Titre : Le Petit Havre : organe républicain, démocratique, socialiste ["puis" organe républicain démocratique "puis" bulletin d'informations locales]
Éditeur : [s.n.] (Havre)
Date d'édition : 1913-03-23
Contributeur : Fénoux, Hippolyte (1842-1913). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32836500g
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 23 mars 1913 23 mars 1913
Description : 1913/03/23 (A33,N14575). 1913/03/23 (A33,N14575).
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
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Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque municipale du Havre, PJ5
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 02/04/2023
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(8 Pages)
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EDITION DU MATIN
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Dimanche 23 Mars 1915
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Le Nouveau Ministère
ET LA PRESSE
Mai ..
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LE MINISTÈRE BARTHOU
Réunion officieuse des nouveaux Ministres
Les ministres ont tenu une réunion offi
cieuse au ministère de la justice, sous la
présidence de M. Barthou.
Le premier Conseil de cabinet aura lieu au
ministère de l’instruction publique, lundi
matin, à 10 heures.
Au cours de la réunion de ce soir, M.
Pierre Baudin a soumis à ses collègues le
projet de décret relatif à la création et à l’or
ganisation du sous-secrétariat à la marine
marchande. '
LA GUERRE D’ORIENT
Va Démenti italien
Rome. — Une note officieuse dément les
bruits oui ont couru de l’expédition de vingt
mide hommes de l’armée italienne en Al
banie.
L’Allemagne appuie le Gouvernement
Autrichien
Berlin. — Le gouvernement allemand a
Charge le ministre d’Allemagne à Cettigné
de foire auprès du gouvernement monténé
grin les démarches propres à appuyer le
point de vue de l’Autriche dans l’action en-
- (reprise par elle.
Les Hostilités
Constantinople. — Hier, tout est resté cal
me devant Boulair et Tchataldja. Devant An-
drinople, un faible combat d’artillerie a eu
lieu sur les fronts Est et Sud.
Les Ambassadeurs reçus
par Sir Edward Grey
Londres. — Sir Edward Grey a reçu hier
apres-midi les ambassadeurs des puissances.
L’ambassadeur ne Russie, souffrant, s’est
fait représenter par le conseiller de l’ambas-
ade.
‘ La Note des Puissances est remisa
auz Alliés
JOFA— Les représentants des puissances
ont icmis collectivement hier matin au pré
sident du conseil serbe et dans l’après-midi
au president du conseil bulgare, les bases de
paix arrêtées par la conférence de Londres.
MM. Pachitch et Gueschoff ont réservé leur
réponse jusqu’à une entente avec leurs
alliés.
LES ENGAGEMENTS VOLONTAIRES
Limoges. —- On lit dans la France Militaire :
« Le ministre de la guerre vient de fixer
comme suit les conditions dans lesquelles
devraient être reçus à l’avenir les engage
ments volontaires :
» Pour chaque corps d’armée, les engage
ments seront dorénavant accueillis dans
chaque arme jusqu’à concurrence de l’effec
tif global obtenu en totalisant les effectifs
réglementaires de tous les corps de la même
arme stationnés sur les territoires de la ré
gion.
» En outre, le ministre fait connaître que
jusqu’au vote du projet de trois ans, les ap
pelas actuellement sous les drapeaux satis
faisant aux conditions voulues doivent être
admis dans les formes ordinaires aux renga
ges d’un an jusqu’à concurrence du chiffre
déterminé par la loi du 21 mars 1905. »
Le ministère Barthou est constitué. En
attendant qu’il nous soit possible d’appré
cier et de commenter la Déclaration qu’il
fera, mardi prochain, aux deux Chambres,
il importe de noter dès aujourd’hui que le
président du Conseil a tenu à conserver au
près de lui M. Etienne et M. Baudin, dont
l’un reste au ministère de la guerre et l’au
tre au ministère de la marine.
. Ainsi, au milieu de préoccupations exté
rieures qui n'ont guère perdu de leur acui
té, la défense nationale, la continuation des
études entreprises à cet effet, l’accomplis
sement méthodique des projets arrêtés, en
fin la loi de trois ans, restent le principal
souci du nouveau ministère.
C’est là une certitude qui sera très favo
rablement accueillie dans tout le pays.
S’étant déclaré « irréductible » sur le
rétablissement du service de trois ans, M.
Barthou s'est prononcé pour la représenta
tion des minorités. Mais par quel moyen ?
Nous l’ignorons encore, et nous n’aperce
vons pas du tout comment il sera possible
d’arriver à cette représentation sans le quo
tient.
Nous connaissons les déclarations d’allu
re conciliante des majoritaires. Jeudi, le
Radical écrivait : « Nous ne demandons pas
aux républicains proportionnalistes l’abdi
cation que nous ne consentirions pas de
notre côté. Le nouveau ministère doit être
largement transactionnel. Le principe ma
joritaire étant admis, nous sommes prêts —
et tous nos amis avec nous — à assurer aux
minorités la plus large part ». Fort bien
parlé, sans doute, mais le moindre grain
de mil, ou plutôt la moindre indication
sur la façon d’« assurer aux minorités la
plus large part » ferait bien mieux l’affaire
des proportionnalistes.
La ferme volonté de,M. Barthou de faire
voter la loi de trois ans et le vague où se
trouve encore la solution qu’il prépare de
la question électorale font que les apprécia
tions, généralement très favorables en ce
qui concerne la loi militaire, comportent
cependant quelques réserves dans certains
journaux radicaux-socialistes — et que,
naturellement, les proportionnalistes res
tent dans une expectative bienveillante.
Quelques extraits des journaux d’hier
soulignent cet état de l’opinion :
Le Figaro félicite M. Barthou d’avoir
réussi à former un ministère en une seule
journée. « Il se rendait compte,dit-il, de la
gravité de la situation et savait l’urgence
qu’il y avait à présenter sur l’heure, à
l’étranger, un Cabinet avec lequel on puisse
défendre les intérêts de la France et discu
ter les intérêts de l’Europe. En cela nous
le félicitons. » Mais, s’il voit aussi avec sa
tisfaction le maintien de MM. Etienne et
Baudin à la guerre et à la marine, s’il es
time que « la prudence et la compétence de
M. Pichon sont une garantie de paix que le
pays appréciera tout particulièrement »,
s’il voit avec plaisir l’arrivée de M. Thierry
au ministère des travaux publics, le Figaro
regrette que M. Klotz, nommé à l’intérieur,
ait abandonné les finances « qu’il avait ad
mirablement dirigées et où il avait conquis
De la Petite République,
Devant l'opposition violente du Sénat à la
représentation des minorités, après le der
nier vote de la Chambre, où quelques pro
portionnalistes firent preuve d’une foi si
chancelante, M. Barthou ne pouvait vrai
ment espérer aboutir là où M. Briand avait
échoué...
Quoi qu’il en soit, mieux vaut cette solu
tion qu’un conflit brutal, et nous approu
vons d’autant mieux M. Barthou de l’avoir
acceptée qu’il n’avait pas l’embarras du
choix
Nous travaillerons tous du même cœur à
ramener le calme dans le parti républicain,
en souhaitant qu’il ne se trouve pas, une
fois de plus, désuni sur la question primor
diale de la loi de trois ans dont M. Etienne
est, en bonne justice, chargé de poursuivre
la réalisation.
Le Radical, en ce qui concerne la loi de
trois ans, ne veut passe montrer aussi caté
gorique que M. Barthou, et, pour ce qui est
de la représentation des minorités, il s’ex
prime en ces termes :
... Le mot ne nous effraie pas. Mais quel
le sera la chose ? Sera-ce le quotient ? Il im
porte de préciser, car l’heure n’est plus à un
accord provisoire sur des mots vagues que
chacun interprète à sa guise. Il faut, pour
aboutir enfin, s’entendre sur des réalités.
