Titre : L'Amusant havrais : littéraire, illustré : paraissant tous les samedis
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1897-10-16
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32692468r
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 16 octobre 1897 16 octobre 1897
Description : 1897/10/16-1897/10/23. 1897/10/16-1897/10/23.
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
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Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-7685
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/01/2019
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DU SAMEDI 16 OCTOBRE AU SAMEDI 23 OCTOBRE 1897
LITTÉRAIRE, ILLÉSTRE
Paraissant tous les Samedis
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Aimé MALLIFAUD, Directeur
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Causerie de la Semaine
Une légende veut que Corneille soit mort
dans la misère. Des recherches nouvelles, lai
tes par M. Arthur Heulhard, permettent de
penser que cette allégation est erronée.
Que Corneille soit mort sans avoir fait for
tune par ses ouvrages, c’est un point avéré;
mais qu’il faille le voir étendu sur un grabat
et dônud des ï-cgqOuixajo rudimentaires do
l’existence, — à la honte de son roi, de son
siècle, de ses parents, des grands dont il était
l’ami, de l’Académie française dont ij était le
doyen, — c’est contre quoi je m’insurge de
toutes lesforceset avec toutes les armes de la
conscience. Je rencontre, en effet, une nou
velle preuve de cette médiocrité bourgeoise
où Corneille se complut jusqu’à la dernière
heure, et où la pauvreté ni la misère n’ont de
place.
A des ressources de naissance et de situa
tion. Corneille jusqu’à sa mort, en 1684, joi
gnit celles du travail. Le Itegist't e de La
Grange nous apporte sur ce point des notions
pi’écieuses.
Depuis la mort de Molière, le nom de Cor
neille avait perdu presque toute influence sur
les comédiens de la rue Guénégaud, qui
jouaient rarement ses ouvrages.
Mais après la jonction faite avec l’hôtel de
Bourgogne, et aussitôt que, par oidre du roi
« MM. de Corneille, Racine et Quinault » eu
rent disposé « leurs pièces de théâtre afin que
les acteurs et actrices n’eussent point de dis
putes pour les rosies, » Corneille rentra pro
gressivement dans le mouvement du réper
toire.
Les représentations que la troupe royale a
données pendant les quatre dernières années
de la vie de Corneille fournissent le tableau
suivant :
1682
Œclipe ....
Le Menteur
Nicomède.
linna
Horace ....
R odogune.
Héraclius.
Polyeucte.
Pompée ...
Le Cid ....
Sertorius .
Othon
A gésilas...
1681
9 fois
3 fois
1683
2 fois
— 5 —
— 5 —
6
7
4 - 1 - 3
7 - 4 - 2
6 — 4
1681
2 fois
6 -
2 —
9 . ,
— 6 —
— 3 —
2
— 6 —
_ 4 —
— 2 — 2 —
— » — 1 —
— 3 —
S8 fois 46 fois 37 fois 34 fois
J’estime que ces représentations ne furen-
pas sans profit pour Corneille. Quoiqu’il en
soit, il eut grandement à se louer de l’éclat
tante reprise d’Andromède, tragédie en machi
nés, représentée comme il est dit dans l’édi
tion du temps, sur le théâtre royal des seuls
comédiens du roy, entretenus par Sa Majesté
en leur hôtel, rue Guénégaud, le dimanche
19 juillet 1682. On la joua trente-trois fois de
suite jusqu’au 4 octobre, et on la mena en
core en 1683 jusqu’au 4 avril, jour de la qua
rante-cinquième représentation, et avec des re-
cettesformidables. Les chefs-d’œuvre deRacine
etjde Molière ne dépassent pas en moyenne le
tiers des recettes moyennes A Andromède. U
résulte des calculs auxquels nous nous som
mes livrés, d’après le Registre delaGrange,
qu’elles s’élevèrent à plus de 46,000 livres,
chiffre magnifique dont le neuvième (et le
droit de l’auteur allait souvent au delà) re
présente une part enviable.
Si la postérité de Corneille n'a pu mainte
nir le nom àla hauteur où l’a placé l’ancêtre,
elle en a généralement respecté les traditions
d’honneur et de fierté. Toutefois, certains de
ses descendants n’ont paspeu contribué à ac
créditer la légende de misère qui plane sur
ses derniers jours, en fatiguant de leurs
plaintes les gouvernements, les minis 1 ères
les gazettes et les particuliers, à presqu’
toutes les époques de notre histoire. L’éclat
de leurs réclamations, l’intérêt qu’il ont ex
cité chez des hommes célèbres, et la solen
nité même de leurs actes de reconnaissance,
sont autant d’hommages indiscrets ren lus à
la mémoire de leur aïeul.
J. S.
CHRONIQUE
La liberté de l’art !
C’est le grand cheval de bataille de
messieurs les pornographes... Les porno-
graphes ! Oh ! le vilain mot ! Mais comme
disait Emile Augier dans 1’ « Homme de
bien » :
. . Il faut bien, quoi qu’on glose,
Que le mot soit vilain quand vilaine est la
(chose.
Tous les soi-disant hommes de lettres,
qui faisaient de l’immoralité et de l’impu
deur métier et marchandise, ne manquaient
jamais quand on leur demandait compte
de leurs écrits de répondre superbement
que 1 art était libre, et ils se réclamaient de
l’exemple de grands écrivains à qui l’on
a passé de peindre le nu, parce qu’ils
1 ont fait en toute innocence de cœur et
d’une main magistrale.
Il y a des limites à tout; et si les li
mites en l’espèce sont fort difficiles à pré
ciser, c est justement aux magistrats qu'il
appartient de les marquer pour chaque
affaire. Il y a des cas où la poursuite et
la condamnation semblent des mesures
excessives. C’est dans la France même
que j’ai plaidé autrefois la cause de ce
brave Ponchon, à qui la justice a cherché
noise pour des vers... Mon Dieu! ces vers
je ne les aime guère pour ma part, et je
ne les excuse pas. Mais je sais Ponchon si
honnête homme, si incapable d’écrire une
malpropreté pour de l’argent ; je le sais
si amoureux de nos vieux poètes qui l’ont
habitué au mot cru, et puis c’est un artisan
si convaincu de vers bien frappés et plai
sants ! Peut-être eut-il mieux valu n’en pas
faire tant de bruit et ne pas fournir aux
pornographes futurs cet argument qui ne
laissera pas d’avoir un certain poids :
Ponchon a bien été condamné. Que de fois
n’a-t-on pas déjà allégué les poursuites
intentées contre la « Bovary » de Flaubert,
et la condamnation intempestive dont a
été frappé Richepin ! On parle en ce mo
ment d’un nouveau procès à la pornogra
phie. Ces procès ne peuvent se faire
utilement que si l’on a le public derrière
soi. Les magistrats ont hésité longtemps ;
ils doivent voir à cette heure que
l’opinion les suit et les encou
rage. Notre ligue n’aura pas nui
à ce mouvement. Je dis notre
ligue, parce que je m’y suis affilié
tout de suite, bien que je n’aie
pas l’honneur d’être pour rien
dans l’idée de sa fondation. C’est
celle qu’ont créée des gens de bien,
tous considérables, et à qui ils ont
donné le nom : Société centrale de
protestation contre la licence des
rues.
