Titre : Le Petit Havre : organe républicain, démocratique, socialiste ["puis" organe républicain démocratique "puis" bulletin d'informations locales]
Éditeur : [s.n.] (Havre)
Date d'édition : 1913-01-05
Contributeur : Fénoux, Hippolyte (1842-1913). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32836500g
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 05 janvier 1913 05 janvier 1913
Description : 1913/01/05 (A33,N14498). 1913/01/05 (A33,N14498).
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t526378470
Source : Bibliothèque municipale du Havre, PJ5
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 02/04/2023
, B"Ane—“1908.(S IIIIII 111 2 age s)5 Cent i mes — EDTTION DU M ATIN —5 Centimes ( S Pages) Dimanche 5 Janvier 4013
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Le Petit Havre
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S L’AGENCE HAVAS, 8, place de la Bourse, est
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ORGANE REPUBLICAIN DÉMOCRATIQUE
Le PETIT HAVRE est désigné pour les Annonces judiciaires et légales
En Vente
Paris, trois heures matin
DEPECHES COMMERCIALES
NEW-YORK, 4 JANVIER
Cotons : janvier, hausse 6 points ; mars,
baissé 1 point ; mai, inchangé ; juillet,
baisse 1 point.
Cafés : baisse 1 à 7 points.
NEW-YORK, 4 JANVIER
E — ■ ■ ■ :
Cuivre Standard disp.
— mars
Amalgamat. Cop...
C. Bu ion
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I. PRECEDENT
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CHICAGO, 4 JANVIER
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» —
LA GUERRE D’ORIENT
La Conférence de la Paiz
• Londres. — A la surprise générale, la con-
térence de la paix n'a pas eu lieu hier après-
midi.
Les délégués balkaniques étaient réunis
depuis trois heures et demie au Palais St-Ja-
mes lorsque vers quatre heures, on leur an
nonça que la conférence n’aurait pas lieu.
Immédiatement, on supposa que certaines
interventions extérieures avaient eu lieu et
l’on faisait allusion à une visite qu’aurait
laite dans la matinée A Sir Edward Grey un
délégué ottoman.
Les délégués ottomans, cependant, démen
tent cette visite et assurent que jusqu’à pré
sent rien ne s’est produit.
Mais d’autre part, on affirme que sir Ed
ward Grey a reçu la visite de Tewfik Pacha.
Il n’y a plus aucun doute que le délai
ainsi demandé ait pour but de permettre à
certaines interventions européennes de se
produire avant la rupture.
Les délégués ottomans affirment catégori
quement n’avoir plus à donner de nouvelles
instructions et les délégués balkaniques s’en
tenant à leurs demandes relatives à Andrino-
pie et à la mer Egée, on a l’impression que
ni l’un ni l’autre ne céderont, mais que ce
pendant la Turquie s’inclinera devant le fait
accompli si les puissances l’y invitent avec
'fermeté.
Réunion du Conseil des Ministres Turcs
Constantinople. — Envoyé spécial d'Havas.
— A l’issue du Conseil des ministres, l’or
dre a été donné à Rechid pacha de rejeter
‘ultimatum des alliés et d’insister pour con
server Andrinople et les îles de la mer Egée.
Kiamil pacha, qui était indisposé, a quitté
le Conseil des ministres de bonne heure.
Son départ a donné lieu à des bruits d’une
crise ministérielle qu’une note officielle a
démentis.
Le prochain Conseil se réunira demain, au
domicile de Kiamil pacha.
On considère comme imminente la rup
ture des négociations.
Les Alliés veulent une repense ferme à leur
ultimatum
Londres. — Les délégués balkaniques ont
fait connaître officiellement que quelles que
soient les propositions que la Turquie puisse
faire lundi, si ces propositions ne répondent
pas à l’intégralité des demandes contenues
dans leur ultimatum, les alliés rompront
immédiatement toutes les négociations.
En conformité des conditions de l’armis-
lice, quatre jours plus tard, à partir de sept
heures du soir, les hostilités recommence
ront, sur toute la ligne.
La suggestion que la Turquie pourrait faire
d’en référer aux puissances est une affaire
qui regarde la Turquie seule et à laquelle
les alliés n’ont rien à voir.
Tout ce que les alliés attendent de la Tur
quie et insistent pour avoir d’elle, c’est une
réponse par oui ou par non aux conditions
qu’ils ont formulées.
A Londres on croît à une intervention des
Puissances
Londres. — Dans les cercles bien infor
més on ne croit pas à la reprise des hosti
lités.
L’impression est que les puissances doivent
intervenir et vont intervenir pour amener
une solution
ne solution pacifique.
Un des délégués balkaniques disait hier
que les puissances avaient moralement
l’obligation d’agir, étant donnée la modéra
tion manifestée par les alliés après la défaite
des Turcs à Lule Bourgas qui leur ouvrait
cependant la route de Contantinople, ce dont
ils ne profitèrent pas afin de ne pas léser les
intérêts des puissances
Le plus fort Tirage des Journaux de la Région
Réunion des Ministres bulgares
Sofia. — A la fin de la matinée s’est tenu
un Conseil des ministres, au cours duquel
ont été discutées les négociations de Londres
et la question des revendications roumaines.
Les milieux officiels observent le silence au
sujet des décisions qui ont été prises, toute
fois on a très généralement l’impression
qu’on a envisagé en tous cas la possibilité de
la continuation de la guerre.
Les Hostilités gréco-turques
Athènes. — L'Hestia annonce que dans la
matinée quatre navires turcs accompagnés
de quatre torpilleurs sont sortis des Darda
nelles.
La flotte grecque étant apparue, une ca
nonnade fut échangée, après quoi la flotte
turque rentra dans les Dardanelles.
A Constantinople
CONSTANTINOPLE.— La police recherche les
membres d’une Société secrète qui assure-t-
on, préparent des attentats.
La Porte a envoyé une circulaire aux am
bassadeurs ottomans à l’étranger, les char
geant de faire savoir aux puissances que la
Turquie a fait tous les sacrifices possibles
pour maintenir la paix et qu’elle repousse
les responsabilités de la reprise éventuelle
des hostilités.
Les démocrates ont fait hier une manifes
tation dans le quartier de Sirkedfi à Stam
boul.
La police a dispersé les manifestants dont
plusieurs ont été arrêtés.
Volontaires Grecs
Marseille. — Le paquebot ispahan, des
Messageries Maritimes, est parti hier après-
midi à 4 heures, pour le Pirée, ayant à bord
environ cinq cents réservistes volontaires
grecs arrivés d’Amérique, via Le Havre, et
se rendant en Grèce pour s’enrôler dans l’ar
mée hellénique.
DANS LA LÉGION-D'HONNEUR
La promotion faite dans la Légion-d'Hon-
neur par le ministère de l’intérieur ne pa
raîtra qu'après le 17 janvier.
On cite, parmi les nouveaux comman
deurs : MM. Hennion, directeur de la sûreté
générale, et Ogier, directeur du contrôle au
ministère de l’intérieur.
MESURES DE CLEMENCE
À l’occasion du 1er janvier, le président de
la République a accordé des grâces ou ré
ductions de peine à six cents condamnés
par des conseils de guerre de l’armée de
terre.
1 - -s
L’ACHÈVEMENT DU
BOULEVARD HAUSSMANN
Le Conseil municipal de Paris a voté le
projet relata à l'achèvement du boulevard
Haussmann.
LE CRIME DU FERREUX
M. Guichard, chef de la Sûreté, s’est rendu
hier après-midi à Gentilly pour perquisition
ner dans le bureau attenant à l’usine de Pi-
rou, dans lequel l’inculpé a prétendu s’être
rendu samedi dernier, vers 7 heures.
