Titre : Le Réveil du Havre : organe républicain ["puis" organe républicain-socialiste indépendant "puis" organe du Parti républicain démocratique]
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1892-02-06
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32854639q
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 06 février 1892 06 février 1892
Description : 1892/02/06 (N18). 1892/02/06 (N18).
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3263219f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-89667
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/04/2019
l re Année — K° 18 — Samedi 6 Février 1892.
CINQ CENTIMES LE NUMÉRO
l re Année — 18 Pluviôse An ifiô —• N° 18.
Le Réveil du Havre
ORGANE RÉPUBLICAIN
PRIX UES ABONNEMENTS.:
UN AN SIX MOIS
Le Havre 3 fr. 2 fr.
Départements 4 fr. 2 50
1 5 ,
ADMINISTRATION & RÉDACTION
RUE CASIMIR-PÉRIEH, 15
LE RÉ VE IL DU II A VRE paraît le Samedi
PRIX DES INSERTIONS:
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
L’OPPRESSION RELIGIEUSE
Les industriels cléricaux.
N o tr e-D ame-d e-1’ U sm e. — La
religion obligatoire.
M. Ranc, député et rédacteur du Paris, a
appelé l'attention du public sur des faits
vraiment inouïs qui se passent dans la
région du Nord.
On sait que les cléricaux ne manquent
jamais une occasion d’affirmer leur sollici
tude pour la classe ouvrière. Cette grande
affection se traduit par la pression la plus
brutale sur les travailleurs pour les forcer à
pratiquer la religion catholique. Voilà à
quoi tend la propagande des de Mun,
Lavigerie et consorts.
Continuant son enquête, M. Rane apprécie
ainsi qu’il suit l’attitude de la presse cléri
cale dans la question
Les faits si graves révélés par l’enquête ouverte
dans le département du Nord, et dont nous avons
été les premiers à parler dans la presse parisienne,
n’ont pas été sérieusement démentis. Ils ne pou
vaient pas l’être, car cette organisation de la
tyrannie religieuse, dont l'enquête du Parti
ouvrier a eu le mérite de faire connaître les
détails avec précision, est de notoriété publique.
Deux journaux catholiques la Gazette de France
et Y Univers, se sont occupés des articles que
nous avons publiés sur Notre-Dame-de-l’Usine.
La Gazette de France ne prend pas la peine de
nier. Le frère Janicot, toujours désinvolte, se
borne à écrire : « L’enquête des libres-penseurs
contient-elle une seule protestation des ouvriers
et des ouvrières qui gagnent leur vie dans les
usines signalées ? Pas une. Tout le monde est
satisfait de l’organisation dans laquelle, il se
meut, travaille et prie pendant les six jours de la
semaine. » Puis le frère Janicot esquisse une
pirouette et nous parle de la Commune et de la
franc-maçonnerie..
Je le crois bien, que l’enquête ne contient
aucune protestation signée. L’ouvrier ou l’ouvrière
qui auraient donné leur nom savent ce qui les
attendait : l’expulsion immédiate.
L 'Univers, plus habile que la Gazette, essaie
de donner le change, mais avec quelle maladresse
et de quel ton embarrassé ! Les faits, en eux-
mêmes, depuis les prières en commun et les
souscriptions pour statues de saints et pèlerinages
jusqu’au confessionnal installé dans l’usine et à
l’organisation des confréries, ne sont pas
contestés par Y 1 Univers ; mais, ajoute ce journal
avec componction : « la plupart du temps les
patrons ne sont eux-mêmes pour rien dans ces
créations de zèle, dont le mérite revient à leur
exemple sans doute, mais surtout à l’action
personnelle et spontanée de telle ouvrière ou de
tel ouvrier, excités par vocation spéciale à ce
difficile apostolat. »
A Faction personnelle et spontanée des ouvriers !
n’est-ce pas admirable? Un peu plus VUnivers
nous dirait que ce sont les travailleurs qui
imposent la confession à leurs patrons, et qu’ils
quitteraient l’usine en masse si le singe n’accom
plissait pas régulièrement ses devoirs religieux.
