. T-mûUot Jourûe, M. Siegfried a
été élu par le 10 e bureau, membre de la commis
sion d’assistance et de prévoyance sociale. Quel
succès ! Il doit être bien joyeux M. Siegfried !
Cela le consolera peut-être de la veste mémo
rable qu’il a remportée à la Chambre au mois de
décembre dernier, lors de l’élection de deux mem
bres de la commission de surveillance des Caisses
d’amortissement et des dépôts et consignations.
C’est également avec peine — pour M. Siegfried
— que nous avons constaté l’élection à la prési
dence de M. Ricard, le député du Havre ne pour
ra en effet rééditer pour escamoter les votes défa
vorables au gouvernement, ses petites manœuvres
restées célèbres et consignées au Journal officiel
— manœuvres qui lui réussirent si bien avec la
Commission du câble des Açores.
MaisM. Ricard est un de ses amis! c’est tout dire!
En tous cas nous plaignons les travailleurs d’avoir
affaire à la prévoyance — j’allajs dire à la clair
voyance — de M. Siegfried, pour résoudre les
questions sociales.
Ils n’ont qu’à se mettre résolument au travail
et à s’organiser ; car, s’ils veulent voir se réaliser
quelques réformes, le meilleur conseil que nous
puissions leur donner c’est décompter d’abord sur
eux-mêmes — les travailleurs organisés sont une
force à laquelle rien ne résiste — ensuite sur leurs
amis et seuls défenseurs dans la Chambre actuelle
les députés socialistes, mais jamais sur les oppor
tunistes réactionnaires et fidèles alliés de la
droite ! v
Arrestation de M. Paul Leroy-Beaulieu
Nous apprenons à l’instant l’arrestation de Mw
Paul Leroy-Beaulieu, membre de l’Institut, pro
fesseur au Collège de France, etc., comme com
plice — au moins moralement — de l’attentat du
Palais-Bourbon.
Voici à quel propos cette arrestation a eu lieu.
A la suite des déclarations contenues dans le
plaidoyer de Vaillant, efc connaissant les préfé
rences hautement manifestées par les théoriciens
de l’anarchie pour les œuvres de Herber Spencer,
et notamment pour son livre : L'Individu contre
l'Etat, M. Meyer, juge d’instruction, fut frappé
de l’analogie entre les théories anarchistes et
celles professées par M. Paul Leroy-Beaulieu, et
en magistrat impartial, il n’hésita pas à incrimi
ner les phrases suivantes, extraites d’un récent
ouvrage du membre de l’Institut :
« Les pages les plus fortes qui aient été écrites
« sur le beau et le vaste thème [L'Etat) sont dues
« à Herbert Spencer et à M. Taine : le premier,
t qui, après avoir tracé avec sa pénétration in-
« comparable mais d’une manière épisodique, le
« caractère de l’Etat, dans plusieurs de ses ouvra-
« ges : l 'Introduction de la science sociale et les
« Essais de politique , leur a consacré un petit
« volume lumineux : l'Individu contre VEtat,
« dont les titres de chapitre brillent comme des
« étoiles directrices : l’Esclavage futur, les Pé-
CINQ CENTIMES LE NUMERO
ORGANE RÉPUBLICAIN
vm DES ABOIEMENTS :
UN AN SIX MOIS
Le Havre. 3 fr. 2 fr.
Départements . 4 fr. 2 50
’' i ' 83
SP
ADMINISTRATION & RÉDACTION
15, RUE CASIMIR-PÉRIER, 15
LE RÉVEIL DU HAVRE paraît tous les Samedis
PRIX DES INSERTIONS :
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
bd
BS»
Samedi dernier, la Chambre a été appelée
à statuer sur la prise en considération de la
proposition de loi relative au canal maritime
de Paris à Rouen.
Ce projet, dont la réalisation permettrait à
tous les navires remontant à Rouen et à 94 0/0
de ceux qui arrivent au Havre de parvenir
à Paris, est, comme chacun peut s’en rendre
compte, le ruine de notre port.
Noms sommes,du reste, en mesure d’assurer
que ce canal amenant, par une voie directe
et facile, jusqu’au cœur de la France, les
vins d Espagne, les charbons Anglais, les blés
étrangers, sans transbordement et, par suite,
avec une diminution de fret pouvant parfois
arriver à compenser l’augmentation des tarifs
douaniers, conduirait à un désastre irrémé
diable nos mines, notre agriculture déjà si
compromise, nos lignes de chemins de fer et
les finances de l’Etat qui, lié par la garantie
d’intérêt, devrait chaque année combler leur
déficit.
Si encore un intérêt national majeur mili
tait en faveur de la prompte exécution de ce
projet, nous aurions applaudi les premiers à
sa prise en considération, mais les promoteurs
mêmes du canal basent seulement leur pré
tendue utilité publique sur le développement
considérable que prendrait par la suite l’ex
portation des plâtres et pierres à bâtir qui
composent le sol et sous-sol des environs de
Paris; or, tabler sur de pareilles bases nous
paraît fort aléatoire.
