Titre : Le Petit Havre : organe républicain, démocratique, socialiste ["puis" organe républicain démocratique "puis" bulletin d'informations locales]
Éditeur : [s.n.] (Havre)
Date d'édition : 1898-05-03
Contributeur : Fénoux, Hippolyte (1842-1913). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32836500g
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 03 mai 1898 03 mai 1898
Description : 1898/05/03 (A18,N6440). 1898/05/03 (A18,N6440).
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t526345723
Source : Bibliothèque municipale du Havre, PJ5
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 27/03/2023
18" Année — 6440 (C)
35, Rue Fontenelle, 35
HIAVRES
Au HAVRE. .
A PARIS..
S Centimes — ÉDITION DU MATIV — 5 Centimes
Mardi 5 Hai 1898
Administrateur-Délégué, Gérant
Rédacteur en Chef
ARNONGES
A EBONN E WEWTS
IPPOLYTE FENOUX
35, Rue Fontenelle, 35
IIAWRUN:
Bureau du JOURNAL, 112, bouF de Strasbourg.
L’AGENCE HAVAS, 34, rue Notre-Dame- des-
Victoires et 8, place de la Bourse, ou 7, rue
Feydeau, est seule chargée de recevoir les
Annonces pour le Journal.
Elections Législatives
DU 8 MAI 1898
Arrondissement du Havre
ire Circonscription
M. Auguste RISPAL
Député Sortant
2e Circonscription
M. Louis BRINDEAU
Député Sortant
3° Circonscription
M. ERNEST DELAUNAY
Député Sortant
Élections Législatives
ORGANE REPUBLICAIN
Adresse Télégraphique ! MURER - HAVEI
DEMOCRATIQUE
Téléphone : N° 760
Le PETIT Il A VUE est désigné pour la publication des 4 uaonces judiciaires et légales au Havre et dans V Arrondissement,
Nous devons faire remarquer avec
quelle modération de termes et avec
quelle justesse de vues M. Brindeau, an
cien maire du Havre, dévoué aux inté
rêts de son port, — qu’il a si brillam
ment défendus au Parlement, — parle
de la question du blé. Il annonce qu’il
ne votera pas d’aggravation de droits
sur les denrées alimentaires. « J estime
même », ajoute-t-il, « qu’aujourhiui, si
la hausse persiste, il deviendra nécessai
re, dans l’intérêt des ouvriers de nos
villes et de nos campagnes, de suspen
dre temporairement le droit de douane
sur les blés étrangers.»
Député sortant, M. Brindeau a jugé de
son devoir, depuis sa circulaire, de solli
citer de M. Méline, en présence de la
persistance de la hausse du prix du blé,
la suspension immédiate du droit. Mais
ce n’est pas lui qui aurait fait à un con
current républicain le coup du pain
cher. M. Brindeau ne demande son suc
cès qu’à des moyens loyaux.
3e Circonscription. — (Goderville t Bolbec,
Lillebonne, Fécamp.) — M. Delaunay, qui
recueillit, dans une lutte vigoureuse, la
succession de M. Desgenétais qui avait
ouvert la voie et succombait enseveli
dans le triomphe de la cause républi
caine, sera, selon toute vraisemblance,
élu sans concurrent. Il faut convenir
que la situation qu’il s’est faite à la
Chambre dans les questions agricoles
est bien propre à décourager des compé
titeurs qui voudraient s’appuyer sur les
populations des campagnes.
Sa circulaire a énuméré les mesures
Trois Mois
Six Mois
Un An
Le Havre, la Seine-Inférieure, l’Eure,
l’Oise et la Somma
Autres Départements
Un on
©
a o
Fr.
»
• Fr.
1 a 5o
»
On s'abonna également, SA‘13 FRAIS, dans tous les Sureaux de Postes de France.
Caa
Examinant la situation respective des can
didats de la Seine Inferieure, le Journal de
Rouen apprécie en ces termes les candidatu
res de l’arrondissement du Havre :
Circonscription. — M. Rispal, qui
recueillit si brillamment, l’année der
nière, la succession de M. Siegfried de
venu sénateur, sollicite des électeurs le
renouvellement de son mandat. En quel
ques mois, les 5,300 électeurs qui lui
donnaient leurs suffrages, ne vont pas se
déjuger.
Après avoir usé contre lui un de leurs
principaux champions, M. Acher, les ad
versaires de M. Rispal lui opposent,cette
fois, M. Denis Guillot. Cela ne changera
absolument rien au résultat final et les
radicaux-socialistes en seront pour un
second échec.
On verra avec plaisir rentrer au Parle
ment M. Rispal, qui s’y est créé déjà
d’autant plus d’amis qu’on a jugé à sa
juste valeur la tactique employée pour
retarder la validation. Le mot avait été
donné pour traîner les choses en lon-
gu -ur, afin qu’il ne pût pas signer cer
taines propositions en compagnie de ses
collègues, de minière à pouvoir dire
qu’il ne s’associait à rien.
Il suffit de dévoiler aux électeurs les
petites manœuvres de la politique, pour
qu’ils s’empressent de les condamner.
Nous applaudirons donc, le 8 mai, au
nouveau succès deM. Rispal. Il sera un
des membres les plus appréciés de la
députation républicaine de la Seine-Infé
rieure, et ne tardera pas à se faire une
place.
*
* *
2e Circonscription. — L’élection de M.
Brindeau, qui fut élu le 10 mars 1895, en
remplacement de M. Félix Faure, prési
dent de la République, parait devoir
être incontestée. Nous comptons, en effet,
pour mémoire. M. Laville qui, candidat
socialiste contre M. Rispal au mois de
novembre dernier, transporte aujour
d’hui ses affiches dans la circonscription
de M. Brindeau. M. Laville agit-il ainsi
pour laisser à M. Denis Guillot le béné
fice des 782 voix qu’il recueillit en 1897 ?
C’est fort probable ; il ne retrouvera
peut-être pas le même nombre de suf
frages dans son nouveau champ d’action
et c’est lui qui sera le perdant.
Très modeste et très sympathique, M.
Brindeau s’est fait connaître au Palais-
Bourbon parmi les députés les plus labo
rieux et les mieux doués. Il est, parmi
les jeunes, de ceux sur lesquels on
compte et qui ont un bel avenir devant
eux. Nous en sommes convaincus, pour
notre part et nous sommes heureux de
constater qu’il est appelé à continuer les
belles traditions des députés du Havre.
Sa profession de foi est un des modè
les du genre par la clarté et la franchise
avec lesquelles il aborde tous les points
essentiels actuellement en litige : impôt
global et progressif sur le revenu, révi
sion de la Constitution, maintien des
droits du Sénat, décentralisation admi
nistrative, réforme fiscale, etc. Il est,
comme M. Rispal, en absolue commu
nauté de vues avec le Comité Républicain
de la Seine-Inférieure dont le programme
rallie, dans la région, tant de candida
tures républicaines.
auxquelles il s’est associé et celles qu’il
a personnellement fait prévaloir. Lai
liste
en est longue et il n’est personne qui
puisse dire que M. Delaunay n’a pas par
faitement rempli sou mandat.
Plein de sollicitude pour les intérêts
des campagnes, M. Delaunay n’a pas ou
blié les ouvriers des villes. Depuis long
temps, son zèle éclairé pour les travail
leurs lui avait acquis les cordiales sym
pathies des habitants de Fécamp. C’est
là que s’est fondée sa situation politique,
de plus en plus forte, de plus en plus
solidement établie.
C’est de là qu’est partie sa réputation,
et, aujourd’hui, elle est aussi affermie
auprès des ouvriers de Bolbec et de Lil
lebonne qu’auprès de leurs camarades
de Fécamp.
Les trois députés du Havre marchent
d’accord pour la politique républicaine
de gouvernement.
A * • La ville
• Dans une lettre qu’il nous fait parve
nir, M. Laville émet la prétention de
nous obliger, en application de l’article
13 de la loi de 1881, à publier son ma
nifeste électoral.
Nous nous y refusons absolument, la
loi visée ne comportant aucunement
une pareille obligation. Si M. Laville
veut répondre aux critiques dont sa po-
litique a été l’objet dans nos colonnes,
la loi lui en donne le droit, dans une
mesure prévue, mais elle ne lui accorde
pas autre chose.
RÉUNION ANNONCÉE
1^ Circonscription
Une réunion publique, organisée par
M. Rispal, aura lieu au Théâtre-Cirque,
jeudi prochain, à huit heures trois quarts
du soir.
M. Méline vient d’adresser aux électeurs
de Remiremont sa profession de foi.
Après les avoir remercies de ta conflance
que, pendant vingt-sept années, ils lui ont
témoignée, M. Méline dit :
Si vous aviez été un de ces collèges
électoraux inconstants et versatiles qui
passent presque sans transition d’une
extrémité à l’autre, et qui éprouvent le
besoin de changer sans cesse d’hommes
et d’opinions, il est probable que j’aurais
perdu courage depuis longtemps et que
j’aurais renoncé à cette vie de luttes in
cessantes et de labeur accablant qui
s’impose aujourd’hui à tous ceux qui
consentent à accepter les lourds far
deaux et à affronter les grandes respon
sabilités du pouvoir.
Vous m’avez épargné ces décourage
ments et ces amertumes en vous serrant
de plus en plus autour de moi et en
redoublant de confiance au fur et à
mesure que je rencontrais sur ma route
des difficultés nouvelles et des devoirs
plus élevés.
Il est vrai que j’ai tout fait en man
dataire fidèle pour répondre à vos aspi-
rations et pour réaliser les grandes idées
qui ont toujours dominé dans l’esprit de
nos admirables populations de l’Est.
Il en est deux auxquelles elles tien
nent plus qu’à toutes les autres : elles
aiment le progrès et elles font passer la
| patrie avant tout ; mais elles ne confon
dent pas l’esprit de progrès et de réfor
me avec l’esprit de révolution ; elles ne
prennent pas des formules déclamatoi
res et vides pour des programmes.
Les prophètes du socialisme qui s’en
vont répétant qu’ils possèdent un secret
pour transformer la société en un ins
tant et supprimer tous les maux de l’hu
manité, ne leur font aucune illusion.