Le nom est un peu long, mais
il a du moins l’avantage de bien
préciser le but et les intentions de
la Société nouvelle.
Ils ont lancé tout d’abord un
appel très éloquent aux pères de
famille ; ils y ont dit ce que nous
savons tous (mais il est toujours
bon de le rappeler), c’est que la
rue est aujourd’hui, grâce au
pullulement des publications li
cencieuses, une excitation perma
nente, cynique, publique, à la dé
bauche; c’est, pour user d’une de
leurs expressions, le viol des yeux
en permanence.
« Si l’action de la police, s’é
crient-ils, ne se manifeste, si
celle même de la justice demeu
rent impuissantes, c’est à vous,
pères de famille, soucieux des
mœurs de vos enfants, c’est à
vous, mères si alarmées pour un
des dangers de la rue ; à vous,
directeurs de la jeunesse, à vous
aussi, hommes d’Etat, citoyens de
tous ordres et de toutes opinions,
qu’il appartient de réagir. »
Et comment réagir?
Nous rêvons d’être cent mille ;
il faut que tous les pères de
famille, les mères surtout, qui
ont à cœur de préserver les
yeux et le cœur de leurs enfants,
s’enrôlent dans la Société. Les.
fondateurs ont mis exprès la
cotisation à un très bas prix,
pour que personne n’eût un pré
texte à n’y pas entrer. Il suffit de donner
deux francs par an et de promettre son
concours moral.
Eh bien! quand on sera cent mille?
Eh ! mais, quand nous serons cent
mille, nous serons en cet ordre d’idées
les maîtres de la situation.
Vous le savez bien : ce qui arrête les
magistrats, ce qui les empêche de pour
suivre, alors même qu’ils en sentent la
nécessité, c’est l’inquiétude où ils sont
du résultat. II peut se faire que le jury
(quand l’affaire est de celles qui lui sont
déférées) acquitte, et ils ménagent un
triomphe à celui qu’ils voulaient flétrir.
II peut se faire même, en cas de condam
nation devant la police correctionnelle, que
le condamné ait pour lui la presse et l’opi
nion publique.
Ils hésitent donc ; nous serons là pour les
soutenir, pour dissiper leurs doutes et les
pousser en avant. Ils marcheront plus as
surément quand ils sentiront derrière eux
une Société nombreuse et énergique.
Et puis, voulez-vous que je vous dise
ma pensée ? Nous n’aurons pas longtemps
besoin de brandir ces menaces ; quand ceux
qui spéculent effrontément sur la dépra
vation et le cynisme verront que l’opinion
publique s’est ressaisie, qu’elle a pris un
corps et une voix, ils rentreront dans leurs
trous et se livreront à d’autres exercices.
Nous n’aurons pas même besoin de donner
le coup de balai; il suffira de leur mon
trer le manche.
Francisque Sarcey.
NOUVELLE A LA MAIN
FATALITÉ
piÈGelÉ, grimpé sur une borne et s'efforçant
de déchiffrer le nom d'une rue à la, lueur
d'un bec de gaz.
Rue... rue... rue des Troubadours. Pas
encore ça, nom d’un tonneau ! Ah ! c’est
égal, -'est un peu épatant que je ne puisse
pas arriver à trouver la rue de la Pompe !...
\IC re ’.escertJ de là A -'Hume nnc ci
qarettç.) Ce qui m’arrive est fantastique !
Venu à Paris pour huit jours... (je suis de
Cancale...) et descendu... (il n’y a pas de
sotte patrie.,.) chez mon beau-frère Courgou-
gniou, 344, rue de la Pompe, je commis
l’imprudence de venir seul tantôt visiter la
nouvelle église du Sacré-Cœur. Le tramway
du Trocadéro m’avait amené place Pigalle;
je pensais m’en retourner par le même che
min, mais le malheur voulut que je me trom
passe de voiture et qu’au lieu de l’omnibus
Place Pigalle-Trocadéro je prisse Place Pi-
ce temps, chose inexplicable, j’erre par la so
litude de ce quartier endormi, sans arriver à
trouver la rue de la Pompe. C’est épatant,
hein? Si encore je rencontrais quelqu’un, je
demanderais... ( Tendant l'oreille .) J’entends
du bruit. Oh ! un passant \ (Il se précipite.
Mouvement d'effroi du passant.) Rassurez-
vous, monsieur ; je ne suis pas un malfai
teur, mais un pauvre provincial qui ne re
trouve plus son chemin. Voudriez-vous
être assez bon pour m'indiquer la rue de la
' T ‘ompe ?
LE MONSIEUR
La rue de la Pompe? C’est à Passy, la rue
de la Pompe !
PIÈGELÉ
Sans doute.
le monsieur, stupéfait de son sang-froid
Ah çà ! mais, où vous croyez-vous donc?
PIÈGELÉ
A Passy, ne vous en déplaise.
LE MONSIEUR
Oui. Eh bien ! vous êtes à Boissy.
voisin qui somnole dans l'anglè du compar
timent.) Je vous demande pardon,monsieur;
à quelle heure serons nous à Paris?
LE VOISIN
A Paris ! nous en venons, monsieur...
Nous allons à Brie-Comte-Robert.
PIÈGELÉ, les yeux au ciel
Fatalité ! Fatalité !
Georges Courteline.
LE FAUNE ET L’ERMITE
par
ANATOLE FRANCE
DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE
PRESENT, PAR
POULBOT
— Moi, voyez-vous, ça mo Trait d’là peine de croire qu'on épouse ma fille pour son argent... aussi je ne lui donne pas de dot.
Sur les bords de la Marne :
Un paysan tombe à l’eau et disparaît. Il no
reste que son chapeau fuyant à la dérive.
Passe un pêcheur qui, jetant sa ligne, pique
une tète, saisit notre homme par les cheveux
et le dépose sain et sauf sur la berge.
Mais lui, tout inquiet, se tâte le front,
regarde à droite et à gauche, puis se retour
nant vers son sauveur :
Et mon capiau ? Bien sûr que vous l’au
rez laissé perdre ?
galle Halle-aux-Vins. Vous savez ce que
c’est, n’est-ce pas? quand on ne sait pas...
