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J DU HAVRE |
QUAND JULES LEMAITRE ETAIT HAVRAIS.
Après avoir passé trois ans à l'Ecole Normale Supérieure et été
reçu 4 ème à l'agrégation de lettres, Jules Lemaître va connaître son premier
poste : pour cette rentrée 1875, il est nommé dans un lycée de garçons, au
Havre, la patrie de Casimir Delavigne à qui il dut sa première émotion
artistique en lisant à 6 ans son poème sur la mort de Jeanne d'Arc, l'héroïne
de son enfance : il est né en effet le 25 avril 1853 à VENNECY, tout près de
BEAUGENCY et d'ORLEANS où s'illustra la Pucelle...
Essayons de l'imaginer en ce début octobre débarquant dans notre
ville, fatigué par le voyage, lui qui n'a jamais tellement apprécié les
déplacements. Dans ses bagages, sommaires, se trouvent quelques pipes,
un dictionnaire grec et le fameux gros cahier rouge où il a recopié ses
poèmes préférés, les siens, bien entendu car il en compose de puis l'âge de
quinze ans.
Assurément son cœur doit battre quand il aperçoit au coin des rues
du Lycée et Ancelot ce vaste bâtiment neuf : ce n'est que neuf ans plus tôt
que ce beau lycée impérial a été inauguré. Les multiples arcades qui lui
donnent un faux air de couvent ne vont pas dépayser cet ancien
séminariste. A dix ans, le jeune Jules était en effet entré au petit séminaire
Sainte Croix d'Orléans où, si l'on apprécia son intelligence, l'on décela vite
que ce jeune garçon moqueur ne serait jamais prêtre. Il échoua donc à
Paris dans celui de Notre Dame des Champs qui préparait ses
pensionnaires au baccalauréat. C'est ainsi qu'il put entrer rue d'Ulm dans ce
qu'il appellera sa "douce prison qui nous enjôle”.
Mais retrouvons le rue Ancelot ; ayant dépassé la haute grille, il
sonne : la lourde porte s'ouvre bientôt. Au premier étage, devant l'épaisse
porte du cabinet du proviseur, quelles peuvent être ses pensées ? Il ne sait
pas encore qu'il n'est pas le seul nouveau dans l'établissement ; l'état-major
vient de se trouver renouvelé, ce qui paraît impensable de nos jours, le
proviseur M. NOMY est parti, cédant la place à M. BRUNET. M.
BOUTEILLER, le censeur est nouveau lui aussi ; il remplace M. FIERVILLE
qui a marqué son départ deux mois auparavant en prononçant un discours
des prix qui eut plu à Jules Lemaître. N' a-t-il pas traité du Havre et de ses
écrivains ? Parti également M. DELZONS l'économe remplacé par M.
QUINEY. Seul rescapé, M. DUVAL le surveillant général. Par contre le corps
professoral est resté stable. Le nouvel arrivant va donc être objet de
curiosité de la part de ses collègues qui ont gardé leur poste : "Qui donc
vient remplacer M. BELLANGER, le professeur de Rhétorique ?" doivent se
demander tous ces doctes enseignants qui ont pour noms RETHORE (pour
la philosophie), MORET-BLANC (pour les mathématiques), HOSTEIN et
COUETIL (sciences physiques), VALLIN (histoire), BARET (anglais),
SCHWARTZ (allemand), PARENT et LENGLET (dessin), sans oublier
Messieurs REMY, LAURENT, TOUTAIN, BILLOTTE et DELBOULLE qui
s'occupent respectivement des seconde, troisième, quatrième, cinquième et
sixième. Quant aux deux docteurs LECADRE, oncle et neveu, médecin et
chirurgien du lycée, peu leur importe que le professeur s'appelle
BELLANGER ou LEMAITRE.