Elles me demandent pas à leurs repré
sentants des choses impossibles, elles
leur demandent seulement de faire tout
ce qui est possible pour améliorer sans
cesse la situation de ceux qui travaillent
et qui supportent le poids de la vie.
Ce qu’elles veulent aussi, c’est un
gouvernement ferme et assez fort pour
garantir l’ordre et la liberté, sachant
bien où il va et ne se laissant jamais en
traîner au delà des limites qu’il s’est tra
cées. Pour constituer un pareil gouver
nement, il faut le concours et l’union
de tous les bons citoyens ; un pays divi
sé contre lui-même, en proie à l’esprit
de parti, déchiré par les luttes politiques
ou religieuses, ne peut avoir qu’un gou
vernement faible et précaire.
Voilà pourquoi j’ai toujours combattu
la politique de secte et de haine qui
cherche à séparer les Français au lieu de
les rapprocher; pourquoi je m’attache
de plus en plus à la politique d’union et
d’apaisement.
La première est une politique de dé
cadence qui a toujours conduit à la rui
ne les peuples qui ont cédé à ses funes
tes inspirations ; l’autre est une politi
que de salut et de grandeur nationale ;
elle a porté toutes les nations qui l’ont
pratiquée au plus haut degré de force
et de puissance.
C’est cette politique que vous avez
vue à l’œuvre depuis deux ans et vous
avez pu la juger à ses fruits, Grâce à
elle, la France a repris de plus en plus
sa place et son rôle dans le monde; ap
puyée sur un allié fidèle et sûr, elle a
pu faire entendre sa voix dans les gran
des questions qui se sont posées sur
tous les points du globe et défendre ses
intérêts sans exposer sa sécurité.
L’Angleterre, on s’en souvient, fit, il
y a quelques mois, des avances très si
gnificatives à la France.
— Très bien, lui répondit-on, mais
d’abord, évacuez l’Égypte ; après, iloüs
causerons.
• L’Angleterre, qui n’aime pas à lâcher
ce qu’elle tient, n’insista pas. Et un
certain nombre d’hommes politiques
proclamèrent que la France avait com
mis une grande faute en laissant échap
per cette occasion de nouer une étroite
alliance avec notre voisine.
De ce nombre était l’honorable M, de
Lanessan, qui reprend aujourd’hui sa
campagne ; les bruits qui ont couru
d’une prochaine entente entre les Etats-
Unis et l’Angleterre lui en fournissent
le prétexte. Cette alliance, qu’il consi
dère comme probable, il en examine
les conséquences : à l’en croire, si les
deux nations s’unissent, cette union
peut coûter cher à la France.
A notre avis, ce n’est pas à la France,
mais à l’Angleterre qu’elle coûterait
cher, si cher qu’elle la ruinerait.
Et M de Lanessan le démontre lui-
même.
Pourquoi, en effet, d’après M. de La
nessan, l’Angleterre manifeste-t-elle
aujourd’hui d'aussi vives sympathies
pour les Elats-Unis ? D'abord parce
qu’elle commence à en avoir assez de
son « glorieux isolement » ; il lui pèse
et son action, en Extrême-Orient no
tamment, s’en trouve fortement gênée ;
longtemps elle y fut toute puissante,
mais l’installation de la Russie à Port-
Arthur etde l'Allemagne à Kiao-Tchéou
contrebalance aujourd'hui, en d’inquié-
tantes proportions, son influence, in
fluence qui reviendrait prépondérante,
l’Angleterre le croit du moins et peut-
être n’a-t-elle point tort, le jour où les
Etats-Unis appuieraient ses réclama
tions. Première raison pour s’unir aux
Etats-Unis.
Seconde raison, protéger ses colonies.
Ici nous citons M. de Lanessan :
« Il importe assez peu à l’Angleterre,
dont la politique fut toujours inspirée
ar un très habile égoïsme, que les
Etats-Unis appliquent la doctrine de
Monroë, tour a tour à l'Espagne, à la
France et aux territoires indépendants
de la mer des Antilles ou de l’Amérique
centrale, pourvu que ses propres colo
nies soient respectées. L'Angleterre
laissera les Etats-Unis s'emparer de
Cuba et de Porto-Rico sans protester ;
elle leur promettra même sa neutralité
pour le jour où il leur plaira d’exercer
es mêmes actes de piraterie sur Saint-
Domingue, puis sur nos Antilles, s’ils
s’engagent à ne toucher ni à sa Jamaï
que, ni à son Canada, ni à ses autres
colonies américaines. »
Donc, d’après M. de Lanessan, ce qui
permettrait aux Etats-Unis de s’empa
rer des colonies européennes en Amé
rique, c’est la neutralité de l’Angle
terre, neutralité qui privera les proprié
taires de ces colonies d’un appoint in
dispensable à leur défense.
Fort bien. Mais si l’Angleterre, à
son tour, ne peut plus compter sur les
puissances européennes pour l'aider à
protéger ses propres.colonies,y suffira-
t-elleà elle seule? M. de Lanessan pa
raît en douter, car mélancoliquement
il ajoute :
« L’Angleterre a bien quelques mo
tifs de penser qu’un jour viendra où
son bien sera convoité comme celui
des autres, mais elle se préoccupe d’a
bord de reculer autant que possible la
date de ce jour fatal. »
L’isolement condamne donc l’Angle
terre a être mangée à son tour. Or, cet
isolement, comment nos voisins ne se
rendent-ils point compte qu'ils le vont
créer irrévocable, irrémissible et sur
tout immédiat en s’unissant aux Etats-
Unis. L’alliance ne serait-elle point
faite contre l’Europe, et du jour où le
traité serait signé, tous les liens de so
lidarité qui les attachent à l’Europe ne
seraient-ils pas rompus ; les Anglais ne
demeureraient-ils pas seuls, absolu
ment seuls, réduits à leurs propres for
ces, s’il plaisait aux Etats-Unis de dé
noncer ce traité ?
Et cette dénonciation comment ne la
flairent-ils pas. à brève, très brève
échéance. Pensent-ils que les Améri
cains, peuple éminemment pratique,
iraient perdre leur temps et leur ar
gent à s’annexer des broutilles d’îlots,
Martinique, St-Thomas, Guadeloupe,
etc., au risque d'une guerre avec l'Eu-
ropè entière, qui, dépétrée de l'Angle-
terre, finirait bien par s’unir contre eux,
et laisserait l'Angleterre exploiter paisi
blement le Canada, la Jamaïque, la
Guyane dont ils pourraient s’emparer
sans plus et même à moindres risques
et moindres frais surtout ?'
Trop pratiques les Yankees polir
qu’on leur puisse prêter, sans candeur
ridicule, une attitude aussi chevale
resque. Non, dès que l’Angleterre se
serait exclue du concert européen, se
serait elle-même déclarée puissance
extra-européenne, les Américains lui
chercheraient une bonne querelle
d’Allemands, — les prétextes ne leur
manqueraient pas avec une nation
aussi chicanière, — et la pilleraient
tout d’abord.
Depuis quelques années. l’Angle
terre a fortement compromis sa réputa
tion d’habileté, mais de là à commettre
une aussi lourde faute...
Et pourtant, il se pourrait qu’elle
la commit. L’Angleterre a fait de l’é
goïsme, de l’égoïsme sans limites, le
dogme fondamental de sa politique ;
elle a pris pour règle son intérêt très
particulier, très étroit et très immédiat ,
Or, les égoïstes sont toujours de vue
courte ; ils n’hésitent jamais à pren
dre ce dont ils ont envie et à le garder,
qu’ils y aient droit ou non, sans tenir
compte des sympathies que cette prise
et ce maintien de possession leur aliè
ne, et des rancunes qu'ils attisent con
tre eux.
L’alliance avec les Etats-Unis a pour
les Anglais — un avantage immédiat :
elle leur permettra, ils le croient du
du moins, de reconquérir en Extrême-
Orient la prépondérance que les puis
sances européennes commencent à leur
disputer.
Elle présente ce danger de les isoler
irréparablement en Europe, de les met-
tre à la discrétion des Etats-Unis. Mais
ce danger leur apparaît lointain.
S’ils obéissent à leur tempérament
— nous parlons de la nation bien en
tendu et non des individus — entre
le bénéfice comptant et les risques à
terme, ils se détermineront pour le bé
néfice à encaisser tout de suite, con
fiants en leur chance et la rouerie de
leurs diplomates pour échapper aux
risques, rouler l’Europe et obtenir son
appui quand il leur sera nécessaire.
En quoi nous est avis que l’Angle
terre aurait tort. Car l’Europe ne se
laissera pas duper.La nécessité apparaît,
en effet, de plus en plus évidente et
urgente d’une coalition du Vieux-
Monde contre le Nouveau, qui — l’a
gression des Etats-Unis contre l'Espa
gne le démontre — menace de lutter,
non seulement à coups de tarifs, mais
à coups de canon. Or, l’obstacle à
cette coalition est l’Angleterre, qui
détraque invariablement le concert eu
ropéen quand il essaye de se consti
tuer.
Et si les Etats-Unis rendaient à l’Eu
rope le service d’étriller cette em-
brouilleuse de cartes, cette éternelle
artisane de discordes, il est à croire
que l’Europe ne se mettrait pas en tra
vers, mais au contraire,) 7 aiderait.Ainsi
soit-il.
IL N ad al.
LA GUERRE
ispano - Américaine
LLe Combat naval de Manille
Les dépêches reçues dans la journée
d’hier ne laissent plus aucun doute : les
Espagnols ont été battus, leur escadre
est détruite et Manille à la veille d’être
bombardée.
D’abord les télégrammes espagnols :
Les bureaux de la marine, à Manille,
communiquent le rapport officiel sui
vant :
« Au milieu de la nuit, l’escadre amé
ricaine réussit à forcer le port avant le
point du jour, et se présenta devant Ca
vité, sur une ligue composée de huit na
vires.
» A sept heures et demie, la proue du
Reina-Cristina prit feu. Peu après, la
poupe brûlant aussi, je me transporte
avec l’état-major sur VÏsla-de-Cuba.