La pieuse feuille ajoute qu’au surplus les
ouvriers et les ouvrières sont parfaitement libres
de prier ou de ne pas prier, de se confesser ou de
ne pas se confesser, de s’affilier ou de ne pas
s’affilier aux confié.ûes religieuses. Personne ne
les force, personne ne les contraint. Non ; seule
ment tous savent que-, s’ils n’obéissaient pas, s’ils
ne pratiquaient pas, sous le premier prétexte
venu on les flanquerait à la porte. S’il en était
autrement, à quoi serviraient les commissions
de renseignement dont l’existence est signalée
dans presque toutes les usines, qui se réunissent
une fois par semaine en présence du patron et
du curé, et que les ouvriers appellent communé
ment les commissions de mouchardise ?
V Univers sent si bien lui-même que ses
dénégations ne portent pas, que dans un autre
passage de son article il écrit : « S’il est vrai
que dans nombre d’usines dont les directeurs
* sont chrétiens, il se fait depuis longtemps un
travail actif dans le sens de l’amélioration
religieuse et morale de l’ouvrier, il est vrai aussi
qu’il reste encore trop d’usines qui échappent à
cette action moralisatrice de l’enseignement et
des pratiques de la religion. Il reste tant d'ateliers
fermés a toute action religieuse que les ouvriers
libres penseurs ont de quoi choisir. »
Si ce n’est pas là un aveu, s’il ne résulte pas de
ces paroles que dans les établissements « dont
les directeurs sont chrétiens » l’oppression, la
tyrannie religieuses existent telles que nous les
avons décrites, je ne sais plus ce que parler veut
dire.
M. Sigismond Lacroix, dans Le Radical ,
s’étonne à bon droit que les journaux de la nuance
du Temps, si enclins à protester au nom de la
liberté contre les syndicats ouvriers, si prompts à
nous traiter de sectaires et de jacobins, ne disent
pas un mot de la tyrannie cléricale dénoncée
avec preuves à l’appui par les ouvriers de la
région du Nord. Ces journaux trouveraient-ils
par hasard que la prière obligatoire, le sermon
obligatoire, la confession obligatoire, le mariage
religieux obligatoire^ la confrérie obligatoire, le
pèlerinage obligatoire, font partie des libertés
nécessaires de l’Eglise ! Ranc.
SEMAINE POLITIQUE
FRANCE
1er Février. Nouveaux tarifs doua
niers. —• Les nouveaux tarifs de douane sont en
application depuis le 1 er février courant. C'est le
triomphe du protectionnisme.
Si les producteurs, clans les limites étroites de
leurs intérêts immédiats et personnels, voient ce
système avec plaisir, nous pensons que l’ensemble
de la France aura à en regretter avant peu les
conséquences.
C’est comme une muraille de Chine qui entoure
notre pays, nous isolant du reste du monde. Or,
nous ne sommes plus au temps où l’on peut se
passer de ses voisins et tous les peuples sont tri
butaires, économiquement, les uns des autres.
Vouloir empêcher ou entraver l’introduction des
produits étrangers c’est provoquer une cherté
générale dont, en définitive, la masse supporte les
effets.
Au point de vue de notre développement com
mercial et de l’extension de nos affaires nationales,
le nouveau régime nous paraît de nature à être
une entrave évidente.
En résumé, l’on a protégé quelques producteurs,
mais on a oublié de protéger la grande masse des
consommateurs.
Chronique électorale. — Succession légis
lative de M. Freppel. — Le comité monarchiste
a choisi M. d’Hulst, comme candidat monarchiste,
en remplacement de M. Freppel, à Brest.
Pas-de-Calais. — Pour l’élection législative
du 21 février, le congrès républicain se réunira
lundi pour désigner le candidat.
On cite les noms de M. Legillon, avocat, et de
M. Lamendin, secrétaire général du syndicat des
mineurs du bassin houillier du Pas-de-Calais.
Nord. — Election sénatoriale. — Le 13 mars
aura lieu l’élection sénatoriale en vue clu rempla
cement de M. l’amiral Peyron, décédé. On parle,
comme candidats républicains, de M. Trystram,
ancien député ; de M. Depreux, président du
comité républicain de Cambrai, et de M. de
Schwarte, trésorier général, à Melun. Le congrès,
d’ailleurs, ne s’est pas encore prononcé.