Le magistrat a constaté que les meubles
étaient moisis et que les chaises étaient cou
vertes d’une épaisse couche de poussière. La
porte d’entrée avait été déscellée tout ré
cemment.
Des voisins ont déclaré que cette porte
était fermée depuis quatre ans, mais qu’elle
avait été ouverte dimanche, le lendemain du
crime.
UN BALLON FRANÇAIS EN ALLEMAGNE
Berlin. — Les journaux annoncent qu’un
ballon français parti de Paris, a atterri hier
à Herchsbach, près de Coblentz.
Les journaux prétendent que les aéronau-
tes sont des officiers.
NAUFRAGE D’UN VAPEUR ALLEMAND
NEWPORT. — Hier soir, le vapeur allemand
Luckenbach a fait naufrage dans la baie de
Chesapeake.
Il y a 24 morts dont le patron et sa femme.
Huit hommes qui s’étaient cramponnés à
des vergues et qui étaient restés pendant six
heures à la merci de la tempête, ont été re
cueillis.
Leurs camarades, saisis par le froid,avaient
lâché prise un à un et s’étaient noyés.
GRAVE EXPLOSION A BORD
D’UN VAPEUR
Cerbère. — La chaudière du vapeur espa
gnol Millan, qui naviguait sur les côtes mé
diterranéennes, au large de Puerto-de-Santa-
Maria, ayant fait explosion, un mécanicien a
été tué et trois matelots grièvement bles
sés.
Un officier que la violence de l’explosion a
précipité à la mer, a disparu.
Le vapeur s’est échoué à la côte.
--- -bem mx
UN VOL DE 65,000 FRANCS
Une enquête a été ouverte relativement à
un vol de 65,000 trancs dont un encaisseur
d’une grande maison d’automobiles de Pu
teaux aurait été victime de la part de deux
individus qui l’auraient invité à prendre une
consommation dans un café de la place
Glichy,
CRISE MINISTÉRIELLE AU PORTUGAL
LISBONNE. — Le président du conseil des
ministres a présenté au président de la Ré
publique la démission du cabinet qui a été
acceptée.
M. de Arriago a chargé M. Almeida, chef
des évolutionnistes, de former le nouveau
ministère.
M. Almeida a commencé immédiatement
ses démarches auprès des unionnistes et des
indépendants.
ON TROUVE
LE PETIT HAVRE à Paris
à la HIHRRIRIE ITERMATIONALE
108, rue Saint-Lazare, 108
(immeuble de THOTEL TERMINUS)
La Question d’Orient
La Conférence
de
Londres
La situation paraissait.
vendredi, des
plus critiques et laissait prévoir une rup
ture imminente des négociations. Cette
rupture cependant ne s’est pas produite.
Non pas que les délégués ottomans aient
rien cédé en ce qui concerne les conditions
de la paix proposées par les alliés et qui
sont : le désintéressement de la Sublime
Porte en ce qui regarde la Crète ; la ces
sion des îles de la mer Egée ; l’abandon
d’Andrinople. Mais une attitude plus conci
liante, au moins dans la forme, a succédé à
l’intransigeance qu’ils avaient manifestée la
veille, et, samedi l’après-midi, ils ont de
mandé de surseoir à toute discussion, espé
rant qu’ils auront reçu lundi des instruc
tions nouvelles. Il faut souhaiter que, cette
fois, ces intractions leur seront données de
façon claire et précise et qu’ils ne se retrou
veront plus dans la singulière posture où
on les vit naguère, lorsqu’ils durent avouer,
certain jour, qu’il leur était impossible de
déchiffrer la dépêche diplomatique reçue
de Constantinople.
Mais tous ces procédés dilatoires sont-ils
bien habiles ? Et n’est-il pas à craindre que
les alliés ne se montrent d’autant plus ri
goureux que les Turcs auront voulu tem
poriser davantage ?
Quoi qu’il en soit, et s’il est assez diffi
cile de prévoir l’issue de la journée de de
main lundi, on peut penser que si les plé
nipotentiaires des alliés étaient désireux de
rompre, ils n’auraient pas toléré ce nouvel
atermoiement puisque d’ailleurs, par trois
fois, les délégués ottomans leur ont refusé
Andrinople. Et si ces derniers croyaient
leur pays capable de recommencer la guer
re, ils n’auraient pas abandonné d’un coup
l’Albanie et la Macédoine et ils n’auraient
pas demandé à reprendre le débat.
Comme le dit fort justement M. Jean
Herbette, dans le Siècle, « tout est manœu
vres dans les pourparlers de Londres, les
menaces comme les politesses, les reprises
comme les ajournements. »
Sera-t-il possible de trouver, demain
lundi, un terrain d’entente pendant cette
dernière onframn -- rmurtomHais 6
El pourront-ils ensuite conclure la paix ?
On ne saurait préjuger les contre-propo
sitions nouvelles que fera la Sublime-Porte.
Mais si l’on considère les conditions formu
lées par les peuples balkaniques, il semble
bien que les Grecs ne voudront pas céder
sur la question des îles de la mer Egée. Ils
estiment en effet que Chio, Mytilène et que
la Crète elle-même sont pays helléniques.
Et d’autre part, comment espérer que la
Bulgarie ne s’obstinera pas dans la reven
dication d’Andrinople ? Elle sera fort peu
touchée par l’argument invoqué par les
Turcs, lesquels prétendent que l’abandon
de cette ville amènerait chez eux une révo
lution.
Le désaccord persistant, — car il est peu
probable que la Turquie cède sur tous les
points, ou seulement qu’elle puisse donner
satisfaction à la fois aux Bulgares et aux
Grecs demeurés solidaires, — ce serait donc
la rupture. Mais il n’est pas certain que la
conséquence serait une reprise immédiate
des hostilités. Les puissances étant d’accord
pour essayer, à toute extrémité, d’une mé
diation, leurs ambassadeurs réunis à Lon
dres en auront sans doute préparé les voies.
Et s’il est vrai que la prise d’Andrinople
soit imminente et que la situation intérieu
re à Constantinople aille chaque jour en
empirant, peut-être le gouvernement turc
espère-t-il rompre les négociations pour
rendre nécessaire cette médiation des puis
sances, — estimant que, étant donné l’état
de l’opinion dans l’Islam, il lui sera plus
facile de céder aux nations européennes
que de traiter directement avec ses vain-
queurs.
Th. VALLÉE.
LES AFFAIRES DO MAROC
Retour descolonnesBrulard et Massoutier
à Mogador
C’est hier seulement que les télégrammes
de Mogador ont apporté des détails sur le
retour des colonnes Brulard et Massoutier à
à Mogador.
Ce retour eut lieu dans la matinée du 27
décembre. Aux portes de la vil le, les troupes
constituant la garnison et les compagnies
de débarquement du Friant et du Du-
Chayla, ont rendu les honneurs. Le général
d'Esperey était parti à leur rencontre, ainsi
que le consul de France, M. Lebé. Les trou
pes firent leur entrée au milieu d’une foule
dont l’enthousiasme était indescriptible ;
les bravos crépitaient au passage de chaque
détachement, et les têtes se découvraient de
vant le général Brulard et le commandant
Massoutier, ainsi que devant les blessés
transportés sur des cacolets envoyés la veille
à la rencontre de la colonne.
La colonne Ruef et Bellenger est arrivée le
même jour, à midi, venant de Marakech et
de la région des Chiadma.
Le général d’Esperey a visité immédiate
ment les blessés à l’hôpital provisoire,
ABONNEMENTS
Le Havre, la Seine-Inférieure, l'Eure
l’Oise et la Somme
Autres Départements
Union Postale
Trois Mois
Six Mois
9
UN AN
o
10
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»
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a 8
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On s’abonne également, SANS FRAIS, dans tous les Bureaux de Poste as ranoo i
AU FIL DES JOURS
Photo Petit Havre
Cliché Petit Havre
Les bicoques sous la pluie ont des tristèsses infinies;»»
leurs de poésie, avec des ailes collées dans
le dos : l’humble fonctionnaire n’en a cure.