» A huit heures, le Reina-Cristina et le
CctsülUi étaient complètement incendiés.
» D’autres navires ayant subi des dé-
gâts, se retirèrent dans la baie de Bac-
cor, et il fallut en couler quelques-uns
pour éviter qu’ils tombent au pouvoir
de l’ennemi.
» Les pertes subies sont nombreuses,
notamment celle du capitaine de navire
Cabarto, un aumônier et neuf autres
personnes.
» Signé : Amiral MONTOJO. »
Une autre dépêché dit :
« L’escadre américaine a dû se retirer
avec de grandes pertes et a pris la direc
tion de Bah®, en se plaçant derrière des
bâtiments marchands étrangers ».
Il résulte des dépêches complémentai
res reçues au ministère de la marine,
que du côté des Espagnols^ la défense a
été acharnée et glorieuse.
L’échec subi est dû seulement à la su
périorité numérique de l’ennemi.
Les Américains n’ont pu faire aucune
prise, l’amiral Montejo ayant donné l’or-
dre de couler tous les vaisseaux que
leurs avaries mettaient dans l’impossibi-
lité de suivre l’escadre dans la baie de
Baracoa.
En exécution de cet ordre, trois navi-
res, dont les noms n’ont pas encore été
communiqués, ont été coulés.
Les survivants de leurs équipages ont
été répartis sur les autres vaisseaux de
l’escadre.
La nouvelle de l’échec de la flotte a
causé une profonde émotion dans toute
la Péninsule, mais cette nouvelle n’a
fait qu’exciter les sentiments patrioti
ques de la nation tout entière.
Le Liberal publie la dépêche suivante
de Manil le :
« L’amiral Montojo dit que la perte de
l’escadre est complète.
» L’équipage du vapeur Minganao est
sauvé.
» Le consul d’Angleterre a conféré
avec le commandant en chef de l’esca-
dre américaine.On ignore l’objet de cette
conférence.
» L’ennemi a pris position en face de
Manille, établissant le blocus.
» La population abandonne la ville
dans la crainte d’un bombardement pro
chain. »
Une nouvelle dépêche de l’amiral
Montojo confirme la nouvelle du com
bat de Cavité, au cours duquel deux na
vires espagnols ont été incendiés et plu
sieurs autres avariés ou coulés.
Elle confirme également la mort du
capitaine du RAna-Cristina, d’un aumô
nier et de plusieurs officiers.
Les dépêches officielles de Manille di
sent que les Américains ont fait preuve
d’un grand entrain, en s’avançant jus
que dans le port intérieur qui était pro
tégé par une ceinture de mines sous-
marines et de torpilles.
Les pertes des Espagnols sont recon
nues comme très sérieuses.
Maintenant, les télégrammes de source
américaine :
Selon les dernières nouvelles, après
les deux combats et le bombardement
de Cavité, l’escadre américaine alla se
placer à l’autre extrémité de la baie, en
face de Manille, dont la population a ga
gné les campagnes, redoutant le bom
bardement. Le consul général d’Angle
terre à Manille a eu une conférence avec
l’amiral Dewey qui bloque Manille, et
lui aurait, dit-on, au nom du corps con
sulaire, fait des représentations contre
le bombardement.
Les bâtiments de guerre anglais, fran
çais, allemands sont sur rade de Ma
nille, ainsi que de nombreux bâtiments
de commerce étrangers et des colonies
étrangères qui ont des intérêts et des
établissements importants dans la capi
tale des Philippines. Aucun bâtiment de
guerre espagnol ne se rendit. La plupart
préférèrent se faire sauter ou se laisser
couler. Deux commandants sont morts
en se défendant jusqu’au dernier mo
ment.
La flotte américaine est entrée dans la
baie, dimanche. A cinq heures du ma
tin, lorsqu’elle est arrivée à l’ancrage de
Cavité, les forts ont ouvert le feu à lon
gue portée ainsi que la flotte espagnole
ancrée à Cavité.
L’escadre américaine s’est alors rap
prochée et a commencé une terrible ca
nonnade qui a duré une demi-heure, au
bout de laquelle elle s’est retirée hors
de portée. La petite artillerie espagnole
a continué le feu. Les Américains se
sont alors rapprochés de nouveau, et
après vingt minutes d’un tir rapide et
incessant de leur grosse artillerie, la
flotte espagnole a été détruite. Trois de
ses navires étaient en feu, un autre a
coulé et le reste a été réduit au silence
ainsi que les forts.
Le combat a duré une heure et demie.
Les Espagnols se sont battus bravement
contre des forces supérieures. Les morts
sont probablement nombreux de leur
côté. Los Américains paraissent n’avoir
pas éprouvé pertes.
Les Espagnols refusent de se rendre
et on s’attend au bombardement de Ma
nille pour aujourd’hui.
AUX ETATS-UNIS
Les nouvelles de Manille ont été re
çues avec un grand enthousiasme. Les
rues sont envahies par la foule. Le
président, les ministres et les fonction
naires expriment une grande satisfac
tion, mais ils se refusent à tout com
mentaire.
Au département de la marine, on
considère cet événement comme de na
ture à amener promptement la fin de
la guerre sans un nouveau combat na
val important.
*
* *
Un télégremme spécial de Washing
ton porte que le Comité de stratégie na
vale du ministère de la marine examine
actuellement une proposition tendant à
envoyer une escadre aux Canaries.
A CUA
Une dépêche adressée du camp de
Maximo Gomez au Journal de New-York,
annonce qu’un lieutenant américain est
arrivé au camp dans la huit du 28 avril
avec des instructions du général Miles à
Maximo Gomez, invitant ce dernier à en
voyer l’armée cubaine à un point don
né où elle pourra se joindre aux trou
pes équipées par les Etats-Unis.
On croit que le lieu du rendez-vous
est situé sur la côte septentrionale.
Les premières opérations seront pro
bablement dirigées sur Matanzas.On croit
que le maréchal Blanco n’osera pas
affaiblir la défense de la Havane en en
voyant du renfort dans cette ville.
Dès que Matanzas sera pris on en fera
une base d'opérations contre la Havane
dont l’investissement aura lieu ensuite.
Bombardement de MHanille
Le gouvernement des Etats-Unis vient
d’infoi mer les ambassadeurs étrangers
à Washington, que Manille allait être
bombardée par l’escadre américaine.
EN ESPAGNE
Toute la presse reflète le désappointe-
ment et la tristesse profonde causés par
les nouvelles des Philippines et con-
Veillé le sang-froid, le calme et l’union
à tous les Espagnols pour résister aux
revers dont on saura se relever si on
reste tranquille et uni pour seconder les
efforts de l’armée, de la marine et du
gouvernement.
La majorité de la presse blâme la
tentative de démonstration populaire
hostile au Cabinet et favorable au géné-
ral Weyier que tentèrent, dimanche
soir, des groupes bien connus, qui s’é
taient déjà signalés dans de précédentes
démonstrations.
Les manifestants allèrent sous les fe
nêtres du général Weyler, puis devant
la maison de M. Sagasta, où le préfet
leur intima l'ordre de se disperser et,
après trois sommations, les agents de
police firent quelques arrestations, dis
persèrent les groupes qui purent se
former de nouveau rue de Séville, où le
préfet les harangua en leur assurant
que si l’ordre était troublé, le capitaine-
général de Madrid les mettrait vite à la
raison. Le gouvernement est résolu à ne
tolérer aucune démonstration politique
ni aucune perturbation sous un pré
texte patriotique.
=== =”================ = ==
Feuilleton du PETIT HAVRE 23
I«s E PAUVRES
Par Charles MÉROUVEL
THÉRÈSE MONTARON
DEUXIÈME PARTIE
Sans Père
M. Krug n’avait rien épargné pour
la mettre au courant de ce qu’elle avait
à craindre ou de ce qu’elle pouvait es
pérer. , , . .
Il lui avait décrit, avec la précision
d’un dessinateur et des mots typiques,
le Paris dévorant où ils étaient venus
s’échouer tous les deux.
De plus, il l’avait confiée quelques
jours à son ami Escoubère et c’était
pour le Gascon, dans son désespoir
qu’il essayait de cacher aux indiffé
rents, une distraction de promener à
travers les rues cette jeune fille vers
laquelle tous ceux qui l’approchaient
se sentaient entraînés, tant on la devi
nait plus malheureuse que coupable,
bonne, vaillante et dévouée !
Jusqu’à Mme Guignard, la concier
ge, qui l’avait prise en amitié des le
premier jour!
En outre, le Suisse avait commence
l’éducation de sa protégée au point de
vue du dessin et de la peinture.
Les ébauches de la jeune fille déno
taient une sûreté de main, une adresse
naturelle, une ingéniosité d’esprit dont
on pouvait tout attendre.
— C’est le paysage qui vous convien
drait, disait-il, mais c’est un long ap
prentissage à faire !
Et le pauvre homme ajoutait avec le
profond découragement dont il était
souvent envahi :
— Regardez-moi ! Vingt-cinq ans
d’études bientôt ! Et à quoi suis-je ar
rivé ! A rien !... Au néant !
Pourtant il avait couru le monde, vi
sité l’Italie, cette terre patrimoniale du
génie de la peinture, Munich, Vienne !
Il était allé partout !
Il aurait presque pu ajouter qu’au
cun procédé ne lui était inconnu, qu’il
avait tout vu, tout approfondi, qu’il sa
vait en un mot tout ce qu’on peut sa
voir.
Et il n’avait pas de quoi se payer
seulement un atelier, pas de comman
des, pas de réputation, pas de nom !
Devant une de ses toiles, les ama
teurs et les experts auraient haussé les
épaules en disant :
— Krug ?... Qu’est-ce que c’est que
ça !
Du quai Malaquais, les longues ga
leries du Louvre apparurent de l’autre
côté de la Seine.
Thérèse n’y était pas encore entrée.
Quelques jours sont sitôt passés!
Elle avait été tout occupée de son em
ménagement, de cette vie si nouvelle
pour elle et dont tout l’étonnait.