ÉTRANGER
Traitements infligés aux soldats de
l’armée allemande. — Les journaux d’Alle
magne publient le rapport du duc George de
Saxe, commandant le 12 me corps d’armée, sur
l’enquête concernant les mauvais traitements in
fligés aux soldats allemands par leurs supérieurs.
Ces traitements ne sont pas seulement le fait
d’une humeur passagère, mais d’hommes obéissant
à une volonté bien arrêtée. Ils ne sont pas non
plus une simple punition, mais une habitude et
des recrues ont été dressées à recevoir 50 coups
de bâton par semaine. Ces actes cle brutalité ont
été exécutés, par ordres de sous-officiers, par de
simples soldats commandés pour ce « service. »
Voici, d’ailleurs, un certain nombre de faits
cités dans le rapport :
« Le sous officier Zwahr a fait verser du café
bouillant sur la figure d’un réserviste.
» Le premier soldat Hoffmann a fait donner
chaque jour au canonnier Dobert jusqu à 100 et
même 150 coups de tige de botte. Un autre jour,
il a fait exécuter à l’exercice, 1,889 fois le même
mouvement à sa victime, qui a dû être transportée
à l’hôpital.
» Le sous-officier Weise a fait coucher sur un
tabouret le canonnier Lorenz et Fa frappé sans
mesure, en lui faisant fermer la bouche par un
autre homme pour empêcher ses cris d’être enten
dus, jusqu’à ce que le malheureux fut dans un
état qui exigeât son admission à l’hôpital.
» Le sous-officier Zehme a réveillé ses hommes,
une nuit du mois de janvier 1890, et leur a fait
faire des exercices pendant unê demi-heure, par
un froid glacial, en ne leur permettant de se revê
tir que de la chemise. Un soir, il a fait faire à ses
hommes 1,800 fois le mouvement de s’agenouiller
devant lui.
» Le premier soldat Liebing a frappé un homme
avec des lanières, jusqu’à ce que la victime, ayant
perdu connaissance et saisie par une fièvre vio
lente, dût être transportée à l’infirmerie.
» Le sous-officier Lohel a cassé le bras au soldat
Neubert qui, à l’exercice, avait mal exécuté un
mouvement, et a donné des coups de poing au
visage d’un autre homme qui avait dénoncé le
fait.
Le sergent Pflug faisait saisir, à bras-le-corps,
par des hommes qui lui étaient dévoués, des
recrues qui n’avaient pas l’heur de lui plaire, et
ces hommes recevaient l’ordre de frapper la tête,
des recrues contre le mur. Il forçait ces recrues,
qui avaient des chaussettes malpropres, à les
mâcher pendant cinq minutes. Il en couchait
d’autres sur deux chaises, de façon que la tête
seulement appuyât sur l’une des chaises et les
pieds sur l’autre ; puis il s’asseyait sur les genoux
du malheureux et pesait dessus de manière à les
broyer.
d Le sous-officier Geilsdorf ordonnait aux hom
mes pris en faute de monter sur une armoire et
de s’agenouiller neuf cents fois de suite sur l’ar
moire. La sueur des victimes coulait le long de
l’armoire avec une abondance telle que le parquet
en était tout mouillé. Les hommes qui voulaient
échapper à ce supplice étaient tenus de lui faire
des cadeaux.
» Le sous-officier Rujan maltraitait le soldat
Schwabe avec une cruauté telle que le malheu
reux, en le voyant approcher un jour, fut saisi
d’une terreur folle et pris d’une indisposition
par l’effet de laquelle son pantalon se trouva
sali.
» Le sous-officier força le malheureux â avaler
ses propres excréments, après avoir ordonné à
un autre homme de les saupoudrer de sel. Il
avertit les hommes que ceux qui le dénonceraient
seraient punis de mort. »
Ce n’est pas de France que viennent ces
.informations, c’est d’Allemagne et vous avez bien
lu. n’est-ce pas ? le nom de celui qui les relate
dans un rapport officiel ? C’est, nous le répétons,
le prince George de Saxe, commandant le 12 e
corps d’armée, prince de la maison royale. Ce
n’est donc pas le premier venu.