Il n’a pas besoin de s’élever Le règlement
loi interdit de gravir les étages. Il prend
la cage d’escalier pour tuyau acousti
que. Il clame des noms de toute la force de
ses poumons. Il déverse sur la rampe ou
la première marche des petits morceaux de
surprise ou d’attente satisfaite. Et il passe,
simplement, régulièrement, automatique
ment, indifférent à toutes les petites voix
mystérieuses qui chantent sous enveloppe,
dans la fraternelle intimité de sa buite
pleine. —
C’est une figure aimable et sympathique.
Elle emporte avec elle un peu de nous mê
me sous forme de plaisir et d’espoir. C’esl
par elle, à sa venue, que s’éveillent des sou
venirs qu’on croyait défunts.
Il a suffi d’un petit bout de carton pour
ressusciter un passé, faire dresser tout à
coup des images aimées que le temps, sem
blait-il, avaitternies.il a suffi d’un mot,d’une
ligne pour nous rappeler que l’humanité,
en définitive, n’est point aussi ingrate, aussi
injuste, aussi mauvaise que des phases
d’amertume nous l’avaient fait croire.
C’est par l’intermédiaire du facteur que
nous devons ces aimables retours de la pen
sée prodigue, à ces premières heures de l’an
où la joie traditionnelle, si factice qu’elle
soit parfois, a émoussé un instant les pointes
de l’ennui.
Avez-vous songé, ô messager, à tout ce
que votre boîte représente d’émotion, de
sensibilité, d’espérance ravivée, de grâce en
fantine et de bonhomie affectueuse ?
— J’y ai songé, m’a dit le facteur, j’y songe
encore, j’y songe toujours. Et tel que vous
, me voyez aujourd’hui, ça représente vingt-
huit kilogs sur l’estomac!
ALBERT-HERRENSCHMIDT.
L’Homme qui clouait
Sous la pluie d’hiver qui les noie, les ban-
lieues évquent des pensées de désolation et
de mort.
Le ciel s’y fait plus noir et plus angois
sant, les nuages plus lourds. Ils n'ont plus
pour soutenir leurs loques de suie la crête
des toits, la pointe des pignons de la cité
voisine. Ils s’allongent pesants et tristes,
étendant an-dessus de la plaine déserte qui
reflète dans ses flaques l’image de leurs
formes capricieuses, comme un drap de
cendre que la rafale plaque sur la terre.
Il est ainsi des heures du milieu du jour
qui ont la désolation des crépuscules, des
crépuscules mouillés et frissonnants où
l’ombre montante apporte avec elle son
effroi mystérieux,comme l’avant garde d’une
nuit tragique.
La ville riposte à ces ténèbres mauvaises.
Aux inquiétudes vagues, aux lugubres pres
sentiments qui hantent les esprits, elle op
pose toujours l'éclat de ses lumières. L’arti
fice de son fulgurant décor dissipe la mélan
colie ambiante.
.Lavjlle JSO“%. dsrehs"Tes8reif,"etlemou”
vement de sa rue ramène des images de vie.
Mais la banlieue agonise lentement dans la
tristesse de son paysage. La vie des choses
n’y trouve plus d’écho. Le vent y pleure sur
une note monotone et désespérée. Et les ar
bres dénudés s’inclinent en gémissant à son
passage, avec des révérences lasses où il y a
du respect et de la douleur.
Que ces soirs de boue, de pluie et de mi
sère ont donc une influence prenante ! On
dirait que leur navrance aiguise notre sen
sibilité, qu’elle ouvre en nos âmes affaissées
des replis inconnus où elle laisse filtrer
goutte à goutte des souvenirs imprégnés
d’amertume.
Ce soir affreux, nous l’avons déjà connu,
nous le retrouvons encore dans notre mé
moire, bien loin, avec tout ce qu’il nous
transmit de pensée inquiète. Le ciel était,
comme ce soir-là, barbouillé de noir et
bas. La bourrasque hurlait à travers les ar
bres de la route, nous collait brutalement
sur le corps les vêtements alourdis de l’eau
qui les gonflait. La lumière indécise avait
des effets sinistres.
Mais aujourd’hui, ce me semble, la banlieue
lamentable et ruisselante m’apparut plus
triste encore dans le grand silence de mort
qui tombait avec la nuit.
Personne sur la route transformée en ma
récages, personne à travers la plaine où des
mares s’étendaient, avec des contours bi
zarres, gardant pour quelques instants en
core les reflets des derniers rayons, des traî
nées couleur de plomb qui prenaient sous
un certain angle des aspects de bêtes fan
tastiques, échouées là dans le grand désordre
du déluge.
Cependant, tout à coup, parmi cette déso
lation de la terre, de l’eau et de la rafale, un
bruit monta, rythmé et sourd...
Juché sur le toit de sa bicoque à demi
noyee dans la boue, en contrebas du che
min, un homme réparait son taudis. Le
marteau quiarmait cette étrange silhouette—
presque une ombre chinoise sur l’horizon de
cendre, — s’abattait rageusement sur la toi
ture, souvent escorté d’un juron.
Le bois geignait sous l’assaut de l’homme
et du ciel. La malheureuse maisonnette pa
raissait vaciller chaque fois que le marteau
la frappait à la tête. On eut dit que le heurt
allait se répercutant à travers la fragilité de
ses cloisons, le long de ces débris de pauvres
boîtes à savon sauvés de la démolition et
élevés jusqu’à l’honneur de protéger la mi
sère humaine...
La nuit s’était faite dans la pluie persis-
tante et l’homme clouait toujours,agenouillé
sur son toit, le nez dans le vent, la lèvre
mauvaise. Puis il descendit.
Dans l'encadrement de la porte que dessi
nait maintenant la clarté jaunâtre et dan
sante d’une chandelle, des têtes de mioches
avaient surgi en dépit de Peau que le vent,
complice, poussait en gerbes dans la
cahute...
— Ça y est-y, papa ?
— Oui, c’a y est, dit l’homme d’une voix
sourde. Recouchez-vous !... Vous pouvez
vous recoucher. J’ai cloué des couvercles de
boîtes à sardines sur la rainure... Ça tom
bera plus dans le lit, pour ce soir... Allons,
recouchez-vous les mornes, que je vous dis...
Les bicoques sous la pluie ont des tris
tesses infinies.
S
* «
Le Phonographe,
Ls première impression fut charmante.
Cette musique joyeuse qui tout à coup
dégringolait dans la cour commune, casca-
dait sur les vieilles ardoises, glissait le long
des plombs, venait remplir le corps de logis
de refrains en vogue, cette musique joyeuse
fit sensation.
Les masures décrépites et moisies lui em
pruntaient un petit air de fête. La mélodie
coulait à flots par la fenêtre ouverte.
Tout d’abord, ce fut un joli moment de
surprise. M.Lamouvette s’était offert,pour ses
étrennes, un phonographe d’occasion. Un
« petit jeune homme » l’avait apporté la
veille du 1er janvier, dans un copieux em
ballage de papier jaune.
Avec son précieux fardeau, le « petit jeu
ne homme » avait escaladé les quatre étages
par un de ces escaliers étroits et tirebou-
chonnés où la rampe s’est vernissée sous le
long frôlement des mains, où les marches
zigzaguent, où l’on monte dans une nuit
brumeuse aux odeurs fades.
Et le beau phonographe embrassa le mur
plus d'une fois, dans les brusques tournants
de la rampe...
Mais il arriva pourtant au but sain et sauf
et, dès ce premier soir, au milieu de l’allé
gresse, il chanta.