Bientôt l’élève et le professeur arri
vèrent dans la cour du Carrousel.
— Ouvrez de grands yeux! dit le
Suisse.
Ils entrèrent.
Les salles basses aux voûtes surbais
sées ne la frappèrent que par leur im
mensité.
Les statues de bronze ou de marbre
qui habitent ces caveaux, les sarcopha
ges aux bas-reliefs antiques, le Lao-
coon, l’Ariane du Vatican, les mosaï
ques, les débris des œuvres exhumées
dans les fouilles des villes disparues,
si magnifiques qu’ils soient, laissent en
général les imaginations froides.
Mais, le vestibule des gravures et
des photographies passé, en pénétrant
dans le Salon carré, Thérèse s’arrêta,
écrasée par la magnificence des chefs-
d’œuvre qui l’entouraient.
Certainement, dans son pensionnat
de Gien, dans sa masure de la Brèche-
au-Loup, elle n’avait rêvé rien de pa
reil.
Elle éprouvait un éblouissement de
vant tant de richesses, une confusion
aussi.
A quoi bon essayer de crayonner mi
sérablement d’inutiles essais en pré
sence de telles merveilles ?
— C’est beau, n’est-ce pas ? demanda
Krug.
Elle murmura, accablée :
— Oui, c’est beau !... C’est trop
beau !
— Venez, ordonna le peintre.
Et il l’entraîna à sa suite, hypnoti
sée, hébétée par le spectacle superbe
qu’elle avait sous les yeux.
A l’intérieur du Musée, on aurait pu
croire que le voile de brouillards qui
enveloppait Paris s’était déchiré tout à
coup.
Une lumière dorée tombait des voû
tes sur les - toiles miraculeuses où
brille la gloire des grands artistes du
passé.
Et, devant chacun d’eux, Krug, en
quelques mots nets et précis, définis
sait leur caractère et leur supériorité.
Le Corrège, un charme divin, la lu
mière éblouissante, la grâce incar
née !...
Raphaël, la perfection inimitable de
la ligne ; le Titien, la puissance du co
loris et de la conception ; Rubens, dont
le nom éclate comme un arc-en-ciel
de couleurs, la décoration grandiose !
Et il lui montrait les élèves, les jeu
nes, essayant d’imiter l’un ou l'autre
des maîtres et s'acharnant à les copier,
à surprendre les procédés à l’aide des
quels ils ont créé ces œuvres destinées
à vivre tant que le monde sera monde,
à moins qu’un cataclysme de la nature
ou une invasion de barbares, de la race
jaune, par exemple, fondant comme
une avalanche avec ses centaines de
millions d'hommes sur la vieille Euro
pe, ne les ensevelisse sous des mon
ceaux de ruines, comme tant d’autres
civilisations, ou ne les réduise en cen
dres dans un gigantesque incendie.
Et peu à peu, Thérèse, revenue de
sa première surprise, s’habituait à la
vue de cet atelier établi dans un pa
lais ...
Elle s’arrêtait avec intérêt devant les
chevalets où s'étalaient les copies com
mencées, et, au bout d’un instant, après
en avoir examiné un certain nombre,
les unes informes encore, d’autres plus
avancées ou touchant à leur fin, elle dit
à son maître :
— il me semble que, moi aussi, je
pourrais...
Mais très timidement.
En effet, c’était une idée qui pouvait
lui venir.
Quelle différence entre ces copies et
les chefs-d'œuvres quelles essayaient
de reproduire !
Et le bon Krug lui dit doucement :
— Oui, oui, nous essaierons, mais
pas encore... Il faut travailler d’abord,
longtemps !
Il y avait surtout là des femmes dont
la présence étonnait Thérèse autant que
ce qu’elles faisaient.
Quelques-unes étaient jeunes, mais
c’était l’exception.
La plupart étaient hors d’âge ; deux
ou trois arrivaient aux dernières limi
tes de la décrépitude. Elles étaient
presque misérablement vêtues.
Presque toutes copiaient des Saintes
Familles, desVierges, celle de Murillo,
par exemple, l’Assomption qui trône au
milieu d’un des panneaux du Salon
carré, à la place d’honneur.
— C’est pour les églises, dit Krug.
J’en connais qui ne font pas autre chose.
Elles gagnent tout juste de quoi ne pas
mourir de faim.
Et c’était vraiment effrayant.
Elles avaient du talent !
— Est-il donc si difficile d’arriver ?
demanda la jeune fille avec terreur.
Krug se contenta de jeter aux sculp-
turcs de la voûte un regard consterné.
Mais alors que deviendrait-elle ?
* *
D’après le correspondant du Journal à
Washington, le département d’Etat a été
informé que les restes du Maine ont été
détruits par les autorités espagnoles.
On croit que cette mesure a été prise
pour empêcher que les Américains ne
puissent opérer le relèvement du Maine,
dans le cas où ils s’empareraient de La
Havane.
* *
Environ 100 hommes de cavalerie pos
tés sur une colline à l’Est de Cabanas,
ont engagé une fusillade contre le croi
seur New-York, qui a répondu à coups
de canon. La cavalerie, dispersée, s’est
reformée à deux milles plus loin. Le
New-York, retournant à La Havane, a
tiré de nouveau. Un des projectiles est
tombé au centre du groupe et a tué plu
sieurs cavaliers.
L’envoi du corps de débarquement à
Cuba sera peut-être ajourné en raison
de l’incertitude des mouvements de l’es
cadre de l’amiral Sampson qui, si les Es
pagnols tentaient d’intercepter VOregon,
venant des mers du Sud, pourrait se
joindre à l’escadre volante pour aller au-
'devant de ce cuirassé et le protéger.
LES NEUTRES
Le Vénézuéla a publié sa déclaration
de neutralité dans la guerre hispano-
américaine.
Service particulier du Petit Havre
CENDRES NOIRES
Les Haïtiens ont réclamé au gouverne
ment français les cendres de leur grand
homme, Toussaint Louverture, et nous
n’avons aucune raison pour les leur re
fuser. Les restes de ce noir fameux al
laient donc être expédiés de Bordeaux;
où ils se trouvent, en Haïti, quand a
éclaté la guerre hispano-américaine. On
a décidé d’attendre des temps plus cal
mes pour leur faire faire ce voyage.
Ce n’est pas que, à bien l’examiner, le
« grand homme » haïtien ait été de tous
peints irréprochable vis-à-vis de ses
frères noirs. Il ne se gêna point pour en
faire massacrer un bon nombre, au mi
lieu de ses luttes contre son rival Ri-
gaud. Il n'eut pas toujours non plus une
conduite absolument nette, et. maître
du pouvoir, il lui arriva d’être piusdur
pour les nègres que ne l’avaient celtai-
nement éléles blancs.
Au reste, entre parenthèses, de notre
temps, on a vu les noirs de la Républi
que de Libéria, composée d’anciens es
claves, rétablis à peu près l’esclavage
pour les indigènes du coin de terre où
ils s’étaient installés.
Toussaint Louverture fut, au fond, un
ambitieux encore barbare, malgré ses
déclarations philanthropiques et ch: r-
chant son intérêt selon les circonstan
ces. Ce héros de l’indépendance haïlien-
=========================== == =========== ============== ==================== ==========
Jusque-là elle avait conservé un va
gue espoir.
Cette visite au Louvre la renver
sait.
Dans un autre Salon très grandiose,
plus moderne, celui des artistes morts
depuis quelques années, Troyom Rous
seau, Corot, Courbet,, Fromentin et
d’autres, le spectacle était moins na
vrant.
Ce n'étaient plus des copistes de
Saintes Familles et de tableaux reli
gieux qu’on y rencontrait.
Des jeunes filles du monde, sous la
garde de femmes de chambres ou d’ins-
tutrices, s’amusaient à copier des Corot
et d’autres paysages, ce qui semble plus
facile à cause de la forme indécise des
arbres, des eaux nébuleuses, des ciels
à demi confondus avec les lointains
vaporeux.
Et ces artistes amateurs étaient agréa-
bles à regarder.
Elles avaient des mises spéciales très
affriolantes, des tabliers à bavette en
soie multicolore. et des gants.
Et, rien qu’à les voir, avec leurs
jupes fraîches comme l’aurore et leurs
souliers immaculés, on devinait qu'un
équipage les attendait à la sortie, et
que ces copies quelles ébauchaient in
dolemment n’étaient pour elles qu’un
sport, comme la bicyclette ou le cheval,
quelles venaient au Louvre par genre,
comme elles vont glisser au cercle des
Patineurs quand la glace est prise.
A la fin, après avoir parcouru en
quelques instants toutes les salles, Thé
rèse passait dans celle du dix-huitième
siècle, entre les portraits de la reine
Marie Leczinska, l'un de Drouais, l’au ¬
tre de Toché, deux chefs-d'œuvre, lors
que son cicérone lui dit :
— Allons, assez de temps perdu,
venez.
Et il la ramena au Salon carré.
Devant le célèbre tableau du Gior-
gione, le Concert champêtre, une copie
à peu près achevée était posée sur un
chevalet.
La jeune fille s’arrêta, extasiée.
— Eh bien, lui demanda Krug
jouissant de sa surprise, qu'en dites-
vous ?
Elle demeura muette.
On aurait pu échanger le tableau et
la copie sans que le conservateur du
Louvre lui-même s'aperçut de la subs
titution.
C’était une similitude achevée.
La forme, l'expression. les moindres
détails, la ligne, le coloris, tout était
saisissant.
— Oh ! maître ! s’écria Thérèse.
Ce fut tout ce qu’elle put dire.
— Est-ce passable ?
— Admirable !
— Eh bien, ma chère enfant, dit-il
avec un accès de colère, à mon âge, un
tel travail est déshonorant ! Je ne m’y
resigne qu’à contre-cœur, afin de ga
gner du pain pour ma femme et ma
fille ! Savez-vous ce que cette copie me
sera payée ?... Quelques louis, et je
n'ose vous en dire le compte, car j’en
rougis ! Moi qui, comme les anciens,
voudrais avoir des murs à couvrir de
fresques, un palais à décorer, des por
traits de princes à exécuter ! Et je suis
aussi inconnu que si j’habitais une île
déserte, plus pauvre que la plupart des
35, Rue Fontenelle, 35
HIAVRES
Au HAVRE. .