Ajoutons que le noble duc paraît regretter ces
mauvais traitements, non pas tant au point de
vue humanitaire qu’à celui de la discipline
militaire. Car il est certain que les procédés em
ployés à l’égard des malheureux soldats ne
peuvent engendrer que le dégoût du métier et la
haine des supérieurs, et ne manquent pas de
grossir les rangs des socialistes en Allemagne.
Cela désespère le duc George qui le constate
dans son rapport : « L’armée ne détruit plus les
» principes malfaisants du socialisme ; par des
» traitements pareils infligés au soldat, l’armée
» fait les affaires du socialisme. »
Ne trouvez-vous pas, décidément, que la pro
testante Allemagne marche réellement à la tête
de la civilisation ?
Projet de loi sur l’Enseignement pri
maire en Prusse. — La discussion a été vive
et passionnée à la Chambre des Députés. Il est
intéressant de lire les arguments produits par les
membres des partis conservateurs de toutes nuan
ces et ceux du chancelier, M. de Caprivi, en fa
veur du projet de loi. Ainsi, voici M. Porsch, du
centre, qui regrette l’introduction de l’état-civil
parce que, grâce à lui, beaucoup d’enfants peuvent
échapper au baptême.
Dans le discours de M. de Caprivi, nous lisons :
« Ce que le gouvernement veut combattre, c’est
» l’athéisme. Il y a conflit entre le déisme et
» l’athéisme et c’est ce conflit que le projet de loi
» scolaire a pour but de faire cesser. Ce projet
» rendra à la religion la place et l’influence qui
» lui reviennent de droit. Placez-vous à ce point
» de vue. Rendez-vous compte des dangers que
» l’athéisme fait courir au pays, et nous arrive-
» rons à nous entendre. » .
On comprend que des déclarations de ce genre
aient soulevé dans le pays de sérieuses protesta
tions. Quoique la loi ne concerne que la Prusse
spécialement, on s’est ému dans toute l’Allemagne
de cet esprit clérical, — catholique et protestant,
— qui vient de s’affirmer d’une façon aussi intense.
Il y a, en somme, de nombreux éléments anti
cléricaux, en Allemagne; les matérialistes notam
ment y sont très répandus.
Il n’est donc pas étonnant qu’en présence de
Foppositioa qui lui est faite, le ministère prussien
ait cru devoir examiner les moyens d’arriver à
une entente.
On dit que l’on amendera la loi. En attendant,
nous savons que la Commission de la Chambre
prussienne, qui doit l’examiner, a été élue le
1 er février ; elle se compose de vingt-huit mem
bres, dont neuf conservateurs et six du centre,
formant une majorité favorable à la loi ; la
minorité se compose de six nationaux-libéraux,
de quatre conservateurs libres, de deux progres
sistes et d’un Polonais.
On raconte que la loi scolaire, avant d’être
soumise à la Chambre, avait été envoyée à une
conférence d’évêques réunie à Fulda, qui l’a
examinée et retournée au gouvernement avec
les vœux de l’épiscopat.
LES DISCOURS DE LILLE
Nos lecteurs connaissent les efforts accom
plis par un certain nombre de membres du
Parlement appartenant au parti progressiste,
pour arracher la politique républicaine à
l'ornière où elle s’attarde depuis 1889 .
Au premier rang de ces vaillants de
l’opinion républicaine, se trouvent précisé
ment MM. Millerand et Goblet qui comptent
dans notre ville plus d’un ami, à raison de
la rectitude de leur vie et cle l’intégrité de
leur caractère. Quand ils prennent la parole
dans une réunion ou la plume dans un
journal, chacun sait qu’ils le font avec
indépendance, ne s’inspirant que de l’intérêt
public et non de celui de personnalités
quelconques.
Nos lecteurs nous sauront donc gré de
mettre sous leurs yeux les passages essentiels
des discours prononcés, à Lille, dimanche
dernier, par MM. Millerand et Goblet.
M. Millerand. — Campagne nécessaire.
Réforme de Fimpôt. — La question
religieuse. — Le gouvernement.