J’arrivai au Jardin des Plantes. Là... — il
doit être au moins dix heures ! — j’abordai
un gardien de la paix, auquel je contai ma
méprise. « Vous n’avez qu’une chose à faire,
me dit cet homme plein de bon sens. Voici
la Seine : prenez le bateau du Point-du-Jour ;
vous débarquerez au Louvre, où vous trou
verez le tramway de Passy. » Très bien. Je
remerciai ; je pris le bateau. Malheureuse
ment, je le prisa rebrousse-poil ; c’est-à-dire
qu’au lieu du bateau qui se rendait au Point-
du-Jour, je pris celui qui en venait. Fata
lité... J'arrivai... (Il tire sa montre.) Oh!
nom d’un tonneau ! Onze heures vingt !... —
au pont de Charenton. — Et encore, ma
montre retarde... — Arrivé au pont de Cha
renton, je fis... — les Courgougniou doivent
être dans une inquiétude !... — je fis, dis-je,
ce que vous eussiez fait certainement à ma
place : je sautai d’un bateau dans l’autre et
refis, en sens inverse, le chemin déjà par
couru. Je débarquai au Louvre. Au Louvre,
je pris place dans le tramway de Passy.
Nous partîmes. Au bout de trois quarts
d’heure, je demandai au conducteur: « Ne
sommes nous pas rue de la Pompe ? » Il me
répondit : « Non, monsieur, nous sommes
au boulevard Picpus. » Je m’étais trompé
une troisième fois ; j’étais dans le tramway
de Vincennes. Fatalité !... Je mis pied à
terre avec toute la précipitation que vous
pouvez imaginer et m’ouvris de mes infor
tunes à un deuxième gardien de la paix qui
me consola en ces termes : « C’est bien fait
pour vous! Quand on ne sait pas, on de
mande! Tâchez que ça ne vous arrive plus.
En attendant, voyez voir à écouler ce que je
vais vous dire. Vous voyez bien cette mai
son, là-bas? C’est la station du Bel-Air.
Allez-y. Le chemin de fer de Ceinture y
passe. Vous le prendrez et vous serez à
Passy dans une heure. » Cinq minutes après
j’étais dans le convoi ; une heure après, le
conducteur hurlait la station de Passy, où je
descendis comme de naturellement. Depuis
PIÈGELÉ, sursautant
A Boissy U!
LE MONSIEUR
A Boissy-Sainl-Léger, oui, monsieur.
PIÈGELÉ
Eatalité ! (Il se laisse choir sur la borne.)
LE MONSIEUR
Voyons, monsieur, il faut être homme et
ne pas vous frapper comme ça.
PIÈGELÉ
Ne pas me frapper, dites-vous? Il ne faut
pas que je me frappe? Dieu pardonne à votre
ignorance, qui m’engage à ne pas me frap
per. . .
LE MONSIEUR
En vérité, vous m’effrayez!... Oserais-je
vous demander quelle catastrophe vous. ..
PIÈGELÉ
Je vais vous le dire.
(Seconde édition du récil ci-dessus.)
LE MONSIEUR
Tout s'explique! Au Bel-Air c’est le croi
sement de la ligne de Ceinture et de la ligne
de Vincennes; vous aurez pris l’une pour
l’autre.
PIÈGELÉ
Je commence à le craindre.
LE MONSIEUR
Vous pouvez même en être sûr. Enfin ne
vous désolez pas. La gare de Boissy est au
bout de la rue et un train passe à minuit
dix, qui vous ramènera à Paris. Seulement,
hâtez-vous !
PIÈGELÉ
Que d’obligations !
(Il s’éloigne vivement , gagne la gare et
saule dans le train , qui partait.)
PIÈGELÉ
Nom d’un tonneau, il était temps ! (A un
Prosterné au seuil de sa grotte sauvages
l’ermite Céleslin passa en prières la vigile de
Pâques , cetle nuit angélique pendant la
quelle les démons frémissants sont préci
pités dans l’abîme. Et tandis que les ombres
couvraient la terre, à l'heure où
l’Ange exterminateur avait plané
sur l’Egypte, Célestin frissonna,
saisi d’angoisse et d’inquiétude. Il
entendait au loin dans la forêt les
miaulements des chats sauvages et
la voix flûtée des crapauds; plongé
dans les ténèbres impures, il doutait
que le mystère glorieux pût s’ac
complir. Mais, quand il vit poin
dre le jour, l’allégresse avec l’aube
entra dans son cœur ; il connut que
le Christ était ressuscité et il s’é
cria :
— Jésus est sorti du tombeau !
l’amour a vaincu la mort, alléluia !
11 s’élève radieux du pied de la col
line ! alléluia ! La création est re
faite et réparée. L’ombre et le mal
sont dissipés: la grâce et la lumière
se répandent sur le monde. Allé
luia !
Line alouette, qui s’éveillait dans
les blés, lui répondit en chantant :
— Ilest ressuscité. J'ai rêvé de
nids et d’œufs, d’œufs blancs,
tiquetés de brun. Alléluia! Il est
ressuscité.*
Et l’eriTïite Célestin sortit de sa
grotte pour aller, à la chapelle voi
sine, solenniser le saint jour de
Pâques.
Comme il traversait la forêt, il
vit au milieu d’une clairière un
beau hêtre dont les bourgeons gon-
fiés laissaient déjà échapper des
petites feuilles d’un vert tendre ;
des guirlandes de lierre et des ban
delettes de laine étaient suspendues
aux branches, qui descendaient
jusqu’à terre; des tablettes votives,
attachées au tronc noueux, par
laient de jeunesse et d’amour, et, çà
et là, des Eros d’argile, les ailes ou
vertes et la tunique envolée, se
balançaient aux rameaux. A celle
vue, l’ermite Céleslin fronça ses
sourcils blancs :
— C’est l’arbre des fées, se dit-il,
et les filles du pays l’ont chargé
d’offrandes, selonl’anliquecoutume.
Ma vie se passe à lutter contre les
fées, et l'on ne s’imagine pas le
tracas que ces petites personnes me
donnent. Elles ne me résistent pas
ouvertement. Chaque année, à la
moisson, j’exorcise l’arbre, selon
les rites, et je leur chante l'Evangile de saint
Jean.
» On ne saurait mieux faire ; l’eau bénite
et l’Evangile de saint Jean les mettent en
fuite, et l’on n’entend plus parler de ces
dames de tout l’hiver ; mais elles reviennent
au printemps et c’est à recommencer tous
les ans.
» Elles sont subtiles ; il suffit d’un buis
son d'aubépine pour en abriter tout un
essaim. Et elles répandent des charmes sur
les jeunes garçons et sur les jeunes filles.
» Depuis que je suis vieux, ma vue a
baissé et je ne les aperçois plus guère. Elles
se moquent de moi, me passent sous le nez
et rient à ma barbe. Mais, quand j avais
vingt ans, je les voyais dans les clairières,
dansant des rondes, en chapeau de lleurs,
sous un rayon de lune. Seigneur Dieu, vous
qui fîtes le ciel et la rosée, soyez loué dans
vos œuvres ! Mais pourquoi avez-vous fait
des arbres païens et des fontaines féeriques?