A PARIS..
S Centimes — ÉDITION DU MATIV — 5 Centimes
Mardi 5 Hai 1898
Administrateur-Délégué, Gérant
Rédacteur en Chef
ARNONGES
A EBONN E WEWTS
IPPOLYTE FENOUX
35, Rue Fontenelle, 35
IIAWRUN:
Bureau du JOURNAL, 112, bouF de Strasbourg.
L’AGENCE HAVAS, 34, rue Notre-Dame- des-
Victoires et 8, place de la Bourse, ou 7, rue
Feydeau, est seule chargée de recevoir les
Annonces pour le Journal.
Elections Législatives
DU 8 MAI 1898
Arrondissement du Havre
ire Circonscription
M. Auguste RISPAL
Député Sortant
2e Circonscription
M. Louis BRINDEAU
Député Sortant
3° Circonscription
M. ERNEST DELAUNAY
Député Sortant
Élections Législatives
ORGANE REPUBLICAIN
Adresse Télégraphique ! MURER - HAVEI
DEMOCRATIQUE
Téléphone : N° 760
Le PETIT Il A VUE est désigné pour la publication des 4 uaonces judiciaires et légales au Havre et dans V Arrondissement,
Nous devons faire remarquer avec
quelle modération de termes et avec
quelle justesse de vues M. Brindeau, an
cien maire du Havre, dévoué aux inté
rêts de son port, — qu’il a si brillam
ment défendus au Parlement, — parle
de la question du blé. Il annonce qu’il
ne votera pas d’aggravation de droits
sur les denrées alimentaires. « J estime
même », ajoute-t-il, « qu’aujourhiui, si
la hausse persiste, il deviendra nécessai
re, dans l’intérêt des ouvriers de nos
villes et de nos campagnes, de suspen
dre temporairement le droit de douane
sur les blés étrangers.»
Député sortant, M. Brindeau a jugé de
son devoir, depuis sa circulaire, de solli
citer de M. Méline, en présence de la
persistance de la hausse du prix du blé,
la suspension immédiate du droit. Mais
ce n’est pas lui qui aurait fait à un con
current républicain le coup du pain
cher. M. Brindeau ne demande son suc
cès qu’à des moyens loyaux.
3e Circonscription. — (Goderville t Bolbec,
Lillebonne, Fécamp.) — M. Delaunay, qui
recueillit, dans une lutte vigoureuse, la
succession de M. Desgenétais qui avait
ouvert la voie et succombait enseveli
dans le triomphe de la cause républi
caine, sera, selon toute vraisemblance,
élu sans concurrent. Il faut convenir
que la situation qu’il s’est faite à la
Chambre dans les questions agricoles
est bien propre à décourager des compé
titeurs qui voudraient s’appuyer sur les
populations des campagnes.
Sa circulaire a énuméré les mesures
Trois Mois
Six Mois
Un An
Le Havre, la Seine-Inférieure, l’Eure,
l’Oise et la Somma
Autres Départements
Un on
©
a o
Fr.
»
• Fr.
1 a 5o
»
On s'abonna également, SA‘13 FRAIS, dans tous les Sureaux de Postes de France.
Caa
Examinant la situation respective des can
didats de la Seine Inferieure, le Journal de
Rouen apprécie en ces termes les candidatu
res de l’arrondissement du Havre :
Circonscription. — M. Rispal, qui
recueillit si brillamment, l’année der
nière, la succession de M. Siegfried de
venu sénateur, sollicite des électeurs le
renouvellement de son mandat. En quel
ques mois, les 5,300 électeurs qui lui
donnaient leurs suffrages, ne vont pas se
déjuger.
Après avoir usé contre lui un de leurs
principaux champions, M. Acher, les ad
versaires de M. Rispal lui opposent,cette
fois, M. Denis Guillot. Cela ne changera
absolument rien au résultat final et les
radicaux-socialistes en seront pour un
second échec.
On verra avec plaisir rentrer au Parle
ment M. Rispal, qui s’y est créé déjà
d’autant plus d’amis qu’on a jugé à sa
juste valeur la tactique employée pour
retarder la validation. Le mot avait été
donné pour traîner les choses en lon-
gu -ur, afin qu’il ne pût pas signer cer
taines propositions en compagnie de ses
collègues, de minière à pouvoir dire
qu’il ne s’associait à rien.
Il suffit de dévoiler aux électeurs les
petites manœuvres de la politique, pour
qu’ils s’empressent de les condamner.
Nous applaudirons donc, le 8 mai, au
nouveau succès deM. Rispal. Il sera un
des membres les plus appréciés de la
députation républicaine de la Seine-Infé
rieure, et ne tardera pas à se faire une
place.
*
* *
2e Circonscription. — L’élection de M.
Brindeau, qui fut élu le 10 mars 1895, en
remplacement de M. Félix Faure, prési
dent de la République, parait devoir
être incontestée. Nous comptons, en effet,
pour mémoire. M. Laville qui, candidat
socialiste contre M. Rispal au mois de
novembre dernier, transporte aujour
d’hui ses affiches dans la circonscription
de M. Brindeau. M. Laville agit-il ainsi
pour laisser à M. Denis Guillot le béné
fice des 782 voix qu’il recueillit en 1897 ?
C’est fort probable ; il ne retrouvera
peut-être pas le même nombre de suf
frages dans son nouveau champ d’action
et c’est lui qui sera le perdant.
Très modeste et très sympathique, M.
Brindeau s’est fait connaître au Palais-
Bourbon parmi les députés les plus labo
rieux et les mieux doués. Il est, parmi
les jeunes, de ceux sur lesquels on
compte et qui ont un bel avenir devant
eux. Nous en sommes convaincus, pour
notre part et nous sommes heureux de
constater qu’il est appelé à continuer les
belles traditions des députés du Havre.
Sa profession de foi est un des modè
les du genre par la clarté et la franchise
avec lesquelles il aborde tous les points
essentiels actuellement en litige : impôt
global et progressif sur le revenu, révi
sion de la Constitution, maintien des
droits du Sénat, décentralisation admi
nistrative, réforme fiscale, etc. Il est,
comme M. Rispal, en absolue commu
nauté de vues avec le Comité Républicain
de la Seine-Inférieure dont le programme
rallie, dans la région, tant de candida
tures républicaines.
auxquelles il s’est associé et celles qu’il
a personnellement fait prévaloir. Lai
liste
en est longue et il n’est personne qui
puisse dire que M. Delaunay n’a pas par
faitement rempli sou mandat.
Plein de sollicitude pour les intérêts
des campagnes, M. Delaunay n’a pas ou
blié les ouvriers des villes. Depuis long
temps, son zèle éclairé pour les travail
leurs lui avait acquis les cordiales sym
pathies des habitants de Fécamp. C’est
là que s’est fondée sa situation politique,
de plus en plus forte, de plus en plus
solidement établie.
C’est de là qu’est partie sa réputation,
et, aujourd’hui, elle est aussi affermie
auprès des ouvriers de Bolbec et de Lil
lebonne qu’auprès de leurs camarades
de Fécamp.
Les trois députés du Havre marchent
d’accord pour la politique républicaine
de gouvernement.
A * • La ville
• Dans une lettre qu’il nous fait parve
nir, M. Laville émet la prétention de
nous obliger, en application de l’article
13 de la loi de 1881, à publier son ma
nifeste électoral.
Nous nous y refusons absolument, la
loi visée ne comportant aucunement
une pareille obligation. Si M. Laville
veut répondre aux critiques dont sa po-
litique a été l’objet dans nos colonnes,
la loi lui en donne le droit, dans une
mesure prévue, mais elle ne lui accorde
pas autre chose.
RÉUNION ANNONCÉE
1^ Circonscription
Une réunion publique, organisée par
M. Rispal, aura lieu au Théâtre-Cirque,
jeudi prochain, à huit heures trois quarts
du soir.
M. Méline vient d’adresser aux électeurs
de Remiremont sa profession de foi.
Après les avoir remercies de ta conflance
que, pendant vingt-sept années, ils lui ont
témoignée, M. Méline dit :
Si vous aviez été un de ces collèges
électoraux inconstants et versatiles qui
passent presque sans transition d’une
extrémité à l’autre, et qui éprouvent le
besoin de changer sans cesse d’hommes
et d’opinions, il est probable que j’aurais
perdu courage depuis longtemps et que
j’aurais renoncé à cette vie de luttes in
cessantes et de labeur accablant qui
s’impose aujourd’hui à tous ceux qui
consentent à accepter les lourds far
deaux et à affronter les grandes respon
sabilités du pouvoir.
Vous m’avez épargné ces décourage
ments et ces amertumes en vous serrant
de plus en plus autour de moi et en
redoublant de confiance au fur et à
mesure que je rencontrais sur ma route
des difficultés nouvelles et des devoirs
plus élevés.
Il est vrai que j’ai tout fait en man
dataire fidèle pour répondre à vos aspi-
rations et pour réaliser les grandes idées
qui ont toujours dominé dans l’esprit de
nos admirables populations de l’Est.
Il en est deux auxquelles elles tien
nent plus qu’à toutes les autres : elles
aiment le progrès et elles font passer la
| patrie avant tout ; mais elles ne confon
dent pas l’esprit de progrès et de réfor
me avec l’esprit de révolution ; elles ne
prennent pas des formules déclamatoi
res et vides pour des programmes.
Les prophètes du socialisme qui s’en
vont répétant qu’ils possèdent un secret
pour transformer la société en un ins
tant et supprimer tous les maux de l’hu
manité, ne leur font aucune illusion.
Elles me demandent pas à leurs repré
sentants des choses impossibles, elles
leur demandent seulement de faire tout
ce qui est possible pour améliorer sans
cesse la situation de ceux qui travaillent
et qui supportent le poids de la vie.