M. Millerand, dont nos concitoyens con
naissent le talent, fait d’éloquence sincère et
de précision, a nettement posé la question ;
Ce que nous venons faire ici, c’est poursuivre
une campagne. Cette campagne, elle a commencé
CINQ CENTIMES LE NUMÉRO
l re Année — 18 Pluviôse An ifiô —• N° 18.
Le Réveil du Havre
ORGANE RÉPUBLICAIN
PRIX UES ABONNEMENTS.:
UN AN SIX MOIS
Le Havre 3 fr. 2 fr.
Départements 4 fr. 2 50
1 5 ,
ADMINISTRATION & RÉDACTION
RUE CASIMIR-PÉRIEH, 15
LE RÉ VE IL DU II A VRE paraît le Samedi
PRIX DES INSERTIONS:
Annonces 25 cent, la ligne
Réclames 50 cent, la ligne
On traite à Forfait
L’OPPRESSION RELIGIEUSE
Les industriels cléricaux.
N o tr e-D ame-d e-1’ U sm e. — La
religion obligatoire.
M. Ranc, député et rédacteur du Paris, a
appelé l'attention du public sur des faits
vraiment inouïs qui se passent dans la
région du Nord.
On sait que les cléricaux ne manquent
jamais une occasion d’affirmer leur sollici
tude pour la classe ouvrière. Cette grande
affection se traduit par la pression la plus
brutale sur les travailleurs pour les forcer à
pratiquer la religion catholique. Voilà à
quoi tend la propagande des de Mun,
Lavigerie et consorts.
Continuant son enquête, M. Rane apprécie
ainsi qu’il suit l’attitude de la presse cléri
cale dans la question
Les faits si graves révélés par l’enquête ouverte
dans le département du Nord, et dont nous avons
été les premiers à parler dans la presse parisienne,
n’ont pas été sérieusement démentis. Ils ne pou
vaient pas l’être, car cette organisation de la
tyrannie religieuse, dont l'enquête du Parti
ouvrier a eu le mérite de faire connaître les
détails avec précision, est de notoriété publique.
Deux journaux catholiques la Gazette de France
et Y Univers, se sont occupés des articles que
nous avons publiés sur Notre-Dame-de-l’Usine.
La Gazette de France ne prend pas la peine de
nier. Le frère Janicot, toujours désinvolte, se
borne à écrire : « L’enquête des libres-penseurs
contient-elle une seule protestation des ouvriers
et des ouvrières qui gagnent leur vie dans les
usines signalées ? Pas une. Tout le monde est
satisfait de l’organisation dans laquelle, il se
meut, travaille et prie pendant les six jours de la
semaine. » Puis le frère Janicot esquisse une
pirouette et nous parle de la Commune et de la
franc-maçonnerie..
Je le crois bien, que l’enquête ne contient
aucune protestation signée. L’ouvrier ou l’ouvrière
qui auraient donné leur nom savent ce qui les
attendait : l’expulsion immédiate.
L 'Univers, plus habile que la Gazette, essaie
de donner le change, mais avec quelle maladresse
et de quel ton embarrassé ! Les faits, en eux-
mêmes, depuis les prières en commun et les
souscriptions pour statues de saints et pèlerinages
jusqu’au confessionnal installé dans l’usine et à
l’organisation des confréries, ne sont pas
contestés par Y 1 Univers ; mais, ajoute ce journal
avec componction : « la plupart du temps les
patrons ne sont eux-mêmes pour rien dans ces
créations de zèle, dont le mérite revient à leur
exemple sans doute, mais surtout à l’action
personnelle et spontanée de telle ouvrière ou de
tel ouvrier, excités par vocation spéciale à ce
difficile apostolat. »
A Faction personnelle et spontanée des ouvriers !
n’est-ce pas admirable? Un peu plus VUnivers
nous dirait que ce sont les travailleurs qui
imposent la confession à leurs patrons, et qu’ils
quitteraient l’usine en masse si le singe n’accom
plissait pas régulièrement ses devoirs religieux.