Bien que la nuit fut froide, Lamouvette
avait ouvert la fenêtre afin d’offri a oon
voisinage le régal du concert imprévu. Jus
qu’à près de dix heures vingt-cinq, stimulé
par des coups de clef, l’extraordinaire appa-
—-az -o- —eetuoawta l UPOI tune.
Des mines rieuses s’étaient hasardées aux
fenêtres.D’un bout à l’autre de la cour com
mune, des mots se lançaient :
— C’est M. Lamouvette qu’a acheté un
phonographe...
— On dirait une voix naturelle.
— Allons donc, c’est mieux.
— On s’y tromperait...
— Ecoutez. V’ià-z-nn nouveau morceau.
Et le phonographe infatigable prodiguait
des flots d’harmonie. Il avait fait entendre la
Voix des Chênes, l’air des moutons de La
Mascotte, le grand air de Rachel, Les petits
Trottins, bien d’autres encore. Il aborda en
suite les monologues et récita le Doigt de pied
de saint Gaenolé. Mais les choses allaient
moins bien ; les mots se perdaient dans le
vent de la cour. L’auditoire saisissait mal,
s’énervait de tendre vainement l’oreille. Des
fenêtres se fermèrent. Lamouvette finit par
clore la sienne. Il rayonnait.
Le lendemain, il renouvela cette joie éco
nomique. La mécanique égrena une fois de
plus ses chansons et ses airs. Mais le voisi
nage, déjà blasé, commençait de trouver
qu’elle avait la voix nasillarde et qu’elle
chevrotait en poussant la note. Et puis son
répertoire était bien limité. On le savait par
cœur. Il écorchait même la Marche de Sambre-
et-Meuse et il en prenait à son aise, vraiment,
avec les « morceaux célèbres ».
Le lendemain soir, le phonographe entama
ses coutumiers exercices. Le corps du logis
faillit en avoir une crise. Des fenêtres se fer
mèrent avec fracas. A travers les murs en
plâtras, on percevait des explosions d’indi
gnation et de colère, des coups de poing
donnés contre les cloisons. Une tabatière
s’ouvrit. Dans la pluie, une voix clama, ven
geresse :
— La barbe !
Alors le phonographe se tut soudainement,
comme s’il avait été frappé au cœur par l’iro
nie de l’apostrophe. Le corps de logis tomba
lourdement dans le silence, libéré de l’ob
session, les nerfs détendus...
Lamouvette n’a pas renié ses goûts artisti
ques. Seulement, maintenant, il s’enferme,
il calfeutre ses portes, il s’offre un concert
pour lui tout seul, en égoïste malgré lui.
Pendant des heures, les précieux disques lui
procurent l’illusion d’un orchestre, d’une
troupe de chanteurs et de comédiens, d’un
théâtre bien à lui, rien qu’à lui,
il fait défiler les numéros, les écoute avec
une attention quasi-religieuse. Et quand il a
savouré la Voix des Chênes, la Mascotte, la
Juive, le Doigt de Pied, les Trottins, tous les
autres, simplement, posément, avec un
plaisir égal, il reprend le premier.
Et il recommence.
**
Le Facteur
A travers la rue boueuse, surgi tout à coup
dans un flot d’air chaud aux odeurs de colle
et de papier humide, le groupe des facteurs
s’est éparpillé. Rudes journées.
Ici, les sentiments affectueux s apprécient
au poids et les « meilleurs voeux » entasses
finissent par faire des charges qui scient les
épaules et mordent les flancs.
On a parlé un moment de la « crise de la
carte de visite », du discrédit où sombrait,
dit-on, le rectangle de bristol imprimé. Le
facteur a souri, sceptique. Jamais « l’épisto-
lite aiguë » n’a sévi avec plus de gravité qu’à
cette époque où « les mains se mettent à la
plume» par une force instinctive, où le
commerce des petites vignettes rouges et
vertes prend une importance exception
nelle.
Le facteur se transforme alors en doux
messager de l’année nouvel le et sa silhouette
obscure se hausse jusqu’à l’éclat du sym
bole, ..
On l’imaginerait volontiers sous des cou-
■ES
Nouvelles Politiques
Conseil des Ministres
Les ministres et sous-secretaires d'Etat se
sont réunis hier matin en conseil, à l’Elysée,
sous la présidence de M. Fallières.
La séance a été consacrée à l’examen des
affaires extérieures et à l’expédition des affai
res courantes.
Ls nranle n& la Paly
Constantinople, 2 janvier.
On suit avec grande attention les travaux
do ta oonfronoo do Londres. Il existe, sur
beaucoup de points, des divergences de vues
au sein du gouvernement. Kiamil pacha lui-
même paraît hésitant sur une ou deux ques
tions essentielles.
lo Question des îles. •
En ce qui concerne les îles, le grand-vizir
est très catégorique et en parfait accord avec
le reste du cabinet.
Il renonce à la Crète et aux petites îles
de l’Archipel éloignées de la côte d’Asie.
Par contre, il est résolu à ne pas céder les
grandes îles qui commandent cette côte.
Il est résolu pour deux raisons, l’une qui
est une raison de principe — laisser les pos
sessions d’Asie auxquelles ces îles se ratta
chent, en dehors de la négociation, — l’autre
qui est une raison de fait — l’impossibilité
de vivre avec sécurité en Asie si les îles de
viennent grecques.
Kiamil a dit aux ambassadeurs que, même
au point de vue financier, la Turquie d’Asie
serait vouée à la contrebande si les îles ces
saient d'être turques.
Il a d’autre part rappelé que certaines îles
sont dotées de statuts spéciaux que l’Europe
doit faire respecter.
Kiamil compte que la thèse turque sera
bien accueillie par les puissances. Il est en
revanche disposé aux concessions les plus
larges à la population des îles comme réfor
mes ou garanties.
2° Question d Andrinople..
En ce qui concerne Andrinople, le minis-
tère est divisé.
Kiamil, personnellement, croit qu’on peut
sauver Andrinople. Mais certains ministres
sont d’un autre avis.
Diverses combinaisons ont été envisagées.
La plus radicale consiste à couper Andrino-
pie en deux en prenant la Toundja pour
frontière. Il est probable que Rechid pacha a
reçu des instructions en conséquence.
En tout cas, c’est sur la question d’An
drinople que se manifeste le plus grand flot
tement.
3° Question d'Albanie.
Sur cette question, l’attitude de la Turquie
restera invariable. Elle s'en remettra aux
puissances et refusera de discuter soit avec
la Grèce à propos de Janina, soit avec la Ser
bie à propos de Prizrend, soit avec le Mon
ténégro à propos de Scuta ri.
En ce qui touche la suzeraineté turque sur
l’Albanie, on est assez sceptique et l’on y re
noncerait sans peine. .
On est convaincu que la Turquie n a qu a
laisser les puissances faire son jeu.
40 Orientation politique extérieure.
Kiamil et la majorité de l’opinion sont net
tement en faveur d’une orientation résolue
vers la Triple-Entente.
Il faut noter cependant que l’ambassadeur
d’Allemagne a une situation personnelle
très supérieure à celle de ses collègues. Il a
su donner même au grand-vizir l’impression
que l’Allemagne sert les intérêts turcs et
plaide à Londres la cause de la Turquie. Il
est utilement secondé par son collègue au
trichien .
go Situation politique intéiieure.
Le comité Union et Progrès est privé de
tous ses chefs. Mais ses cadres subsistent. Il
est tellement impopulaire qu’il ne pourrait
pas se manifester publiquement. Mais il est
le centre d’une sourde opposition que Af
grand-vizir ne peut pas ignorer.