Ce qu’elles veulent aussi, c’est un
gouvernement ferme et assez fort pour
garantir l’ordre et la liberté, sachant
bien où il va et ne se laissant jamais en
traîner au delà des limites qu’il s’est tra
cées. Pour constituer un pareil gouver
nement, il faut le concours et l’union
de tous les bons citoyens ; un pays divi
sé contre lui-même, en proie à l’esprit
de parti, déchiré par les luttes politiques
ou religieuses, ne peut avoir qu’un gou
vernement faible et précaire.
Voilà pourquoi j’ai toujours combattu
la politique de secte et de haine qui
cherche à séparer les Français au lieu de
les rapprocher; pourquoi je m’attache
de plus en plus à la politique d’union et
d’apaisement.
La première est une politique de dé
cadence qui a toujours conduit à la rui
ne les peuples qui ont cédé à ses funes
tes inspirations ; l’autre est une politi
que de salut et de grandeur nationale ;
elle a porté toutes les nations qui l’ont
pratiquée au plus haut degré de force
et de puissance.
C’est cette politique que vous avez
vue à l’œuvre depuis deux ans et vous
avez pu la juger à ses fruits, Grâce à
elle, la France a repris de plus en plus
sa place et son rôle dans le monde; ap
puyée sur un allié fidèle et sûr, elle a
pu faire entendre sa voix dans les gran
des questions qui se sont posées sur
tous les points du globe et défendre ses
intérêts sans exposer sa sécurité.
L’Angleterre, on s’en souvient, fit, il
y a quelques mois, des avances très si
gnificatives à la France.
— Très bien, lui répondit-on, mais
d’abord, évacuez l’Égypte ; après, iloüs
causerons.
• L’Angleterre, qui n’aime pas à lâcher
ce qu’elle tient, n’insista pas. Et un
certain nombre d’hommes politiques
proclamèrent que la France avait com
mis une grande faute en laissant échap
per cette occasion de nouer une étroite
alliance avec notre voisine.
De ce nombre était l’honorable M, de
Lanessan, qui reprend aujourd’hui sa
campagne ; les bruits qui ont couru
d’une prochaine entente entre les Etats-
Unis et l’Angleterre lui en fournissent
le prétexte. Cette alliance, qu’il consi
dère comme probable, il en examine
les conséquences : à l’en croire, si les
deux nations s’unissent, cette union
peut coûter cher à la France.
A notre avis, ce n’est pas à la France,
mais à l’Angleterre qu’elle coûterait
cher, si cher qu’elle la ruinerait.
Et M de Lanessan le démontre lui-
même.
Pourquoi, en effet, d’après M. de La
nessan, l’Angleterre manifeste-t-elle
aujourd’hui d'aussi vives sympathies
pour les Elats-Unis ? D'abord parce
qu’elle commence à en avoir assez de
son « glorieux isolement » ; il lui pèse
et son action, en Extrême-Orient no
tamment, s’en trouve fortement gênée ;
longtemps elle y fut toute puissante,
mais l’installation de la Russie à Port-
Arthur etde l'Allemagne à Kiao-Tchéou
contrebalance aujourd'hui, en d’inquié-
tantes proportions, son influence, in
fluence qui reviendrait prépondérante,
l’Angleterre le croit du moins et peut-
être n’a-t-elle point tort, le jour où les
Etats-Unis appuieraient ses réclama
tions. Première raison pour s’unir aux
Etats-Unis.
Seconde raison, protéger ses colonies.
Ici nous citons M. de Lanessan :
« Il importe assez peu à l’Angleterre,
dont la politique fut toujours inspirée
ar un très habile égoïsme, que les
Etats-Unis appliquent la doctrine de
Monroë, tour a tour à l'Espagne, à la
France et aux territoires indépendants
de la mer des Antilles ou de l’Amérique
centrale, pourvu que ses propres colo
nies soient respectées. L'Angleterre
laissera les Etats-Unis s'emparer de
Cuba et de Porto-Rico sans protester ;
elle leur promettra même sa neutralité
pour le jour où il leur plaira d’exercer
es mêmes actes de piraterie sur Saint-
Domingue, puis sur nos Antilles, s’ils
s’engagent à ne toucher ni à sa Jamaï
que, ni à son Canada, ni à ses autres
colonies américaines. »
Donc, d’après M. de Lanessan, ce qui
permettrait aux Etats-Unis de s’empa
rer des colonies européennes en Amé
rique, c’est la neutralité de l’Angle
terre, neutralité qui privera les proprié
taires de ces colonies d’un appoint in
dispensable à leur défense.
Fort bien. Mais si l’Angleterre, à
son tour, ne peut plus compter sur les
puissances européennes pour l'aider à
protéger ses propres.colonies,y suffira-
t-elleà elle seule? M. de Lanessan pa
raît en douter, car mélancoliquement
il ajoute :
« L’Angleterre a bien quelques mo
tifs de penser qu’un jour viendra où
son bien sera convoité comme celui
des autres, mais elle se préoccupe d’a
bord de reculer autant que possible la
date de ce jour fatal. »
L’isolement condamne donc l’Angle
terre a être mangée à son tour. Or, cet
isolement, comment nos voisins ne se
rendent-ils point compte qu'ils le vont
créer irrévocable, irrémissible et sur
tout immédiat en s’unissant aux Etats-
Unis. L’alliance ne serait-elle point
faite contre l’Europe, et du jour où le
traité serait signé, tous les liens de so
lidarité qui les attachent à l’Europe ne
seraient-ils pas rompus ; les Anglais ne
demeureraient-ils pas seuls, absolu
ment seuls, réduits à leurs propres for
ces, s’il plaisait aux Etats-Unis de dé
noncer ce traité ?
Et cette dénonciation comment ne la
flairent-ils pas. à brève, très brève
échéance. Pensent-ils que les Améri
cains, peuple éminemment pratique,
iraient perdre leur temps et leur ar
gent à s’annexer des broutilles d’îlots,
Martinique, St-Thomas, Guadeloupe,
etc., au risque d'une guerre avec l'Eu-
ropè entière, qui, dépétrée de l'Angle-
terre, finirait bien par s’unir contre eux,
et laisserait l'Angleterre exploiter paisi
blement le Canada, la Jamaïque, la
Guyane dont ils pourraient s’emparer
sans plus et même à moindres risques
et moindres frais surtout ?'
Trop pratiques les Yankees polir
qu’on leur puisse prêter, sans candeur
ridicule, une attitude aussi chevale
resque. Non, dès que l’Angleterre se
serait exclue du concert européen, se
serait elle-même déclarée puissance
extra-européenne, les Américains lui
chercheraient une bonne querelle
d’Allemands, — les prétextes ne leur
manqueraient pas avec une nation
aussi chicanière, — et la pilleraient
tout d’abord.
Depuis quelques années. l’Angle
terre a fortement compromis sa réputa
tion d’habileté, mais de là à commettre
une aussi lourde faute...
Et pourtant, il se pourrait qu’elle
la commit. L’Angleterre a fait de l’é
goïsme, de l’égoïsme sans limites, le
dogme fondamental de sa politique ;
elle a pris pour règle son intérêt très
particulier, très étroit et très immédiat ,
Or, les égoïstes sont toujours de vue
courte ; ils n’hésitent jamais à pren
dre ce dont ils ont envie et à le garder,
qu’ils y aient droit ou non, sans tenir
compte des sympathies que cette prise
et ce maintien de possession leur aliè
ne, et des rancunes qu'ils attisent con
tre eux.
L’alliance avec les Etats-Unis a pour
les Anglais — un avantage immédiat :
elle leur permettra, ils le croient du
du moins, de reconquérir en Extrême-
Orient la prépondérance que les puis
sances européennes commencent à leur
disputer.
Elle présente ce danger de les isoler
irréparablement en Europe, de les met-
tre à la discrétion des Etats-Unis. Mais
ce danger leur apparaît lointain.
S’ils obéissent à leur tempérament
— nous parlons de la nation bien en
tendu et non des individus — entre
le bénéfice comptant et les risques à
terme, ils se détermineront pour le bé
néfice à encaisser tout de suite, con
fiants en leur chance et la rouerie de
leurs diplomates pour échapper aux
risques, rouler l’Europe et obtenir son
appui quand il leur sera nécessaire.
En quoi nous est avis que l’Angle
terre aurait tort. Car l’Europe ne se
laissera pas duper.La nécessité apparaît,
en effet, de plus en plus évidente et
urgente d’une coalition du Vieux-
Monde contre le Nouveau, qui — l’a
gression des Etats-Unis contre l'Espa
gne le démontre — menace de lutter,
non seulement à coups de tarifs, mais
à coups de canon. Or, l’obstacle à
cette coalition est l’Angleterre, qui
détraque invariablement le concert eu
ropéen quand il essaye de se consti
tuer.
Et si les Etats-Unis rendaient à l’Eu
rope le service d’étriller cette em-
brouilleuse de cartes, cette éternelle
artisane de discordes, il est à croire
que l’Europe ne se mettrait pas en tra
vers, mais au contraire,) 7 aiderait.Ainsi
soit-il.
IL N ad al.
LA GUERRE
ispano - Américaine
LLe Combat naval de Manille
Les dépêches reçues dans la journée
d’hier ne laissent plus aucun doute : les
Espagnols ont été battus, leur escadre
est détruite et Manille à la veille d’être
bombardée.
D’abord les télégrammes espagnols :
Les bureaux de la marine, à Manille,
communiquent le rapport officiel sui
vant :
« Au milieu de la nuit, l’escadre amé
ricaine réussit à forcer le port avant le
point du jour, et se présenta devant Ca
vité, sur une ligue composée de huit na
vires.
» A sept heures et demie, la proue du
Reina-Cristina prit feu. Peu après, la
poupe brûlant aussi, je me transporte
avec l’état-major sur VÏsla-de-Cuba.
» A huit heures, le Reina-Cristina et le
CctsülUi étaient complètement incendiés.
» D’autres navires ayant subi des dé-
gâts, se retirèrent dans la baie de Bac-
cor, et il fallut en couler quelques-uns
pour éviter qu’ils tombent au pouvoir
de l’ennemi.
» Les pertes subies sont nombreuses,
notamment celle du capitaine de navire
Cabarto, un aumônier et neuf autres
personnes.