Ce dernier a beau être poète, il lui faut tout de même songer aux
astreintes matérielles. Il s'installe au 19 de la rue Piéfort dans un
J DU HAVRE |
QUAND JULES LEMAITRE ETAIT HAVRAIS.
Après avoir passé trois ans à l'Ecole Normale Supérieure et été
reçu 4 ème à l'agrégation de lettres, Jules Lemaître va connaître son premier
poste : pour cette rentrée 1875, il est nommé dans un lycée de garçons, au
Havre, la patrie de Casimir Delavigne à qui il dut sa première émotion
artistique en lisant à 6 ans son poème sur la mort de Jeanne d'Arc, l'héroïne
de son enfance : il est né en effet le 25 avril 1853 à VENNECY, tout près de
BEAUGENCY et d'ORLEANS où s'illustra la Pucelle...
Essayons de l'imaginer en ce début octobre débarquant dans notre
ville, fatigué par le voyage, lui qui n'a jamais tellement apprécié les
déplacements. Dans ses bagages, sommaires, se trouvent quelques pipes,
un dictionnaire grec et le fameux gros cahier rouge où il a recopié ses
poèmes préférés, les siens, bien entendu car il en compose de puis l'âge de
quinze ans.
Assurément son cœur doit battre quand il aperçoit au coin des rues
du Lycée et Ancelot ce vaste bâtiment neuf : ce n'est que neuf ans plus tôt
que ce beau lycée impérial a été inauguré. Les multiples arcades qui lui
donnent un faux air de couvent ne vont pas dépayser cet ancien
séminariste. A dix ans, le jeune Jules était en effet entré au petit séminaire
Sainte Croix d'Orléans où, si l'on apprécia son intelligence, l'on décela vite
que ce jeune garçon moqueur ne serait jamais prêtre. Il échoua donc à
Paris dans celui de Notre Dame des Champs qui préparait ses
pensionnaires au baccalauréat. C'est ainsi qu'il put entrer rue d'Ulm dans ce
qu'il appellera sa "douce prison qui nous enjôle”.
Mais retrouvons le rue Ancelot ; ayant dépassé la haute grille, il
sonne : la lourde porte s'ouvre bientôt. Au premier étage, devant l'épaisse
porte du cabinet du proviseur, quelles peuvent être ses pensées ? Il ne sait
pas encore qu'il n'est pas le seul nouveau dans l'établissement ; l'état-major
vient de se trouver renouvelé, ce qui paraît impensable de nos jours, le
proviseur M. NOMY est parti, cédant la place à M. BRUNET. M.
BOUTEILLER, le censeur est nouveau lui aussi ; il remplace M. FIERVILLE
qui a marqué son départ deux mois auparavant en prononçant un discours
des prix qui eut plu à Jules Lemaître. N' a-t-il pas traité du Havre et de ses
écrivains ? Parti également M. DELZONS l'économe remplacé par M.
QUINEY. Seul rescapé, M. DUVAL le surveillant général. Par contre le corps
professoral est resté stable. Le nouvel arrivant va donc être objet de
curiosité de la part de ses collègues qui ont gardé leur poste : "Qui donc
vient remplacer M. BELLANGER, le professeur de Rhétorique ?" doivent se
demander tous ces doctes enseignants qui ont pour noms RETHORE (pour
la philosophie), MORET-BLANC (pour les mathématiques), HOSTEIN et
COUETIL (sciences physiques), VALLIN (histoire), BARET (anglais),
SCHWARTZ (allemand), PARENT et LENGLET (dessin), sans oublier
Messieurs REMY, LAURENT, TOUTAIN, BILLOTTE et DELBOULLE qui
s'occupent respectivement des seconde, troisième, quatrième, cinquième et
sixième. Quant aux deux docteurs LECADRE, oncle et neveu, médecin et
chirurgien du lycée, peu leur importe que le professeur s'appelle
BELLANGER ou LEMAITRE.
Ce dernier a beau être poète, il lui faut tout de même songer aux
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