La pieuse feuille ajoute qu’au surplus les
ouvriers et les ouvrières sont parfaitement libres
de prier ou de ne pas prier, de se confesser ou de
ne pas se confesser, de s’affilier ou de ne pas
s’affilier aux confié.ûes religieuses. Personne ne
les force, personne ne les contraint. Non ; seule
ment tous savent que-, s’ils n’obéissaient pas, s’ils
ne pratiquaient pas, sous le premier prétexte
venu on les flanquerait à la porte. S’il en était
autrement, à quoi serviraient les commissions
de renseignement dont l’existence est signalée
dans presque toutes les usines, qui se réunissent
une fois par semaine en présence du patron et
du curé, et que les ouvriers appellent communé
ment les commissions de mouchardise ?
V Univers sent si bien lui-même que ses
dénégations ne portent pas, que dans un autre
passage de son article il écrit : « S’il est vrai
que dans nombre d’usines dont les directeurs
* sont chrétiens, il se fait depuis longtemps un
travail actif dans le sens de l’amélioration
religieuse et morale de l’ouvrier, il est vrai aussi
qu’il reste encore trop d’usines qui échappent à
cette action moralisatrice de l’enseignement et
des pratiques de la religion. Il reste tant d'ateliers
fermés a toute action religieuse que les ouvriers
libres penseurs ont de quoi choisir. »
Si ce n’est pas là un aveu, s’il ne résulte pas de
ces paroles que dans les établissements « dont
les directeurs sont chrétiens » l’oppression, la
tyrannie religieuses existent telles que nous les
avons décrites, je ne sais plus ce que parler veut
dire.
M. Sigismond Lacroix, dans Le Radical ,
s’étonne à bon droit que les journaux de la nuance
du Temps, si enclins à protester au nom de la
liberté contre les syndicats ouvriers, si prompts à
nous traiter de sectaires et de jacobins, ne disent
pas un mot de la tyrannie cléricale dénoncée
avec preuves à l’appui par les ouvriers de la
région du Nord. Ces journaux trouveraient-ils
par hasard que la prière obligatoire, le sermon
obligatoire, la confession obligatoire, le mariage
religieux obligatoire^ la confrérie obligatoire, le
pèlerinage obligatoire, font partie des libertés
nécessaires de l’Eglise ! Ranc.
SEMAINE POLITIQUE
FRANCE
1er Février. Nouveaux tarifs doua
niers. —• Les nouveaux tarifs de douane sont en
application depuis le 1 er février courant. C'est le
triomphe du protectionnisme.
Si les producteurs, clans les limites étroites de
leurs intérêts immédiats et personnels, voient ce
système avec plaisir, nous pensons que l’ensemble
de la France aura à en regretter avant peu les
conséquences.
C’est comme une muraille de Chine qui entoure
notre pays, nous isolant du reste du monde. Or,
nous ne sommes plus au temps où l’on peut se
passer de ses voisins et tous les peuples sont tri
butaires, économiquement, les uns des autres.
Vouloir empêcher ou entraver l’introduction des
produits étrangers c’est provoquer une cherté
générale dont, en définitive, la masse supporte les
effets.
Au point de vue de notre développement com
mercial et de l’extension de nos affaires nationales,
le nouveau régime nous paraît de nature à être
une entrave évidente.
En résumé, l’on a protégé quelques producteurs,
mais on a oublié de protéger la grande masse des
consommateurs.
Chronique électorale. — Succession légis
lative de M. Freppel. — Le comité monarchiste
a choisi M. d’Hulst, comme candidat monarchiste,
en remplacement de M. Freppel, à Brest.
Pas-de-Calais. — Pour l’élection législative
du 21 février, le congrès républicain se réunira
lundi pour désigner le candidat.
On cite les noms de M. Legillon, avocat, et de
M. Lamendin, secrétaire général du syndicat des
mineurs du bassin houillier du Pas-de-Calais.
Nord. — Election sénatoriale. — Le 13 mars
aura lieu l’élection sénatoriale en vue clu rempla
cement de M. l’amiral Peyron, décédé. On parle,
comme candidats républicains, de M. Trystram,
ancien député ; de M. Depreux, président du
comité républicain de Cambrai, et de M. de
Schwarte, trésorier général, à Melun. Le congrès,
d’ailleurs, ne s’est pas encore prononcé.