» Signé : Amiral MONTOJO. »
Une autre dépêché dit :
« L’escadre américaine a dû se retirer
avec de grandes pertes et a pris la direc
tion de Bah®, en se plaçant derrière des
bâtiments marchands étrangers ».
Il résulte des dépêches complémentai
res reçues au ministère de la marine,
que du côté des Espagnols^ la défense a
été acharnée et glorieuse.
L’échec subi est dû seulement à la su
périorité numérique de l’ennemi.
Les Américains n’ont pu faire aucune
prise, l’amiral Montejo ayant donné l’or-
dre de couler tous les vaisseaux que
leurs avaries mettaient dans l’impossibi-
lité de suivre l’escadre dans la baie de
Baracoa.
En exécution de cet ordre, trois navi-
res, dont les noms n’ont pas encore été
communiqués, ont été coulés.
Les survivants de leurs équipages ont
été répartis sur les autres vaisseaux de
l’escadre.
La nouvelle de l’échec de la flotte a
causé une profonde émotion dans toute
la Péninsule, mais cette nouvelle n’a
fait qu’exciter les sentiments patrioti
ques de la nation tout entière.
Le Liberal publie la dépêche suivante
de Manil le :
« L’amiral Montojo dit que la perte de
l’escadre est complète.
» L’équipage du vapeur Minganao est
sauvé.
» Le consul d’Angleterre a conféré
avec le commandant en chef de l’esca-
dre américaine.On ignore l’objet de cette
conférence.
» L’ennemi a pris position en face de
Manille, établissant le blocus.
» La population abandonne la ville
dans la crainte d’un bombardement pro
chain. »
Une nouvelle dépêche de l’amiral
Montojo confirme la nouvelle du com
bat de Cavité, au cours duquel deux na
vires espagnols ont été incendiés et plu
sieurs autres avariés ou coulés.
Elle confirme également la mort du
capitaine du RAna-Cristina, d’un aumô
nier et de plusieurs officiers.
Les dépêches officielles de Manille di
sent que les Américains ont fait preuve
d’un grand entrain, en s’avançant jus
que dans le port intérieur qui était pro
tégé par une ceinture de mines sous-
marines et de torpilles.
Les pertes des Espagnols sont recon
nues comme très sérieuses.
Maintenant, les télégrammes de source
américaine :
Selon les dernières nouvelles, après
les deux combats et le bombardement
de Cavité, l’escadre américaine alla se
placer à l’autre extrémité de la baie, en
face de Manille, dont la population a ga
gné les campagnes, redoutant le bom
bardement. Le consul général d’Angle
terre à Manille a eu une conférence avec
l’amiral Dewey qui bloque Manille, et
lui aurait, dit-on, au nom du corps con
sulaire, fait des représentations contre
le bombardement.
Les bâtiments de guerre anglais, fran
çais, allemands sont sur rade de Ma
nille, ainsi que de nombreux bâtiments
de commerce étrangers et des colonies
étrangères qui ont des intérêts et des
établissements importants dans la capi
tale des Philippines. Aucun bâtiment de
guerre espagnol ne se rendit. La plupart
préférèrent se faire sauter ou se laisser
couler. Deux commandants sont morts
en se défendant jusqu’au dernier mo
ment.
La flotte américaine est entrée dans la
baie, dimanche. A cinq heures du ma
tin, lorsqu’elle est arrivée à l’ancrage de
Cavité, les forts ont ouvert le feu à lon
gue portée ainsi que la flotte espagnole
ancrée à Cavité.
L’escadre américaine s’est alors rap
prochée et a commencé une terrible ca
nonnade qui a duré une demi-heure, au
bout de laquelle elle s’est retirée hors
de portée. La petite artillerie espagnole
a continué le feu. Les Américains se
sont alors rapprochés de nouveau, et
après vingt minutes d’un tir rapide et
incessant de leur grosse artillerie, la
flotte espagnole a été détruite. Trois de
ses navires étaient en feu, un autre a
coulé et le reste a été réduit au silence
ainsi que les forts.
Le combat a duré une heure et demie.
Les Espagnols se sont battus bravement
contre des forces supérieures. Les morts
sont probablement nombreux de leur
côté. Los Américains paraissent n’avoir
pas éprouvé pertes.
Les Espagnols refusent de se rendre
et on s’attend au bombardement de Ma
nille pour aujourd’hui.
AUX ETATS-UNIS
Les nouvelles de Manille ont été re
çues avec un grand enthousiasme. Les
rues sont envahies par la foule. Le
président, les ministres et les fonction
naires expriment une grande satisfac
tion, mais ils se refusent à tout com
mentaire.
Au département de la marine, on
considère cet événement comme de na
ture à amener promptement la fin de
la guerre sans un nouveau combat na
val important.
*
* *
Un télégremme spécial de Washing
ton porte que le Comité de stratégie na
vale du ministère de la marine examine
actuellement une proposition tendant à
envoyer une escadre aux Canaries.
A CUA
Une dépêche adressée du camp de
Maximo Gomez au Journal de New-York,
annonce qu’un lieutenant américain est
arrivé au camp dans la huit du 28 avril
avec des instructions du général Miles à
Maximo Gomez, invitant ce dernier à en
voyer l’armée cubaine à un point don
né où elle pourra se joindre aux trou
pes équipées par les Etats-Unis.
On croit que le lieu du rendez-vous
est situé sur la côte septentrionale.
Les premières opérations seront pro
bablement dirigées sur Matanzas.On croit
que le maréchal Blanco n’osera pas
affaiblir la défense de la Havane en en
voyant du renfort dans cette ville.
Dès que Matanzas sera pris on en fera
une base d'opérations contre la Havane
dont l’investissement aura lieu ensuite.
Bombardement de MHanille
Le gouvernement des Etats-Unis vient
d’infoi mer les ambassadeurs étrangers
à Washington, que Manille allait être
bombardée par l’escadre américaine.
EN ESPAGNE
Toute la presse reflète le désappointe-
ment et la tristesse profonde causés par
les nouvelles des Philippines et con-
Veillé le sang-froid, le calme et l’union
à tous les Espagnols pour résister aux
revers dont on saura se relever si on
reste tranquille et uni pour seconder les
efforts de l’armée, de la marine et du
gouvernement.
La majorité de la presse blâme la
tentative de démonstration populaire
hostile au Cabinet et favorable au géné-
ral Weyier que tentèrent, dimanche
soir, des groupes bien connus, qui s’é
taient déjà signalés dans de précédentes
démonstrations.
Les manifestants allèrent sous les fe
nêtres du général Weyler, puis devant
la maison de M. Sagasta, où le préfet
leur intima l'ordre de se disperser et,
après trois sommations, les agents de
police firent quelques arrestations, dis
persèrent les groupes qui purent se
former de nouveau rue de Séville, où le
préfet les harangua en leur assurant
que si l’ordre était troublé, le capitaine-
général de Madrid les mettrait vite à la
raison. Le gouvernement est résolu à ne
tolérer aucune démonstration politique
ni aucune perturbation sous un pré
texte patriotique.
=== =”================ = ==
Feuilleton du PETIT HAVRE 23
I«s E PAUVRES
Par Charles MÉROUVEL
THÉRÈSE MONTARON
DEUXIÈME PARTIE
Sans Père
M. Krug n’avait rien épargné pour
la mettre au courant de ce qu’elle avait
à craindre ou de ce qu’elle pouvait es
pérer. , , . .
Il lui avait décrit, avec la précision
d’un dessinateur et des mots typiques,
le Paris dévorant où ils étaient venus
s’échouer tous les deux.
De plus, il l’avait confiée quelques
jours à son ami Escoubère et c’était
pour le Gascon, dans son désespoir
qu’il essayait de cacher aux indiffé
rents, une distraction de promener à
travers les rues cette jeune fille vers
laquelle tous ceux qui l’approchaient
se sentaient entraînés, tant on la devi
nait plus malheureuse que coupable,
bonne, vaillante et dévouée !
Jusqu’à Mme Guignard, la concier
ge, qui l’avait prise en amitié des le
premier jour!
En outre, le Suisse avait commence
l’éducation de sa protégée au point de
vue du dessin et de la peinture.
Les ébauches de la jeune fille déno
taient une sûreté de main, une adresse
naturelle, une ingéniosité d’esprit dont
on pouvait tout attendre.
— C’est le paysage qui vous convien
drait, disait-il, mais c’est un long ap
prentissage à faire !
Et le pauvre homme ajoutait avec le
profond découragement dont il était
souvent envahi :
— Regardez-moi ! Vingt-cinq ans
d’études bientôt ! Et à quoi suis-je ar
rivé ! A rien !... Au néant !
Pourtant il avait couru le monde, vi
sité l’Italie, cette terre patrimoniale du
génie de la peinture, Munich, Vienne !
Il était allé partout !
Il aurait presque pu ajouter qu’au
cun procédé ne lui était inconnu, qu’il
avait tout vu, tout approfondi, qu’il sa
vait en un mot tout ce qu’on peut sa
voir.
Et il n’avait pas de quoi se payer
seulement un atelier, pas de comman
des, pas de réputation, pas de nom !
Devant une de ses toiles, les ama
teurs et les experts auraient haussé les
épaules en disant :
— Krug ?... Qu’est-ce que c’est que
ça !
Du quai Malaquais, les longues ga
leries du Louvre apparurent de l’autre
côté de la Seine.
Thérèse n’y était pas encore entrée.
Quelques jours sont sitôt passés!
Elle avait été tout occupée de son em
ménagement, de cette vie si nouvelle
pour elle et dont tout l’étonnait.
Bientôt l’élève et le professeur arri
vèrent dans la cour du Carrousel.
— Ouvrez de grands yeux! dit le
Suisse.
Ils entrèrent.
Les salles basses aux voûtes surbais
sées ne la frappèrent que par leur im
mensité.
Les statues de bronze ou de marbre
qui habitent ces caveaux, les sarcopha
ges aux bas-reliefs antiques, le Lao-
coon, l’Ariane du Vatican, les mosaï
ques, les débris des œuvres exhumées
dans les fouilles des villes disparues,
si magnifiques qu’ils soient, laissent en
général les imaginations froides.