Nous nous trouvons alors en présence d’une
conception d’esthétique pure, faite simplement
pour flatter F amour-propre des Parisiens
d’abord, de la Nation ensuite ; eh bien, nous
ne croyons pas que ces résultats soient suffi
sants pour bouleverser la vie économique de
nos grands ports de la Manche et pouj* rompre
l’équilibre du Trésor, eu annihilant la majeure
partie de nos productions intérieures.
Pour toutes ces raisons, nous nous atten
dions, samedi, à voir M„ Siegfried, le député
de la l rc circonscription — circonscription
essentiellement maritime,efc, par suite, la plus
intéressée au renvoi du projet —-, monter à la
tribune pour défendre les intérêts de nos com
merçants et de nos ouvriers, pour lesquels le
vote de cette loi serait un malheur irrépara
ble et la misère à bref délai.
Déjà, pendant la dernière législature, lors
qu’on avait discuté à la Chambre le projet des
travaux du port, nous avions été très étonnés
de voir ce projet défendu par... le député de
Rouen.
Le 20 janvier, les électeurs du Havre'qui
ont envoyé au Parlement M. Siegfried pour y
défendre leurs intérêts, les ont vus représentés
par... M. Le Gavrian !
J'espère que les Havrais, qui croyaient
encore au zèle de leur représentant et à son
entier dévouement à notre cité, seront suffi
samment édifiés par ce dernier fait, et sauront
maintenant à quoi s’en tenir sur les actes et
la valeur de leur mandataire.
Ce n’est pas que M. Le Gavrian ait mal
défendu les intérêts du Havre, bien au con
traire ; mais notre port a été défendu par un
étranger, et M. Siegfried était présent à la
séance.
C’est avec une part d’émotion — mais une
certaine rage au cœur, je dois l’avouer — que
nous avons entendu M. Le Gavrian s’écrier :
« Le projet qui vous est soumis a pour but
bien déclaré de faire remonter de Rouen à
Paris tous les navires qui vont actuellement
du Havre à Rouen, c’est-à-dire 94/100 du
nombre de ceux qui entrent au Havre. Il tend
donc à substituer aux ports du Havre et de
Rouen le futur port de Paris, enlevant aux
deux premiers la plus grande partie de leurs
ressources et de leur raison d’être
« Aujourd’hui, les navires anglais arrivant
au Havre payent 1 fr. 20 par tonne et sont
obligés de subir un transbordement, de cette
façon, il reste quelque profit à nos armateurs
du Havre..... »
A ce moment, M. F. Faure, complétant la
ph rase de l’orateur, crie : « Et aux ouvriers. »
11 ne se foule pas non plus M. Faure, dans
la défense des intérêts du Havre.
« Quand une proposition, continue alors
l’orateur., se présente avec ces caractères d’être
absolument nuisible aux intérêts généraux de
la production et de la main-d'œuvre française;
d’être défavorable pour les droits acquis et
pour les situations géographiques du Havre
et de Rouen, on ne la renvoie pas à une com
mission d’études, on la repousse purement et
simplement. »
Au nom des électeurs Havrais, nous adres
sons nos félicitations à M. Le Gavrian pour
son excellente défense des intérêts de notre
port.
Al >rès ce discours, M. Mesureur, le rap
porteur de la commission d’initiative parle
mentaire, ne se tint pas pour battu. 11 prit
vivement la parole pour soutenir les conclu
sions de la commission.
Les déclarations qu’il apporta à la tribune :
« La commission estimequ’il est assez impor
tant v le projet) et intéressant au point de vue
national comme au point de vi m parisien, pour
mériter l’étude d’une commission parlemen
taire. La commission d'initiative vous de
mande d’étudier complètement cette proposi
tion de loi et de ne pas la repousser par une
sorte de question préalable qui serait indigne
de la Chambre et de Vimportance de la propo
sition qui lui est soumise. »
Les très bien » qui éclatèrent sur de nom
breux bancs pendant qu’il parlait; enfin la
demande de clôture formulée par plusieurs de
leurs collègues, auraient dû donner l’éveil aux
députés du Havre et les engager à prendre la
parole pour éclairer de nouveau la Chambre
sur la situation désastreuse que créerait pour
notre port, pour notre commerce général et
pour notre agriculture, l’exécution d’un pareil
projet.
Rien n’y fit.
Ce n’est qu’après que le président du Con
seil eut mis aux voix la clôture et que cette
dernière eût été votée, que M. F. Faure,
comprenant enfin toute la faute qu’il avait
commise et les conséquences terribles qu’elle
pourrait avoir dans l’avenir, se résigna à
monter à la tribune.