Aujourd’hui comme hier, nous ne sommes
pas intransigeants, et nous voudrions aider
le nouveau cab net à hâter le vote d'une ré
forme transactionnelle acceptable pour tous
les républicains. Mais nous savons qu’aucun
de nos amis, pas plus que nous-mêmes,
n’abandonnera le principe majoritaire voté
par le Sénat, consacré par la Chambre.
En tous cas, le vote de jeudi a déterminé
une majorité de gouvernement. Nous ver
rons, par les déclarations du cabinet et sur
tout par ses actes, s’il sera le gouvernement
de cette majorité.
Ainsi donc, malgré que le nouveau minis
tère soit, par moitié, composé de ses amis, le
Radical, organe du parti radical et radical-
socialiste n’est pas complètement satisfait.
D’autre part, pour mieux souligner cer
taines réserves, le Comité exécutif, réuni
afin d’examiner la situation politique, a
communiqué, vendredi soir, à M. Charles
Dumont, une note récapitulative de ses or
dres du jour antérieurement votés et concer
nant : la réforme électorale, les lois mili
taires, les lois de défense laïque, la réfor
me Ascale.
Et cette communication avait tout à fait
l’allure d’use note de rappel.
Th. Vallée.
LA GUERRE D'ORIENT
la confiance unanime du
conclut :
il serait injuste de juger
revenants ou ces nouveaux
public. » Et il
sur l’heure ces
venus qui ap-
’ LA MORT DU ROI DE GRÈCE
. Le ministre de la marine vient de donner
l’ordre au cuirassé Bruit, qui stationne dans
les Dardanelles, de se préparer à escorter le
yacht transportant les restes du roi Georges.
SAINT-PÉTERSBOURG. — Le grand-duc Dimi-
tri Constantinovitch représentera le tsar aux
funérailles du roi Georges.
Athènes, 22 mars.— Les funérailles du roi
Georges ont été definitivement fixées au di-
manche 30 mars.
Le corps du roi sera exposé à la cathédrale
d’Athènes.
Le duc de Teck représentera le roi d’An
gleterre aux funérailles.
LES DIRIGEABLES MILITAIRES
ALLEMANDS
•Strasbourg. — On annonce que le nou
veau dirigeable Zeppelin-IV destiné à la sta
tion militaire de Metz fera la semaine pro
chaine au-dessus du lac de Constance des
Essais de tir à des hauteurs de mille et quinze
cents mètres.
Grâce à un dispositif spécial, il pourra lan
cer douze bombes à la fois.
Le Zeppelin-LV sera le plus rapide dirigea
ble du Monde entier ; il donnera une vitesse
de 90 kilomètres à l’heure.
LES MANIFESTATIONS PACIFISTES A
MULHOUSE
Mulhouse. — La prochaine manifestation
prganisee à Mulhouse par les socialistes et
les progressistes contre l’augmentation des
armements est fixee an 30 mars courant.
ortent en tout cas beaucoup de bonne vo-
onté, d’intrépidité et de bonne foi, en
acceptant de collaborer, pour un temps for
cément limité, sous la présidence d’un
homme de haute intelligence et de véritable
éloquence, à une œuvre de réorganisation,
de reforme et d’apaisement, que la situa
tion européenne rend singulièrement an
goissante...
La République Française dit :
M. Barthou a assez de vaillance et assez de
talent pour aborder les grands rôles. Nous
souhaitons que l’ambition lui vienne de se
hausser, par son courage et son désintéres-
sement, au rang des hommes d’Etat qui,
dédaignant les intrigues du Palais-Bourbon,
ne perdent jamais de vue les intérêts de la
patrie.
L‘ Evénement :
Entre les deux Assemblées, le ministère
va rechercher un terrain d’entente. S’il y
parvient, il peut, en évitant un conflit grave,
admirablement servir la République.
Sa tâche est difficile et délicate. Les répu
blicains ne voudront pas la lui compliquer :
ils suivront le ministère dans l’œuvre de
conciliation qu'il veut entreprendre.
La Lanterne rend hommage à la sincérité
de M. Barthou et dit qu’en prenant, avec
la présidence du Conseil, le ministère de
l’instruction publique, le chef du gouver
nement a voulu apporter le gage de son dé
vouement à l’école laïque. « Ce choix mar
que pour nous la ferme volonté de faire
aboutir, dans le plus bref délai, les projets
de défense laïque, et les républicains lui
sauront gré de cette détermination signifi
cative ».
Mais notre confrère formule ensuite cette
réserve en ce qui concerne l’entrée de AL
Thierry dans le ministère :
.. . C’est avec un certain étonnement, dit-
il, que nous voyons pour la première fois
depuis plus de dix ans, un progressiste ap
pelé à siéger dans les conseils du gouverne
ment. il y a là un fait nouveau dont la gra
vité ne saurait échapper à ceux qui suivent
d’un œil vigilant l'évolution politique de ces
dernières années. -
Une seconde démarche autrichienne
à Cettigné
Vienne, 22 mars.
Le chargé d’affaires austro-hongrois à Cet-
tigné a déjà remis la seconde demande pré
sentée par son gouvernement, insistant sur
une réponse satisfaisante au sujet des inci
dents de Diakova.
L’Autriche demande une démarche
collective à Belgrade et à Cettigné
* Londres, 22 mars.
L’Autriche, disposée à céder sur la ques
tion de Diakova, demanderait que la Russie
voulût bien se joindre aux puissances pour
faire à Belgrade et à Cettigné une démarche
collective, dans laquelle les puissances in
sisteraient pour qu’on laissât sortir de Scu-
tari les non-combattants et feraient savoir en
même temps que le sort de Scutari a été fina
lement régié et que cette ville restera alba
naise.
On ignore encore la réponse russe.
La reunion des ambassadeurs qui devait
avoir lieu la semaine prochaine, a lieu au
jourd’hui au Foreign office.
Les défenseurs de Janina
Athènes, 22 mars.
Essad pacha, son frère Vehib bey et l’état-
major ottoman ont quitté aujourd’hui Janina
pour la résidence qui leur a été assignée
comme lieu de captivité.
L’Autriche et le Monténégro
L’impression à Vienne
Vienne, 22 mars.
La réponse négative du Monténégro aux
demandes formulées par le gouvernement
de Vienne, a suscité ici un vif mécontente
ment.
L’Autriche-Hongrie a aussitôt entrepris
une nouvelle démarche, dont on ne précise
point le caractère, mais il ne semble pas
qu’il soit question d’un ultimatum.
L’attitude de l’Italie continue à faire l'ob
jet de maints commentaires. Il faut observer
pourtant que, ce matin, le ton des jour
naux est moins violent, sauf dans la Reichs-
post, qui poursuit avec ardeur sa campagne
belliqueuse.
La Zeit, dans un article très remarquable,
compare la conduite du Monténégro dans la
présente crise à celle de la Serbie dans l’af
faire Prochaska. « La Serbie, dit-elle, a con
senti à l’envoi d’un commissaire autrichien
chargé de conduire l’enquête ; le Monténé
gro s’y refuse. Or, depuis dix ans nous
avions constamment maltraité les Serbes,
nous les avions affames par une politique
commerciale qui, d’ailleurs, nuisait grande
ment à nos propres intérêts. Au contraire,
nous avons favorisé le Monténégro politi
quement et économiquement de la manière
la plus évidente. Nous lui prodiguions les
caresses pour exaspérer la Serbie. Cette ha
bile politique porte ses fruits. »
Cettigné, 22 mars.
Le gouvernement monténégrin se déclare
prêt à donner satisfaction à l’Autriche en ce
qui concerne le bateau saisi à Saint-Jean-de-
Medua. Les coupables seront punis.
De même le gouvernement s’engagé à faire
ses efforts pour que le bombardement de
Scutari soit dirigé exclusivement sur les
forts, de façon à épargner, autant que pos
sible la ville.
Par contre, il n’a pas fait connaître en
core sa réponse au sujet de l’enquête qui de
vrait être faite par un consul autrichien au
sujet de la mort d’un religieux à Diakovo.
w
-
Photo Fetit a^vre
Cliché Petit Havre
L’ABATAGE D’UN CHEVAL A L’AIDE DU MASQUE BRUNEAU
Il fut pourtant un temps où bœufs, mou
tons et veaux, une fois par an, jouaient un
rôle de théâtre.