Mais, le vestibule des gravures et
des photographies passé, en pénétrant
dans le Salon carré, Thérèse s’arrêta,
écrasée par la magnificence des chefs-
d’œuvre qui l’entouraient.
Certainement, dans son pensionnat
de Gien, dans sa masure de la Brèche-
au-Loup, elle n’avait rêvé rien de pa
reil.
Elle éprouvait un éblouissement de
vant tant de richesses, une confusion
aussi.
A quoi bon essayer de crayonner mi
sérablement d’inutiles essais en pré
sence de telles merveilles ?
— C’est beau, n’est-ce pas ? demanda
Krug.
Elle murmura, accablée :
— Oui, c’est beau !... C’est trop
beau !
— Venez, ordonna le peintre.
Et il l’entraîna à sa suite, hypnoti
sée, hébétée par le spectacle superbe
qu’elle avait sous les yeux.
A l’intérieur du Musée, on aurait pu
croire que le voile de brouillards qui
enveloppait Paris s’était déchiré tout à
coup.
Une lumière dorée tombait des voû
tes sur les - toiles miraculeuses où
brille la gloire des grands artistes du
passé.
Et, devant chacun d’eux, Krug, en
quelques mots nets et précis, définis
sait leur caractère et leur supériorité.
Le Corrège, un charme divin, la lu
mière éblouissante, la grâce incar
née !...
Raphaël, la perfection inimitable de
la ligne ; le Titien, la puissance du co
loris et de la conception ; Rubens, dont
le nom éclate comme un arc-en-ciel
de couleurs, la décoration grandiose !
Et il lui montrait les élèves, les jeu
nes, essayant d’imiter l’un ou l'autre
des maîtres et s'acharnant à les copier,
à surprendre les procédés à l’aide des
quels ils ont créé ces œuvres destinées
à vivre tant que le monde sera monde,
à moins qu’un cataclysme de la nature
ou une invasion de barbares, de la race
jaune, par exemple, fondant comme
une avalanche avec ses centaines de
millions d'hommes sur la vieille Euro
pe, ne les ensevelisse sous des mon
ceaux de ruines, comme tant d’autres
civilisations, ou ne les réduise en cen
dres dans un gigantesque incendie.
Et peu à peu, Thérèse, revenue de
sa première surprise, s’habituait à la
vue de cet atelier établi dans un pa
lais ...
Elle s’arrêtait avec intérêt devant les
chevalets où s'étalaient les copies com
mencées, et, au bout d’un instant, après
en avoir examiné un certain nombre,
les unes informes encore, d’autres plus
avancées ou touchant à leur fin, elle dit
à son maître :
— il me semble que, moi aussi, je
pourrais...
Mais très timidement.
En effet, c’était une idée qui pouvait
lui venir.
Quelle différence entre ces copies et
les chefs-d'œuvres quelles essayaient
de reproduire !
Et le bon Krug lui dit doucement :
— Oui, oui, nous essaierons, mais
pas encore... Il faut travailler d’abord,
longtemps !
Il y avait surtout là des femmes dont
la présence étonnait Thérèse autant que
ce qu’elles faisaient.
Quelques-unes étaient jeunes, mais
c’était l’exception.
La plupart étaient hors d’âge ; deux
ou trois arrivaient aux dernières limi
tes de la décrépitude. Elles étaient
presque misérablement vêtues.
Presque toutes copiaient des Saintes
Familles, desVierges, celle de Murillo,
par exemple, l’Assomption qui trône au
milieu d’un des panneaux du Salon
carré, à la place d’honneur.
— C’est pour les églises, dit Krug.
J’en connais qui ne font pas autre chose.
Elles gagnent tout juste de quoi ne pas
mourir de faim.
Et c’était vraiment effrayant.
Elles avaient du talent !
— Est-il donc si difficile d’arriver ?
demanda la jeune fille avec terreur.
Krug se contenta de jeter aux sculp-
turcs de la voûte un regard consterné.
Mais alors que deviendrait-elle ?
* *
D’après le correspondant du Journal à
Washington, le département d’Etat a été
informé que les restes du Maine ont été
détruits par les autorités espagnoles.
On croit que cette mesure a été prise
pour empêcher que les Américains ne
puissent opérer le relèvement du Maine,
dans le cas où ils s’empareraient de La
Havane.
* *
Environ 100 hommes de cavalerie pos
tés sur une colline à l’Est de Cabanas,
ont engagé une fusillade contre le croi
seur New-York, qui a répondu à coups
de canon. La cavalerie, dispersée, s’est
reformée à deux milles plus loin. Le
New-York, retournant à La Havane, a
tiré de nouveau. Un des projectiles est
tombé au centre du groupe et a tué plu
sieurs cavaliers.
L’envoi du corps de débarquement à
Cuba sera peut-être ajourné en raison
de l’incertitude des mouvements de l’es
cadre de l’amiral Sampson qui, si les Es
pagnols tentaient d’intercepter VOregon,
venant des mers du Sud, pourrait se
joindre à l’escadre volante pour aller au-
'devant de ce cuirassé et le protéger.
LES NEUTRES
Le Vénézuéla a publié sa déclaration
de neutralité dans la guerre hispano-
américaine.
Service particulier du Petit Havre
CENDRES NOIRES
Les Haïtiens ont réclamé au gouverne
ment français les cendres de leur grand
homme, Toussaint Louverture, et nous
n’avons aucune raison pour les leur re
fuser. Les restes de ce noir fameux al
laient donc être expédiés de Bordeaux;
où ils se trouvent, en Haïti, quand a
éclaté la guerre hispano-américaine. On
a décidé d’attendre des temps plus cal
mes pour leur faire faire ce voyage.
Ce n’est pas que, à bien l’examiner, le
« grand homme » haïtien ait été de tous
peints irréprochable vis-à-vis de ses
frères noirs. Il ne se gêna point pour en
faire massacrer un bon nombre, au mi
lieu de ses luttes contre son rival Ri-
gaud. Il n'eut pas toujours non plus une
conduite absolument nette, et. maître
du pouvoir, il lui arriva d’être piusdur
pour les nègres que ne l’avaient celtai-
nement éléles blancs.
Au reste, entre parenthèses, de notre
temps, on a vu les noirs de la Républi
que de Libéria, composée d’anciens es
claves, rétablis à peu près l’esclavage
pour les indigènes du coin de terre où
ils s’étaient installés.
Toussaint Louverture fut, au fond, un
ambitieux encore barbare, malgré ses
déclarations philanthropiques et ch: r-
chant son intérêt selon les circonstan
ces. Ce héros de l’indépendance haïlien-
=========================== == =========== ============== ==================== ==========
Jusque-là elle avait conservé un va
gue espoir.
Cette visite au Louvre la renver
sait.
Dans un autre Salon très grandiose,
plus moderne, celui des artistes morts
depuis quelques années, Troyom Rous
seau, Corot, Courbet,, Fromentin et
d’autres, le spectacle était moins na
vrant.
Ce n'étaient plus des copistes de
Saintes Familles et de tableaux reli
gieux qu’on y rencontrait.
Des jeunes filles du monde, sous la
garde de femmes de chambres ou d’ins-
tutrices, s’amusaient à copier des Corot
et d’autres paysages, ce qui semble plus
facile à cause de la forme indécise des
arbres, des eaux nébuleuses, des ciels
à demi confondus avec les lointains
vaporeux.
Et ces artistes amateurs étaient agréa-
bles à regarder.
Elles avaient des mises spéciales très
affriolantes, des tabliers à bavette en
soie multicolore. et des gants.
Et, rien qu’à les voir, avec leurs
jupes fraîches comme l’aurore et leurs
souliers immaculés, on devinait qu'un
équipage les attendait à la sortie, et
que ces copies quelles ébauchaient in
dolemment n’étaient pour elles qu’un
sport, comme la bicyclette ou le cheval,
quelles venaient au Louvre par genre,
comme elles vont glisser au cercle des
Patineurs quand la glace est prise.
A la fin, après avoir parcouru en
quelques instants toutes les salles, Thé
rèse passait dans celle du dix-huitième
siècle, entre les portraits de la reine
Marie Leczinska, l'un de Drouais, l’au ¬
tre de Toché, deux chefs-d'œuvre, lors
que son cicérone lui dit :
— Allons, assez de temps perdu,
venez.
Et il la ramena au Salon carré.
Devant le célèbre tableau du Gior-
gione, le Concert champêtre, une copie
à peu près achevée était posée sur un
chevalet.
La jeune fille s’arrêta, extasiée.
— Eh bien, lui demanda Krug
jouissant de sa surprise, qu'en dites-
vous ?
Elle demeura muette.
On aurait pu échanger le tableau et
la copie sans que le conservateur du
Louvre lui-même s'aperçut de la subs
titution.
C’était une similitude achevée.
La forme, l'expression. les moindres
détails, la ligne, le coloris, tout était
saisissant.
— Oh ! maître ! s’écria Thérèse.
Ce fut tout ce qu’elle put dire.
— Est-ce passable ?
— Admirable !
— Eh bien, ma chère enfant, dit-il
avec un accès de colère, à mon âge, un
tel travail est déshonorant ! Je ne m’y
resigne qu’à contre-cœur, afin de ga
gner du pain pour ma femme et ma
fille ! Savez-vous ce que cette copie me
sera payée ?... Quelques louis, et je
n'ose vous en dire le compte, car j’en
rougis ! Moi qui, comme les anciens,
voudrais avoir des murs à couvrir de
fresques, un palais à décorer, des por
traits de princes à exécuter ! Et je suis
aussi inconnu que si j’habitais une île
déserte, plus pauvre que la plupart des
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 86.14%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 86.14%.
- Auteurs similaires Fénoux Hippolyte Fénoux Hippolyte /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Fénoux Hippolyte" or dc.contributor adj "Fénoux Hippolyte")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bd6t526345723/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bd6t526345723/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bd6t526345723/f1.image
- Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bd6t526345723
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://nutrisco-patrimoine.lehavre.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bd6t526345723