D’autre part, il y a dans l’armée des élé
ments nettement réfractaires à la paix. Kia-
mil pacha est personnellement désireux ae
la conclure. Mais il sait que les tendances
contraires sont suffisamment organisées P
qu’il faille compter avec elles. sment
On croit généralement à un remani Tail-
ministériel assez proche qui laisseouverne.
leurs Kiamil pacha à la tête du 6
ment. . .2 cours des
k Le sultan, que le comité» au "
4
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Adresser tout ce qui concerne l’Administration
à M. O. RANDOLET
85, Rue Fontenelle, 85
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Le Petit Havre
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S L’AGENCE HAVAS, 8, place de la Bourse, est
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Le PETIT HAVRE est désigné pour les Annonces judiciaires et légales
En Vente
Paris, trois heures matin
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NEW-YORK, 4 JANVIER
Cotons : janvier, hausse 6 points ; mars,
baissé 1 point ; mai, inchangé ; juillet,
baisse 1 point.
Cafés : baisse 1 à 7 points.
NEW-YORK, 4 JANVIER
E — ■ ■ ■ :
Cuivre Standard disp.
— mars
Amalgamat. Cop...
C. Bu ion
78 7/8
I. PRECEDENT
17
17
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CHICAGO, 4 JANVIER
Blé sur.....
Maïs sur....
Saindoux sur
Mai ...
Juillet
Mai ...
Juillet.
Mai...
Juillet.
c. DU
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1/2
1 2
82
» —
LA GUERRE D’ORIENT
La Conférence de la Paiz
• Londres. — A la surprise générale, la con-
térence de la paix n'a pas eu lieu hier après-
midi.
Les délégués balkaniques étaient réunis
depuis trois heures et demie au Palais St-Ja-
mes lorsque vers quatre heures, on leur an
nonça que la conférence n’aurait pas lieu.
Immédiatement, on supposa que certaines
interventions extérieures avaient eu lieu et
l’on faisait allusion à une visite qu’aurait
laite dans la matinée A Sir Edward Grey un
délégué ottoman.
Les délégués ottomans, cependant, démen
tent cette visite et assurent que jusqu’à pré
sent rien ne s’est produit.
Mais d’autre part, on affirme que sir Ed
ward Grey a reçu la visite de Tewfik Pacha.
Il n’y a plus aucun doute que le délai
ainsi demandé ait pour but de permettre à
certaines interventions européennes de se
produire avant la rupture.
Les délégués ottomans affirment catégori
quement n’avoir plus à donner de nouvelles
instructions et les délégués balkaniques s’en
tenant à leurs demandes relatives à Andrino-
pie et à la mer Egée, on a l’impression que
ni l’un ni l’autre ne céderont, mais que ce
pendant la Turquie s’inclinera devant le fait
accompli si les puissances l’y invitent avec
'fermeté.
Réunion du Conseil des Ministres Turcs
Constantinople. — Envoyé spécial d'Havas.
— A l’issue du Conseil des ministres, l’or
dre a été donné à Rechid pacha de rejeter
‘ultimatum des alliés et d’insister pour con
server Andrinople et les îles de la mer Egée.
Kiamil pacha, qui était indisposé, a quitté
le Conseil des ministres de bonne heure.
Son départ a donné lieu à des bruits d’une
crise ministérielle qu’une note officielle a
démentis.
Le prochain Conseil se réunira demain, au
domicile de Kiamil pacha.
On considère comme imminente la rup
ture des négociations.
Les Alliés veulent une repense ferme à leur
ultimatum
Londres. — Les délégués balkaniques ont
fait connaître officiellement que quelles que
soient les propositions que la Turquie puisse
faire lundi, si ces propositions ne répondent
pas à l’intégralité des demandes contenues
dans leur ultimatum, les alliés rompront
immédiatement toutes les négociations.
En conformité des conditions de l’armis-
lice, quatre jours plus tard, à partir de sept
heures du soir, les hostilités recommence
ront, sur toute la ligne.
La suggestion que la Turquie pourrait faire
d’en référer aux puissances est une affaire
qui regarde la Turquie seule et à laquelle
les alliés n’ont rien à voir.
Tout ce que les alliés attendent de la Tur
quie et insistent pour avoir d’elle, c’est une
réponse par oui ou par non aux conditions
qu’ils ont formulées.
A Londres on croît à une intervention des
Puissances
Londres. — Dans les cercles bien infor
més on ne croit pas à la reprise des hosti
lités.
L’impression est que les puissances doivent
intervenir et vont intervenir pour amener
une solution
ne solution pacifique.
Un des délégués balkaniques disait hier
que les puissances avaient moralement
l’obligation d’agir, étant donnée la modéra
tion manifestée par les alliés après la défaite
des Turcs à Lule Bourgas qui leur ouvrait
cependant la route de Contantinople, ce dont
ils ne profitèrent pas afin de ne pas léser les
intérêts des puissances
Le plus fort Tirage des Journaux de la Région
Réunion des Ministres bulgares
Sofia. — A la fin de la matinée s’est tenu
un Conseil des ministres, au cours duquel
ont été discutées les négociations de Londres
et la question des revendications roumaines.
Les milieux officiels observent le silence au
sujet des décisions qui ont été prises, toute
fois on a très généralement l’impression
qu’on a envisagé en tous cas la possibilité de
la continuation de la guerre.
Les Hostilités gréco-turques
Athènes. — L'Hestia annonce que dans la
matinée quatre navires turcs accompagnés
de quatre torpilleurs sont sortis des Darda
nelles.
La flotte grecque étant apparue, une ca
nonnade fut échangée, après quoi la flotte
turque rentra dans les Dardanelles.
A Constantinople
CONSTANTINOPLE.— La police recherche les
membres d’une Société secrète qui assure-t-
on, préparent des attentats.
La Porte a envoyé une circulaire aux am
bassadeurs ottomans à l’étranger, les char
geant de faire savoir aux puissances que la
Turquie a fait tous les sacrifices possibles
pour maintenir la paix et qu’elle repousse
les responsabilités de la reprise éventuelle
des hostilités.
Les démocrates ont fait hier une manifes
tation dans le quartier de Sirkedfi à Stam
boul.
La police a dispersé les manifestants dont
plusieurs ont été arrêtés.
Volontaires Grecs
Marseille. — Le paquebot ispahan, des
Messageries Maritimes, est parti hier après-
midi à 4 heures, pour le Pirée, ayant à bord
environ cinq cents réservistes volontaires
grecs arrivés d’Amérique, via Le Havre, et
se rendant en Grèce pour s’enrôler dans l’ar
mée hellénique.
DANS LA LÉGION-D'HONNEUR
La promotion faite dans la Légion-d'Hon-
neur par le ministère de l’intérieur ne pa
raîtra qu'après le 17 janvier.
On cite, parmi les nouveaux comman
deurs : MM. Hennion, directeur de la sûreté
générale, et Ogier, directeur du contrôle au
ministère de l’intérieur.
MESURES DE CLEMENCE
À l’occasion du 1er janvier, le président de
la République a accordé des grâces ou ré
ductions de peine à six cents condamnés
par des conseils de guerre de l’armée de
terre.
1 - -s
L’ACHÈVEMENT DU
BOULEVARD HAUSSMANN
Le Conseil municipal de Paris a voté le
projet relata à l'achèvement du boulevard
Haussmann.
LE CRIME DU FERREUX
M. Guichard, chef de la Sûreté, s’est rendu
hier après-midi à Gentilly pour perquisition
ner dans le bureau attenant à l’usine de Pi-
rou, dans lequel l’inculpé a prétendu s’être
rendu samedi dernier, vers 7 heures.
Le magistrat a constaté que les meubles
étaient moisis et que les chaises étaient cou
vertes d’une épaisse couche de poussière. La
porte d’entrée avait été déscellée tout ré
cemment.
Des voisins ont déclaré que cette porte
était fermée depuis quatre ans, mais qu’elle
avait été ouverte dimanche, le lendemain du
crime.