ÉTRANGER
Traitements infligés aux soldats de
l’armée allemande. — Les journaux d’Alle
magne publient le rapport du duc George de
Saxe, commandant le 12 me corps d’armée, sur
l’enquête concernant les mauvais traitements in
fligés aux soldats allemands par leurs supérieurs.
Ces traitements ne sont pas seulement le fait
d’une humeur passagère, mais d’hommes obéissant
à une volonté bien arrêtée. Ils ne sont pas non
plus une simple punition, mais une habitude et
des recrues ont été dressées à recevoir 50 coups
de bâton par semaine. Ces actes cle brutalité ont
été exécutés, par ordres de sous-officiers, par de
simples soldats commandés pour ce « service. »
Voici, d’ailleurs, un certain nombre de faits
cités dans le rapport :
« Le sous officier Zwahr a fait verser du café
bouillant sur la figure d’un réserviste.
» Le premier soldat Hoffmann a fait donner
chaque jour au canonnier Dobert jusqu à 100 et
même 150 coups de tige de botte. Un autre jour,
il a fait exécuter à l’exercice, 1,889 fois le même
mouvement à sa victime, qui a dû être transportée
à l’hôpital.
» Le sous-officier Weise a fait coucher sur un
tabouret le canonnier Lorenz et Fa frappé sans
mesure, en lui faisant fermer la bouche par un
autre homme pour empêcher ses cris d’être enten
dus, jusqu’à ce que le malheureux fut dans un
état qui exigeât son admission à l’hôpital.
» Le sous-officier Zehme a réveillé ses hommes,
une nuit du mois de janvier 1890, et leur a fait
faire des exercices pendant unê demi-heure, par
un froid glacial, en ne leur permettant de se revê
tir que de la chemise. Un soir, il a fait faire à ses
hommes 1,800 fois le mouvement de s’agenouiller
devant lui.
» Le premier soldat Liebing a frappé un homme
avec des lanières, jusqu’à ce que la victime, ayant
perdu connaissance et saisie par une fièvre vio
lente, dût être transportée à l’infirmerie.
» Le sous-officier Lohel a cassé le bras au soldat
Neubert qui, à l’exercice, avait mal exécuté un
mouvement, et a donné des coups de poing au
visage d’un autre homme qui avait dénoncé le
fait.
Le sergent Pflug faisait saisir, à bras-le-corps,
par des hommes qui lui étaient dévoués, des
recrues qui n’avaient pas l’heur de lui plaire, et
ces hommes recevaient l’ordre de frapper la tête,
des recrues contre le mur. Il forçait ces recrues,
qui avaient des chaussettes malpropres, à les
mâcher pendant cinq minutes. Il en couchait
d’autres sur deux chaises, de façon que la tête
seulement appuyât sur l’une des chaises et les
pieds sur l’autre ; puis il s’asseyait sur les genoux
du malheureux et pesait dessus de manière à les
broyer.
d Le sous-officier Geilsdorf ordonnait aux hom
mes pris en faute de monter sur une armoire et
de s’agenouiller neuf cents fois de suite sur l’ar
moire. La sueur des victimes coulait le long de
l’armoire avec une abondance telle que le parquet
en était tout mouillé. Les hommes qui voulaient
échapper à ce supplice étaient tenus de lui faire
des cadeaux.
» Le sous-officier Rujan maltraitait le soldat
Schwabe avec une cruauté telle que le malheu
reux, en le voyant approcher un jour, fut saisi
d’une terreur folle et pris d’une indisposition
par l’effet de laquelle son pantalon se trouva
sali.
» Le sous-officier força le malheureux â avaler
ses propres excréments, après avoir ordonné à
un autre homme de les saupoudrer de sel. Il
avertit les hommes que ceux qui le dénonceraient
seraient punis de mort. »
Ce n’est pas de France que viennent ces
.informations, c’est d’Allemagne et vous avez bien
lu. n’est-ce pas ? le nom de celui qui les relate
dans un rapport officiel ? C’est, nous le répétons,
le prince George de Saxe, commandant le 12 e
corps d’armée, prince de la maison royale. Ce
n’est donc pas le premier venu.