Avant de connaître le sort obscur du four
ou de la casserole, l’ingéniosité des hommes
les élevait aux honneurs de la mise en
scène.
Le décor traditionnel les attendait. Aux
regards curieux du passant, dans le magasin
transformé en salle d’exposition, de larges
poitrines s’ouvraient comme des temples où
les côtes dessinaient des arceaux. Pareilles à
des rideaux de dentelles, de minces et
fragiles membranes étoilées de points grais
seux pendaient au-dessus des corps qu’elles
paraient.
Des fleurs de papier couraient sur les ro
tondités des flancs, évocatrices de la verdure
des herbages défunts, et les gigots d’agneaux
nichaient ta douceur de leurs roses ingénus
en des papiers gaufrés.aux festons ajourés...
La viande qui s’était reposée pendant près
de quatre longs jours faisait tout à coup
une rentrée sensationnelle en s’offrant dans
la majesté de l’apotheose. Le décor procla
mait aux foules le rèsne triomphant de la
boucherie dans un débordement de chairs
décorées.
Uae alignée de moutons dessinait la cor
niche de la boutique, les dos polis se ren
voyaient des reflets de lumière, mais il y
avait surtout des quartiers de bœuf aux so
lennités impressionnantes, des quartiers de
bœuf qui représentaient à eux seuls tout
une façade rehaussée de fleurs artificielles.
Parfois aussi, le décor s’agrémentait de fan
taisie, et c’était généralement le veau qui
venait lui prêter une note bouffonne...
Innoceat petit veau, je te vois encore dans
ton bassin, le museau en l’air, la langue à
demi tiree. Un tube en caoutchouc fait tout
ce qu’il peut pour se dissimuler sous la ver
dure, il entre on ne sait comment par une
oreille et il ressort par la bouche, calé par
les dents blanches... Et de ce tube jaillit un
jet d’eau... Innocent petit veau, espoir des
vinaigrettes, quel rôle étrange t’a-t-on fait
jouer sous l’œil de tes parents peut-être !..
Mais non. j'y songe, tes parents ont laissé
leur tête ailleurs...
* *
Ces expositions sanguinolentes de la Se
maine-Sainte ont passe de mode. La bouche-
rie havraise n’en fait plus ou presque plus.
Celles de MM. Feuillasse, Renouf, Romain,
quelques autres peut-être demeurent excep
tionnelles. J’en ai demandé la raison.
Cela tient surtout à ce que la viande grasse
se vend beaucoup moins chez nous. La clien
tèle manifeste ses préférences pour la vian
de maigre. L’armée elle-même dédaigne le
gras.
De là la nécessité de tuer des bêtes géné
ralement plus jeunes, de qualité souvent
moins savoureuse, mais chez lesquelles le
tissu adipeux est réduit. Question de goût et
de mode, qui a eu pour conséquence indi
recte de faire supprimer,à l’étal du boucher,
les apothéoses de la veille de Pâques.
Ceite semaine de jeûne n’en est pas moins
la grande semaine de tuerie. Le massacre,
commencé dès l’aube, se continue jusqu’à
la tombée de la nuit. D’un bout à l’autre des
abattoirs, devant les ha dettes où les masses
habilement maniees écrasent les crânes, où
les lames aiguisées disparaissent entières
dans les chairs tièdes, c’est comme une lon
gue traînée de sang vermeil que l’air brûle
et noircit. '
Les échaudoirs ont ouvert leurs portes à
deux battants. Dans la pénombre des lo-
gettes, des garçons aux bras nus remuent et
triturent des tas de choses flasques.
Verdâtres, elles glissent, s’étendent, s'al
longent sur l’asphalte : panses gonfle.es, in
testins roulés en pelote, amas de peaux hu
mides que surmonte le croissant des cornes.
Des petits bonhommes pas plus hauts que
ça, des enfants presque, cassent en courant
parmi ces chairs qui viennent de mourir ;
ils brandissent en rint des têtes tranchées ;
ils sifflotent, indifférents, déjà assouplis au
rude apprentissage, dans l'odeur fade de
sang chaud qui monte des pavés.
Je m’étais arrêté devant un pavillon d’a-
battage. Les bouchers avaient amené un
bœuf que l’on se disposait à tuer. L’extré
mité d’une corde enroulee en huit autour
des cornes fut passée dans un anneau scellé
au sol. D’une traction subite et vigoureuse,
un aide amena le mufle de la bête contre le
dallage.
— Allons-y !
L’homme remonta les manches de sa che
mise, s’arma d’un marteau à long manche,
puis calcula son coup d’un regard.
La masse tournova dans l’air. Lancée avec
une violence terrible, elle vint atteindre
l’animal en plein front, entre les yeux. Il y
eut un craquement sec d'os broyés. Le bœuf
s’affala, la langue pendante, tes yeux sortis
de l’orbite, les pattes détendues dans une
dernière convulsion. Un deuxième coup lui
arracha son dernier souffle.
Preste, le boucher avait saisi son couteau.
A demi renversé sur le cadavre, il l’avait
plongé dans la gorge d’une main assurée.
Les doigts enfouis dans la plaie béante cher
chaient l’artère.
— Amenez les plats !
Et tout à coup, un jet, un jet énorme, un jet
de sang écarlate jaillit en bouillonnant de la
blessure, inonda les récipients... Un aide
monta sur la bête, la pressa, fit sous son
poids sortir lés dernières gouttes.
Tout en s'épongeant avec une serviette,
l’homme me dit :
— Le coup de masse, tout oot l&. un peu
d habitude, de l’assurance, des bras solides :
voilà plus qu’il n’en faut pour travailler
proprement. Il y a le masque, je le sais.
Que voulez-vous ? Tous ceux qui l’ont es
sayé ont fini par l’abandonner. On ne te
trouve plus aujourd’hui aux Abattoirs qu’à
l’abatage des chevaux... A la rigueur, par
lez-moi plutôt du merlin anglais. »
Ce merlin anglais est une sorte de masse
en fer, pesant deux kilogrammes, emman
chée à l’extrémité d’un manche. Disposée
d’un côté sous forme d’emporte-pièce, la
masse se termine, à l’extrémité opposée, par
un crochet.
L’animal à abattre étant maintenu par une
corde, la tête moins basse que pour l’as-
sommade ordinaire — on dit « assommage »
en terme de boucherie, probablement pour
taquiner la langue française — le boucher
doit d’un seul coup, fortement et adroite
ment porté, enfoncer l’emporte-pièce, soit
au milieu du front, soit dans la nuque, à
égale distance des cornes.
L’animal frappé tombe comme foudroyé ;
ses derniers mouvements sont ensuite
anéantis à l’aide d’une baguette en osier
flexible introduite dans le trou pratiqué
dans la tête et dirigée de façon à suivre l’axe
de la moelle épinière.
Il est incontestable qu'entre des mains ex
périmentées l’emploi du merlin anglais
constitue un mode d’abatage très expéditif
qui, partant, abrège les souffrances.
* *
Déjà l’homme aux mains sanglantes était
passe à un autre genre d’exercices.
Un veau mort venait d’être étendu sur des
claies et ses flancs gonfles par l’air intro
duit à grands coups de soufflet, entre cuir et
chair, résonnait sous la batte avec un bruit
de caisse. On se prenait à songer à ces bal
lons grotesques qu'on lance dans les foires.
Le boucher, d’un tour de main, détacha la
tête, puis il traça des lignes,ouvrit le ventre,
enleva la peau, le débarrassa successivement
de l’intestin, de l’estomac, du foie, du fiel
qui furent d’un geste envoyés dans un coin
et s'aplatirent sur les dalles en tremblot-
tant comme des paquets de gélatine.