UN BALLON FRANÇAIS EN ALLEMAGNE
Berlin. — Les journaux annoncent qu’un
ballon français parti de Paris, a atterri hier
à Herchsbach, près de Coblentz.
Les journaux prétendent que les aéronau-
tes sont des officiers.
NAUFRAGE D’UN VAPEUR ALLEMAND
NEWPORT. — Hier soir, le vapeur allemand
Luckenbach a fait naufrage dans la baie de
Chesapeake.
Il y a 24 morts dont le patron et sa femme.
Huit hommes qui s’étaient cramponnés à
des vergues et qui étaient restés pendant six
heures à la merci de la tempête, ont été re
cueillis.
Leurs camarades, saisis par le froid,avaient
lâché prise un à un et s’étaient noyés.
GRAVE EXPLOSION A BORD
D’UN VAPEUR
Cerbère. — La chaudière du vapeur espa
gnol Millan, qui naviguait sur les côtes mé
diterranéennes, au large de Puerto-de-Santa-
Maria, ayant fait explosion, un mécanicien a
été tué et trois matelots grièvement bles
sés.
Un officier que la violence de l’explosion a
précipité à la mer, a disparu.
Le vapeur s’est échoué à la côte.
--- -bem mx
UN VOL DE 65,000 FRANCS
Une enquête a été ouverte relativement à
un vol de 65,000 trancs dont un encaisseur
d’une grande maison d’automobiles de Pu
teaux aurait été victime de la part de deux
individus qui l’auraient invité à prendre une
consommation dans un café de la place
Glichy,
CRISE MINISTÉRIELLE AU PORTUGAL
LISBONNE. — Le président du conseil des
ministres a présenté au président de la Ré
publique la démission du cabinet qui a été
acceptée.
M. de Arriago a chargé M. Almeida, chef
des évolutionnistes, de former le nouveau
ministère.
M. Almeida a commencé immédiatement
ses démarches auprès des unionnistes et des
indépendants.
ON TROUVE
LE PETIT HAVRE à Paris
à la HIHRRIRIE ITERMATIONALE
108, rue Saint-Lazare, 108
(immeuble de THOTEL TERMINUS)
La Question d’Orient
La Conférence
de
Londres
La situation paraissait.
vendredi, des
plus critiques et laissait prévoir une rup
ture imminente des négociations. Cette
rupture cependant ne s’est pas produite.
Non pas que les délégués ottomans aient
rien cédé en ce qui concerne les conditions
de la paix proposées par les alliés et qui
sont : le désintéressement de la Sublime
Porte en ce qui regarde la Crète ; la ces
sion des îles de la mer Egée ; l’abandon
d’Andrinople. Mais une attitude plus conci
liante, au moins dans la forme, a succédé à
l’intransigeance qu’ils avaient manifestée la
veille, et, samedi l’après-midi, ils ont de
mandé de surseoir à toute discussion, espé
rant qu’ils auront reçu lundi des instruc
tions nouvelles. Il faut souhaiter que, cette
fois, ces intractions leur seront données de
façon claire et précise et qu’ils ne se retrou
veront plus dans la singulière posture où
on les vit naguère, lorsqu’ils durent avouer,
certain jour, qu’il leur était impossible de
déchiffrer la dépêche diplomatique reçue
de Constantinople.
Mais tous ces procédés dilatoires sont-ils
bien habiles ? Et n’est-il pas à craindre que
les alliés ne se montrent d’autant plus ri
goureux que les Turcs auront voulu tem
poriser davantage ?
Quoi qu’il en soit, et s’il est assez diffi
cile de prévoir l’issue de la journée de de
main lundi, on peut penser que si les plé
nipotentiaires des alliés étaient désireux de
rompre, ils n’auraient pas toléré ce nouvel
atermoiement puisque d’ailleurs, par trois
fois, les délégués ottomans leur ont refusé
Andrinople. Et si ces derniers croyaient
leur pays capable de recommencer la guer
re, ils n’auraient pas abandonné d’un coup
l’Albanie et la Macédoine et ils n’auraient
pas demandé à reprendre le débat.
Comme le dit fort justement M. Jean
Herbette, dans le Siècle, « tout est manœu
vres dans les pourparlers de Londres, les
menaces comme les politesses, les reprises
comme les ajournements. »
Sera-t-il possible de trouver, demain
lundi, un terrain d’entente pendant cette
dernière onframn -- rmurtomHais 6
El pourront-ils ensuite conclure la paix ?
On ne saurait préjuger les contre-propo
sitions nouvelles que fera la Sublime-Porte.
Mais si l’on considère les conditions formu
lées par les peuples balkaniques, il semble
bien que les Grecs ne voudront pas céder
sur la question des îles de la mer Egée. Ils
estiment en effet que Chio, Mytilène et que
la Crète elle-même sont pays helléniques.
Et d’autre part, comment espérer que la
Bulgarie ne s’obstinera pas dans la reven
dication d’Andrinople ? Elle sera fort peu
touchée par l’argument invoqué par les
Turcs, lesquels prétendent que l’abandon
de cette ville amènerait chez eux une révo
lution.
Le désaccord persistant, — car il est peu
probable que la Turquie cède sur tous les
points, ou seulement qu’elle puisse donner
satisfaction à la fois aux Bulgares et aux
Grecs demeurés solidaires, — ce serait donc
la rupture. Mais il n’est pas certain que la
conséquence serait une reprise immédiate
des hostilités. Les puissances étant d’accord
pour essayer, à toute extrémité, d’une mé
diation, leurs ambassadeurs réunis à Lon
dres en auront sans doute préparé les voies.
Et s’il est vrai que la prise d’Andrinople
soit imminente et que la situation intérieu
re à Constantinople aille chaque jour en
empirant, peut-être le gouvernement turc
espère-t-il rompre les négociations pour
rendre nécessaire cette médiation des puis
sances, — estimant que, étant donné l’état
de l’opinion dans l’Islam, il lui sera plus
facile de céder aux nations européennes
que de traiter directement avec ses vain-
queurs.
Th. VALLÉE.
LES AFFAIRES DO MAROC
Retour descolonnesBrulard et Massoutier
à Mogador
C’est hier seulement que les télégrammes
de Mogador ont apporté des détails sur le
retour des colonnes Brulard et Massoutier à
à Mogador.
Ce retour eut lieu dans la matinée du 27
décembre. Aux portes de la vil le, les troupes
constituant la garnison et les compagnies
de débarquement du Friant et du Du-
Chayla, ont rendu les honneurs. Le général
d'Esperey était parti à leur rencontre, ainsi
que le consul de France, M. Lebé. Les trou
pes firent leur entrée au milieu d’une foule
dont l’enthousiasme était indescriptible ;
les bravos crépitaient au passage de chaque
détachement, et les têtes se découvraient de
vant le général Brulard et le commandant
Massoutier, ainsi que devant les blessés
transportés sur des cacolets envoyés la veille
à la rencontre de la colonne.
La colonne Ruef et Bellenger est arrivée le
même jour, à midi, venant de Marakech et
de la région des Chiadma.
Le général d’Esperey a visité immédiate
ment les blessés à l’hôpital provisoire,
ABONNEMENTS
Le Havre, la Seine-Inférieure, l'Eure
l’Oise et la Somme
Autres Départements
Union Postale
Trois Mois
Six Mois
9
UN AN
o
10
Fr.
»
90
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50
a 8
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.4
On s’abonne également, SANS FRAIS, dans tous les Bureaux de Poste as ranoo i
AU FIL DES JOURS
Photo Petit Havre
Cliché Petit Havre
Les bicoques sous la pluie ont des tristèsses infinies;»»
leurs de poésie, avec des ailes collées dans
le dos : l’humble fonctionnaire n’en a cure.