Pourquoi avez-vous mis sous le coudrier la
mandragore qui chante? Ces choses nalu -
relies induisent la jeunesse au péché et cau
sent des fatigues sans nombre aux anacho
rètes qui, comme moi, ont entrepris de
sanctifier les créatures. Si encore l’Evangile
de saint Jean suffisait à chasser les démons !
Mais il n'y suffit pas, et je ne sais plus que
faire.
Et, comme le bon ermite s’éloignait, en
soupirant, l’arbre, qui était fée, lui dit dans
un frais bruissement :
— Célestin, Céleslin, mes bourgeons sont
des œufs, de vrais œufs de Pâques ! Alléluia !
alléluia !
Célestin s’enfonça dans le bois, sans tour
ner la tête. Il s’avançait avec peine, par un
étroit sentier, au milieu des épines qui
déchiraient sa robe, quand, soudain, bon
dissant d’un fourré, un jeune garçon lui
barra le passage. -
Il était à demi velu d’une peau de bête,
et c’élait plutôt un faune qu’un garçon ; son
regard était perçant, son nez camus, sa face
riante. Ses cheveux bouclés cachaient les
deux petites cornes de son front têtu ; ses
lèvres découvraient des dents aiguës et blan
ches ; des poils blonds descendaient en deux
pointes de son menton. Un duvet d’or bril
lait sur sa poitrine. Il était agile et svelte ;
ses pieds fourchus se dissimulaient dans
l’herbe.
Célestin, qui possédait toutes les connais
sances que donne la méditation, vit aussitôt
à qui il avait affaire, et il leva le bras pour
décrire le signe de la croix. Mais le faune,
lui saisissant la main, l’empêcha d’achever
ce geste puissant :
— Bon ermite, lui dit-il, ne m’exorcise
pas. Ce jour est pour moi comme pour loi
un jour de fête. Il ne serait pas charitable
de me contrister dans le temps pascal. Si lu
veux, nous cheminerons ensemble et tu
verras que je ne suis pas méchant.
Célestin était, par bonheur, très versé
dans les sciences sacrées. 11 lui souvint à
propos que saint Jérôme avait eu pour com
pagnons de route, dans le désert, des satyres
et des centaures qui avaient confessé la
vérité.
Il dit au faune :
— Faune, sois un hymne de Dieu. Dis :
il est ressuscité.
— 11 est ressuscité, répondit le faune. Et
tu m’en vois tout réjoui.
Le sentier s’étant élargi, ils cheminaient
côte à côte. L’ermite allait pensif et son
geait :
— Ce n’est point un démon, puisqu’il a
confessé la vérité. J’ai bien fait de ne le
point contrister. I/exemple du grand saint
Jérôme n’a point été perdu pour moi.
Et se tournant vers son compagnon capri-
pède, il lui demanda :
— Quel est ton nom ?
— Je me nomme Amycus, répondit le
faune. J’habitece bois où je suis né. Je suis
venu à toi, mon père, parce que tu as l’air
assez bonhomme sous ta longue barbe blan
che. Il me semble que les ermites sont des
faunes accablés par les ans. Quand je serai
vieux, je serai semblable à toi.
— Il est ressuscité, dit l’ermite.
— Il est ressuscité, dit Amycus.
Et, s’entretenant ainsi, ils gravirent la
colline où s’élevait une chapelle consacrée
au vrai Dieu. Elle était petite et de struc
ture grossière. Célestin l’avait bâtie de ses
mains avec les débris d'un temple de Vénus.
A l’intérieur, la table du Seigneur se dressait
informe et nue.
— Prosternons-nous, dit l’ermite, et chan
tons alléluia, car il est ressuscité. Et toi,
créature obscure, reste agenouillé pendant
que j’offrirai le sacrifice.
Mais le faune, s'approchant de l’ermile,
lui caressa la barbe et dit :
— Bon vieillard, lu es plus savant que
moi et lu vois l’invisible. Mais je connais
mieux que loi les bois et les fontaines. J’ap
porterai au dieu des feuillages et des lleurs.
Je sais les berges où le cresson enlr’ouvre
ses corymbes lilas, les prés où le coucou
ileurit en grappes jaunes. Je devine à son
odeur légère le gui du pommier sauvage.
Déjà, une neige de Heurs couronne les
buissons d’épine noire. Attends moi, vieil
lard.
En trois bonds de chèvre il fut dans les
bois et, quand il revint, Célestin crut voir
marcher un buisson d’aubépine. Amycus
disparaissait sous sa moisson parfumée. 11
suspendit des guirlandes de lleurs à l’autel
rustique ; il le couvrit de violettes et dit
gravement :
— Ces fleurs, au dieu qui les fait naître !
Et pendant que Céleslin célébrait le sacri
fice de la messe, le capripède, inclinant jus
qu’à terre son front cornu, adorait le soleil
et disait :
— La terre est un gros œuf que tu fécon
des, soleil, soleil sacré !
Depuis ce jour, Céleslin et Amycus vé
curent de compagnie. L’ermite ne parvint
jamais, malgré tous ses efforts, à faire com
prendre au demi-homme les mystères ineffa
bles ; mais, comme par les soins d’Amycus,
la chapelle du vrai Dieu était toujours ornée
de guirlandes et mieux fleurie que l’arbre
des fées, le saint prêtre disait : « Le faune
est un hymne de Dieu. »
C’est pourquoi il lui donna le saint bap
tême.
Sur la colline où Célestin avait construit
l’étroite chapelle qu’Amycus ornait des
Heurs des montagnes, des bois et des eaux,
s’élève aujourd’hui une église dont la nef
remonte au xi e siècle, et dont le porche a été
réédifié sous Henri II, dans le style de la
Renaissance. C’est un lieu de pèlerinage et
les fidèles y vénèrent la mémoire bienheu
reuse des saints Amie et Célestin.
Anatole France.
PAS BAVARD
Il a cherché longtem s s à rendre sa pensée,
A devenir plus tard un des causeurs élus,
Parlant avec un goiît qu’on ne conteste plus,
D'une façon correcte, aimable et cadencé .
Mais son esprit tremblant comme une fiancée,
Sa langue accoutumée aux sons irrésolus
Ont garni scs discours d’innombrables calus,
Ornant bizarrement chaque phrase lancée.
Maintenant, c'est un homme important, pas bavard ;
Pour prouver qu'il pourrait discourir avec art,
Il fait parfois des mots aussi clairs que la houille.
Il les soigne beaucoup, pour leur donner du prix,
Et lorsque,par hasard, il croit qu'on l'a compris,
Il a le rire aigu d'un monsieur qu’on chatouille.
G. DE COLVÉ DES JARDINS.
CHARADE
Dans un cône tronqué se place mon premier,
Mais toujours escorté d’un compagnon fidèle;
Celui qui les agite invoque mon dernier;
Mon tout seul lui répond, ô fortune cruelle!