Le gros travail terminé, le couteau s’attar
da à présenter les choses avec coquetterie ;
la lame s’ingénia à dessiner sur la viande
des petits sillons réguliers, des dentelures,
à relever et à maintenir par des épingles en
bois des amas de graisse, à donner un peu
de « chic à l’habillage », enfin.
L’insufflation dont je viens de parler ne
se pratique pas toujours ni partout. Les
bouchers l’emploient particulièrement pour
les bêtes maigres ou de qualité inférieure.
C’est une opération dont les plus grands
avantages sont de prêter de l’apparence à
la viande qui en manque ; d’augmenter le
volume de certaines parties par nature peu
saillantes, de muscles peu couverts ; de fa
ciliter le travail de débit de viandes qui,
par elles-mêmes, manquent de consistance
et de donner aux chairs un ton d’un rouge
vif, conséquence probable de l’oxydation.
On invoque encore, en faveur de cette
pratique, la dessication, le nettoyage de la
viande par le rejet en dehors des liquides,
sang et sérosités, qui gorgent les tissus et
dont la présence nuirait à la conservation.
Ces observations paraissent fondées. Mais
l’insufflation est aussi capable de favoriser
la décomposition des viandes en facilitant la
déchirure des cloisons cellulaires et la péné
tration générale des tissus par l’air chargé
des germes fermentescibles. Tel était l'avis
de Pasteur. Des expériences faites à Paris
ont mis ce point hors de doute ; une preuve
nouvelle du mauvais effet de ce procédé
est fournie par la boucherie anglaise qui
s’abstient généralement de souffler les vian
des destinées à voyager.
On sait que la loi juive interdit aux israé-
iites non seulement de se nourrir de sang,
mais encore de manger des animaux qui
n auraient pas été saignés à blanc.
Cette interdiction, qui paraît être basée sur
un préjugé très répandu dans l’antiquité
orientale et par lequel le sang n'est pas seu.
ement le principe de la vie, mais la vie elle-
meme, le siège de l ame, cette interdiction a
- souvent amené les Israélites à avoir dans les
Abattoirs un endroit spécial et des employés
qui doivent remplir toutes les formalités reli
gieuses et légales.
Au Havre, ils se bornent à avoir un bon-
cher attitré dans l’abattoir duquel le sacrifi
cateur vient en personne plusieurs fois par
semaine égorger les animaux.
La bête étant couchée, les quatre membres
réunis par des cordages, le cou fortement
tendu, le sacrificateur tranche la gorge avec
un damas à manche très court, à lame lon
gue arrondie à son extrémité. De la plaie,
le sang s’échappe avec force, lancé à un
mètre et plus en avant ; la lame sectionne
toutes les parties molles, mais l’opérateur
doit éviter d’atteindre les vertèbres, car la
viande serait impure.
Ce spectacle, pénible somme toute, s’ac
compagne d’un violent bruit de souffle : l’air
pénètre par l’orifice béant de la trachée pen
dant les derniers mouvements respiratoires.
Les Indous procèdent à peu près de la même
façon en compliquant encore le rite du sa
crifice par des prosternations mystiques.lt
est même curieux de retrouver aux Abat
toirs les origines les plus anciennes de la
croyance Israélite dans la pratique asiatique.
Ceux qui ont assisté à l’égorgement par le
sacrificateur exotique — c’est un fait qui se
produit parfois au Havre, car tout navire an
glais ayant un équipage indien a générale
ment un sacrificateur à bord — n’ont pas
été sans remarquer ces singulières coïnci
dences.
On ne peut nier qu’au point de vue de la
qualité nutritive de la viande, la pratique
de l’ « assommage » est préférable à l’égor
gement, en raison de la quantité de sang
relativement plus considérable dont la
viande reste pénétrée. Il faut reconnaî
tre aussi que, pendant l’été, la viande d’un
animal tué suivant le mode juif, se con
serve plus longtemps que celle provenant
d’un bœuf assommé.
. Ce n’est pas ici le lieu d'examiner lesmo-
tifs religieux, à coup sûr très respectables»
en vertu desquels les Juifs préfèrent regor
gement à l’ « assommage » ; seulement, on
peut dire que, eu égard à la souffrance, le
premier de ces moyens est incontestable
ment plus barbare que le second...
s
* *
L’ « animal roi », le « cher ange » de Mon-
selet demeure, lui, bien à l’abri du damas.
Le coup de maillet le surprend traîtreuse
ment à la descente de la carriole. Un gro
gnement sourd, un coup de fine lame, et
la saignée remplit les jattes.
De l’autre côté du mur, les hautes gerbes
de flammes làchant lac cadavres alignés sur
la dure. L’«ammal roi» sort de là affreux,
jauni, bruni, noirci, tacheté, avec une bi
zarre robe de léopard qu’on ignore dans les
régions du Sud-Ouest de la France,-où l’on
remplace généralement la «brûlée» des
poils par un sérieux raclage à l’eau bouil
lante.
Il retrouve un aspect plus favorable dans
le local voisin : les grattoirs font apparaître
la chair blanche sous la couche carbonisée
et le lavage lui redonne par places les belles
teintes roses.
Mais il reste «roi» jusqu’au bout et sort
cadavre de la Maison de mort à peu près
aussi complet qu’à l’état vivant,
Bœufs, veaux, moutons, chevaux et ânes
laissent à l’abattoir leur sang, leur peau,
leurs intestins. Des industriels viendront
qui extraieront de cela de la fibrine, ou fe
ront du cuir ou des engrais ; d’autres ex
pédieront en Allemagne des boyaux salés
dont on fera de la saucissonnerie —le Havre
en reçoit en transit qui arrivent même de
Syrie I L’ « animal roi » se livre presque
tout entier aux destinées gastronomiques.
J’ai suivi le sang chez le fabricant d’en
grais, qui l’associe au sulfate de fer et fait
des caillots une pâte étrange; j’ai suivi les
intestins chez les boyandières, ou l’on con
fectionne à coups de râclages et de lavage à
grande eau des « robes » à saucisses et à
andouilles ; j’ai retrouvé l’estomac des ru
minants dans la cave d’eau chaude du tri-
pier, où les panses voisinent avec les pieds
de veau...
Le porc, presque entier, était déjà parti
dans les coulisses du charcutier l
Qu’il soit pâté, boudin ou jambon, qu’il
soit ferme ou hiché menu, c’est toujours lui
qui triomphe, le plus méprisé et le plus pré
cieux « rescapé » de l’arche de Noê, celui qui
vient de reparaître à l’étalage après la
courte éclipse du Vendredi-Saint, paré de
persil et de feuilles de laurier, de ce même
laurier symbolique dont on ceignait le front
des Césars 1
ALBERT-HERRENSCHMIDT.
Les nouveaux Ministres à Ulysse
M. Barthou a présenté hier matin, à 9 heu
res et demie, ses collègues au président de
la République qui a signé les décrets consa
crant leur nomination. Ces decrets paraî
tront aujourd’hui au Journal Officiel.
M. Barthou a dit qu’il avait tenu, en cons
tituant son cabinet, à faire vite et bien. Il a
fait vite ; l’avenir nous dira s’il a fait bien.
M. Barthou a ajouté que le nouveau mi
nistère était un ministère d'union républi
caine. Il a affirmé les sentiments de respec
tueuse sympathie de tous ses membres pour
la personne du chef de l’Etat et leur entier
dévouement à la République.
M. Poincaré a remercié M. Barthou des
sentiments qu’il venait d’exprimer et a as
suré le cabinet de sa confiance et de sa sym
pathie.
En sortant de l’Elysée, les ministres sont
allés rendre visite à M. Briand au ministère
de l’intérieur.
Dans les Ministères
M. Louis Barthou a passé une partie de la
matinée au ministère de la justice.
A son retour de l’Elysée et du ministère
de l’intérieur, le nouveau président du Con-
seil s’est rendu à 11 heures au ministère de
l’instruction publique où M. Steeg lui a fait
la remise des services. Puis il est allé au mi
nistère de l’agriculture où il a vu M. Fer
nand David.