Ajoutons que le noble duc paraît regretter ces
mauvais traitements, non pas tant au point de
vue humanitaire qu’à celui de la discipline
militaire. Car il est certain que les procédés em
ployés à l’égard des malheureux soldats ne
peuvent engendrer que le dégoût du métier et la
haine des supérieurs, et ne manquent pas de
grossir les rangs des socialistes en Allemagne.
Cela désespère le duc George qui le constate
dans son rapport : « L’armée ne détruit plus les
» principes malfaisants du socialisme ; par des
» traitements pareils infligés au soldat, l’armée
» fait les affaires du socialisme. »
Ne trouvez-vous pas, décidément, que la pro
testante Allemagne marche réellement à la tête
de la civilisation ?
Projet de loi sur l’Enseignement pri
maire en Prusse. — La discussion a été vive
et passionnée à la Chambre des Députés. Il est
intéressant de lire les arguments produits par les
membres des partis conservateurs de toutes nuan
ces et ceux du chancelier, M. de Caprivi, en fa
veur du projet de loi. Ainsi, voici M. Porsch, du
centre, qui regrette l’introduction de l’état-civil
parce que, grâce à lui, beaucoup d’enfants peuvent
échapper au baptême.
Dans le discours de M. de Caprivi, nous lisons :
« Ce que le gouvernement veut combattre, c’est
» l’athéisme. Il y a conflit entre le déisme et
» l’athéisme et c’est ce conflit que le projet de loi
» scolaire a pour but de faire cesser. Ce projet
» rendra à la religion la place et l’influence qui
» lui reviennent de droit. Placez-vous à ce point
» de vue. Rendez-vous compte des dangers que
» l’athéisme fait courir au pays, et nous arrive-
» rons à nous entendre. » .
On comprend que des déclarations de ce genre
aient soulevé dans le pays de sérieuses protesta
tions. Quoique la loi ne concerne que la Prusse
spécialement, on s’est ému dans toute l’Allemagne
de cet esprit clérical, — catholique et protestant,
— qui vient de s’affirmer d’une façon aussi intense.
Il y a, en somme, de nombreux éléments anti
cléricaux, en Allemagne; les matérialistes notam
ment y sont très répandus.
Il n’est donc pas étonnant qu’en présence de
Foppositioa qui lui est faite, le ministère prussien
ait cru devoir examiner les moyens d’arriver à
une entente.
On dit que l’on amendera la loi. En attendant,
nous savons que la Commission de la Chambre
prussienne, qui doit l’examiner, a été élue le
1 er février ; elle se compose de vingt-huit mem
bres, dont neuf conservateurs et six du centre,
formant une majorité favorable à la loi ; la
minorité se compose de six nationaux-libéraux,
de quatre conservateurs libres, de deux progres
sistes et d’un Polonais.
On raconte que la loi scolaire, avant d’être
soumise à la Chambre, avait été envoyée à une
conférence d’évêques réunie à Fulda, qui l’a
examinée et retournée au gouvernement avec
les vœux de l’épiscopat.
LES DISCOURS DE LILLE
Nos lecteurs connaissent les efforts accom
plis par un certain nombre de membres du
Parlement appartenant au parti progressiste,
pour arracher la politique républicaine à
l'ornière où elle s’attarde depuis 1889 .
Au premier rang de ces vaillants de
l’opinion républicaine, se trouvent précisé
ment MM. Millerand et Goblet qui comptent
dans notre ville plus d’un ami, à raison de
la rectitude de leur vie et cle l’intégrité de
leur caractère. Quand ils prennent la parole
dans une réunion ou la plume dans un
journal, chacun sait qu’ils le font avec
indépendance, ne s’inspirant que de l’intérêt
public et non de celui de personnalités
quelconques.
Nos lecteurs nous sauront donc gré de
mettre sous leurs yeux les passages essentiels
des discours prononcés, à Lille, dimanche
dernier, par MM. Millerand et Goblet.
M. Millerand. — Campagne nécessaire.
Réforme de Fimpôt. — La question
religieuse. — Le gouvernement.
M. Millerand, dont nos concitoyens con
naissent le talent, fait d’éloquence sincère et
de précision, a nettement posé la question ;
Ce que nous venons faire ici, c’est poursuivre
une campagne. Cette campagne, elle a commencé
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