Réponse : Déveine.
DU SAMEDI 16 OCTOBRE AU SAMEDI 23 OCTOBRE 1897
LITTÉRAIRE, ILLÉSTRE
Paraissant tous les Samedis
Propriété du procédé garantie et exploitation absolument réser\ée. Déposé
Administration : 6 bis, Rue Bernardin de Saint-Pierre. — LE HAVRE
Aimé MALLIFAUD, Directeur
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Rédaction’. 6 bis, Rue Bernardin de Saint-Pierre. — LE HAVRE
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Causerie de la Semaine
Une légende veut que Corneille soit mort
dans la misère. Des recherches nouvelles, lai
tes par M. Arthur Heulhard, permettent de
penser que cette allégation est erronée.
Que Corneille soit mort sans avoir fait for
tune par ses ouvrages, c’est un point avéré;
mais qu’il faille le voir étendu sur un grabat
et dônud des ï-cgqOuixajo rudimentaires do
l’existence, — à la honte de son roi, de son
siècle, de ses parents, des grands dont il était
l’ami, de l’Académie française dont ij était le
doyen, — c’est contre quoi je m’insurge de
toutes lesforceset avec toutes les armes de la
conscience. Je rencontre, en effet, une nou
velle preuve de cette médiocrité bourgeoise
où Corneille se complut jusqu’à la dernière
heure, et où la pauvreté ni la misère n’ont de
place.
A des ressources de naissance et de situa
tion. Corneille jusqu’à sa mort, en 1684, joi
gnit celles du travail. Le Itegist't e de La
Grange nous apporte sur ce point des notions
pi’écieuses.
Depuis la mort de Molière, le nom de Cor
neille avait perdu presque toute influence sur
les comédiens de la rue Guénégaud, qui
jouaient rarement ses ouvrages.
Mais après la jonction faite avec l’hôtel de
Bourgogne, et aussitôt que, par oidre du roi
« MM. de Corneille, Racine et Quinault » eu
rent disposé « leurs pièces de théâtre afin que
les acteurs et actrices n’eussent point de dis
putes pour les rosies, » Corneille rentra pro
gressivement dans le mouvement du réper
toire.
Les représentations que la troupe royale a
données pendant les quatre dernières années
de la vie de Corneille fournissent le tableau
suivant :
1682
Œclipe ....
Le Menteur
Nicomède.
linna
Horace ....
R odogune.
Héraclius.
Polyeucte.
Pompée ...
Le Cid ....
Sertorius .
Othon
A gésilas...
1681
9 fois
3 fois
1683
2 fois
— 5 —
— 5 —
6
7
4 - 1 - 3
7 - 4 - 2
6 — 4
1681
2 fois
6 -
2 —
9 . ,
— 6 —
— 3 —
2
— 6 —
_ 4 —
— 2 — 2 —
— » — 1 —
— 3 —
S8 fois 46 fois 37 fois 34 fois
J’estime que ces représentations ne furen-
pas sans profit pour Corneille. Quoiqu’il en
soit, il eut grandement à se louer de l’éclat
tante reprise d’Andromède, tragédie en machi
nés, représentée comme il est dit dans l’édi
tion du temps, sur le théâtre royal des seuls
comédiens du roy, entretenus par Sa Majesté
en leur hôtel, rue Guénégaud, le dimanche
19 juillet 1682. On la joua trente-trois fois de
suite jusqu’au 4 octobre, et on la mena en
core en 1683 jusqu’au 4 avril, jour de la qua
rante-cinquième représentation, et avec des re-
cettesformidables. Les chefs-d’œuvre deRacine
etjde Molière ne dépassent pas en moyenne le
tiers des recettes moyennes A Andromède. U
résulte des calculs auxquels nous nous som
mes livrés, d’après le Registre delaGrange,
qu’elles s’élevèrent à plus de 46,000 livres,
chiffre magnifique dont le neuvième (et le
droit de l’auteur allait souvent au delà) re
présente une part enviable.
Si la postérité de Corneille n'a pu mainte
nir le nom àla hauteur où l’a placé l’ancêtre,
elle en a généralement respecté les traditions
d’honneur et de fierté. Toutefois, certains de
ses descendants n’ont paspeu contribué à ac
créditer la légende de misère qui plane sur
ses derniers jours, en fatiguant de leurs
plaintes les gouvernements, les minis 1 ères
les gazettes et les particuliers, à presqu’
toutes les époques de notre histoire. L’éclat
de leurs réclamations, l’intérêt qu’il ont ex
cité chez des hommes célèbres, et la solen
nité même de leurs actes de reconnaissance,
sont autant d’hommages indiscrets ren lus à
la mémoire de leur aïeul.
J. S.
CHRONIQUE
La liberté de l’art !
C’est le grand cheval de bataille de
messieurs les pornographes... Les porno-
graphes ! Oh ! le vilain mot ! Mais comme
disait Emile Augier dans 1’ « Homme de
bien » :
. . Il faut bien, quoi qu’on glose,
Que le mot soit vilain quand vilaine est la
(chose.
Tous les soi-disant hommes de lettres,
qui faisaient de l’immoralité et de l’impu
deur métier et marchandise, ne manquaient
jamais quand on leur demandait compte
de leurs écrits de répondre superbement
que 1 art était libre, et ils se réclamaient de
l’exemple de grands écrivains à qui l’on
a passé de peindre le nu, parce qu’ils
1 ont fait en toute innocence de cœur et
d’une main magistrale.
Il y a des limites à tout; et si les li
mites en l’espèce sont fort difficiles à pré
ciser, c est justement aux magistrats qu'il
appartient de les marquer pour chaque
affaire. Il y a des cas où la poursuite et
la condamnation semblent des mesures
excessives. C’est dans la France même
que j’ai plaidé autrefois la cause de ce
brave Ponchon, à qui la justice a cherché
noise pour des vers... Mon Dieu! ces vers
je ne les aime guère pour ma part, et je
ne les excuse pas. Mais je sais Ponchon si
honnête homme, si incapable d’écrire une
malpropreté pour de l’argent ; je le sais
si amoureux de nos vieux poètes qui l’ont
habitué au mot cru, et puis c’est un artisan
si convaincu de vers bien frappés et plai
sants ! Peut-être eut-il mieux valu n’en pas
faire tant de bruit et ne pas fournir aux
pornographes futurs cet argument qui ne
laissera pas d’avoir un certain poids :
Ponchon a bien été condamné. Que de fois
n’a-t-on pas déjà allégué les poursuites
intentées contre la « Bovary » de Flaubert,
et la condamnation intempestive dont a
été frappé Richepin ! On parle en ce mo
ment d’un nouveau procès à la pornogra
phie. Ces procès ne peuvent se faire
utilement que si l’on a le public derrière
soi. Les magistrats ont hésité longtemps ;
ils doivent voir à cette heure que
l’opinion les suit et les encou
rage. Notre ligue n’aura pas nui
à ce mouvement. Je dis notre
ligue, parce que je m’y suis affilié
tout de suite, bien que je n’aie
pas l’honneur d’être pour rien
dans l’idée de sa fondation. C’est
celle qu’ont créée des gens de bien,
tous considérables, et à qui ils ont
donné le nom : Société centrale de
protestation contre la licence des
rues.