MM. Louis Barthou et Pichon sont allés
Ne 11,575
(8 Pages)
S Centimes
EDITION DU MATIN
Administrateur-Délégué
Dimanche 23 Mars 1915
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AU HAVRE
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TROIS Mois
“- -ramnare
Six Mois
Un AN
Paris, trois heures matin
DÉPÊCHES COMMERCIALES
NEW-YORK, 22 MARS
Marehé dos
CHICAGO. 22 MARS
Blé sur
Maïs sur.....
Saindoux sur.
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O Fr.
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4.6% »
^ranoe
Le Nouveau Ministère
ET LA PRESSE
Mai ..
Juillet
Mai ..
Juillet
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Juillet
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LE MINISTÈRE BARTHOU
Réunion officieuse des nouveaux Ministres
Les ministres ont tenu une réunion offi
cieuse au ministère de la justice, sous la
présidence de M. Barthou.
Le premier Conseil de cabinet aura lieu au
ministère de l’instruction publique, lundi
matin, à 10 heures.
Au cours de la réunion de ce soir, M.
Pierre Baudin a soumis à ses collègues le
projet de décret relatif à la création et à l’or
ganisation du sous-secrétariat à la marine
marchande. '
LA GUERRE D’ORIENT
Va Démenti italien
Rome. — Une note officieuse dément les
bruits oui ont couru de l’expédition de vingt
mide hommes de l’armée italienne en Al
banie.
L’Allemagne appuie le Gouvernement
Autrichien
Berlin. — Le gouvernement allemand a
Charge le ministre d’Allemagne à Cettigné
de foire auprès du gouvernement monténé
grin les démarches propres à appuyer le
point de vue de l’Autriche dans l’action en-
- (reprise par elle.
Les Hostilités
Constantinople. — Hier, tout est resté cal
me devant Boulair et Tchataldja. Devant An-
drinople, un faible combat d’artillerie a eu
lieu sur les fronts Est et Sud.
Les Ambassadeurs reçus
par Sir Edward Grey
Londres. — Sir Edward Grey a reçu hier
apres-midi les ambassadeurs des puissances.
L’ambassadeur ne Russie, souffrant, s’est
fait représenter par le conseiller de l’ambas-
ade.
‘ La Note des Puissances est remisa
auz Alliés
JOFA— Les représentants des puissances
ont icmis collectivement hier matin au pré
sident du conseil serbe et dans l’après-midi
au president du conseil bulgare, les bases de
paix arrêtées par la conférence de Londres.
MM. Pachitch et Gueschoff ont réservé leur
réponse jusqu’à une entente avec leurs
alliés.
LES ENGAGEMENTS VOLONTAIRES
Limoges. —- On lit dans la France Militaire :
« Le ministre de la guerre vient de fixer
comme suit les conditions dans lesquelles
devraient être reçus à l’avenir les engage
ments volontaires :
» Pour chaque corps d’armée, les engage
ments seront dorénavant accueillis dans
chaque arme jusqu’à concurrence de l’effec
tif global obtenu en totalisant les effectifs
réglementaires de tous les corps de la même
arme stationnés sur les territoires de la ré
gion.
» En outre, le ministre fait connaître que
jusqu’au vote du projet de trois ans, les ap
pelas actuellement sous les drapeaux satis
faisant aux conditions voulues doivent être
admis dans les formes ordinaires aux renga
ges d’un an jusqu’à concurrence du chiffre
déterminé par la loi du 21 mars 1905. »
Le ministère Barthou est constitué. En
attendant qu’il nous soit possible d’appré
cier et de commenter la Déclaration qu’il
fera, mardi prochain, aux deux Chambres,
il importe de noter dès aujourd’hui que le
président du Conseil a tenu à conserver au
près de lui M. Etienne et M. Baudin, dont
l’un reste au ministère de la guerre et l’au
tre au ministère de la marine.
. Ainsi, au milieu de préoccupations exté
rieures qui n'ont guère perdu de leur acui
té, la défense nationale, la continuation des
études entreprises à cet effet, l’accomplis
sement méthodique des projets arrêtés, en
fin la loi de trois ans, restent le principal
souci du nouveau ministère.
C’est là une certitude qui sera très favo
rablement accueillie dans tout le pays.
S’étant déclaré « irréductible » sur le
rétablissement du service de trois ans, M.
Barthou s'est prononcé pour la représenta
tion des minorités. Mais par quel moyen ?
Nous l’ignorons encore, et nous n’aperce
vons pas du tout comment il sera possible
d’arriver à cette représentation sans le quo
tient.
Nous connaissons les déclarations d’allu
re conciliante des majoritaires. Jeudi, le
Radical écrivait : « Nous ne demandons pas
aux républicains proportionnalistes l’abdi
cation que nous ne consentirions pas de
notre côté. Le nouveau ministère doit être
largement transactionnel. Le principe ma
joritaire étant admis, nous sommes prêts —
et tous nos amis avec nous — à assurer aux
minorités la plus large part ». Fort bien
parlé, sans doute, mais le moindre grain
de mil, ou plutôt la moindre indication
sur la façon d’« assurer aux minorités la
plus large part » ferait bien mieux l’affaire
des proportionnalistes.
La ferme volonté de,M. Barthou de faire
voter la loi de trois ans et le vague où se
trouve encore la solution qu’il prépare de
la question électorale font que les apprécia
tions, généralement très favorables en ce
qui concerne la loi militaire, comportent
cependant quelques réserves dans certains
journaux radicaux-socialistes — et que,
naturellement, les proportionnalistes res
tent dans une expectative bienveillante.
Quelques extraits des journaux d’hier
soulignent cet état de l’opinion :
Le Figaro félicite M. Barthou d’avoir
réussi à former un ministère en une seule
journée. « Il se rendait compte,dit-il, de la
gravité de la situation et savait l’urgence
qu’il y avait à présenter sur l’heure, à
l’étranger, un Cabinet avec lequel on puisse
défendre les intérêts de la France et discu
ter les intérêts de l’Europe. En cela nous
le félicitons. » Mais, s’il voit aussi avec sa
tisfaction le maintien de MM. Etienne et
Baudin à la guerre et à la marine, s’il es
time que « la prudence et la compétence de
M. Pichon sont une garantie de paix que le
pays appréciera tout particulièrement »,
s’il voit avec plaisir l’arrivée de M. Thierry
au ministère des travaux publics, le Figaro
regrette que M. Klotz, nommé à l’intérieur,
ait abandonné les finances « qu’il avait ad
mirablement dirigées et où il avait conquis
De la Petite République,
Devant l'opposition violente du Sénat à la
représentation des minorités, après le der
nier vote de la Chambre, où quelques pro
portionnalistes firent preuve d’une foi si
chancelante, M. Barthou ne pouvait vrai
ment espérer aboutir là où M. Briand avait
échoué...
Quoi qu’il en soit, mieux vaut cette solu
tion qu’un conflit brutal, et nous approu
vons d’autant mieux M. Barthou de l’avoir
acceptée qu’il n’avait pas l’embarras du
choix
Nous travaillerons tous du même cœur à
ramener le calme dans le parti républicain,
en souhaitant qu’il ne se trouve pas, une
fois de plus, désuni sur la question primor
diale de la loi de trois ans dont M. Etienne
est, en bonne justice, chargé de poursuivre
la réalisation.
Le Radical, en ce qui concerne la loi de
trois ans, ne veut passe montrer aussi caté
gorique que M. Barthou, et, pour ce qui est
de la représentation des minorités, il s’ex
prime en ces termes :
... Le mot ne nous effraie pas. Mais quel
le sera la chose ? Sera-ce le quotient ? Il im
porte de préciser, car l’heure n’est plus à un
accord provisoire sur des mots vagues que
chacun interprète à sa guise. Il faut, pour
aboutir enfin, s’entendre sur des réalités.