Il n’a pas besoin de s’élever Le règlement
loi interdit de gravir les étages. Il prend
la cage d’escalier pour tuyau acousti
que. Il clame des noms de toute la force de
ses poumons. Il déverse sur la rampe ou
la première marche des petits morceaux de
surprise ou d’attente satisfaite. Et il passe,
simplement, régulièrement, automatique
ment, indifférent à toutes les petites voix
mystérieuses qui chantent sous enveloppe,
dans la fraternelle intimité de sa buite
pleine. —
C’est une figure aimable et sympathique.
Elle emporte avec elle un peu de nous mê
me sous forme de plaisir et d’espoir. C’esl
par elle, à sa venue, que s’éveillent des sou
venirs qu’on croyait défunts.
Il a suffi d’un petit bout de carton pour
ressusciter un passé, faire dresser tout à
coup des images aimées que le temps, sem
blait-il, avaitternies.il a suffi d’un mot,d’une
ligne pour nous rappeler que l’humanité,
en définitive, n’est point aussi ingrate, aussi
injuste, aussi mauvaise que des phases
d’amertume nous l’avaient fait croire.
C’est par l’intermédiaire du facteur que
nous devons ces aimables retours de la pen
sée prodigue, à ces premières heures de l’an
où la joie traditionnelle, si factice qu’elle
soit parfois, a émoussé un instant les pointes
de l’ennui.
Avez-vous songé, ô messager, à tout ce
que votre boîte représente d’émotion, de
sensibilité, d’espérance ravivée, de grâce en
fantine et de bonhomie affectueuse ?
— J’y ai songé, m’a dit le facteur, j’y songe
encore, j’y songe toujours. Et tel que vous
, me voyez aujourd’hui, ça représente vingt-
huit kilogs sur l’estomac!
ALBERT-HERRENSCHMIDT.
L’Homme qui clouait
Sous la pluie d’hiver qui les noie, les ban-
lieues évquent des pensées de désolation et
de mort.
Le ciel s’y fait plus noir et plus angois
sant, les nuages plus lourds. Ils n'ont plus
pour soutenir leurs loques de suie la crête
des toits, la pointe des pignons de la cité
voisine. Ils s’allongent pesants et tristes,
étendant an-dessus de la plaine déserte qui
reflète dans ses flaques l’image de leurs
formes capricieuses, comme un drap de
cendre que la rafale plaque sur la terre.
Il est ainsi des heures du milieu du jour
qui ont la désolation des crépuscules, des
crépuscules mouillés et frissonnants où
l’ombre montante apporte avec elle son
effroi mystérieux,comme l’avant garde d’une
nuit tragique.
La ville riposte à ces ténèbres mauvaises.
Aux inquiétudes vagues, aux lugubres pres
sentiments qui hantent les esprits, elle op
pose toujours l'éclat de ses lumières. L’arti
fice de son fulgurant décor dissipe la mélan
colie ambiante.
.Lavjlle JSO“%. dsrehs"Tes8reif,"etlemou”
vement de sa rue ramène des images de vie.
Mais la banlieue agonise lentement dans la
tristesse de son paysage. La vie des choses
n’y trouve plus d’écho. Le vent y pleure sur
une note monotone et désespérée. Et les ar
bres dénudés s’inclinent en gémissant à son
passage, avec des révérences lasses où il y a
du respect et de la douleur.
Que ces soirs de boue, de pluie et de mi
sère ont donc une influence prenante ! On
dirait que leur navrance aiguise notre sen
sibilité, qu’elle ouvre en nos âmes affaissées
des replis inconnus où elle laisse filtrer
goutte à goutte des souvenirs imprégnés
d’amertume.
Ce soir affreux, nous l’avons déjà connu,
nous le retrouvons encore dans notre mé
moire, bien loin, avec tout ce qu’il nous
transmit de pensée inquiète. Le ciel était,
comme ce soir-là, barbouillé de noir et
bas. La bourrasque hurlait à travers les ar
bres de la route, nous collait brutalement
sur le corps les vêtements alourdis de l’eau
qui les gonflait. La lumière indécise avait
des effets sinistres.
Mais aujourd’hui, ce me semble, la banlieue
lamentable et ruisselante m’apparut plus
triste encore dans le grand silence de mort
qui tombait avec la nuit.
Personne sur la route transformée en ma
récages, personne à travers la plaine où des
mares s’étendaient, avec des contours bi
zarres, gardant pour quelques instants en
core les reflets des derniers rayons, des traî
nées couleur de plomb qui prenaient sous
un certain angle des aspects de bêtes fan
tastiques, échouées là dans le grand désordre
du déluge.
Cependant, tout à coup, parmi cette déso
lation de la terre, de l’eau et de la rafale, un
bruit monta, rythmé et sourd...
Juché sur le toit de sa bicoque à demi
noyee dans la boue, en contrebas du che
min, un homme réparait son taudis. Le
marteau quiarmait cette étrange silhouette—
presque une ombre chinoise sur l’horizon de
cendre, — s’abattait rageusement sur la toi
ture, souvent escorté d’un juron.
Le bois geignait sous l’assaut de l’homme
et du ciel. La malheureuse maisonnette pa
raissait vaciller chaque fois que le marteau
la frappait à la tête. On eut dit que le heurt
allait se répercutant à travers la fragilité de
ses cloisons, le long de ces débris de pauvres
boîtes à savon sauvés de la démolition et
élevés jusqu’à l’honneur de protéger la mi
sère humaine...
La nuit s’était faite dans la pluie persis-
tante et l’homme clouait toujours,agenouillé
sur son toit, le nez dans le vent, la lèvre
mauvaise. Puis il descendit.
Dans l'encadrement de la porte que dessi
nait maintenant la clarté jaunâtre et dan
sante d’une chandelle, des têtes de mioches
avaient surgi en dépit de Peau que le vent,
complice, poussait en gerbes dans la
cahute...
— Ça y est-y, papa ?
— Oui, c’a y est, dit l’homme d’une voix
sourde. Recouchez-vous !... Vous pouvez
vous recoucher. J’ai cloué des couvercles de
boîtes à sardines sur la rainure... Ça tom
bera plus dans le lit, pour ce soir... Allons,
recouchez-vous les mornes, que je vous dis...
Les bicoques sous la pluie ont des tris
tesses infinies.
S
* «
Le Phonographe,
Ls première impression fut charmante.
Cette musique joyeuse qui tout à coup
dégringolait dans la cour commune, casca-
dait sur les vieilles ardoises, glissait le long
des plombs, venait remplir le corps de logis
de refrains en vogue, cette musique joyeuse
fit sensation.
Les masures décrépites et moisies lui em
pruntaient un petit air de fête. La mélodie
coulait à flots par la fenêtre ouverte.
Tout d’abord, ce fut un joli moment de
surprise. M.Lamouvette s’était offert,pour ses
étrennes, un phonographe d’occasion. Un
« petit jeune homme » l’avait apporté la
veille du 1er janvier, dans un copieux em
ballage de papier jaune.
Avec son précieux fardeau, le « petit jeu
ne homme » avait escaladé les quatre étages
par un de ces escaliers étroits et tirebou-
chonnés où la rampe s’est vernissée sous le
long frôlement des mains, où les marches
zigzaguent, où l’on monte dans une nuit
brumeuse aux odeurs fades.
Et le beau phonographe embrassa le mur
plus d'une fois, dans les brusques tournants
de la rampe...
Mais il arriva pourtant au but sain et sauf
et, dès ce premier soir, au milieu de l’allé
gresse, il chanta.
Bien que la nuit fut froide, Lamouvette
avait ouvert la fenêtre afin d’offri a oon
voisinage le régal du concert imprévu. Jus
qu’à près de dix heures vingt-cinq, stimulé
par des coups de clef, l’extraordinaire appa-
—-az -o- —eetuoawta l UPOI tune.