Le nom est un peu long, mais
il a du moins l’avantage de bien
préciser le but et les intentions de
la Société nouvelle.
Ils ont lancé tout d’abord un
appel très éloquent aux pères de
famille ; ils y ont dit ce que nous
savons tous (mais il est toujours
bon de le rappeler), c’est que la
rue est aujourd’hui, grâce au
pullulement des publications li
cencieuses, une excitation perma
nente, cynique, publique, à la dé
bauche; c’est, pour user d’une de
leurs expressions, le viol des yeux
en permanence.
« Si l’action de la police, s’é
crient-ils, ne se manifeste, si
celle même de la justice demeu
rent impuissantes, c’est à vous,
pères de famille, soucieux des
mœurs de vos enfants, c’est à
vous, mères si alarmées pour un
des dangers de la rue ; à vous,
directeurs de la jeunesse, à vous
aussi, hommes d’Etat, citoyens de
tous ordres et de toutes opinions,
qu’il appartient de réagir. »
Et comment réagir?
Nous rêvons d’être cent mille ;
il faut que tous les pères de
famille, les mères surtout, qui
ont à cœur de préserver les
yeux et le cœur de leurs enfants,
s’enrôlent dans la Société. Les.
fondateurs ont mis exprès la
cotisation à un très bas prix,
pour que personne n’eût un pré
texte à n’y pas entrer. Il suffit de donner
deux francs par an et de promettre son
concours moral.
Eh bien! quand on sera cent mille?
Eh ! mais, quand nous serons cent
mille, nous serons en cet ordre d’idées
les maîtres de la situation.
Vous le savez bien : ce qui arrête les
magistrats, ce qui les empêche de pour
suivre, alors même qu’ils en sentent la
nécessité, c’est l’inquiétude où ils sont
du résultat. II peut se faire que le jury
(quand l’affaire est de celles qui lui sont
déférées) acquitte, et ils ménagent un
triomphe à celui qu’ils voulaient flétrir.
II peut se faire même, en cas de condam
nation devant la police correctionnelle, que
le condamné ait pour lui la presse et l’opi
nion publique.
Ils hésitent donc ; nous serons là pour les
soutenir, pour dissiper leurs doutes et les
pousser en avant. Ils marcheront plus as
surément quand ils sentiront derrière eux
une Société nombreuse et énergique.
Et puis, voulez-vous que je vous dise
ma pensée ? Nous n’aurons pas longtemps
besoin de brandir ces menaces ; quand ceux
qui spéculent effrontément sur la dépra
vation et le cynisme verront que l’opinion
publique s’est ressaisie, qu’elle a pris un
corps et une voix, ils rentreront dans leurs
trous et se livreront à d’autres exercices.
Nous n’aurons pas même besoin de donner
le coup de balai; il suffira de leur mon
trer le manche.
Francisque Sarcey.
NOUVELLE A LA MAIN
FATALITÉ
piÈGelÉ, grimpé sur une borne et s'efforçant
de déchiffrer le nom d'une rue à la, lueur
d'un bec de gaz.
Rue... rue... rue des Troubadours. Pas
encore ça, nom d’un tonneau ! Ah ! c’est
égal, -'est un peu épatant que je ne puisse
pas arriver à trouver la rue de la Pompe !...
\IC re ’.escertJ de là A -'Hume nnc ci
qarettç.) Ce qui m’arrive est fantastique !
Venu à Paris pour huit jours... (je suis de
Cancale...) et descendu... (il n’y a pas de
sotte patrie.,.) chez mon beau-frère Courgou-
gniou, 344, rue de la Pompe, je commis
l’imprudence de venir seul tantôt visiter la
nouvelle église du Sacré-Cœur. Le tramway
du Trocadéro m’avait amené place Pigalle;
je pensais m’en retourner par le même che
min, mais le malheur voulut que je me trom
passe de voiture et qu’au lieu de l’omnibus
Place Pigalle-Trocadéro je prisse Place Pi-
ce temps, chose inexplicable, j’erre par la so
litude de ce quartier endormi, sans arriver à
trouver la rue de la Pompe. C’est épatant,
hein? Si encore je rencontrais quelqu’un, je
demanderais... ( Tendant l'oreille .) J’entends
du bruit. Oh ! un passant \ (Il se précipite.
Mouvement d'effroi du passant.) Rassurez-
vous, monsieur ; je ne suis pas un malfai
teur, mais un pauvre provincial qui ne re
trouve plus son chemin. Voudriez-vous
être assez bon pour m'indiquer la rue de la
' T ‘ompe ?
LE MONSIEUR
La rue de la Pompe? C’est à Passy, la rue
de la Pompe !
PIÈGELÉ
Sans doute.
le monsieur, stupéfait de son sang-froid
Ah çà ! mais, où vous croyez-vous donc?
PIÈGELÉ
A Passy, ne vous en déplaise.
LE MONSIEUR
Oui. Eh bien ! vous êtes à Boissy.
voisin qui somnole dans l'anglè du compar
timent.) Je vous demande pardon,monsieur;
à quelle heure serons nous à Paris?
LE VOISIN
A Paris ! nous en venons, monsieur...
Nous allons à Brie-Comte-Robert.
PIÈGELÉ, les yeux au ciel
Fatalité ! Fatalité !
Georges Courteline.
LE FAUNE ET L’ERMITE
par
ANATOLE FRANCE
DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE
PRESENT, PAR
POULBOT
— Moi, voyez-vous, ça mo Trait d’là peine de croire qu'on épouse ma fille pour son argent... aussi je ne lui donne pas de dot.
Sur les bords de la Marne :
Un paysan tombe à l’eau et disparaît. Il no
reste que son chapeau fuyant à la dérive.
Passe un pêcheur qui, jetant sa ligne, pique
une tète, saisit notre homme par les cheveux
et le dépose sain et sauf sur la berge.
Mais lui, tout inquiet, se tâte le front,
regarde à droite et à gauche, puis se retour
nant vers son sauveur :
Et mon capiau ? Bien sûr que vous l’au
rez laissé perdre ?
galle Halle-aux-Vins. Vous savez ce que
c’est, n’est-ce pas? quand on ne sait pas...