Aujourd’hui comme hier, nous ne sommes
pas intransigeants, et nous voudrions aider
le nouveau cab net à hâter le vote d'une ré
forme transactionnelle acceptable pour tous
les républicains. Mais nous savons qu’aucun
de nos amis, pas plus que nous-mêmes,
n’abandonnera le principe majoritaire voté
par le Sénat, consacré par la Chambre.
En tous cas, le vote de jeudi a déterminé
une majorité de gouvernement. Nous ver
rons, par les déclarations du cabinet et sur
tout par ses actes, s’il sera le gouvernement
de cette majorité.
Ainsi donc, malgré que le nouveau minis
tère soit, par moitié, composé de ses amis, le
Radical, organe du parti radical et radical-
socialiste n’est pas complètement satisfait.
D’autre part, pour mieux souligner cer
taines réserves, le Comité exécutif, réuni
afin d’examiner la situation politique, a
communiqué, vendredi soir, à M. Charles
Dumont, une note récapitulative de ses or
dres du jour antérieurement votés et concer
nant : la réforme électorale, les lois mili
taires, les lois de défense laïque, la réfor
me Ascale.
Et cette communication avait tout à fait
l’allure d’use note de rappel.
Th. Vallée.
LA GUERRE D'ORIENT
la confiance unanime du
conclut :
il serait injuste de juger
revenants ou ces nouveaux
public. » Et il
sur l’heure ces
venus qui ap-
’ LA MORT DU ROI DE GRÈCE
. Le ministre de la marine vient de donner
l’ordre au cuirassé Bruit, qui stationne dans
les Dardanelles, de se préparer à escorter le
yacht transportant les restes du roi Georges.
SAINT-PÉTERSBOURG. — Le grand-duc Dimi-
tri Constantinovitch représentera le tsar aux
funérailles du roi Georges.
Athènes, 22 mars.— Les funérailles du roi
Georges ont été definitivement fixées au di-
manche 30 mars.
Le corps du roi sera exposé à la cathédrale
d’Athènes.
Le duc de Teck représentera le roi d’An
gleterre aux funérailles.
LES DIRIGEABLES MILITAIRES
ALLEMANDS
•Strasbourg. — On annonce que le nou
veau dirigeable Zeppelin-IV destiné à la sta
tion militaire de Metz fera la semaine pro
chaine au-dessus du lac de Constance des
Essais de tir à des hauteurs de mille et quinze
cents mètres.
Grâce à un dispositif spécial, il pourra lan
cer douze bombes à la fois.
Le Zeppelin-LV sera le plus rapide dirigea
ble du Monde entier ; il donnera une vitesse
de 90 kilomètres à l’heure.
LES MANIFESTATIONS PACIFISTES A
MULHOUSE
Mulhouse. — La prochaine manifestation
prganisee à Mulhouse par les socialistes et
les progressistes contre l’augmentation des
armements est fixee an 30 mars courant.
ortent en tout cas beaucoup de bonne vo-
onté, d’intrépidité et de bonne foi, en
acceptant de collaborer, pour un temps for
cément limité, sous la présidence d’un
homme de haute intelligence et de véritable
éloquence, à une œuvre de réorganisation,
de reforme et d’apaisement, que la situa
tion européenne rend singulièrement an
goissante...
La République Française dit :
M. Barthou a assez de vaillance et assez de
talent pour aborder les grands rôles. Nous
souhaitons que l’ambition lui vienne de se
hausser, par son courage et son désintéres-
sement, au rang des hommes d’Etat qui,
dédaignant les intrigues du Palais-Bourbon,
ne perdent jamais de vue les intérêts de la
patrie.
L‘ Evénement :
Entre les deux Assemblées, le ministère
va rechercher un terrain d’entente. S’il y
parvient, il peut, en évitant un conflit grave,
admirablement servir la République.
Sa tâche est difficile et délicate. Les répu
blicains ne voudront pas la lui compliquer :
ils suivront le ministère dans l’œuvre de
conciliation qu'il veut entreprendre.
La Lanterne rend hommage à la sincérité
de M. Barthou et dit qu’en prenant, avec
la présidence du Conseil, le ministère de
l’instruction publique, le chef du gouver
nement a voulu apporter le gage de son dé
vouement à l’école laïque. « Ce choix mar
que pour nous la ferme volonté de faire
aboutir, dans le plus bref délai, les projets
de défense laïque, et les républicains lui
sauront gré de cette détermination signifi
cative ».
Mais notre confrère formule ensuite cette
réserve en ce qui concerne l’entrée de AL
Thierry dans le ministère :
.. . C’est avec un certain étonnement, dit-
il, que nous voyons pour la première fois
depuis plus de dix ans, un progressiste ap
pelé à siéger dans les conseils du gouverne
ment. il y a là un fait nouveau dont la gra
vité ne saurait échapper à ceux qui suivent
d’un œil vigilant l'évolution politique de ces
dernières années. -
Une seconde démarche autrichienne
à Cettigné
Vienne, 22 mars.
Le chargé d’affaires austro-hongrois à Cet-
tigné a déjà remis la seconde demande pré
sentée par son gouvernement, insistant sur
une réponse satisfaisante au sujet des inci
dents de Diakova.
L’Autriche demande une démarche
collective à Belgrade et à Cettigné
* Londres, 22 mars.
L’Autriche, disposée à céder sur la ques
tion de Diakova, demanderait que la Russie
voulût bien se joindre aux puissances pour
faire à Belgrade et à Cettigné une démarche
collective, dans laquelle les puissances in
sisteraient pour qu’on laissât sortir de Scu-
tari les non-combattants et feraient savoir en
même temps que le sort de Scutari a été fina
lement régié et que cette ville restera alba
naise.
On ignore encore la réponse russe.
La reunion des ambassadeurs qui devait
avoir lieu la semaine prochaine, a lieu au
jourd’hui au Foreign office.
Les défenseurs de Janina
Athènes, 22 mars.
Essad pacha, son frère Vehib bey et l’état-
major ottoman ont quitté aujourd’hui Janina
pour la résidence qui leur a été assignée
comme lieu de captivité.
L’Autriche et le Monténégro
L’impression à Vienne
Vienne, 22 mars.
La réponse négative du Monténégro aux
demandes formulées par le gouvernement
de Vienne, a suscité ici un vif mécontente
ment.
L’Autriche-Hongrie a aussitôt entrepris
une nouvelle démarche, dont on ne précise
point le caractère, mais il ne semble pas
qu’il soit question d’un ultimatum.
L’attitude de l’Italie continue à faire l'ob
jet de maints commentaires. Il faut observer
pourtant que, ce matin, le ton des jour
naux est moins violent, sauf dans la Reichs-
post, qui poursuit avec ardeur sa campagne
belliqueuse.
La Zeit, dans un article très remarquable,
compare la conduite du Monténégro dans la
présente crise à celle de la Serbie dans l’af
faire Prochaska. « La Serbie, dit-elle, a con
senti à l’envoi d’un commissaire autrichien
chargé de conduire l’enquête ; le Monténé
gro s’y refuse. Or, depuis dix ans nous
avions constamment maltraité les Serbes,
nous les avions affames par une politique
commerciale qui, d’ailleurs, nuisait grande
ment à nos propres intérêts. Au contraire,
nous avons favorisé le Monténégro politi
quement et économiquement de la manière
la plus évidente. Nous lui prodiguions les
caresses pour exaspérer la Serbie. Cette ha
bile politique porte ses fruits. »
Cettigné, 22 mars.
Le gouvernement monténégrin se déclare
prêt à donner satisfaction à l’Autriche en ce
qui concerne le bateau saisi à Saint-Jean-de-
Medua. Les coupables seront punis.
De même le gouvernement s’engagé à faire
ses efforts pour que le bombardement de
Scutari soit dirigé exclusivement sur les
forts, de façon à épargner, autant que pos
sible la ville.
Par contre, il n’a pas fait connaître en
core sa réponse au sujet de l’enquête qui de
vrait être faite par un consul autrichien au
sujet de la mort d’un religieux à Diakovo.
w
-
Photo Fetit a^vre
Cliché Petit Havre
L’ABATAGE D’UN CHEVAL A L’AIDE DU MASQUE BRUNEAU
Il fut pourtant un temps où bœufs, mou
tons et veaux, une fois par an, jouaient un
rôle de théâtre.