Des mines rieuses s’étaient hasardées aux
fenêtres.D’un bout à l’autre de la cour com
mune, des mots se lançaient :
— C’est M. Lamouvette qu’a acheté un
phonographe...
— On dirait une voix naturelle.
— Allons donc, c’est mieux.
— On s’y tromperait...
— Ecoutez. V’ià-z-nn nouveau morceau.
Et le phonographe infatigable prodiguait
des flots d’harmonie. Il avait fait entendre la
Voix des Chênes, l’air des moutons de La
Mascotte, le grand air de Rachel, Les petits
Trottins, bien d’autres encore. Il aborda en
suite les monologues et récita le Doigt de pied
de saint Gaenolé. Mais les choses allaient
moins bien ; les mots se perdaient dans le
vent de la cour. L’auditoire saisissait mal,
s’énervait de tendre vainement l’oreille. Des
fenêtres se fermèrent. Lamouvette finit par
clore la sienne. Il rayonnait.
Le lendemain, il renouvela cette joie éco
nomique. La mécanique égrena une fois de
plus ses chansons et ses airs. Mais le voisi
nage, déjà blasé, commençait de trouver
qu’elle avait la voix nasillarde et qu’elle
chevrotait en poussant la note. Et puis son
répertoire était bien limité. On le savait par
cœur. Il écorchait même la Marche de Sambre-
et-Meuse et il en prenait à son aise, vraiment,
avec les « morceaux célèbres ».
Le lendemain soir, le phonographe entama
ses coutumiers exercices. Le corps du logis
faillit en avoir une crise. Des fenêtres se fer
mèrent avec fracas. A travers les murs en
plâtras, on percevait des explosions d’indi
gnation et de colère, des coups de poing
donnés contre les cloisons. Une tabatière
s’ouvrit. Dans la pluie, une voix clama, ven
geresse :
— La barbe !
Alors le phonographe se tut soudainement,
comme s’il avait été frappé au cœur par l’iro
nie de l’apostrophe. Le corps de logis tomba
lourdement dans le silence, libéré de l’ob
session, les nerfs détendus...
Lamouvette n’a pas renié ses goûts artisti
ques. Seulement, maintenant, il s’enferme,
il calfeutre ses portes, il s’offre un concert
pour lui tout seul, en égoïste malgré lui.
Pendant des heures, les précieux disques lui
procurent l’illusion d’un orchestre, d’une
troupe de chanteurs et de comédiens, d’un
théâtre bien à lui, rien qu’à lui,
il fait défiler les numéros, les écoute avec
une attention quasi-religieuse. Et quand il a
savouré la Voix des Chênes, la Mascotte, la
Juive, le Doigt de Pied, les Trottins, tous les
autres, simplement, posément, avec un
plaisir égal, il reprend le premier.
Et il recommence.
**
Le Facteur
A travers la rue boueuse, surgi tout à coup
dans un flot d’air chaud aux odeurs de colle
et de papier humide, le groupe des facteurs
s’est éparpillé. Rudes journées.
Ici, les sentiments affectueux s apprécient
au poids et les « meilleurs voeux » entasses
finissent par faire des charges qui scient les
épaules et mordent les flancs.
On a parlé un moment de la « crise de la
carte de visite », du discrédit où sombrait,
dit-on, le rectangle de bristol imprimé. Le
facteur a souri, sceptique. Jamais « l’épisto-
lite aiguë » n’a sévi avec plus de gravité qu’à
cette époque où « les mains se mettent à la
plume» par une force instinctive, où le
commerce des petites vignettes rouges et
vertes prend une importance exception
nelle.
Le facteur se transforme alors en doux
messager de l’année nouvel le et sa silhouette
obscure se hausse jusqu’à l’éclat du sym
bole, ..
On l’imaginerait volontiers sous des cou-
■ES
Nouvelles Politiques
Conseil des Ministres
Les ministres et sous-secretaires d'Etat se
sont réunis hier matin en conseil, à l’Elysée,
sous la présidence de M. Fallières.
La séance a été consacrée à l’examen des
affaires extérieures et à l’expédition des affai
res courantes.
Ls nranle n& la Paly
Constantinople, 2 janvier.
On suit avec grande attention les travaux
do ta oonfronoo do Londres. Il existe, sur
beaucoup de points, des divergences de vues
au sein du gouvernement. Kiamil pacha lui-
même paraît hésitant sur une ou deux ques
tions essentielles.
lo Question des îles. •
En ce qui concerne les îles, le grand-vizir
est très catégorique et en parfait accord avec
le reste du cabinet.
Il renonce à la Crète et aux petites îles
de l’Archipel éloignées de la côte d’Asie.
Par contre, il est résolu à ne pas céder les
grandes îles qui commandent cette côte.
Il est résolu pour deux raisons, l’une qui
est une raison de principe — laisser les pos
sessions d’Asie auxquelles ces îles se ratta
chent, en dehors de la négociation, — l’autre
qui est une raison de fait — l’impossibilité
de vivre avec sécurité en Asie si les îles de
viennent grecques.
Kiamil a dit aux ambassadeurs que, même
au point de vue financier, la Turquie d’Asie
serait vouée à la contrebande si les îles ces
saient d'être turques.
Il a d’autre part rappelé que certaines îles
sont dotées de statuts spéciaux que l’Europe
doit faire respecter.
Kiamil compte que la thèse turque sera
bien accueillie par les puissances. Il est en
revanche disposé aux concessions les plus
larges à la population des îles comme réfor
mes ou garanties.
2° Question d Andrinople..
En ce qui concerne Andrinople, le minis-
tère est divisé.
Kiamil, personnellement, croit qu’on peut
sauver Andrinople. Mais certains ministres
sont d’un autre avis.
Diverses combinaisons ont été envisagées.
La plus radicale consiste à couper Andrino-
pie en deux en prenant la Toundja pour
frontière. Il est probable que Rechid pacha a
reçu des instructions en conséquence.
En tout cas, c’est sur la question d’An
drinople que se manifeste le plus grand flot
tement.
3° Question d'Albanie.
Sur cette question, l’attitude de la Turquie
restera invariable. Elle s'en remettra aux
puissances et refusera de discuter soit avec
la Grèce à propos de Janina, soit avec la Ser
bie à propos de Prizrend, soit avec le Mon
ténégro à propos de Scuta ri.
En ce qui touche la suzeraineté turque sur
l’Albanie, on est assez sceptique et l’on y re
noncerait sans peine. .
On est convaincu que la Turquie n a qu a
laisser les puissances faire son jeu.
40 Orientation politique extérieure.
Kiamil et la majorité de l’opinion sont net
tement en faveur d’une orientation résolue
vers la Triple-Entente.
Il faut noter cependant que l’ambassadeur
d’Allemagne a une situation personnelle
très supérieure à celle de ses collègues. Il a
su donner même au grand-vizir l’impression
que l’Allemagne sert les intérêts turcs et
plaide à Londres la cause de la Turquie. Il
est utilement secondé par son collègue au
trichien .
go Situation politique intéiieure.
Le comité Union et Progrès est privé de
tous ses chefs. Mais ses cadres subsistent. Il
est tellement impopulaire qu’il ne pourrait
pas se manifester publiquement. Mais il est
le centre d’une sourde opposition que Af
grand-vizir ne peut pas ignorer.
D’autre part, il y a dans l’armée des élé
ments nettement réfractaires à la paix. Kia-
mil pacha est personnellement désireux ae
la conclure. Mais il sait que les tendances
contraires sont suffisamment organisées P
qu’il faille compter avec elles. sment
On croit généralement à un remani Tail-
ministériel assez proche qui laisseouverne.
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