Efc c’est alors que nous entendîmes cette
déclaration phénoménale dans la bouche d’un
représentant du Havre : « Je ne puis combattre
la prise en considération puisque la discussion
est close , mais si elle est votée, il reste entendu
que la question est entière et qu’on ne tirera
de votre vote aucun préjugé favorable au
projet. »
Décidément, M. Félix Faure a, non seule
ment la taille, mais encore les qualités d’un
bon carabinier... d’Offenback !
Vous pourriez peut-être croire que le repré
sentant de la 2 e circonscription est oppose en
principe au projet? Non pas. Il demande le
rejet du renvoi parce que « Nous ne trouvons,
devant nous, qu’une société d’études qui paraît
rechercher la déclaration d’utilité publique
pour constituer une société financière....
Et il continue en déclarant : « Nous consi
dérons ce projet comme irréalisable ; nous
estimons qu’aucune société sérieuse ne se pré
sente devant vous. >*
Ce qui revient à déclarer que si une société
financière sérieuse se présente un jour devant
la Chambre, M. Faure considérera le projet
comme réalisable, et le Parlement, n’ayant
plus cette fois devant lui une société qui
recherche une déclaration d’utilité publique
pour arriver à réunir des fonds, puisque les
fonds sont réunis, devra immédiatement voter
cette déclaration d’utilité publique qui sera
la ruine de notre port.
Voilà tout ce que M. Félix Faure a pu
trouver pour la défense de nos intérêts ! Vous
avouerez que ce n’est pas brillant, car nous
savons que d’ici peu, maintenant que le projet
est renvoyé à une commission, une société
financière, — étrangère il est vrai, — sera
constituée.
La déclaration de M. Faure nous a d’autant
plus étonnés, que M. Le Gavrian avait apporté
ces renseignements à la tribune au début de la
discussion, efc montré que les seuls intérêts
lésés par le rejet définitif du projet étaient
ceux des financiers étrangers qui avaient lancé
l’affaire.
M. F. Faure devrait au moins écouter ses
collègues ?
M. Siegfried, lui, plus modeste parce que
plus..., a continué dans cette séance, comme
par le passé, à se taire. C’est certainement,
en y réfléchissant bien, ce qu’il a de mieux
à faire ! ' ■ / ..
11 s’est contenté de voter avec M. Faure
contre la prise en considération.
Malheureusement, malgré les deux voix
..réunies des députes du Havre, cette dernière
a été votée par la Chambre, et plus tard, il y
a de grandes chances pour que le projet, le soit
également.
Peut-être si M. Siegfried au lieu de déposer
sa voix dans l’urne, l’avait fait entendre
du haut de la tribune, aurait-il déplacé la
majorité.
Yo\ïo me ûmfz. qu’il est impossible que M.
Siegfried arrive à convaincre quelqu’un.
«Je vous l’accorde.
Cependant, comme chaque fois qu’il parle
la Chambre se vide, peut-être qu’au moment
du vote, ses collègues sortis pour ne pas
entendre son désagréable organe, se tenant
encore dans les couloirs, le nombre des vo
tants étant aussi moins considérable, la prise
en considération n’aurait-elle pas obtenu la
majorité.
En tous cas, c’était à essayer et M. Jules
Siegfried ne l’a même pas fait.
Nous sommes donc conduits, comme son
maître Dupuy, à l’enfermer dans le dilemme
suivant :
Ou M. J. Siegfried est totalement incapable
de prendre la parole pour défendre nos inté
rêts efc alors, nous nous demandons pourquoi
on l’envoie à la Chambre — mieux vaudrait
lui substituer un soliveau.
Ou M. J. Siegfried peut parler à la tribune
avec succès, et dans ce cas, ne Payant pas
fait le 20 janvier, il a trahi les intérêts de
notre cité. Des gens blessants pourraient lui
dire qu’il est par suite « un mandataire
infidèle », mais cette phrase l’a trop froissé
au mois d’août pour que nous ayons la cruauté
de la lui répéter.
Nous lui conseillerons seulement de sortir
du dilemme ci-dessus et de ne pas prendre
trop souvent pour modèle M. F. Faure qui,
quoique élu avec dix mille voix arrive parfois
bon dernier lorsqu’il s’agit de représenter ses
électeurs !
VINDIX.
♦
Le RÉVEIL publiera, Samedi prochain,
un article de Jules GUESDE, député de
Roubaix.
ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
Seine-Inférieure
Scrutin du 21 Janvier 189k
3 e Circonscription du Havre
MM. Delaunay, républicain 8,195 voix ELU
Piérard, conservateur.... 8,163
\ Finistère
3* Circonscription de Morlaix
MM. de Mun, rallié 8,026 voix ELU
Caille, républicain 5,750
Il s’agissait de remplacer M. de Kermenguy,
député réactionnaire décédé, qui avait été élu en
1893 par 8,239 voix contre 4,615 accordées à M.