J’arrivai au Jardin des Plantes. Là... — il
doit être au moins dix heures ! — j’abordai
un gardien de la paix, auquel je contai ma
méprise. « Vous n’avez qu’une chose à faire,
me dit cet homme plein de bon sens. Voici
la Seine : prenez le bateau du Point-du-Jour ;
vous débarquerez au Louvre, où vous trou
verez le tramway de Passy. » Très bien. Je
remerciai ; je pris le bateau. Malheureuse
ment, je le prisa rebrousse-poil ; c’est-à-dire
qu’au lieu du bateau qui se rendait au Point-
du-Jour, je pris celui qui en venait. Fata
lité... J'arrivai... (Il tire sa montre.) Oh!
nom d’un tonneau ! Onze heures vingt !... —
au pont de Charenton. — Et encore, ma
montre retarde... — Arrivé au pont de Cha
renton, je fis... — les Courgougniou doivent
être dans une inquiétude !... — je fis, dis-je,
ce que vous eussiez fait certainement à ma
place : je sautai d’un bateau dans l’autre et
refis, en sens inverse, le chemin déjà par
couru. Je débarquai au Louvre. Au Louvre,
je pris place dans le tramway de Passy.
Nous partîmes. Au bout de trois quarts
d’heure, je demandai au conducteur: « Ne
sommes nous pas rue de la Pompe ? » Il me
répondit : « Non, monsieur, nous sommes
au boulevard Picpus. » Je m’étais trompé
une troisième fois ; j’étais dans le tramway
de Vincennes. Fatalité !... Je mis pied à
terre avec toute la précipitation que vous
pouvez imaginer et m’ouvris de mes infor
tunes à un deuxième gardien de la paix qui
me consola en ces termes : « C’est bien fait
pour vous! Quand on ne sait pas, on de
mande! Tâchez que ça ne vous arrive plus.
En attendant, voyez voir à écouler ce que je
vais vous dire. Vous voyez bien cette mai
son, là-bas? C’est la station du Bel-Air.
Allez-y. Le chemin de fer de Ceinture y
passe. Vous le prendrez et vous serez à
Passy dans une heure. » Cinq minutes après
j’étais dans le convoi ; une heure après, le
conducteur hurlait la station de Passy, où je
descendis comme de naturellement. Depuis
PIÈGELÉ, sursautant
A Boissy U!
LE MONSIEUR
A Boissy-Sainl-Léger, oui, monsieur.
PIÈGELÉ
Eatalité ! (Il se laisse choir sur la borne.)
LE MONSIEUR
Voyons, monsieur, il faut être homme et
ne pas vous frapper comme ça.
PIÈGELÉ
Ne pas me frapper, dites-vous? Il ne faut
pas que je me frappe? Dieu pardonne à votre
ignorance, qui m’engage à ne pas me frap
per. . .
LE MONSIEUR
En vérité, vous m’effrayez!... Oserais-je
vous demander quelle catastrophe vous. ..
PIÈGELÉ
Je vais vous le dire.
(Seconde édition du récil ci-dessus.)
LE MONSIEUR
Tout s'explique! Au Bel-Air c’est le croi
sement de la ligne de Ceinture et de la ligne
de Vincennes; vous aurez pris l’une pour
l’autre.
PIÈGELÉ
Je commence à le craindre.
LE MONSIEUR
Vous pouvez même en être sûr. Enfin ne
vous désolez pas. La gare de Boissy est au
bout de la rue et un train passe à minuit
dix, qui vous ramènera à Paris. Seulement,
hâtez-vous !
PIÈGELÉ
Que d’obligations !
(Il s’éloigne vivement , gagne la gare et
saule dans le train , qui partait.)
PIÈGELÉ
Nom d’un tonneau, il était temps ! (A un
Prosterné au seuil de sa grotte sauvages
l’ermite Céleslin passa en prières la vigile de
Pâques , cetle nuit angélique pendant la
quelle les démons frémissants sont préci
pités dans l’abîme. Et tandis que les ombres
couvraient la terre, à l'heure où
l’Ange exterminateur avait plané
sur l’Egypte, Célestin frissonna,
saisi d’angoisse et d’inquiétude. Il
entendait au loin dans la forêt les
miaulements des chats sauvages et
la voix flûtée des crapauds; plongé
dans les ténèbres impures, il doutait
que le mystère glorieux pût s’ac
complir. Mais, quand il vit poin
dre le jour, l’allégresse avec l’aube
entra dans son cœur ; il connut que
le Christ était ressuscité et il s’é
cria :
— Jésus est sorti du tombeau !
l’amour a vaincu la mort, alléluia !
11 s’élève radieux du pied de la col
line ! alléluia ! La création est re
faite et réparée. L’ombre et le mal
sont dissipés: la grâce et la lumière
se répandent sur le monde. Allé
luia !
Line alouette, qui s’éveillait dans
les blés, lui répondit en chantant :
— Ilest ressuscité. J'ai rêvé de
nids et d’œufs, d’œufs blancs,
tiquetés de brun. Alléluia! Il est
ressuscité.*
Et l’eriTïite Célestin sortit de sa
grotte pour aller, à la chapelle voi
sine, solenniser le saint jour de
Pâques.
Comme il traversait la forêt, il
vit au milieu d’une clairière un
beau hêtre dont les bourgeons gon-
fiés laissaient déjà échapper des
petites feuilles d’un vert tendre ;
des guirlandes de lierre et des ban
delettes de laine étaient suspendues
aux branches, qui descendaient
jusqu’à terre; des tablettes votives,
attachées au tronc noueux, par
laient de jeunesse et d’amour, et, çà
et là, des Eros d’argile, les ailes ou
vertes et la tunique envolée, se
balançaient aux rameaux. A celle
vue, l’ermite Céleslin fronça ses
sourcils blancs :
— C’est l’arbre des fées, se dit-il,
et les filles du pays l’ont chargé
d’offrandes, selonl’anliquecoutume.
Ma vie se passe à lutter contre les
fées, et l'on ne s’imagine pas le
tracas que ces petites personnes me
donnent. Elles ne me résistent pas
ouvertement. Chaque année, à la
moisson, j’exorcise l’arbre, selon
les rites, et je leur chante l'Evangile de saint
Jean.
» On ne saurait mieux faire ; l’eau bénite
et l’Evangile de saint Jean les mettent en
fuite, et l’on n’entend plus parler de ces
dames de tout l’hiver ; mais elles reviennent
au printemps et c’est à recommencer tous
les ans.
» Elles sont subtiles ; il suffit d’un buis
son d'aubépine pour en abriter tout un
essaim. Et elles répandent des charmes sur
les jeunes garçons et sur les jeunes filles.
» Depuis que je suis vieux, ma vue a
baissé et je ne les aperçois plus guère. Elles
se moquent de moi, me passent sous le nez
et rient à ma barbe. Mais, quand j avais
vingt ans, je les voyais dans les clairières,
dansant des rondes, en chapeau de lleurs,
sous un rayon de lune. Seigneur Dieu, vous
qui fîtes le ciel et la rosée, soyez loué dans
vos œuvres ! Mais pourquoi avez-vous fait
des arbres païens et des fontaines féeriques?