Avant de connaître le sort obscur du four
ou de la casserole, l’ingéniosité des hommes
les élevait aux honneurs de la mise en
scène.
Le décor traditionnel les attendait. Aux
regards curieux du passant, dans le magasin
transformé en salle d’exposition, de larges
poitrines s’ouvraient comme des temples où
les côtes dessinaient des arceaux. Pareilles à
des rideaux de dentelles, de minces et
fragiles membranes étoilées de points grais
seux pendaient au-dessus des corps qu’elles
paraient.
Des fleurs de papier couraient sur les ro
tondités des flancs, évocatrices de la verdure
des herbages défunts, et les gigots d’agneaux
nichaient ta douceur de leurs roses ingénus
en des papiers gaufrés.aux festons ajourés...
La viande qui s’était reposée pendant près
de quatre longs jours faisait tout à coup
une rentrée sensationnelle en s’offrant dans
la majesté de l’apotheose. Le décor procla
mait aux foules le rèsne triomphant de la
boucherie dans un débordement de chairs
décorées.
Uae alignée de moutons dessinait la cor
niche de la boutique, les dos polis se ren
voyaient des reflets de lumière, mais il y
avait surtout des quartiers de bœuf aux so
lennités impressionnantes, des quartiers de
bœuf qui représentaient à eux seuls tout
une façade rehaussée de fleurs artificielles.
Parfois aussi, le décor s’agrémentait de fan
taisie, et c’était généralement le veau qui
venait lui prêter une note bouffonne...
Innoceat petit veau, je te vois encore dans
ton bassin, le museau en l’air, la langue à
demi tiree. Un tube en caoutchouc fait tout
ce qu’il peut pour se dissimuler sous la ver
dure, il entre on ne sait comment par une
oreille et il ressort par la bouche, calé par
les dents blanches... Et de ce tube jaillit un
jet d’eau... Innocent petit veau, espoir des
vinaigrettes, quel rôle étrange t’a-t-on fait
jouer sous l’œil de tes parents peut-être !..
Mais non. j'y songe, tes parents ont laissé
leur tête ailleurs...
* *
Ces expositions sanguinolentes de la Se
maine-Sainte ont passe de mode. La bouche-
rie havraise n’en fait plus ou presque plus.
Celles de MM. Feuillasse, Renouf, Romain,
quelques autres peut-être demeurent excep
tionnelles. J’en ai demandé la raison.
Cela tient surtout à ce que la viande grasse
se vend beaucoup moins chez nous. La clien
tèle manifeste ses préférences pour la vian
de maigre. L’armée elle-même dédaigne le
gras.
De là la nécessité de tuer des bêtes géné
ralement plus jeunes, de qualité souvent
moins savoureuse, mais chez lesquelles le
tissu adipeux est réduit. Question de goût et
de mode, qui a eu pour conséquence indi
recte de faire supprimer,à l’étal du boucher,
les apothéoses de la veille de Pâques.
Ceite semaine de jeûne n’en est pas moins
la grande semaine de tuerie. Le massacre,
commencé dès l’aube, se continue jusqu’à
la tombée de la nuit. D’un bout à l’autre des
abattoirs, devant les ha dettes où les masses
habilement maniees écrasent les crânes, où
les lames aiguisées disparaissent entières
dans les chairs tièdes, c’est comme une lon
gue traînée de sang vermeil que l’air brûle
et noircit. '
Les échaudoirs ont ouvert leurs portes à
deux battants. Dans la pénombre des lo-
gettes, des garçons aux bras nus remuent et
triturent des tas de choses flasques.
Verdâtres, elles glissent, s’étendent, s'al
longent sur l’asphalte : panses gonfle.es, in
testins roulés en pelote, amas de peaux hu
mides que surmonte le croissant des cornes.
Des petits bonhommes pas plus hauts que
ça, des enfants presque, cassent en courant
parmi ces chairs qui viennent de mourir ;
ils brandissent en rint des têtes tranchées ;
ils sifflotent, indifférents, déjà assouplis au
rude apprentissage, dans l'odeur fade de
sang chaud qui monte des pavés.
Je m’étais arrêté devant un pavillon d’a-
battage. Les bouchers avaient amené un
bœuf que l’on se disposait à tuer. L’extré
mité d’une corde enroulee en huit autour
des cornes fut passée dans un anneau scellé
au sol. D’une traction subite et vigoureuse,
un aide amena le mufle de la bête contre le
dallage.
— Allons-y !
L’homme remonta les manches de sa che
mise, s’arma d’un marteau à long manche,
puis calcula son coup d’un regard.
La masse tournova dans l’air. Lancée avec
une violence terrible, elle vint atteindre
l’animal en plein front, entre les yeux. Il y
eut un craquement sec d'os broyés. Le bœuf
s’affala, la langue pendante, tes yeux sortis
de l’orbite, les pattes détendues dans une
dernière convulsion. Un deuxième coup lui
arracha son dernier souffle.
Preste, le boucher avait saisi son couteau.
A demi renversé sur le cadavre, il l’avait
plongé dans la gorge d’une main assurée.
Les doigts enfouis dans la plaie béante cher
chaient l’artère.
— Amenez les plats !
Et tout à coup, un jet, un jet énorme, un jet
de sang écarlate jaillit en bouillonnant de la
blessure, inonda les récipients... Un aide
monta sur la bête, la pressa, fit sous son
poids sortir lés dernières gouttes.
Tout en s'épongeant avec une serviette,
l’homme me dit :
— Le coup de masse, tout oot l&. un peu
d habitude, de l’assurance, des bras solides :
voilà plus qu’il n’en faut pour travailler
proprement. Il y a le masque, je le sais.
Que voulez-vous ? Tous ceux qui l’ont es
sayé ont fini par l’abandonner. On ne te
trouve plus aujourd’hui aux Abattoirs qu’à
l’abatage des chevaux... A la rigueur, par
lez-moi plutôt du merlin anglais. »
Ce merlin anglais est une sorte de masse
en fer, pesant deux kilogrammes, emman
chée à l’extrémité d’un manche. Disposée
d’un côté sous forme d’emporte-pièce, la
masse se termine, à l’extrémité opposée, par
un crochet.
L’animal à abattre étant maintenu par une
corde, la tête moins basse que pour l’as-
sommade ordinaire — on dit « assommage »
en terme de boucherie, probablement pour
taquiner la langue française — le boucher
doit d’un seul coup, fortement et adroite
ment porté, enfoncer l’emporte-pièce, soit
au milieu du front, soit dans la nuque, à
égale distance des cornes.
L’animal frappé tombe comme foudroyé ;
ses derniers mouvements sont ensuite
anéantis à l’aide d’une baguette en osier
flexible introduite dans le trou pratiqué
dans la tête et dirigée de façon à suivre l’axe
de la moelle épinière.
Il est incontestable qu'entre des mains ex
périmentées l’emploi du merlin anglais
constitue un mode d’abatage très expéditif
qui, partant, abrège les souffrances.
* *
Déjà l’homme aux mains sanglantes était
passe à un autre genre d’exercices.
Un veau mort venait d’être étendu sur des
claies et ses flancs gonfles par l’air intro
duit à grands coups de soufflet, entre cuir et
chair, résonnait sous la batte avec un bruit
de caisse. On se prenait à songer à ces bal
lons grotesques qu'on lance dans les foires.
Le boucher, d’un tour de main, détacha la
tête, puis il traça des lignes,ouvrit le ventre,
enleva la peau, le débarrassa successivement
de l’intestin, de l’estomac, du foie, du fiel
qui furent d’un geste envoyés dans un coin
et s'aplatirent sur les dalles en tremblot-
tant comme des paquets de gélatine.