Caille, républicain.
LES AVEUX D’UN ADVERSAIRE
Beaucoup de nos confrères se lamentent à l’envi
de la prépondérance prise dans la nouvelle Chambre
par l’élément socialiste au détriment de l’élément
radical.
Cette constatation très flatteuse pour nous, ins
pire dans le Matin, à M. Ranc, les réflexions sui
vantes, qui valent d’être reproduites :
« J’avais cru que l’Union socialiste ne tiendrait
pas, que î'acéord .entre les collectivistes efc les
autres ne durerait pas. Je m’éiais trompé. Excep
tion faite de M. Goblet, qui se détache peu à peu
et qui bientôt sera un solitaire à la Chambre, les
socialistes forment un groupe compact, sachant ce
qu’il veut et où il va, donnant d'ensemble, très tac*
ticien sous ses violences appareutes d’attitude,
supérieurement dirigé.
« En face d’eux, poussière. Pas d'organisation,
pas de direction, pas d’action commune, l’ordre
dispersé. Chacun tire de son' côté, au gré de sa
fantaisie ou de l’impression du moment. »
Très aimable pour les socialistes M. Ranc !
Toutefois, qu’il nous permette de lui signaler une
cause de plus à cette vitalité dont il nous fait
honneur. Cette cause, c’est que seul au Parlement
le parti “socialiste a un programme, le vieux pro
gramme démocratique <-t républicain, qui fut jadis
celui de M. Ranc lui-même, et qu’il a renié depuis,
à Limitation de tant d’autres.
L. D.
SIEGFRIED COMMISSAIRE !
MM. T-mûUot Jourûe, M. Siegfried a
été élu par le 10 e bureau, membre de la commis
sion d’assistance et de prévoyance sociale. Quel
succès ! Il doit être bien joyeux M. Siegfried !
Cela le consolera peut-être de la veste mémo
rable qu’il a remportée à la Chambre au mois de
décembre dernier, lors de l’élection de deux mem
bres de la commission de surveillance des Caisses
d’amortissement et des dépôts et consignations.
C’est également avec peine — pour M. Siegfried
— que nous avons constaté l’élection à la prési
dence de M. Ricard, le député du Havre ne pour
ra en effet rééditer pour escamoter les votes défa
vorables au gouvernement, ses petites manœuvres
restées célèbres et consignées au Journal officiel
— manœuvres qui lui réussirent si bien avec la
Commission du câble des Açores.
MaisM. Ricard est un de ses amis! c’est tout dire!
En tous cas nous plaignons les travailleurs d’avoir
affaire à la prévoyance — j’allajs dire à la clair
voyance — de M. Siegfried, pour résoudre les
questions sociales.
Ils n’ont qu’à se mettre résolument au travail
et à s’organiser ; car, s’ils veulent voir se réaliser
quelques réformes, le meilleur conseil que nous
puissions leur donner c’est décompter d’abord sur
eux-mêmes — les travailleurs organisés sont une
force à laquelle rien ne résiste — ensuite sur leurs
amis et seuls défenseurs dans la Chambre actuelle
les députés socialistes, mais jamais sur les oppor
tunistes réactionnaires et fidèles alliés de la
droite ! v
Arrestation de M. Paul Leroy-Beaulieu
Nous apprenons à l’instant l’arrestation de Mw
Paul Leroy-Beaulieu, membre de l’Institut, pro
fesseur au Collège de France, etc., comme com
plice — au moins moralement — de l’attentat du
Palais-Bourbon.
Voici à quel propos cette arrestation a eu lieu.
A la suite des déclarations contenues dans le
plaidoyer de Vaillant, efc connaissant les préfé
rences hautement manifestées par les théoriciens
de l’anarchie pour les œuvres de Herber Spencer,
et notamment pour son livre : L'Individu contre
l'Etat, M. Meyer, juge d’instruction, fut frappé
de l’analogie entre les théories anarchistes et
celles professées par M. Paul Leroy-Beaulieu, et
en magistrat impartial, il n’hésita pas à incrimi
ner les phrases suivantes, extraites d’un récent
ouvrage du membre de l’Institut :
« Les pages les plus fortes qui aient été écrites
« sur le beau et le vaste thème [L'Etat) sont dues
« à Herbert Spencer et à M. Taine : le premier,
t qui, après avoir tracé avec sa pénétration in-
« comparable mais d’une manière épisodique, le
« caractère de l’Etat, dans plusieurs de ses ouvra-
« ges : l 'Introduction de la science sociale et les
« Essais de politique , leur a consacré un petit
« volume lumineux : l'Individu contre VEtat,
« dont les titres de chapitre brillent comme des
« étoiles directrices : l’Esclavage futur, les Pé-
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