Pourquoi avez-vous mis sous le coudrier la
mandragore qui chante? Ces choses nalu -
relies induisent la jeunesse au péché et cau
sent des fatigues sans nombre aux anacho
rètes qui, comme moi, ont entrepris de
sanctifier les créatures. Si encore l’Evangile
de saint Jean suffisait à chasser les démons !
Mais il n'y suffit pas, et je ne sais plus que
faire.
Et, comme le bon ermite s’éloignait, en
soupirant, l’arbre, qui était fée, lui dit dans
un frais bruissement :
— Célestin, Céleslin, mes bourgeons sont
des œufs, de vrais œufs de Pâques ! Alléluia !
alléluia !
Célestin s’enfonça dans le bois, sans tour
ner la tête. Il s’avançait avec peine, par un
étroit sentier, au milieu des épines qui
déchiraient sa robe, quand, soudain, bon
dissant d’un fourré, un jeune garçon lui
barra le passage. -
Il était à demi velu d’une peau de bête,
et c’élait plutôt un faune qu’un garçon ; son
regard était perçant, son nez camus, sa face
riante. Ses cheveux bouclés cachaient les
deux petites cornes de son front têtu ; ses
lèvres découvraient des dents aiguës et blan
ches ; des poils blonds descendaient en deux
pointes de son menton. Un duvet d’or bril
lait sur sa poitrine. Il était agile et svelte ;
ses pieds fourchus se dissimulaient dans
l’herbe.
Célestin, qui possédait toutes les connais
sances que donne la méditation, vit aussitôt
à qui il avait affaire, et il leva le bras pour
décrire le signe de la croix. Mais le faune,
lui saisissant la main, l’empêcha d’achever
ce geste puissant :
— Bon ermite, lui dit-il, ne m’exorcise
pas. Ce jour est pour moi comme pour loi
un jour de fête. Il ne serait pas charitable
de me contrister dans le temps pascal. Si lu
veux, nous cheminerons ensemble et tu
verras que je ne suis pas méchant.
Célestin était, par bonheur, très versé
dans les sciences sacrées. 11 lui souvint à
propos que saint Jérôme avait eu pour com
pagnons de route, dans le désert, des satyres
et des centaures qui avaient confessé la
vérité.
Il dit au faune :
— Faune, sois un hymne de Dieu. Dis :
il est ressuscité.
— 11 est ressuscité, répondit le faune. Et
tu m’en vois tout réjoui.
Le sentier s’étant élargi, ils cheminaient
côte à côte. L’ermite allait pensif et son
geait :
— Ce n’est point un démon, puisqu’il a
confessé la vérité. J’ai bien fait de ne le
point contrister. I/exemple du grand saint
Jérôme n’a point été perdu pour moi.
Et se tournant vers son compagnon capri-
pède, il lui demanda :
— Quel est ton nom ?
— Je me nomme Amycus, répondit le
faune. J’habitece bois où je suis né. Je suis
venu à toi, mon père, parce que tu as l’air
assez bonhomme sous ta longue barbe blan
che. Il me semble que les ermites sont des
faunes accablés par les ans. Quand je serai
vieux, je serai semblable à toi.
— Il est ressuscité, dit l’ermite.
— Il est ressuscité, dit Amycus.
Et, s’entretenant ainsi, ils gravirent la
colline où s’élevait une chapelle consacrée
au vrai Dieu. Elle était petite et de struc
ture grossière. Célestin l’avait bâtie de ses
mains avec les débris d'un temple de Vénus.
A l’intérieur, la table du Seigneur se dressait
informe et nue.
— Prosternons-nous, dit l’ermite, et chan
tons alléluia, car il est ressuscité. Et toi,
créature obscure, reste agenouillé pendant
que j’offrirai le sacrifice.
Mais le faune, s'approchant de l’ermile,
lui caressa la barbe et dit :
— Bon vieillard, lu es plus savant que
moi et lu vois l’invisible. Mais je connais
mieux que loi les bois et les fontaines. J’ap
porterai au dieu des feuillages et des lleurs.
Je sais les berges où le cresson enlr’ouvre
ses corymbes lilas, les prés où le coucou
ileurit en grappes jaunes. Je devine à son
odeur légère le gui du pommier sauvage.
Déjà, une neige de Heurs couronne les
buissons d’épine noire. Attends moi, vieil
lard.
En trois bonds de chèvre il fut dans les
bois et, quand il revint, Célestin crut voir
marcher un buisson d’aubépine. Amycus
disparaissait sous sa moisson parfumée. 11
suspendit des guirlandes de lleurs à l’autel
rustique ; il le couvrit de violettes et dit
gravement :
— Ces fleurs, au dieu qui les fait naître !
Et pendant que Céleslin célébrait le sacri
fice de la messe, le capripède, inclinant jus
qu’à terre son front cornu, adorait le soleil
et disait :
— La terre est un gros œuf que tu fécon
des, soleil, soleil sacré !
Depuis ce jour, Céleslin et Amycus vé
curent de compagnie. L’ermite ne parvint
jamais, malgré tous ses efforts, à faire com
prendre au demi-homme les mystères ineffa
bles ; mais, comme par les soins d’Amycus,
la chapelle du vrai Dieu était toujours ornée
de guirlandes et mieux fleurie que l’arbre
des fées, le saint prêtre disait : « Le faune
est un hymne de Dieu. »
C’est pourquoi il lui donna le saint bap
tême.
Sur la colline où Célestin avait construit
l’étroite chapelle qu’Amycus ornait des
Heurs des montagnes, des bois et des eaux,
s’élève aujourd’hui une église dont la nef
remonte au xi e siècle, et dont le porche a été
réédifié sous Henri II, dans le style de la
Renaissance. C’est un lieu de pèlerinage et
les fidèles y vénèrent la mémoire bienheu
reuse des saints Amie et Célestin.
Anatole France.
PAS BAVARD
Il a cherché longtem s s à rendre sa pensée,
A devenir plus tard un des causeurs élus,
Parlant avec un goiît qu’on ne conteste plus,
D'une façon correcte, aimable et cadencé .
Mais son esprit tremblant comme une fiancée,
Sa langue accoutumée aux sons irrésolus
Ont garni scs discours d’innombrables calus,
Ornant bizarrement chaque phrase lancée.
Maintenant, c'est un homme important, pas bavard ;
Pour prouver qu'il pourrait discourir avec art,
Il fait parfois des mots aussi clairs que la houille.
Il les soigne beaucoup, pour leur donner du prix,
Et lorsque,par hasard, il croit qu'on l'a compris,
Il a le rire aigu d'un monsieur qu’on chatouille.
G. DE COLVÉ DES JARDINS.
CHARADE
Dans un cône tronqué se place mon premier,
Mais toujours escorté d’un compagnon fidèle;
Celui qui les agite invoque mon dernier;
Mon tout seul lui répond, ô fortune cruelle!
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