Le gros travail terminé, le couteau s’attar
da à présenter les choses avec coquetterie ;
la lame s’ingénia à dessiner sur la viande
des petits sillons réguliers, des dentelures,
à relever et à maintenir par des épingles en
bois des amas de graisse, à donner un peu
de « chic à l’habillage », enfin.
L’insufflation dont je viens de parler ne
se pratique pas toujours ni partout. Les
bouchers l’emploient particulièrement pour
les bêtes maigres ou de qualité inférieure.
C’est une opération dont les plus grands
avantages sont de prêter de l’apparence à
la viande qui en manque ; d’augmenter le
volume de certaines parties par nature peu
saillantes, de muscles peu couverts ; de fa
ciliter le travail de débit de viandes qui,
par elles-mêmes, manquent de consistance
et de donner aux chairs un ton d’un rouge
vif, conséquence probable de l’oxydation.
On invoque encore, en faveur de cette
pratique, la dessication, le nettoyage de la
viande par le rejet en dehors des liquides,
sang et sérosités, qui gorgent les tissus et
dont la présence nuirait à la conservation.
Ces observations paraissent fondées. Mais
l’insufflation est aussi capable de favoriser
la décomposition des viandes en facilitant la
déchirure des cloisons cellulaires et la péné
tration générale des tissus par l’air chargé
des germes fermentescibles. Tel était l'avis
de Pasteur. Des expériences faites à Paris
ont mis ce point hors de doute ; une preuve
nouvelle du mauvais effet de ce procédé
est fournie par la boucherie anglaise qui
s’abstient généralement de souffler les vian
des destinées à voyager.
On sait que la loi juive interdit aux israé-
iites non seulement de se nourrir de sang,
mais encore de manger des animaux qui
n auraient pas été saignés à blanc.
Cette interdiction, qui paraît être basée sur
un préjugé très répandu dans l’antiquité
orientale et par lequel le sang n'est pas seu.
ement le principe de la vie, mais la vie elle-
meme, le siège de l ame, cette interdiction a
- souvent amené les Israélites à avoir dans les
Abattoirs un endroit spécial et des employés
qui doivent remplir toutes les formalités reli
gieuses et légales.
Au Havre, ils se bornent à avoir un bon-
cher attitré dans l’abattoir duquel le sacrifi
cateur vient en personne plusieurs fois par
semaine égorger les animaux.
La bête étant couchée, les quatre membres
réunis par des cordages, le cou fortement
tendu, le sacrificateur tranche la gorge avec
un damas à manche très court, à lame lon
gue arrondie à son extrémité. De la plaie,
le sang s’échappe avec force, lancé à un
mètre et plus en avant ; la lame sectionne
toutes les parties molles, mais l’opérateur
doit éviter d’atteindre les vertèbres, car la
viande serait impure.
Ce spectacle, pénible somme toute, s’ac
compagne d’un violent bruit de souffle : l’air
pénètre par l’orifice béant de la trachée pen
dant les derniers mouvements respiratoires.
Les Indous procèdent à peu près de la même
façon en compliquant encore le rite du sa
crifice par des prosternations mystiques.lt
est même curieux de retrouver aux Abat
toirs les origines les plus anciennes de la
croyance Israélite dans la pratique asiatique.
Ceux qui ont assisté à l’égorgement par le
sacrificateur exotique — c’est un fait qui se
produit parfois au Havre, car tout navire an
glais ayant un équipage indien a générale
ment un sacrificateur à bord — n’ont pas
été sans remarquer ces singulières coïnci
dences.
On ne peut nier qu’au point de vue de la
qualité nutritive de la viande, la pratique
de l’ « assommage » est préférable à l’égor
gement, en raison de la quantité de sang
relativement plus considérable dont la
viande reste pénétrée. Il faut reconnaî
tre aussi que, pendant l’été, la viande d’un
animal tué suivant le mode juif, se con
serve plus longtemps que celle provenant
d’un bœuf assommé.
. Ce n’est pas ici le lieu d'examiner lesmo-
tifs religieux, à coup sûr très respectables»
en vertu desquels les Juifs préfèrent regor
gement à l’ « assommage » ; seulement, on
peut dire que, eu égard à la souffrance, le
premier de ces moyens est incontestable
ment plus barbare que le second...
s
* *
L’ « animal roi », le « cher ange » de Mon-
selet demeure, lui, bien à l’abri du damas.
Le coup de maillet le surprend traîtreuse
ment à la descente de la carriole. Un gro
gnement sourd, un coup de fine lame, et
la saignée remplit les jattes.
De l’autre côté du mur, les hautes gerbes
de flammes làchant lac cadavres alignés sur
la dure. L’«ammal roi» sort de là affreux,
jauni, bruni, noirci, tacheté, avec une bi
zarre robe de léopard qu’on ignore dans les
régions du Sud-Ouest de la France,-où l’on
remplace généralement la «brûlée» des
poils par un sérieux raclage à l’eau bouil
lante.
Il retrouve un aspect plus favorable dans
le local voisin : les grattoirs font apparaître
la chair blanche sous la couche carbonisée
et le lavage lui redonne par places les belles
teintes roses.
Mais il reste «roi» jusqu’au bout et sort
cadavre de la Maison de mort à peu près
aussi complet qu’à l’état vivant,
Bœufs, veaux, moutons, chevaux et ânes
laissent à l’abattoir leur sang, leur peau,
leurs intestins. Des industriels viendront
qui extraieront de cela de la fibrine, ou fe
ront du cuir ou des engrais ; d’autres ex
pédieront en Allemagne des boyaux salés
dont on fera de la saucissonnerie —le Havre
en reçoit en transit qui arrivent même de
Syrie I L’ « animal roi » se livre presque
tout entier aux destinées gastronomiques.
J’ai suivi le sang chez le fabricant d’en
grais, qui l’associe au sulfate de fer et fait
des caillots une pâte étrange; j’ai suivi les
intestins chez les boyandières, ou l’on con
fectionne à coups de râclages et de lavage à
grande eau des « robes » à saucisses et à
andouilles ; j’ai retrouvé l’estomac des ru
minants dans la cave d’eau chaude du tri-
pier, où les panses voisinent avec les pieds
de veau...
Le porc, presque entier, était déjà parti
dans les coulisses du charcutier l
Qu’il soit pâté, boudin ou jambon, qu’il
soit ferme ou hiché menu, c’est toujours lui
qui triomphe, le plus méprisé et le plus pré
cieux « rescapé » de l’arche de Noê, celui qui
vient de reparaître à l’étalage après la
courte éclipse du Vendredi-Saint, paré de
persil et de feuilles de laurier, de ce même
laurier symbolique dont on ceignait le front
des Césars 1
ALBERT-HERRENSCHMIDT.
Les nouveaux Ministres à Ulysse
M. Barthou a présenté hier matin, à 9 heu
res et demie, ses collègues au président de
la République qui a signé les décrets consa
crant leur nomination. Ces decrets paraî
tront aujourd’hui au Journal Officiel.
M. Barthou a dit qu’il avait tenu, en cons
tituant son cabinet, à faire vite et bien. Il a
fait vite ; l’avenir nous dira s’il a fait bien.
M. Barthou a ajouté que le nouveau mi
nistère était un ministère d'union républi
caine. Il a affirmé les sentiments de respec
tueuse sympathie de tous ses membres pour
la personne du chef de l’Etat et leur entier
dévouement à la République.
M. Poincaré a remercié M. Barthou des
sentiments qu’il venait d’exprimer et a as
suré le cabinet de sa confiance et de sa sym
pathie.
En sortant de l’Elysée, les ministres sont
allés rendre visite à M. Briand au ministère
de l’intérieur.
Dans les Ministères
M. Louis Barthou a passé une partie de la
matinée au ministère de la justice.
A son retour de l’Elysée et du ministère
de l’intérieur, le nouveau président du Con-
seil s’est rendu à 11 heures au ministère de
l’instruction publique où M. Steeg lui a fait
la remise des services. Puis il est allé au mi
nistère de l’agriculture où il a vu M. Fer
nand David.
MM. Louis Barthou et Pichon sont allés
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